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mercredi 13 mars 2024

La criminalisation des défenseurs de l’environnement : une « menace majeure pour la démocratie »

La criminalisation des défenseurs 

de l’environnement : 

une « menace majeure 

pour la démocratie »

 

Edito
La criminalisation des défenseurs de l’environnement : une «menace majeure pour la démocratie»

« Les écoterroristes les plus stupides du monde » : c’est ainsi que le business man états-unien Elon Musk a réagi à l’acte de sabotage qui a visé la gigafactory de Tesla en Allemagne mercredi 6 mars.

Quelques heures plus tôt, l’un des pylônes de la ligne à haute tension alimentant son usine au sud-est de Berlin a été incendié intentionnellement. Selon un message de revendication signé d’un collectif nommé Vulkangruppe : « Nous avons saboté Tesla aujourd’hui. Notre sabotage a pour but de provoquer le plus grand black-out possible de la gigafactory. »

Si incendier volontairement une partie d’un réseau électrique reste un acte rare et isolé, l’accusation d’ « écoterrorisme » s’entend partout en Europe. Elle est même devenue un réflexe inquiétant parmi les gouvernements au sujet d’actions militantes pacifistes, y compris quand elles ne dégradent pas de biens – à la différence de l’action visant Tesla. Le rapporteur spécial des Nations unies Michel Forst, au titre de la convention d’Aarhus, le texte onusien protégeant les défenseurs de l’environnement, sonne l’alarme dans un rapport paru fin février.

« Dans un certain nombre de pays (dont l’Autriche, la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni), des personnalités publiques, en particulier des représentants de partis politiques, des membres du Parlement et même des ministres, ont décrit des mouvements environnementaux comme une “dictature” et une “menace pour la démocratie”. » Ou « ont qualifié des organisations et militants environnementaux d’écoterroristes et les ont comparés à des organisations criminelles ».

Il remarque, de plus, que « dans de nombreux pays, la réponse de l’État aux manifestations environnementales pacifiques consiste de plus en plus à réprimer » : arrestation, détention provisoire, amendes disproportionnées, restriction des formes légales de manifestation. Cette criminalisation des défenseurs de l’environnement est une « menace majeure pour la démocratie ».

Il expose une longue série d’exemples : en Italie, la loi « éco-vandalisme » de janvier 2024 prévoit une sanction allant jusqu’à six mois d’emprisonnement pour les dommages superficiels causés aux œuvres d’art et à leur matériel de protection. Au Royaume-Uni, une loi de 2022 permet d’interdire les rassemblements publics « bruyants » ou « perturbateurs ». S’attacher à une autre personne ou à un bâtiment est devenu une infraction pénale. Un militant a été condamné à trois ans de prison pour avoir bloqué un pont. En Irlande du Nord, des manifestants pacifiques contre l’exploitation minière ont été arrêtés pour avoir « traversé la rue à un endroit interdit ».

En Allemagne, en Pologne, au Portugal et en Espagne, des manifestants ont été détenus de neuf heures à sept jours pour de simples contrôles d’identité. En Suède, des actes auparavant qualifiés de « désobéissance aux ordres de la police » sont de plus en plus souvent considérés comme des actes de « sabotage ». En Allemagne, les autorités ont affirmé qu’en bloquant la circulation, des manifestants avaient exercé une coercition criminelle sur les conducteurs. En Pologne, des manifestants ont été accusés de coercition pour s’être collés au sol dans un bâtiment public. En Espagne, le procureur général a poursuivi pour « dégradation du patrimoine historique » des militants de Rebelión Científica qui avaient jeté de l’eau colorée sur le bâtiment du Congrès. La peine requise fut de un an et neuf mois d’emprisonnement.

Ce rapport fait écho aux accusations du ministère de l’intérieur français contre les Soulèvements de la Terre et leur dissolution – rejetée par le Conseil d’État –, ou au harcèlement policier contre les « écureuils perchés » dans les arbres contre l’A69. Il révèle à quel point ces actes ne sont pas seulement la marque d’une stratégie nationale de montée de la tension, mais bien le révélateur d’une réponse partagée par de nombreux gouvernements en Europe.

En pleine campagne électorale pour le Parlement européen, cette alerte devrait être prise au sérieux par celles et ceux qui ont à cœur de protéger les libertés publiques.

 

 

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