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dimanche 16 avril 2017

Présidentielle 2017 et transition énergétique: analyse comparative des programmes

Présidentielle 2017 et 

transition énergétique: 

analyse comparative des programmes

30 Mars 2017 , Rédigé par Benoît Thévard Publié dans #Regard critique
 
La transition énergétique n'est pas une option, c'est une nécessité. Une loi a été votée en ce sens en 2015, et même si elle ne répond pas vraiment à toutes les attentes, elle illustre à minima l'importance qu'a pris le sujet dans la politique contemporaine. J'ai donc voulu regarder les programmes sous l'angle de la transition énergétique, afin de mieux cerner à quel point les candidatEs prenaient en compte cet enjeu. 

N.B.: L'analyse que je vous propose ici n'est pas exhaustive car, de mon point de vue, la transition énergétique implique une transformation profonde des institutions, de l'organisation et de l'aménagement des territoires. Il aurait donc fallu que j'analyse l'intégralité de tous les programmes, et cela m'est impossible. Par ailleurs, aucun des programmes ne va assez loin pour envisager de potentiels effondrements ou ruptures, mais cela n'est pas surprenant, il faut quand même vendre du rêve, de la vision ...

Après avoir décortiqué les programmes dans le domaine de l'énergie, j'ai décidé de classer les candidatEs dans plusieurs catégories.

 Les onze candidatEs passéEs au grill de la transition énergétique ! 
Source image: http://images.midilibre.fr


La catégorie "le sujet ne m'intéresse pas vraiment, j'ai d'autres chats à fouetter"

On retrouve ici Nathalie Arthaud (LO) qui veut simplement donner la parole, si ce n'est le pouvoir, aux ouvriers. Tous les problèmes viennent de là, donc inutile de chercher d'autres explications. Elle parle bien d'une forme de transition, mais qui serait plutôt une révolution aux couleurs de lutte des classes. Aucune orientation politique sur l'énergie, il s'agit juste de "faire entendre la voix des travailleurs".

On y retrouve également Jacques Cheminade, qui veut simplement soutenir la recherche dans la fusion thermonucléaire. Il s'agit là d'une technologie qui ne serait pas disponible avant près d'un siècle, ce qui nous laisse largement le temps de mourir de plein d'autres choses d'ici là. Précisons que la mise à disposition d'une énergie illimitée serait catastrophique, car elle donnerait le feu vert pour un pillage total (déjà bien engagé) des ressources planétaires.

La catégorie "je ne suis pas certain de bien comprendre, mais je propose une liste de trucs non chiffrés, qui font plaisir à mon électorat"

On y trouve Marine Le Pen, qui estime que tous les problèmes environnementaux viennent de la mondialisation, et qu'il faut produire et consommer localement. En toute cohérence, elle veut développer massivement les énergies renouvelables ... mais décréter un moratoire immédiat sur l'éolien (?!?) et faire de l'isolation des bâtiments une priorité budgétaire -c'est plutôt bien et ça ne mange pas de pain, car ça fait plaisir à tout le monde-.

Pour le reste, on mettra la cohérence de côté ! Elle ne veut pas spécialement se priver du gaz, mais elle interdira l'exploitation du gaz de schiste en France. Bon finalement, le gaz justifie bien un peu de mondialisation. Ensuite, elle veut développer l'hydrogène, qu'elle considère comme une "énergie propre". Il faudrait lui expliquer que, comme l'électricité, l'hydrogène n'est pas une source d'énergie, mais un vecteur et que 95% de l'hydrogène est issu du gaz naturel. Mais il faut peut-être subtilement déduire qu'elle veut produire l'hydrogène avec de l'électricité nucléaire, puisqu'elle souhaite maintenir et moderniser le parc, engager le programme de Grand Carénage pour prolonger la durée de vie des réacteurs ... et refuser de fermer Fessenheim. Allez tiens, pour l'uranium aussi on reprendra bien un peu mondialisation ! Bref, la transition énergétique à la mode Front National, c'est on continue comme avant, mais on arrête l'éolien.

Ensuite, il y a François Asselineau qui fait de la sortie de l'Union Européenne un préalable à toute politique écologique. Sa vision : il veut donner la parole au peuple, par exemple avec des QCM pour définir les politiques à conduire, pour faire des choix sur le nucléaire ou la sobriété énergétique. S'en suit une liste d'une vacuité remarquable mais qui peut faire consensus, qui va de la volonté de réduire l'énergie consommée dans les bâtiments, à la réduction de la dépendance aux hydrocarbures, en passant par la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Avec ça, on n'est pas très avancé, mais un point a cependant retenu mon attention, une volonté d'améliorer la résilience du pays et d'augmenter les stocks stratégiques d'hydrocarbures. Ce détail sur la vulnérabilité de notre société est tout de même un bon point.

 La centrale de Flamanville. Source image: https://www.lesechos.fr/ 


La catégorie "on ne change rien au système, on remplace juste une énergie par une autre !"

Il y a d'abord François Fillon, qui veut "préparer l'après pétrole" ... rien que ça ! Je dois dire que, connaissant un peu le personnage pour l'avoir eu en Premier Ministre et pour l'avoir un peu écouté ces derniers mois, j'ai souri en lisant certaines parties de son programme :

"Inciter les villes qui n’en sont pas encore dotées à concevoir une feuille de route dans laquelle toutes les actions favorables à l’environnement sont exposées (urbanisme, politique de l’eau, assainissement, déchets, transports, chauffage urbain…) ; renforcer la vie démocratique locale et revitaliser les formes de participation et passer ainsi d’une écologie de l’immobilisme à une écologie de projet, en associant mieux les collectivités locales et la société civile aux décisions environnementales." 

J'ai trouvé ça émouvant, j'avais l'impression de lire le manuel de transition de Rob Hopkins ou le programme d'EELV ! Plaisanterie mise à part, Monsieur Fillon veut développer les renouvelables, mais sans obligation d'achat par l'opérateur national. Il préfère soutenir l'autoconsommation et donc les contrats privés, sans participation de l'État. Par ailleurs, il n'est pas question de réduire globalement la consommation d'énergie du pays, mais plutôt d'amplifier les économies d'énergie individuelles pour rendre du pouvoir d'achat aux français. Si il parle ici d'aider les plus pauvres à sortir de la précarité, c'est très bien. Si c'est juste pour permettre de relancer une croissance consumériste en déplaçant les dépenses, il a tout faux. Enfin, il veut développer la voiture électrique et revenir sur la loi de transition énergétique pour donner plus de place au nucléaire (Grand Carénage et modernisation de la filière). Bref, le programme consiste à passer du pétrole au tout nucléaire, à isoler les bâtiments pour relancer la croissance, et à favoriser l'autonomie pour les privés qui pourront investir dans l'autoconsommation. On remarquera tout de même la mise en avant d'une taxe carbone à 30€/tonne, mais qui sera compensée par des baisses de charges par ailleurs, sans préciser lesquelles.

Avec Nicolas Dupont-Aignant, on est un peu sur le même registre du tout nucléaire, avec l'idée de développer la filière au thorium, qui prendrait le relai (la faisabilité reste à démontrer) en 2050. Il veut revoir la loi de transition énergétique pour supprimer la limite à 50% de nucléaire en 2025 et soutenir la filière EPR actuelle, malgré les erreurs passées. Il propose tout de même certaines idées originales, comme le livret d'épargne "dispositif d'économie d'énergie" (sans précision), le guichet régional pour la fiscalité verte, la forte impulsion pour la valorisation du solaire thermique ou le remplacement de 10 millions de véhicules en 10 ans, par un bonus en cas d'achat d'une voiture consommant moins de 3L/100km. On est ici dans une logique générale de continuité du système actuelle, avec une amplification du soutien à la filière nucléaire et une simple évolution technologique, un remplacement d'une énergie par une autre.

 L'isolation des bâtiments est préconisée par presque touTEs les candidatEs. 
Ici, une isolation par l'extérieur en paille. 
Source image: www.accortpaille.fr

Et puis il y a la catégorie "Bon, soyons sérieux, il faut changer pas mal de choses quand même !" Dans cette catégorie, il reste cinq candidats dont les stratégies divergent plus ou moins.

Il y a d'abord le modéré du groupe, Emmanuel Macron (En Marche), qui a trouvé des gens pour bosser un peu le sujet, et qui propose un scénario assez détaillé, mais plutôt soft. Du côté des économies d'énergie, on retrouve 4 milliards pour rénover les bâtiments publics et 4 autres milliards pour les logements, des audits énergétiques gratuits pour les propriétaires en situation de précarité, une prime immédiate pour la rénovation. L'économie circulaire est une autre piste sérieusement envisagée pour limiter les impacts environnementaux de l'économie. Côté consommation, on ne fait donc rien qui puisse fâcher : en isolant les bâtiments, on fait plaisir à tout le monde (c'est pourquoi presque tout le monde le propose, à plus ou moins grande échelle).

Côté production, on double la capacité éolienne et solaire en 2022, on investit 30 milliards, on simplifie les procédures et on fait de la recherche sur le stockage et les réseaux intelligents. Les énergies fossiles sont ciblées, avec une fermeture de toutes les centrales à charbon en 5 ans, l'interdiction d'exploitation des hydrocarbures de schiste, l'augmentation de la taxe carbone à 100€/t à l'horizon 2030 (combien pendant le quinquennat ?) et le soutien du véhicule électrique. Mais cela reste léger et imprécis quand on sait que le charbon est marginal dans la consommation d'énergie fossile en France, et que le pétrole représente 96% de l'énergie consommée pour le transport. Pour ce qui concerne le nucléaire, c'est probablement la pire des orientations possibles, c'est-à-dire que l'on continue comme avant, sans avis tranché sur la question. On ne sait pas vraiment si on prolonge le nucléaire ou pas, on attend un avis technique de l'ASN, on veut bien fermer Fessenheim, mais seulement quand on ouvre Flamanville, on reste sur l'objectif de la loi de transition énergétique, qui est tout sauf claire sur le nucléaire. Bref, un flou qui est inadapté à la vision de long terme qu'exige l'avenir énergétique de notre pays. Bref, quelques bonnes pistes, mais une transition énergétique probablement trop modérée pour atteindre le facteur 4 et diviser par deux la consommation d'énergie finale à l'horizon 2050.

Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) tire visiblement son épingle du jeu, avec un programme qui part du principe que la transition énergétique et écologique est à la base de tout le reste. Ancré sur la base du scénario négaWatt, il prévoit une sortie progressive et organisée du nucléaire, ainsi que des énergies fossiles, pour atteindre 100% de renouvelables en 2050. Les propositions sont plutôt radicales, avec d'abord une régulation des prix au niveau national et un retour en arrière sur la libéralisation du secteur énergétique, tout en intégrant des formes de décentralisation et un contrôle citoyen. Comme presque touTEs les candidatEs, il propose d'isoler les bâtiments, mais il y va fort avec 20 milliards d'euros pour isoler 700 000 logements. Le secteur agricole n'est pas en reste, avec moins d'énergies consommées, car essentiellement remplacées par de la main d'oeuvre et une agriculture paysanne. Enfin, les choix d'aménagement du territoire devront intégrer systématiquement les questions énergétique et environnementale, ce qui est un point crucial. Un des éléments qui me semble essentiel dans la cadre d'une transition énergétique forte et profonde, c'est la question de la gouvernance. On observe chaque jour que les institutions actuelles ne sont plus adaptées à la situation. Le fait que ce candidat propose une remise à plat des principes démocratiques et de la constitution, pour gérer la décroissance matérielle et énergétique, me semble être un préalable incontournable. Pour ce qui concerne la transition énergétique, le programme de J.L. Mélenchon est, de mon point de vue, le plus abouti et le plus cohérent de tous.

 Couverture du livret spécial sur l'énergie de France Insoumise. 
Source image: https://avenirencommun.fr/


Le candidat Benoît Hamon propose un projet assez proche du précédent. On sent qu'il a une vision, qu'il a envie de faire quelque chose de bien et de changer les choses, mais finalement on a plutôt l'impression que le projet manque de maturité au regard des enjeux. Il est d'abord question d'un grand plan de sobriété énergétique (isolation, transports en commun, véhicules propres). Outre le fait que les exemples cités entre parenthèses n'ont rien à voir avec la sobriété énergétique, on ne voit pas bien ce qu'il y a derrière. Ensuite, on retrouve à peu près les objectifs de scénario négaWatt 2017, c'est à dire 100% d'énergies renouvelables et la fermeture du parc nucléaire avant 2050. Il est bien question de transition énergétique profonde, puisque 100% renouvelable, c'est une vraie transition. La question est de savoir s'il a une petite idée du chemin qu'il faudra parcourir pour y parvenir.

Philippe Poutou (NPA) propose un programme militant, lui aussi basé sur un objectif 100% renouvelable en 2050. Le programme n'entre pas trop dans le détail, mais montre clairement que la transition est indispensable, insistant spécifiquement sur le risques climatiques et nucléaires. Pour diminuer les consommations et se satisfaire du renouvelable, le NPA exige l'arrêt des productions inutiles et dangereuses dont l'armement avec la reconversion des travailleurEs, l'interdiction de la publicité énergivore ou la fin de l'obsolescence programmée. Entre autres propositions, il vise également la gratuité des transports publics, souhaite en finir avec la logistique en flux tendu et réduire la place de la voiture. Pour le nucléaire, la préconisation est une position abrupte, avec une fermeture immédiate de tous les réacteurs de plus de trente ans, ce qui conduirait à fermer 38 réacteurs sur 58 et diminuer la puissance nucléaire disponible de 60%, ce qui est techniquement ... et socialement ingérable !

Enfin, il faut remarquer le poète Jean Lassalle. On ne peut pas tout connaitre, mais on peut avoir conscience des grands défis à relever. Il nous propose de "prendre le temps de comprendre les choix qui se posent à nous et d'en débattre". Pour lui, il est temps de "clore paisiblement ce qui est devenu le cauchemar du pétrole", car les renouvelables devraient pouvoir remplacer les énergies fossiles et le nucléaire. Ce discours un peu naïf, mais positif et poétique montre une sensibilité particulière au sujet, sans pour autant donner le moindre signe d'une maitrise des enjeux réels.

 Source image: https://www.greenunivers.com/


Conclusion

- Si vous pensez que la transition énergétique n'est pas un élément crucial des orientations politiques pour les décennies à venir, vous pouvez voter Nathalie Arthaud et Jacques Cheminade.

- Si vous pensez que changer le type d'énergie est suffisant et que vous aimez les incantations gratuites, le vote Marine Le Pen, François Asselineau, François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan ou Jean Lassalle peut vous convenir.

- Si vous pensez qu'une transition énergétique, certes intelligente, mais en version "Quinquennat Hollande ++" sans changer les recettes du passé, permettra d'atteindre les objectifs, le vote Emmanuel Macron est satisfaisant.

Si vous cherchez encore votre candidat, il en reste trois :

- Jean-Luc Mélenchon qui propose un scénario radical mais argumenté

- Benoît Hamon qui propose aussi un scénario radical et peu travaillé

- Philippe Poutou qui propose un scénario très -trop- radical.


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