Sous pression européenne,
la France renonce à son indice
de durabilité des smartphones
L'indice de durabilité des smartphones élaboré par la France, plus complet que celui de l'Union européenne, devait évaluer chaque modèle par une note sur 10. - Clint Bustrillod / Unsplash
Le projet d’indice de durabilité des smartphones, élaboré par la France, passe à la trappe. Il risquait de faire doublon avec celui, pourtant moins complet, que veut mettre en place l’Union Européenne.
La France jette l’éponge. Face aux réticences de la Commission européenne, le gouvernement a renoncé à son projet d’indice de durabilité des smartphones. Cet indice devait permettre aux consommateurs de choisir un smartphone en fonction de sa propension à durer dans le temps, avec l’évaluation de chaque modèle par un indice de durabilité noté sur 10.
Bruxelles justifie son avis défavorable par la crainte d’une cacophonie dans les informations fournies aux consommateurs, car l’Union européenne a déjà prévu un étiquetage spécifique pour ces appareils. Celui-ci doit entrer en vigueur à partir de juin 2025. L’étiquette énergie des téléphones devrait comporter une note sur leur plus ou moins grande facilité de réparation, ainsi que quelques informations sommaires sur leur robustesse.
La crainte d’« indices divergents »
« Les méthodes de calcul et les paramètres utilisés [par le projet français et le projet européen] diffèrent considérablement », s’était inquiétée la Commission européenne l’automne dernier, craignant deux « indices divergents » sur un même produit.
Si une harmonisation entre les États membres est « souhaitable », celle-ci « ne doit pas se faire au prix d’une méthode laxiste », déplore l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP). Sauf que le projet français était justement beaucoup plus complet : 22 critères pris en compte, contre cinq dans l’indice européen avec, pour l’indice hexagonal, l’avantage d’un résumé par une note agrégée permettant « aux consommateurs de faire des arbitrages rapides entre plusieurs produits », notait HOP. L’indice européen présente aussi le défaut de ne pas tenir compte du prix des pièces détachées.
Feu vert pour les téléviseurs et lave-linges
En revanche, l’indice de durabilité verra bien le jour pour deux autres familles d’appareils : les téléviseurs et les lave-linges. Contrairement aux smartphones, aucun nouvel étiquetage européen n’est prévu — pour l’instant — pour ces deux familles d’appareils. L’indice de durabilité français a donc le champ libre. Il remplacera l’indice de réparabilité lancé en 2021.
Les grilles de notation de cet indice ont été élaborées au terme de longs échanges entre fabricants, associations et pouvoirs publics. Outre la facilité de démontage et les pièces détachées (coût, disponibilité), elles prennent en compte des critères de robustesse : par exemple, pour un lave-linge, le nombre de cycles qu’il peut subir ; et pour un téléviseur, la durée de vie de la dalle.
Bonus pour une garantie longue
Si ces éléments sont théoriques (un appareil pourra toujours flancher avant), ils sont mesurés selon des tests normalisés. Cette information, d’ordinaire inaccessible aux consommateurs, est utilisée pour calculer l’indice. Parmi les autres éléments, un bonus est attribué lorsque le fabricant offre une garantie plus longue que le minimum légal.
Ce nouvel outil d’information, précieux pour orienter les achats vers les produits les plus durables, devrait être obligatoire sur les téléviseurs à partir de décembre 2024 et sur les lave-linge à partir de mars 2025. Il pourrait être étendu par la suite à d’autres appareils… si Bruxelles le veut bien !
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La France enterre son indice de durabilité des smartphones
Tout en rappelant que son indice était plus ambitieux que celui prévu à l’heure actuelle par l’Union européenne, le ministère de l’écologie a fini par abandonner son projet, auquel la Commission européenne s’était dite défavorable.
Si l’indice de durabilité des téléviseurs et des machines à laver est toujours en projet, son équivalent destiné aux smartphones, lui, est définitivement abandonné, a confirmé le ministère de l’écologie dans un courrier adressé à l’Union européenne le 5 février, et repéré par Contexte. Le ministère prévoyait d’instaurer en 2024 ce nouveau score écologique chiffré sur dix, agrégeant à la fois l’indice de réparabilité lancé en 2021 et plusieurs nouveaux critères, comme la résistance aux chutes et aux noyades. Ses plans ont été contrariés par la publication, le 27 octobre, d’un avis circonstancié défavorable de la Commission européenne.
En cause : un problème de concurrence entre le projet de loi français et un texte européen qui s’appliquera à la mi-2025 et doit rendre obligatoire l’affichage d’une étiquette énergétique destinée aux smartphones. Aux yeux de l’Union européenne, cela faisait doublon avec l’indice de durabilité français. Ephémère, l’existence de ce dernier aurait « créé des charges additionnelles pour les opérateurs économiques et ajouté de la confusion parmi les consommateurs », estimait la Commission, puisque les deux indices diffèrent en plusieurs points.
Un calcul moins ambitieux
Dans sa réponse récente, le ministère de l’écologie affiche son désaccord, objectant que l’étiquette européenne « constitue un outil différent et complémentaire du futur étiquetage énergétique des smartphones et tablettes prévu par le règlement, tant au regard de la nature et de la lisibilité de l’information apportée, que du spectre élargi des critères contenus dans l’indice de durabilité ». Il déclare néanmoins abandonner son projet.
Des acteurs, comme l’éditeur des guides de réparation iFixit, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) et le constructeur de smartphones FairPhone, dénoncent la faiblesse de l’étiquette énergétique européenne : à la différence de l’indice français, elle ne prend pas en compte le prix des pièces détachées. Or, certains constructeurs, comme Apple, commercialisent ces dernières aux réparateurs indépendants à des tarifs prohibitifs, empêchant les consommateurs d’accéder, dans les ateliers proches de chez eux, à des réparations faites avec des pièces Apple officielles, comme l’a montré une enquête du Monde en 2022.
Lors d’une conférence organisée par l’association HOP au début de février, le coordinateur de la réglementation européenne sur l’étiquette énergétique, Davide Polverini, a justifié ainsi la position de la Commission : « Nous avons estimé qu’il était compliqué, pour les constructeurs, de préciser le prix des pièces détachées à l’échelle de l’Union européenne, tant la taille des marchés nationaux est variable. » Sans parvenir toutefois à convaincre HOP, iFixit ni FairPhone, qui participaient également aux débats, du bien-fondé de ce choix.
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