Pompili et Le Drian
foutent la zone nucléaire
EDF est en faillite et fourgue des réacteurs EPR un peu partout. Le projet indien Jaitapur vient d'être relancé par une visite de la ministre Barbara Pompili, suivie de Jean-Yves Le Drian. Derrière le rêve de la plus grande centrale nucléaire du monde, un sac de nœuds rempli de folie.
Ah quels petits cachottiers ! En janvier 2021, la ministre de l’Écologie Barbara Pompili se rend en Inde. Pendant cinq jours. Et s’y fait épingler par Survival International pour y avoir cautionné une réserve naturelle où l’on tire à vue sur les hommes. Son agenda ne prévoyait pas de discussion sur le nucléaire, mais, comme elle est ministre d’État et exerce la tutelle d’EDF, la question des centrales EPR de Jaitapur a fatalement été évoquée.
Il y a moins de quinze jours, c’est Jean-Yves Le Drian qui était en Inde à son tour. Le ministre des Affaires étrangères, peu glorieux VRP du nucléaire made in France, semble y avoir débloqué ce fort lourd dossier, en panne depuis 2009. Résumé express : cette année-là, le groupe public Areva – devenu Orano – propose à l’entreprise du nucléaire indien, Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL), un projet qui n’est alors pas précisé. Fin 2010, on apprend qu’il s’agirait de construire six réacteurs de nouvelle génération dits EPR sur un plateau du village de Jaitapur, qui domine la mer d’Oman, au centre-ouest.
À ce moment-là, l’affaire est entre les mains d’Anne Lauvergeon, patronne d’Areva soutenue par le président Sarkozy. Mais Areva sombre dans des emmerdements financiers sans précédent, et, du côté indien, aucune décision n’intervient, d’autant que la catastrophe de Fukushima en mars 2011 démontre une fois de plus la fragilité de cette industrie.
Pendant dix ans, tous nos gouvernants, à commencer par Hollande, puis Macron et déjà Le Drian, sont allés faire de la lèche à Delhi. Et, en 2016, c’est EDF qui reprend le flambeau, activant tous ses réseaux. Cela en vaut la peine : Jaitapur, une fois terminée, serait la plus extravagante centrale nucléaire au monde, susceptible de fournir de l’électricité à 70 millions de personnes. Le coût ? Secret d’État, mais il faudra compter en dizaines de milliards d’euros, alors qu’EDF est endettée à hauteur de 42 milliards d’euros.
Si EDF vient de présenter une « offre technico-commerciale engageante » de 7000 pages, c’est sous une forme très inattendue : elle fournirait les équipements et l’ingénierie, mais laisserait la responsabilité de la construction au partenaire indien. Pourquoi ? Pour au moins deux raisons. Un, la construction de prototypes EPR à Flamanville (France) et Olkiluoto (Finlande) est devenue un cauchemar, avec des retards qui atteignent des années et des surcoûts de milliards d’euros. Mais aussi parce que Jaitapur est un sac de nœuds.
Sur place, cinq villages seraient évacués pour laisser place à l’atome-roi. Or la zone est considérée comme l’un des hot-spots – points chauds – de biodiversité en Inde et au-delà, et, même si une partie des villageois ont accepté des transactions pour partir ailleurs, la résistance locale reste très forte, et a déjà entraîné mort et blessés chez les opposants.
Reste la question de la sécurité qui fait flipper tous les gens raisonnables. Dans une tribune publiée par le quotidien The Indu en janvier 2019, deux physiciens, Suvrat Raju et M.V. Ramana, mettent les pieds dans le plat et, soulignant les problèmes de sécurité rencontrés en Finlande et à Flamanville par les prototypes EPR, dénoncent les opacités du projet et les risques inouïs que courrait l’Inde.
Reste enfin la question géologique. De très nombreux rapports, depuis un demi-siècle, démontrent les risques sismiques de la zone, parcourue par une faille préoccupante. Le terrain, formé de latérite dégradée, résisterait-il à un tremblement de terre ? Jaitapur a connu trois secousses supérieures au niveau 5 de l’échelle de Richter en seulement vingt ans… Et certains évoquent même des risques, plus hypothétiques, de tsunami.
Résumons. EDF est dans une nasse financière qui se referme et a choisi la fuite en avant, la seule capable de la sauver, selon elle en tout cas, de la banqueroute. Mais comme la guêpe n’est pas folle, elle entend refiler la responsabilité de Jaitapur aux Indiens, l’important étant de signer le plus grand nombre possible de contrats au moment où le chantier des EPR britanniques a du plomb dans l’aile.
Il n’y a besoin de chercher bien loin la moralité de l’histoire, car elle n’existe pas. Des politiciens français médiocres – de Sarkozy à Macron, en passant par Pompili ou Le Drian – nous lancent sans nous tenir au courant dans une énième et terrible aventure nucléaire. Tout plutôt que reconnaître l’évidence : le nucléaire français, qui avait promis en 1971 la Lune, et une Lune presque gratuite, est une gabegie. Plutôt, une faillite morale, politique et financière.
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