Larzac : Manifester ou pas ? Divergences sur le plateau
Qui l’eût cru ? Qui aurait imaginé voir un jour Pierre Burguière et Léon Maillé, figures emblématiques de la lutte du Larzac, pousser aux côtés des gendarmes, face à des manifestants opposés au bétonnage de terres agricoles ? C’est pourtant cette scène inattendue qui s’est jouée, jeudi, en parallèle à la visite du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, venu prolonger le bail accordé par l’État à la Société civile des Terres du Larzac (SCTL). Explications.
Contre l’avis de la plupart des membres de la SCTL et de la Confédération paysanne, les comités Zad (pour Zone à défendre) aveyronnais ont tenu à se rassembler sur le plateau pour demander à Le Foll de "prendre publiquement position contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes", près de Nantes. Peu de chance qu’il y consente.
Mais vers 11 h 30, ils sont une cinquantaine, visages masqués pour certains, à laisser le cortège ministériel s’engager vers la ferme des Baumes avant d’envahir la seule route qui y mène. Pour cela, les manifestants feintent la poignée de gendarmes massés au carrefour en coupant à travers champ avant de forcer le passage face aux militaires, façon mêlée de rugby, pour prendre possession du bitume. Quelques vrombissements de visseuse électrique plus tard, une cabane est debout. Et des grosses pierres placées en travers de la route. Fini : on ne passe plus.
"Si on commence par “agresser” les gens, ils se braquent"
"Signer la prolongation du bail de la SCTL, c’est super, on est tous d’accord là-dessus et personne ne veut l’empêcher, martèle Christine Thelen. Mais on est là pour tout ce qui se passe ailleurs, pour dire qu’il faut protéger les terres agricoles. Des Zones à défendre, il y en a partout en France !" Une revendication "de manière militante" assumée. Au grand dam de certains historiques de la lutte du Larzac, donc.
Plus d’une heure avant l’arrivée programmée du ministre, Pierre Burguière est déjà venu à la rencontre des manifestants, pour leur faire savoir son désaccord. "Il fallait réclamer un entretien au lieu de chercher à le bloquer, explique l’ancien paysan. Si on commence par “agresser” les gens, ils se braquent et plus aucun dialogue n’est possible. Il faut savoir ce qu’on veut. La lutte nous a appris à faire des compromis. Mais là, il s’agit peut-être d’un conflit de générations."
"Un non-événement" selon José Bové
Julien Durand, porte-parole de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) est présent lors de la signature du bail. S’il n’a pas pu prendre la parole publiquement, il se serait entretenu en privé avec le ministre, selon José Bové. "Le représentant de Notre-Dame-des-Landes était là, il ne faut pas être plus royaliste que le roi", lance le député européen. Et la manifestation alors ? "Par rapport à la signature du bail, c’est un non-événement, tranche Bové. Mais ce n’est pas très correct."
Pour réussir à quitter la ferme des Baumes, le cortège ministériel a été contraint d’emprunter un petit chemin de terre en direction du Cun. "Monsieur Le Foll a préféré s’enfuir par la petite porte", constate Pierre Mazars, porte-parole de comités Zad qui se sont dispersés dans le calme. Oui au bail, non à l’aéroport : sur le Larzac hier matin, tout le monde était d’accord sur le fond. Mais les divergences de vue sur la forme, qui divisent les militants, risquent de faire longtemps sujet de débat.
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