Photovoltaïque :
quand le RN relaie
les arguments des lobbies
Jordan Allouche
Lobbyiste écologiste
25 mars 2025
Un amendement déposé par un député du Rassemblement National propose de supprimer l’obligation d’installer des panneaux solaires sur les parkings extérieurs. Derrière l’argument de la simplification, une convergence d’intérêts préoccupante entre les positions du RN et celles de plusieurs lobbies économiques mobilisés contre cette mesure depuis deux ans.
Le fond de l’amendement est limpide : abroger l’article 40 de la loi du 10 mars 2023 sur l’accélération des énergies renouvelables. Cet article impose aux parkings extérieurs de plus de 1 500 m² de couvrir au moins 50 % de leur surface avec des panneaux photovoltaïques. Une mesure simple, ciblée, et fondée sur un principe aujourd’hui largement partagé : utiliser en priorité les surfaces déjà artificialisées pour développer les énergies renouvelables, sans empiéter sur les terres agricoles ou les espaces naturels.
Mais pour le député RN du Gard Nicolas Meizonnet, cette obligation représenterait « une charge difficilement supportable pour de nombreux gestionnaires de parkings ». Dans l’exposé des motifs, il évoque des normes trop lourdes, des investissements trop coûteux, et défend le « mix énergétique historique français » fondé sur le nucléaire et l’hydroélectricité. Il ajoute qu’un développement trop rapide du solaire pourrait « déstabiliser le système électrique » en raison de son intermittence.
Un argumentaire qui n’est pas sans rappeler celui porté par plusieurs représentants d’intérêts économiques depuis deux ans.
Une mobilisation organisée contre l’obligation solaire
En janvier 2025, onze fédérations professionnelles, dont la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Perifem, Mobilians (professionnels de l’automobile), la FACT (centres commerciaux) ou encore la Fédération nationale des métiers du stationnement (FNMS), ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre le décret d’application de cette mesure.
Dans leurs argumentaires, ces organisations dénoncent des délais trop courts, une mesure jugée « irréaliste », et des effets contradictoires avec d’autres politiques publiques comme la végétalisation des parkings ou l’installation de bornes de recharge électrique. Elles réclament un phasing dans le temps, une redéfinition de la surface à couvrir (en excluant les voies de circulation), ou un report de l’obligation à 2030.
Le problème ? En adaptant la mesure à ce point, on la vide de sa substance. Réduire les 50 % à la seule surface des places de stationnement revient à couvrir, dans les faits, une fraction très limitée des parkings. Et retarder l’échéance repousse d’autant la montée en puissance de la production solaire en France.
Une convergence d’intérêts qui interroge
À ce stade, rien ne permet d’affirmer que le Rassemblement National a déposé cet amendement à la demande explicite de ces acteurs économiques. Mais la similitude des arguments, la temporalité et la formulation interrogent. Cet épisode illustre une convergence d’intérêts croissante entre certaines positions politiques et les exigences des grands lobbies industriels, sur fond de remise en cause des politiques environnementales.
Ce n’est pas la première fois. En 2023, le RN s’était opposé à plusieurs mesures favorables aux énergies renouvelables dans le cadre de la loi « climat » et, au Parlement européen, ses élus ont défendu l’exploitation de nouveaux gisements d’hydrocarbures en mer du Nord. Dans chaque cas, la priorité donnée aux filières polluantes est assumée, souvent au nom de la souveraineté ou du pouvoir d’achat, mais toujours au détriment de la transition.
Une mesure cohérente avec les enjeux climatiques
Pourtant, la nécessité de déployer massivement le solaire n’est plus contestée scientifiquement. Le GIEC estime qu’il faut multiplier par 6 la capacité photovoltaïque mondiale d’ici 2030 pour espérer limiter le réchauffement à +1,5 °C. En France, les toitures, les friches industrielles, mais aussi les parkings, constituent un gisement considérable et sans conflit d’usage.
En refusant de solariser les parkings, c’est une des rares mesures à fort potentiel, rapide à mettre en œuvre et compatible avec la relance industrielle française (notamment via les gigafactories de panneaux), que l’on sacrifie.
Une bataille politique, mais aussi démocratique
Ce que révèle cet amendement, c’est que derrière le débat technique se cache un enjeu démocratique plus profond : à qui profite l’inaction climatique ? Qui décide des priorités énergétiques ? Et pourquoi tant d’efforts sont-ils mobilisés pour entraver des mesures modestes, mais symboliquement fortes ?
Refuser de solariser les parkings, en 2025, ce n’est pas de la simplification. C’est une abdication.
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