Causerie 3
le 19 mars au pessebre à Prades
Notes à l'usage de nouveaux apports à la causerie
"Je est un autre" d' Arthur Rimbaud
Avant propos :
Avant propos :
l'exercice de la causerie peut présenter une certaine ambigüité du fait que ce qui y est dit s'adresse à la fois à cet autre qui cause avec moi et au public présent dans la salle.
Il faut rajouter à cela que pour celui qui écoute, et qui découvre cet échange verbal à la fois ordonné mais en partie improvisé, qui garde une certaine spontanéité et la possibilité de maladresses, il risque de se trouver confronté à la difficulté d'interpréter certains termes en des registres qui peuvent être radicalement différents : par exemple la notion de conscience en philosophie est importante dans la mesure où elle est centrale par rapport à la production théorique et elle peut aussi devenir polyvalente si elle se trouve adjectivée (ex : Cs cognitive et Cs morale) ; par contre en psychanalyse elle n'est plus un concept pertinent et perd de sa superbe, devenant exsangue comme une peau de chagrin.
La notion de sujet a le vent en poupe dans les deux domaines, mais désigne des objets totalement différents, sans perdre toutefois des raisons de manipuler ce concept et de se comprendre.
La gageure de cette causerie ne se limite pas à parler d'Arthur Rimbaud en tant que poète, mais à traiter son dire comme voyance, c'est à dire ouverture à la conceptualisation et à l'évolution du discours luimême ("la poésie sera en avant" disait Arthur) ; ainsi la parole du poète éclaire ces deux discours, au premier abord hétérogènes, du philosophe et du psychanalyste, et on sait qu'il les
enrichit. Cet autre qui surgit tel un diablotin hystérique va, en réalité, renouveler le champ philosophique et ouvrir à la découverte freudienne de l'Inconscient, en même temps qu'il révolutionne l'écriture poétique ellemême (Boum ! Boum ! Sur les règles de versification)
Dès lors le Rimbaud poète s'efface en tant que poète pour produire un lien subtil entre ces trois instances de recherche sur la compréhension de l'être humain :
– la poésie en tant que langage spécifique et producteur d'une pensée propre ;
– la philosophie en tant que regard différencié où vient s'éclater le MOI ;
– la psychanalyse, en tant qu'elle interroge sur ce continent caché d'un arrière de la conscience et sur la mise à jour du désir à l'œuvre ;
Dans ce jeu de miroir entre le Je et l'autre, s'incurve le Moi comme une entité qui vacille, qui perd la consistance durement acquise au firmament des siècles, dans le dur labeur de l'établissement de La connaissance et qui se découvre dans la nudité ontologique du vide. L'Autre, étrange figure allégorique d'un Je recalé sur la nécessité de s'atteler au concept énigmatique de Sujet où viennent converger de nouvelles sciences comme la linguistique et bien sûr la psychanalyse.
Comme on a pu le dire de Voltaire à propos d'un certain ruisseau, tout ça c'est la faute à Rimbaud :
" Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s'en clamant les auteurs"
(Rimbaud : lettre du voyant)
Le Moi auquel s'en prend Rimbaud est celui qui se trouve au centre du discours sur la Connaissance propre à notre civilisation, qui commence avec Socrate, rebondit avec Descartes (qui lui aussi effectue un grand balayage en direction de la scolastique) et aboutit à Nietzsche (qui met le bon Dieu au placard des antiquités et promet un homme nouveau nanti de sa propre Volonté de puissance : "Dieu est mort, nous l'avons tué"). Une fois grignotée l'existence de Dieu il ne restait plus qu'à vider la substance du Moi du nouveau champ épistémologique; vieille baderne à jeter aux ordures. Et Rimbaud ne s'en prive pas, qui dans sa révolte s'attelle à faire s'écrouler ces deux édifices fauxfrères : la connaissance scientifique et la croyance en Dieu. Coexistence qui paraissait déjà difficile à Blaise Pascal, qui ne pouvait se passer ni de l'un ni de l'autre; le savoir et la foi deux mondes hétérogènes, inconciliables et pourtant concomitants. Choisir entre la loi des Philosophes et celle des Croyants serait faire sauter les verrous qui maintient intact le concept de Dieu.
Du coup Rimbaud fait sauter les deux, mettant en échec à la fois la conscience cognitive, derrière laquelle se cachait la métaphysique, et la conscience morale qui était parvenue à effacer tout sens de l'éthique (pourtant si présente dans la figure d' Antigone)
1 – remarque sur quelques divergences culturelles au niveau de la structure du moi
– c'est chez les protestants qu'on note le plus de suicides ; pas moyen de décharger sa culpabilité sur l'autre (pas de curé pour se confesser) ; pas d'images où projeter ses fantasmes) face à Dieu on est seul et bien démuni ;
– très peu de suicides également chez les Bouddhistes, du fait d'un léger déplacement du surmoi ; pas de ressentiment (c'est oublié le lendemain) ; hier n'est plus ; la page est tournée ;
2 – remarques sur le symbolique
– Lacan voyait dans la méthode paranoïacritique de Dali le fondement du désir de connaître ;
sans angoisse pas de curiosité structurante ;
en même temps la parole est chargée d'affect (et on est derrière comme Sujet) ; "ça parle, et dans ce que ça dit ça échappe" ; il y a paradoxe entre l'assujettissement au symptôme et l'acceptation du symbolique (que permet le langage); la rupture est souffrance et en même temps catharsis, libération (systèmes de déplacement) ;
– le surmoi est féroce, source de toute angoisse, d'origine maternelle (mère imaginaire) on reste définitivement à sa merci ("merci papa merci maman" dit la chanson idiote) car on a toujours besoin de deux choses absolument vitales : de lait et d'amour ;
– pour tenir le choc il faut que le père et la mère symbolique interviennent simultanément ; c'est l'image du père qui est pacifiante car elle contient le triptyque structurant l'amour
la reconnaissance de l'enfant
– la limite (l'injonction du NON) ;
– ce qui intervient dans le "Je est un autre" de Rimbaud c'est la dimension symbolique ; quelle que soit la culture c'est toujours l' Autre qui construit le Je, qui le façonne par son discours (et peut-être aussi par le langage du comportement acquis dans le quotidien ; ce que Bourdieu nomme "habitus") ;
– le moi se trouve désormais en cage entre le Sujet et l' Autre ;
– l'objet petit a, lieu de substitution, c'est le réel non symbolisable et la source de nos angoisses (Sisyphe au secours !) ;"l'amour c'est vouloir donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas" Lacan
– mais la cage qui s'ouvre (lieu de l'inconscient), c'est ce qui permet l'accès à la cave d'Alibaba, d'où sortent toutes les richesses le désir permet de surmonter tous les obstacles, faire fi de l'objet pour mettre en avant le sujet ;
"faire l'amour c'est se faire soimême" ( l'autre comme instrument ?)
3 – le champ poétique c'est le parler vrai qui bouscule les retraits auxquels oblige le surmoi ; c'est la poursuite d'un idéal d'humanité le passage par l'imaginaire apporte une matière symbolique hautement nutritive et communicative où l'universalité du discours permet la symbiose entre le Je et l'Autre
***************************************************
À l'affiche du Printemps des Poètes
pour le dimanche 20 mars
salle Jean Cocteau au lido à Prades
3 groupes, 3 interventions
15h15 ChuchotisPoésie par la Compagnie de théâtre Encima
Paroles aux enfants ; la poésie se dit et se chuchote dès l'enfance ; elle continue de nous émerveiller en devenant adultes ; elle se glisse dans les interstices de la vie comme une gitane et continue de nous trotter dans la tête comme une chansonnette ; c'est pourquoi il faut donner la parole aux enfants, sans retenue, tant qu'ils ne sont pas inhibés par toutes les tracasseries qui hantent notre conscience de vieilles peaux ; laissons-les se glisser dans les bras de la muse et chanter leur plaisir de vivre avec cette spontanéité qui n'appartient qu'aux enfants.
Goûter prévu pour les enfants
16h15 Poètes en liberté par le Cercle Poétique du Conflent
et l'Atelier Poésie de l' Entonnoir
Thème du printemps des poètes 2016 : "Le Grand XX° "
Poète honoré : Yves Bonnefoy
Peut-être une belle occasion de rencontrer ces poètes pradéens qui la plupart du temps font leur poèteries dans leur coin et qui soudain viennent illuminer la scène. Une bonne occasion aussi pour prendre contact et les rejoindre ; nul besoin d'être soi-même poète pour partager les dires, et dire le partage; une manière parmi d'autres d'apprendre à vivre ensemble. Même invite aux musiciens qui voudraient s'essayer à accompagner les poètes.
17h " A regarder vivre les hommes...." spectacle poéticomusical
par le duo Poétzic, par Jo Falieu, auteur-diseur et Florent Berthomieu, accordéon-guitare ;
Le thème choisi est un clin d'œil à ce texte d'Aragon repris par Léo Ferré :
"Est-ce ainsi que les hommes vivent ?".
La question d' Aragon (poète du XX°) bien sûr n'est pas une vraie question ; elle est stupeur, rébellion contre cette acceptation de la condition humaine, cette farouche insistance à ne pas considérer l'autre comme un être humain, à le manipuler, à l'embrigader, à l'aliéner dans son corps et dans sa conscience...
Un cri de révolte vissé à ce défilé de guerres et de génocides qui ont illustré ce "Grand XX°", et qui hante déjà notre avenir pour ce qui se prépare à l'horizon du XXI°.
Une Histoire redoutable s'annonce, qui ne doit pas nous laisser vaincus.
Un constat, un déchirement, mais aussi une accusation, un appel à s'engager et surtout un espoir.
A regarder vivre ainsi les hommes on aimerait les voir s'insurger !
Les thèmes musicaux de Florent s'insinuent en contrepoints pour sourire aux étoiles lorsque celles-ci sont vraiment trop racornies ; un petit air de fête pour aimer quand même la vie.
A regarder vivre ainsi les hommes on aimerait les voir s'insurger !
Les thèmes musicaux de Florent s'insinuent en contrepoints pour sourire aux étoiles lorsque celles-ci sont vraiment trop racornies ; un petit air de fête pour aimer quand même la vie.
Jo Falieu
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire