Pour les ours des Pyrénées,
un hiver pas comme les autres
À cette période de l’année, l’ours brun des Pyrénées est censé être en hibernation. Le réchauffement climatique change la donne. Explications, à l’occasion de la « Journée mondiale pour sauver les ours ».
Certains ours n'hibernent plus en raison des température hivernales très douces dans les Pyrénées. © Launette Florian & Megane Chene / MAXPPP
Des ours insomniaques ? La douceur des températures dans les Pyrénées n'inquiète pas seulement les stations de ski et les climatologues,
elle intéresse aussi les spécialistes des ours, une espèce toujours
considérée en France comme proche de l'extinction et pour cela suivie
scrupuleusement. Des traces du plus grand mammifère sauvage européen ont
ainsi été signalées, en plein mois de février, à l'association Pays de
l'ours-Adet, qui surveille le développement de l'espèce dans les
Pyrénées françaises.
À cette période, d'ordinaire, l'ours brun des Pyrénées hiberne depuis la
fin de l'automne, et jusqu'au début du printemps. Plus gros animal
hibernant, il se place alors dans un état de léthargie dont il peut
sortir régulièrement. Pendant environ trois mois, son rythme cardiaque
ralentit, passant de 50 battements par minute à une dizaine,
sa température corporelle baisse de plusieurs degrés, son rythme
respiratoire est divisé par deux, et il cesse de manger, de boire,
d'uriner et de déféquer, tenant sur les réserves de graisse qu'il a
accumulées lors de l'été et de l'automne – son poids peut alors croître
de 30 %.
Une nourriture suffisante
Cette année, au contraire, des indices de présence – empreintes de pattes, poils, photos et vidéos prises par des pièges, voire rencontre avec des randonneurs – ont été relevés tout au long de l'hiver. Un fait « inhabituel », mais pas « anormal » ou inquiétant pour autant.
« Les ours hibernent par adaptation, et pas par besoin physiologique, explique Alain Reynes, directeur de l'association Pays de l'ours. Concrètement, ce n'est pas du froid que les ours se protègent, mais de la difficulté à trouver la nourriture, enfouie sous la neige. Quand chercher à se nourrir coûte plus d'énergie que cela n'en rapporte, ils se mettent au ralenti. Cette année, comme la météo est particulièrement clémente et que la fructification a été riche à l'automne, ils trouvent plus facilement à manger, et certains n'ont donc toujours pas commencé à hiberner. »
Si leur nombre reste difficile à évaluer, certains ours des Pyrénées sont ainsi toujours de sortie, se nourrissant de faines, de glands, de noisettes et autres châtaignes laissés à découvert par le fin manteau neigeux.
Une dizaine d'ourses devraient mettre bas cet hiver
« La capacité principale de l'ours est sa capacité d'adaptation, souligne Alain Reynes. Le comportement et les attitudes sont différents selon les individus et leur environnement, mais l'absence d'hibernation n'a en tout cas pas d'incidence sur leur santé. »
Alors qu'ils appartiennent tous à la même espèce, les ours des massifs espagnols, où il fait plus chaud, restent ainsi éveillés durant l'hiver, tandis que ceux du Grand Nord américain se terrent entre quatre et six mois dans leurs tanières. Seules les femelles gestantes, mettant bas en janvier, continuent, qu'importe le climat, à hiberner : aveugles et sourds, les oursons pèsent 300 grammes à la naissance, contre 120 kilos pour un adulte, et sont donc incapables de supporter l'hiver. Ils restent ainsi tapis avec leur mère jusqu'au printemps, le temps de se développer suffisamment pour affronter la vie au grand air.
Dans les Pyrénées, une dizaine d'ourses devraient d'ailleurs mettre bas cet hiver, espère Alain Reynes. « Nous avons l'espoir d'annoncer un chiffre important de naissances d'oursons au printemps, explique-t-il. Le record est de 16 naissances d'oursons en 2020, et nous pensons atteindre le même niveau, voire le dépasser, cette année. »
Un problème de consanguinité
Une bonne nouvelle, puisque, malgré une croissance annuelle moyenne d'environ 11,2 %, la population d'ours des Pyrénées est encore trop faible pour se maintenir d'elle-même. La consanguinité risque en outre de poser bientôt problème : 90 % des 76 spécimens identifiés descendent en effet des mêmes individus, un mâle et deux femelles.
Le bon niveau de reproduction des ours des Pyrénées cache donc un manque de diversité génétique de plus en plus affirmé. Principale solution envisagée : lâcher de nouveaux individus adultes dans les montagnes pour introduire du sang frais, comme cela a été fait pour la dernière fois en 2018. Deux ourses slovènes, Sorita et Claverina, avaient alors été lâchées dans les Pyrénées-Atlantiques, malgré l'opposition de certains éleveurs.
Le gouvernement s'était d'ailleurs engagé dans le plan d'action Ours brun 2018-2028, puis dans la Feuille de route « pastoralisme et ours » de 2019, à relâcher un nouvel ours pour chaque ours mort de cause humaine. Sur les six dernières années, quatre cas ont été recensés. Aucun ours n'a encore été remplacé.
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