En écologie aussi, les attaques contre le droit et la justice portent atteinte à la démocratie.
Les protestations d'une partie de la classe politique contre la
condamnation de Marine Le Pen à une peine immédiate d'inéligibilité font
écho à la défense agressive du gouvernement de François Bayrou après
l'annulation de l'autoroute A69. À peine la décision du tribunal
administratif de Toulouse était-elle rendue en février que l'État
annonçait son intention de faire appel et exigeait que la décision ne
soit pas appliquée tout de suite.
« L'État réaffirme son attachement à la réalisation de cette infrastructure »
, affichait un communiqué conjoint au ministre de l'aménagement du
territoire, François Rebsamen, et à celui des transports, Philippe
Tabarot. Celui-ci déclarait même que « la situation résultant de la décision du tribunal administratif de Toulouse [était] ubuesque » .
Le ministère de l'écologie, comme tout justiciable, a le droit
d'attaquer une décision en justice, il ne s'agit pas ici de la
contestation. Ce sont les motifs de la démarche qui posent problème :
les « besoins de l'économie locale » , « [la] diminution et [la] sécurisation des temps de parcours » , « [les] améliorations en termes de sécurité » , « [la] réduction des nuisances pour les riverains »
. Soit exactement les arguments dont la justice a démontré l’inanité,
pour ne pas dire le caractère mensonger, dans sa décision sur l’A69.
Ce n'est pas le seul dossier environnemental au sujet duquel des élu·es
veulent passer en force contre le droit : À Beynac-et-Cazenac, en
Dordogne, un président de département s'acharne à vouloir construire un
contournement routier qui ressemble comme un frère à une déviation
routière interdite par la justice. Dans le Lot-et-Garonne, les autorités
ont laissé construire le barrage de Caussade, mais privé
d'autorisation. En Charente-Maritime, des agriculteurs profitent de la
clémence de leur préfecture pour continuer d'utiliser des bassins dont
l'utilisation a été interdite par la justice.
Un cran
supplémentaire dans le piétinement du droit environnemental est franchi
avec le projet de loi de simplification, débattu en séance à l'Assemblée
nationale à partir du 8 avril : suppression des zones à faibles
émissions (ZFE), assouplissement considérable du dispositif « zéro
artificialisation nette » (ZAN), suppression des conseils économiques,
sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), attribution aux data
centers de la qualité de projet d'intérêt national majeur, fin des
autosaisines de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur les
projets industriels…
De vastes pans de la politique de
protection de l'air, des eaux, des terres et des forêts contre les
pollutions et le bétonnage sont menacés par cette loi de dérégulation.
Or, ces mesures avaient été décidées en application du droit à un
environnement sain, à l'information du public et à la délibération
démocratique.
S'ajoute à ce triste tableau le fait que le
principal texte de programmation énergétique (la programmation
pluriannuelle de l'énergie) doit être publié par décret sans soumission
au vote des parlementaires. Sans oublier qu'un conseil de politique
nucléaire vient de se tenir à huis clos, tandis qu'un conseil de
planification écologique est réduit à n'être qu'un outil de promotion de
la parole présidentielle. On mesure à quel point le culte du secret et
l'opacité institutionnelle deviennent des armes de destruction
environnementale massive. |
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