Non
au projet
d’aéroport international
en Andorre
Un projet d’aéroport pour touristes aisés à 10 kilomètres d’un parc naturel est un non-sens et une atteinte à l’environnement. Pourquoi ne pas moderniser les lignes de chemins de fer existantes ? Des responsables politiques et des associations interpellent le chef du gouvernement andorran et les coprinces d’Andorre, dont Emmanuel Macron.
C'est dans les Pyrénées que la chambre des commerces d'Andorre veut construire un aéroport. (Federico Gambarini/AFP) |
Tribune par Claude Benet, ancien ministre andorran du Commerce, du Tourisme et de l’Industrie, Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness France, David Berrué, porte-parole du groupe Europe écologie-les Verts (EE-LV) Pyrénées catalanes et Marcel Ricordeau, co-président du Comité écologique ariégeois (CEA)
En Andorre, on aime les farces. Il y a quelques hivers, on apprenait l’importation, sur le territoire de la principauté, de neige fraîche russe. Via des camions frigorifiques, bien sûr. Pour pallier le manque d’enneigement, évidemment. De nombreux médias étaient tombés dans le panneau : c’était le jour de la fête des Innocents, le 1er avril andorran.
Mais l’annonce, le 16 mars, de la construction d’un aéroport international, à 10 km du parc naturel régional des Pyrénées catalanes, n’a rien d’une plaisanterie. C’est très sérieusement que la chambre de commerce andorrane l’envisage. A près de 2 000 mètres d’altitude. Avec l’ambition affichée d’attirer des clientèles «haut de gamme» en provenance de Russie, d’Asie ou du Moyen-Orient.
La montagne en parc d’attractions ?
Comme s’il y avait un sens à faire dépendre l’économie touristique du transport aérien, dont l’actuelle pandémie a montré la vulnérabilité. Comme si l’avion était un moyen de déplacement anodin, alors que le dérèglement climatique est en tête des préoccupations. Comme si, à l’heure de l’effondrement de la biodiversité et de la raréfaction des espaces naturels, c’était le moment de continuer à transformer la montagne en parc d’attractions – et d’y rajouter des nuisances aériennes.
_________________
Quel sera l’impact sonore du passage d’avions dans ces vallées, en partie classées par l’Unesco ? La viabilité économique du dispositif repose sur des prévisions de trafic d’au moins mille passagers par jour, un demi-million par an : sérieusement ? Comment, par ailleurs, demander aux citoyens de faire des efforts pour moins dépendre de la voiture individuelle, investir dans la rénovation énergétique de leur logement, avoir un mode de vie plus sobre, etc. pendant que l’empreinte carbone des nantis s’envole sans qu’on ne leur demande de comptes ?
Autant de questions sans réponse – mais ce n’est pas parce qu’un projet est délirant qu’il a peu de chances d’aboutir. Il y a, malheureusement, des précédents.
On nous reprochera de stigmatiser les populations aisées et ceux qui comptent profiter de leurs largesses, on nous dira peut-être que tout cela ne nous regarde pas. Mais les atteintes à l’environnement ne sont-elles pas notre affaire à toutes et tous, tout comme les modèles économiques climaticides et socialement injustes ?
En attente de confirmation
Les Andorrans et les Pyrénées andorranes méritent mieux que ce projet d’aéroport. Des lignes de train existent en Ariège, dans les Pyrénées-orientales, en Catalogne : elles peuvent et doivent être sanctuarisées, modernisées, de façon à permettre un accès durable à la principauté ainsi qu’aux vallées qui l’entourent. Voilà qui serait un choix plus adapté aux évolutions à venir de ces territoires de montagne et du tourisme en montagne en particulier. Un tourisme qui sera un tourisme de proximité, plus lent, plus doux, intéressant une population peut-être moins fortunée, mais au comportement moins destructeur de la planète que cette élite richissime fantasmée par des aménageurs inconséquents, cramponnés à des modèles du passé.
C’est pourquoi nous appelons à soutenir les associations, personnalités, citoyens andorrans mobilisés contre ce projet d’infrastructure aéroportuaire.
Nous serions heureux, dans ce contexte, d’avoir la confirmation par monsieur Xavier Espot Zamora, chef du gouvernement andorran, qu’il s’opposera à la réalisation de cet aéroport. Et privilégiera soit l’adaptation de l’actuel aérodrome de La Seu d’Urgell soit des solutions ferroviaires.
Nous serions également intéressés par l’avis de Joan-Enric Vives i Sicília, évêque d’Urgell, coprince épiscopal d’Andorre, dont l’autorité morale nous semble devoir utilement participer au débat. Nous l’espérons inspiré de la lettre encyclique « Laudato Si » du pape François. «Alors que nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter», n’est-il pas temps de prendre soin de la Terre, «notre sœur» ?
Enfin, alors qu’en France des élections approchent, que tout bon candidat se proclame écologiste et attaché à la justice sociale, nous souhaiterions que les responsables politiques se prononcent sur ce sujet.
Nous en appelons tout particulièrement à monsieur Emmanuel Macron, coprince d’Andorre. Après que vous avez prononcé un «non» définitif à celui de Notre-Dame-des-Landes, exprimerez-vous un «non» préventif à ce nouveau projet d’aéroport ? Alors que la France a la responsabilité de l’espace aérien andorran, vous engagez-vous à ne pas y autoriser le trafic que cet aéroport risque de générer ?
La question dépasse peut-être vos prérogatives de coprince. Nous espérons toutefois que votre point de vue puisse peser, quand votre silence vaudrait quitus pour un de ces grands projets que les terriens ne peuvent plus se permettre.
Les auteurs de la tribune invitent à soutenir la mobilisation via ce lien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire