Opération Wuambushu
à Mayotte :
la violence néocoloniale
toujours plus loin
L’archipel de Mayotte, situé dans l’océan indien dans un ensemble d’îles appartenant historiquement aux Comores, est la cible de la répression anti-immigration du gouvernement français. Une vaste opération d’expulsions, d’arrestations et de destructions de logements pour laquelle «Un demi-millier de gendarmes et de flics s’apprêtent à envahir l’archipel [auxquels] s’ajoutent 750 policiers et 600 pandores déjà sur place» révèle le Canard Enchainé, est sur le point d’être lancée. «Wuambushu» signifie «reprise» en Mahorais, au sens de «reconquête».
Parmi ces centaines de forces de l’ordre, la fameuse CRS8, ultra-violente, envoyée sur place. L’État français prévoit d’expulser 10.000 personnes en 2 mois, et au moins deux centres provisoires de rétention seront créés. On dit que les policiers seraient «débordés» par le mouvement social en cours ? Pourtant les autorités ont encore les moyens de déployer un dispositif colossal à plusieurs milliers de kilomètres pour exercer leur violence coloniale.
À l’initiative de Darmanin, qui compte au même moment présenter son projet de loi sur l’immigration, l’assaut doit être lancé à partir du 21 avril prochain, pour mettre fin à «l’immigration illégale». L’objectif de l’opération : mettre à la rue des milliers de personnes sans papiers en rasant au bulldozer des centaines de logements illégaux (une atteinte au droit au logement facilité par une législation dérogatoire à Mayotte qui rend en effet légale la destruction des logements sur ordre du préfet sans autorisation du juge) ; et envoyer ces personnes sur l’île voisine des Comores ou à défaut en prison…
Le Centre de Rétention Administrative étant déjà surpeuplé, le préfet propose de les «entasser dans des gymnases réquisitionnés pour l’occasion». Une idée qui rappelle les pires heures de l’histoire française… Une «opération de grande envergure, sans précédent» déclare une représentant de la CFDT Alternative Police.
L’État français expérimente donc ses pires fantasmes anti-immigration pour réprimer celles et ceux qui subissent déjà des conditions de vie indignes. Un coup de com’ pour montrer la sévérité de l’État français, qui ne sait qu’enfermer et réprimer celles et ceux qu’il considère indésirables sur le sol français.
Les organisations humanitaires ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l’homme s’inquiètent de cette intervention militaire. Le président de cette commission a ainsi demandé à Darmanin de renoncer à cette opération craignant «une aggravation des fractures et des tensions sociales dans un contexte déjà très fragilisé» et dénonce une «atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères dans le cadre d’expulsions massives». Le 31 mars 2023 l’UNICEF, qui défend les droits de l’enfance auprès de l’ONU, a fait part de son inquiétude quant à l’opération. À Mayotte, les droits des enfants étrangers sont bafoués et l’accès à la Protection Maternelle et Infantile a été interdit aux personnes sans papiers. Concrètement, femmes enceintes, mères et jeunes enfants sont privé-es de soins. Par ailleurs, plus de 2000 enfants ont été enfermés au Centre de Rétention de Mayotte en 2020, et plus de 3000 en 2019. Un enfermement de masse de mineurs, parfois en bas âge.
Le gouvernement comorien appelle également la France à renoncer à cette violente opération et propose de «trouver ensemble les réponses humanitaires de relogement, de formation… et de régularisation».
L’archipel des Comores comprend quatre îles dont Mayotte. L’ONU a affirmé par une résolution de 1974 «le droit inaliénable du peuple de l’archipel des Comores à l’autodétermination et à l’indépendance (ainsi que) l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores». L’archipel proclame son indépendance le 6 juillet 1975… mais c’est sans compter l’obsession néocoloniale de la France qui, refusant de se voir perdre un territoire placé stratégiquement dans l’océan indien, met tout en œuvre pour que le vote soit rendu en faveur du maintien de Mayotte sous autorité française.
Un référendum est ensuite organisé sous Giscard en 1976. Alors que 80% des Mahorais étaient analphabètes ou ne parlaient pas français. Sans surprise la majorité des votes s’exprime en faveur du maintien de Mayotte en tant que collectivité française. C’est en 2009, sous Sarkozy, dans un relatif silence médiatique, que le statut de collectivité est modifié pour celui de département, rendu définitif en 2011. Pourtant, les inégalités entre Mayotte et la Métropole sont énormes : le SMIC est moins élevé ainsi que les aides sociales… Environ 80% de la population se retrouvent à vivre sous le seuil de pauvreté en 2018 selon l’Insee, avec un écart abyssal entre les plus riches et les personnes les plus pauvres.
La France est donc responsable de la situation de pauvreté tragique de milliers de personnes à Mayotte. Sa seule proposition : instaurer la terreur policière et la répression.
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