Macron Super-menteur !
Le
Usage de Faux : Macron Super-menteur !
Entre TF1 d’un côté et BFMTV-RMC-Mediapart de l’autre, Emmanuel Macron a accordé les 12 et 15 avril près de quatre heures d’entretien à des médias au cours desquelles chacun a pu l’entendre parler :
1) de la légitimité des frappes occidentales en Syrie,
« Nous sommes intervenus dans un cadre très précis, et je veux le dire à nos concitoyens. Un : dans le cadre strict, justement, de cette légitimité internationale… [1] »
2) de la réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune,
« Donc c’est pas de l’injustice, c’est une politique d’investissement [2] »
« Mais on a enlevé l’impôt sur la fortune pour tout ce qui était investi dans l’économie ! [3] »
3) des entrepreneurs qui ont fui l’Impôt de solidarité sur la fortune,
« Nous avions des centaines de milliers d’entrepreneurs qui vendaient leur entreprise et qui, parce qu’on les taxait à l’impôt sur la fortune, alors même qu’ils voulaient réinvestir dans le pays, s’en allaient. [4] »
4) mais aussi, de la hausse de la Contribution sociale généralisée pour les retraités,
« Oui, on leur a demandé un effort, mais pour pouvoir, justement, réussir à baisser les cotisations sociales salariales de tous les travailleurs de France [5] ! »
5) des exonérations de la taxe d’habitation,
« La taxe d’habitation, aujourd’hui, il y a déjà près du tiers de la population qui est exonérée, les plus modestes ne la paient pas. [6] »
6) des économies demandées à l’hôpital public,
« Il n’y aura pas d’économies sur l’hôpital dans le quinquennat, je vous rassure. [7] »
7) des dotations financières aux petites communes,
« Pour la première fois – je m’étais engagé à le faire – toutes les petites communes, TOUTES, elles ont eu leurs dotations maintenues. Donc faut pas raconter non plus des carabistouilles à nos concitoyens, hein [8] ! »
8) des classes rurales qui seront ouvertes à la rentrée,
« À la rentrée prochaine, on aura 32 000 élèves en moins qui rentrent en CP, 32 000 ! On peut pas faire comme si de rien n’était. Et pourtant, on va ouvrir près de 5 000 classes. On va en ouvrir un peu plus de 3 000 pour dédoubler dans les zones les plus difficiles, dont certaines sont à la campagne, hein ! Il y a des classes dites en Zone d’Éducation Prioritaire, qui sont ici dans l’Orne en semi-rural. Mais on va ouvrir 1 000 classes dans le rural [9] ! »
9) des élèves de CM2 qui ne savent ni lire, ni écrire,
« Quand on a un cinquième des gens qui ne savent pas lire, ou écrire, ou compter en CM2, on ne peut pas prétendre après aller au bout. [10] »
10) on l’a enfin entendu sur la réforme du droit d’asile,
Edwy Plenel — « Vous faites que le demandeur d’asile sera devant un écran, au lieu d’être dans une relation humaine avec la personne qui jugera de son sort.
Emmanuel Macron — Ce que vous dites est faux.
Edwy Plenel — Non c’est vrai.
Emmanuel Macron — Le demandeur d’asile sera toujours d’abord face à un fonctionnaire de préfecture, puis face à l’OFII et l’OFPRA. Ce ne sera jamais un écran, c’est faux ! [11] »
Alors, est-ce que :
1) Les occidentaux avaient toute la légitimité pour frapper en Syrie ?
Et bien non, c’est faux. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France n’ont opéré dans aucun « cadre strict », comme l’a dit Emmanuel Macron, et en vertu d’aucune « légitimité internationale ». Europe 1 l’a expliqué : les trois pays n’avaient pas de mandat de l’ONU [12].
2) La réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune a-t-elle consisté à sortir de l’impôt sur la fortune ce qui était investi dans l’économie ?
Et bien non, c’est faux. France 2 en a fait un « Œil du 20 heures » : les yachts et les voitures de luxe ne sont plus taxés. Et il n’y a rien qui oblige les imposés à l’Impôt de solidarité sur la fortune d’hier à investir aujourd’hui dans l’économie [13].
3) Y avait-il, avant cette réforme, « des centaines de milliers d’entrepreneurs » qui s’en allaient du fait de l’Impôt de solidarité sur la fortune ?
Et bien non, c’est faux. France 2 les a comptés aussi : ils n’ont été « que » 8 114, en dix ans, selon un rapport de Bercy [14].
4) La hausse de la Contribution sociale généralisée imposée aux retraités a-t-elle été décidée pour pouvoir baisser les cotisations salariales de « tous les travailleurs de France » ?
Et bien non, c’est faux. Les Décodeurs du Monde ont fait le tri : la baisse ne concernent ni les fonctionnaires, ni un quart des travailleurs indépendants [15].
5) Y a-t-il déjà « presque un tiers des contribuables qui ne paient pas la taxe d’habitation » ?
Et bien non, c’est faux. 15 % seulement des ménages ne la paient pas. C’est le quotidien dijonnais Le Bien public qui a retrouvé le chiffre dans une étude de l’OFCE, l’Office français des conjonctures économiques [16].
6) « Il n’y aura pas d’économies sur l’hôpital durant le quinquennat » ?
Et bien non, c’est toujours faux. RMC l’a noté : d’ores et déjà, si le dernier budget de la santé est en hausse de 2 %, il ne parvient pas à couvrir la hausse des charges programmées – une hausse de 4 % –, ce qui oblige les établissements à réduire leur personnel [17].
7) « Toutes les petites communes ont vu leur dotation maintenue » ?
Et bien non, c’est faux. Là, plusieurs médias, en avalanche, ont tiqué : si l’enveloppe globale des dotations est stable, dans le détail, 22 000 communes verront la leur baisser [18]. C’est aussi l’Association des maires de France qui le dit [19].
8) On va, à la prochaine rentrée, « ouvrir 1 000 classes dans le rural » ?
Et bien non, c’est encore faux. Il y en aurait plutôt 200 à 250 en moins, d’après les chiffres de l’Éducation nationale que Le Monde a retrouvés [20].
9) Un cinquième des élèves ne savent-ils ni lire ni écrire au CM2 ?
Et bien non, c’est toujours faux. Le Monde, encore lui, a fait le distingo : les chiffres d’Emmanuel Macron ne portent pas sur la capacité des élèves à lire ou à écrire. Mais sur des compétences qu’il leur est demandé de maîtriser comme savoir « dégager le thème d’un texte, repérer dans un texte des informations explicites, inférer des informations nouvelles ». C’est-à-dire des compétences qui vont au-delà de la lecture [21].
10) Était-il faux, de la part d’Edwy Plenel, de dire qu’un demandeur d’asile pouvait se retrouver devant un écran lors du traitement de sa demande ?
Et bien non, c’était vrai ! Ou plutôt, Emmanuel Macron avait une fois de plus faux de dire que c’était faux. Et Europe 1 a eu raison de noter que si le demandeur d’asile pouvait s’opposer à ce mode d’examen de sa demande, le projet de loi du gouvernement réformant le droit d’asile, lui, voulait lui imposer [22].
Alors où est le malaise, me direz-vous ? Il n’est pas tant dans l’incroyable capacité d’Emmanuel Macron à faire usage de faux. Nous avions déjà repéré – souvenez-vous – en février 2017 la capacité du candidat à l’élection présidentielle à « oublier » sa propre signature au bas d’un décret qui autorisait l’exploitation de sables sous-marins en Bretagne – ce qu’il niait [23]…
Non, le malaise ne provient pas tant de cette capacité phénoménale. Il vient de ce que nous, chasseurs de faux – et au-delà de nous, la presse en général –, avons tellement le nez sur le guidon, sommes tellement à l’affût de la proie, c’est-à-dire de l’erreur, du mensonge ou de l’approximation, que nous en perdons de vue l’essentiel.
Et c’est quoi l’essentiel ? Et bien qu’un chef d’État, le président de la République française, peut aujourd’hui asséner contrevérités sur contrevérités, des erreurs ou des mensonges, et que cela n’émeut plus personne. Pas un mot dans les journaux, les sites, les radios, les télévisions, pour s’indigner de cette multitude de faux. Non, juste un renvoi, dans chaque média, au factchecking quotidien : la routine ! Le Monde renvoie même pour plus d’exhaustivité à la compilation très bien faite des étudiants de l’école de journalisme de Tours, qui ont recensé les vérités et contrevérités présidentielles [24].
Et bien, moi, voyez-vous, je ne m’y résous pas.
Les automobilistes voient les points de leur permis diminuer à mesure qu’ils font des erreurs, les chômeurs sont blacklistés s’ils oublient de s’actualiser : un président d’une république non bananière devrait finir par être éjecté au troisième mensonge à ses administrés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire