Veuillez trouver un appel des médecins du Limousin, alertant les autorités sur les risques avérés que fait courir à la population l'exposition aux pesticides et demandant que certaines mesures soient prises pour limiter ces risques.
Merci de faire circuler
Médecins, nous avons choisi le cadre de la semaine pour les alternatives aux pesticides afin de mettre en avant la dimension sanitaire dans ce débat. Elle ne le résume pas car la dimension environnementale est elle aussi incontournable. Nous tenons à préciser que nous ne cherchons pas à montrer du doigt une profession, mais que chacun doit prendre ses responsabilités. A nous d’assumer les nôtres en alertant sur les dangers de ces produits, particulièrement pour certaines catégories de la population (ceux qui y sont le plus exposés, ainsi que les femmes enceintes et les enfants).
Car des liens sont établis en
milieu professionnel entre
l’utilisation de pesticides et certaines pathologies :
des cancers : « Les expositions professionnelles aux pesticides ont été
plus particulièrement mises en cause dans les hémopathies malignes lymphoïdes.
Des études en populations agricoles suggèrent leur implication dans les tumeurs
cérébrales et dans les cancers hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des testicules, de
l’ovaire »(1)
des troubles neurologiques comme la maladie de Parkinson (2).
« chez l’enfant, l’utilisation domestique
de pesticides, notamment d’insecticides domestiques, par la mère pendant la
grossesse et pendant l’enfance a été régulièrement associée aux leucémies et, à
un moindre degré, aux tumeurs cérébrales »(1)
Surtout il faut rappeler, comme l’a fait l’INSERM que « près d’un millier de molécules ont été mises sur le marché
en France ; les risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de
données toxicologiques et épidémiologiques suffisantes. »(1)
Si peu d’études ont porté sur l’ensemble de la population
et les riverains, plusieurs montrent toutefois que des expositions
environnementales sont susceptibles de causer des cancers et des maladies de
Parkinson. Comme
aux Antilles avec la chlordecone (3) ou chez des riverains exposés à des
fongicides de la famille des carbamates et à du paraquat (4).
Or et personne ne le conteste, l’imprégnation de la
population est générale : les pesticides ont largement contaminé l’environnement, aussi
bien les eaux de surface que les eaux de pluie, aussi bien les sols que nos
organismes (90% de la population française est contaminée par les
organophosphorés) (5). Plus
préoccupant, dans la cohorte PELAGIE en Bretagne, seuls 1,6% des échantillons
d’urine de femmes enceintes ne contiennent pas de trace des pesticides recherchés(6).
Mais si l’on retrouve une imprégnation
à « faibles doses »
dans la population générale, cela n’est pas rassurant pour autant : en effet de nombreux
pesticides sont des perturbateurs endocriniens, substances chimiques soupçonnées d'être l’une des causes de la recrudescence de certains
troubles (infertilité, cancers hormonodépendants, obésité, etc.). Parce que
leurs effets ne dépendent pas de la dose, mais de la période d’exposition,
qu’ils ne sont pas linéaires, qu’ils s’ajoutent à ceux d’autres substances
(effet cocktail) et qu’ils sont susceptibles d’être transgénérationnels, les
perturbateurs endocriniens sont au centre d'une attention grandissante comme
l’a reconnu Madame Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, du Développement
durable et de l’Energie lors du colloque international sur les perturbateurs
endocriniens des 10 et 11 décembre 2012 (7).
Or comme le souligne le
rapport sénatorial sur les pesticides et la santé (8), le cadre réglementaire européen ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs
puisque l’UE n’a toujours pas validé de méthode permettant de déterminer si un
pesticide est un PE ou non.
Il faudra donc beaucoup d’études, beaucoup d’argent et
beaucoup de temps pour objectiver plus avant ces risques sanitaires que l’on
peut craindre dévastateurs.
Aussi nous souhaitons poser deux questions simples :
-
Peut-on
s’abstenir de prendre des précautions dès maintenant ?
Ce serait à nos yeux totalement inconséquent et irresponsable.
-
Des
alternatives, économiquement viables sont-elles possibles ?
Nous pensons que Oui, et elles
sont connues.
C’est pourquoi les médecins signataires de ce texte se
déclarent :
- solidaires des demandes
d’interdiction des épandages aériens (9), et des mesures de réduction des
risques vis à vis des populations vivant à proximité des cultures à forte
utilisation de pesticides (signalisation sur les routes et chemins traversant les zones d’épandages, distance de sécurité
avec les habitations) et vis-à-vis des agriculteurs (information sur les risques des
produits et l’usage des protections individuelles par des institutions
distinctes des vendeurs).
- solidaires des collectivités
territoriales signataires de la charte zéro pesticide.
- Solidaires de toutes les
initiatives qui permettront une transition vers des filières agricoles
n’utilisant pas de pesticides. A ce titre l’introduction de l’alimentation biologique
dans les cantines scolaires nous parait un moyen à la fois d’obéir à un
principe de sécurité sanitaire et de structurer des filières utilisant les
principes de l’agroécologie.
-
Solidaires de tous les projets de transition de l’agriculture qui se proposent de
stopper et d’inverser le processus de concentration des exploitations et d'y
favoriser de manière significative l'accroissement de l'emploi agricole,
condition incontournable d’une diminution réellement globale de l’utilisation
des pesticides.
Et demandent que notre Région Limousin
s’engage résolument vers l’objectif d’une réduction de 50 % des pesticides à
l’horizon 2020.
Références :
(1)
Expertise
INSERM « cancers et environnement » octobre 2008
.
(2)
Inscrite
au tableau des maladies professionnelles agricoles depuis 2011.
(3)
BEH
08-02-2011(bulletin épidémiologique hebdomadaire édité par l’INVS :
Institut National de Veille Sanitaire) Chlordecone aux Antilles : bilan actualisé des risques
sanitaire
(4) La Recherche
septembre 2009, Les
pesticides doublent le risque de maladie de Parkinson
S Costello et al, American Journal
of Epidémiologie,169, 919, 2009
(5) Institut national de veille sanitaire (INVS) « Exposition
de la population française aux polluants de l’environnement » (volet environnemental de l’étude
nationale Nutrition Santé, septembre 2010). Disponible à l’adresse : www.invs.sante.fr
(6)
BEH : du 16 juin 2009
(7)
Discours
de Delphine BATHO Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de
l’Énergie. Discours d’ouverture de la Ministre lors du colloque international sur
les perturbateurs endocriniens des 10 et 11 décembre 2012 dans le cadre du
Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens.
(8)
Rapport sénatorial adopté à l’unanimité des groupes politiques au
sénat : « Pesticides, vers le risque zéro », accessible sur le
site du sénat : www.senat.fr. Ce rapport dresse cinq constats : - les dangers et les risques des
pesticides sont sous-évalués
- la nécessité d’améliorer la procédure d’autorisation de mise sur le
marché des pesticides (AMM) et le suivi post AMM
- l’absence de protection contre les pesticides à la hauteur des dangers
et des risques
- la nécessiter de mieux cerner les limites des modèles et des pratiques
industriels, commerciaux et agricoles.
- revoir le plan Ecophyto 2018 : conçu à la suite du Grenelle de
l’Environnement en 2008 pour permettre une division par deux de la quantité de
pesticides utilisée par la France à l’horizon 2018, la mission sénatoriale a en
effet constaté qu’au tiers de la durée de ce plan l’usage avait augmenté au
lieu de se réduire.
(9)
Il existe un principe général européen d’interdiction des
épandages de pesticides par aéronefs mais les Préfectures peuvent accorder
localement des dérogations. Le rapport sénatorial réclame également la fin de
ces dérogations.
Contact : Dr Pierre-Michel Perinaud pmperinaud@yahoo.fr ou 06 31 23 66 72
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