Des
infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il
s'est passé dans/autour des ZAD (Zones A Défendre) pendant cette deuxième quinzaine de janvier 2018 ; on y parle de
Notre Dame Des Landes, de Bure, de l'anti CGO de Strasbourg, et de plein d'autres
sujets.
Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle précieuse.
Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle précieuse.
NOTRE DAME DES
LANDES (44) : Enraciner l’avenir
Source
: ZAD.nadir.org et
médias
du 17 au 31 janvier
2018
Et
ailleurs : Zémésso
(Mali)
– GCO
(67) – Bure
(55) – Europacity
(95) – Amassada
(12) -
Fleury Mérogis
(91)
-
Feu vert au bétonnage -
Infos du 17 au 21 janvier
Mercredi 17 janvier
13h00 :
France inter :
ABANDON
DU PROJET NDDL
Les derniers jours d'un projet vieux d'un demi-siècle
Le
gouvernement abandonne le projet d'aéroport à
Notre-Dame-des-Landes. Depuis des semaines, l'exécutif a préparé
en coulisses cette décision qui met fin à des années de conflit.
Le
premier ministre doit détailler, ce mercredi en milieu de journée,
les raisons de l'abandon du projet d'aéroport à
Notre-Dame-des-Landes. Des raisons financières, environnementales et
politiques devaient être énoncées pour justifier ce choix qui met
fin à un projet vieux d'un demi-siècle.
Mais la situation est bien différente de ce qui se passait sous la présidence Hollande, où des liens directs avaient fini par s’établir entre l’Acipa, l’association historique des riverains contre l’aérogare, et les cabinets ministériels de Ségolène Royal et de Stéphane Le Foll. Malgré ses engagements répétés et anciens contre l’aéroport, Nicolas Hulot ne connaît pas les opposant·e·s. La seule fois où il s’est rendu sur la ZAD en 2011, alors occupée par beaucoup moins de personnes qu’aujourd’hui, lors de la primaire d’EELV, un jeune militant contre l’aéroport lui a renversé un seau d’épluchures sur la tête. L’ancien animateur télé incarne alors le greenwashing au yeux de militant·e·s anticapitalistes.
Mi-décembre, son ami Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie Hebdo, écologiste de longue date et auteur de plusieurs livres, prend contact avec des opposant·e·s historiques et des occupant·e·s de la ZAD. Avec François de Beaulieu, un pilier des naturalistes en lutte, ce collectif de savants de la faune et de la flore qui ont cartographié la biodiversité de la ZAD et découvert la présence de nombreuses espèces protégées et menacées, et Jean-Paul Besset, autre très proche d’Hulot, ils cosignent un long texte dans Reporterre pour un plan de sortie heureux du conflit.
Ils
y imaginent la ZAD transformée en laboratoire de la biodiversité et
de recherche agronomique. Le texte fait tousser des militant·e·s
anti-aéroport, qui défendent depuis des années les « Six
Points pour l’avenir de la ZAD », un texte plus offensif
soutenu par les opposant·e·s historiques et les zadistes. Ils
réclament qu’une entité du mouvement réattribue les terres
sauvées du bétonnage, et permette que tous les usagers actuels de
la zone puissent y rester, y compris les squatteurs non agriculteurs.
Le
député LREM Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire) entre lui aussi en
contact avec les opposant·e·s historiques et prépare des scénarios
en cas d’abandon de l’aéroport. Comment régulariser les
activités qui se déroulent sur la ZAD, parfois en toute illégalité
– mais pas toujours ? Faudra-t-il rendre la location de toutes
les terres payante, même contre une somme modique ? Quelle
place accorder à l’agriculture hors cadre ?
Matthieu
Orphelin cosigne une tribune avec José Bové dans trois journaux
locaux, dont Presse Océan, tribune qui dessine elle aussi
pour la ZAD un avenir pacifique, tourné vers l’agriculture, et
donne ainsi des gages de bonne volonté. José Bové est sollicité
par des opposants en tant qu’ancien leader du mouvement
d’occupation du Larzac, et habitant du plateau. Il partage ses
souvenirs sur la constitution de la Société civile des terres du
Larzac (SCTL), avec qui l’État a signé en 1985 un bail
emphytéotique de 60 ans permettant aux occupant·e·s de rester
sur place, après que François Mitterrand enterre définitivement le
projet d’extension du camp militaire en 1981.
Entre
le Larzac et Notre-Dame-des-Landes, les liens sont anciens. Bernard
Lambert, fondateur des Paysans travailleurs, mouvement très fort en
Loire-Atlantique dans les années 1970 en défense des paysans et de
critique de l’agriculture industrielle et capitaliste, fut une
figure d’inspiration pour des agriculteurs qui occupaient le
plateau du Larzac. C’est dans sa filiation que s’inscrivent les
paysans historiques opposés à l’aéroport de NDDL.
Une
réunion top secrète se tient par la suite à la préfecture de
Nantes, en présence de Nicolas Hulot. La préfète Nicole Klein s’y
inquiète du respect de l’ordre public. Elle a récemment roulé
sur le tronçon de la D281, dite la « route des chicanes »,
qui traverse la ZAD et fut un lieu d’affrontements entre occupants
et gendarmes en 2012. Elle décrit la présence d’une herse. Des
photos de lieux de vie, de scènes de semis collectif, de vaches à
l’étable et de la bibliothèque Le Taslu sont remises aux
représentant·e·s de l’État pour leur montrer un autre visage de
la ZAD.
Six
ans après, la route est traversée de quelques cabanes et restes de
barricades. Des voitures brûlées ou abandonnées la bordent. Une
tour baroque la surplombe. Des panneaux interpellent le passant :
« Roule au pas ou roule pas », « Ici
on vit »… Pour certain·e·s occupant·e·s, la route
symbolise l’âme de la ZAD, sa rébellion contre l’ordre établi.
Pour les paysans alentour, c’est une tannée car elle ne peut pas
s’emprunter avec une bétaillère ou un tracteur. Et pour certains
riverains, elle représente une muraille effrayante qu’ils n’osent
franchir.
La
libération de la route – rayée des cartes officielles du
département – occupe le haut de la liste des préoccupations des
acteurs de la discussion. Elle est aussi exigée par les opposant·e·s
historiques de l’Acipa, mais pas tant que la déclaration d’utilité
publique de l’aéroport n’est pas définitivement caduque. Or
elle expire le 9 février prochain, la veille d’un
rassemblement sur la ZAD.
D’autres
rendez-vous ont lieu en préfecture avec des représentants du monde
agricole, comme la chambre d’agriculture et la Confédération
paysanne. Tous y exposent leur vision d’un avenir possible pour la
ZAD, plus ou moins ouvert aux alternatives qui s’y sont développées
en près de dix ans d’occupation.
Mais
l’État ne s’est pas rangé aux arguments des anti-aéroport dès
la remise du rapport des médiateurs. Le cabinet d’Édouard
Philippe a fait réexpertiser le document pour jauger le poids des
arguments qu’il développe. L’analyse après coup par ses
services réévalue de 100 millions d’euros, semble-t-il, le
coût d’un réaménagement de l’actuel aéroport de Nantes
Atlantique, estimé entre 465 et 595 millions d’euros par les
médiateurs. La sous-estimation des coûts de l’agrandissement de
l’actuelle aérogare nantaise est l’un des principaux arguments
mis en avant par les partisans de la construction d’un aéroport à
Notre-Dame-des-Landes. Or ce calcul a été dénoncé par l’Atelier
citoyen dans son livre noir de la DGAC, qui en dénonce les biais et
les manipulations de chiffres.
Le
10 janvier, l’association Des ailes pour l’Ouest, principale
association en faveur d’un transfert de l’aéroport à NDDL,
tient une conférence de presse à Paris, à la Maison de la
Bretagne. « La médiation est une manipulation »,
tonne Alain Mustière, son président. « On vient vous dire
la vérité, notre vérité. On enfume la population en disant qu’on
a trouvé le Graal de l’alternative à l’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes. » Pour Yann Trichard, président de
la CCI Nantes Saint-Nazaire : « Tout le monde sait
depuis Rome que les infrastructures font le développement économique
du territoire. » Un représentant du Syndicat mixte
aéroportuaire (SMA) remarque que si le projet est abandonné, « ce
serait le premier revirement de Macron ». Un patron du
textile à Saint-Malo menace de délocaliser son usine en cas
d’abandon.
Ces
déclarations constituent la version protestataire du discours,
similaire sur le fond, des élus du SMA, reçus à leur tour à
Matignon le 12 janvier. À la sortie, Philippe Grosvalet,
président PS du département, défend ses arguments habituels depuis
des années, comme si le rapport des médiateurs n’avait jamais
existé : « Je n’imagine pas que le président de la
République et le premier ministre puissent nier ce qui représente
le fondement de notre pays : la justice. 179 recours nous sont
favorables, et le suffrage universel. »
Sur
le trottoir de la rue de Varenne, il martèle : pas de plan B
pour le trafic de 9 millions de passagers estimé pour 2030 et
que l’actuelle aérogare ne pourrait pas accueillir ; longueur
des travaux à conduire ; coût pour la puissance publique. Le
syndicat mixte a remis au préalable une contribution écrite au
premier ministre, où il détaille ses critiques des conclusions des
médiateurs : sur l’impossibilité de prolonger la piste de
l’actuel aéroport, sur l’exposition au bruit des Nantais, sur
l’étalement urbain qu’il susciterait, sur les coûts élevés
d’un réaménagement.
Depuis
le 5 janvier, Édouard Philippe enchaîne les rendez-vous avec les
élus locaux, très majoritairement favorables au nouvel aéroport,
et plus encore à l’évacuation de la ZAD. Les élus du CéDpa,
opposés au nouvel aéroport, ont demandé eux aussi à être reçus.
Ils n’ont eu droit qu’à un échange téléphonique avec un
conseiller. Le premier ministre a en revanche effectué une visite
historique au village de Notre-Dame-des-Landes, une première pour un
chef de gouvernement en fonctions. Mais auprès du maire, Jean-Paul
Naud, il est resté impassible, presque silencieux, ne posant
quasiment aucune question. Une attitude impénétrable décrite par
toutes celles et ceux qu’il a rencontrés ces derniers jours sur ce
dossier.
Jade
Lindgaard - Médiapart
Notre-Dame-des-Landes :
le projet d’aéroport est abandonné
Le
Premier ministre annonce ce mercredi à 13 h 30 la décision
d’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. La
victoire pour un mouvement de résistance de plusieurs décennies.
Lire le discours d’Edouard Philippe. A Paris et sur la Zad,
l’équipe de Reporterre vous raconte.
13
h 30 :
Le Premier ministre parle : « Le
projet de Notre-Dame-des-Landes sera abandonné. »
Le Premier ministre Edouard Philippe a expliqué que « les
conditions se sont pas réunies pour mener à bien le projet
d’aménagement d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel
projet ne peut se faire dans un tel contexte d’opposition exacerbée
de la population. Notre-Dame-des-Landes, c’est l’aéroport de la
division. Cette décision est logique au regard de l’impasse dans
laquelle nous nous trouvons. »
Voici
son discours complet : « Il y a 50 ans, les pouvoirs
publics ont identifié Notre-Dame-des-Landes pour accueillir un
aéroport pour le Grand-Ouest. Pendant 50 ans, le projet a été
successivement relancé, remis à plus tard, reconfiguré. A coups de
décisions, de reculades, de non-décisions, l’État s’est placé
face à un dilemme impossible. L’indécision a laissé les
partisans et opposants se monter les uns contre les autres.
Quand
nous sommes entrés en fonction il y a 8 mois, nous avons trouvé une
situation bloquée et dangereuse pour les personnes, et pour l’État
de droit ; nous aurions pu faire comme d’autres : laisser
aux prochains le soin de trancher le nœud gordien. S’il y a bien
un seul point sur lequel tout le monde s’accorde, c’est la
nécessité de sortir de cette situation ; nous avons décidé
de trancher en sachant que si la décision avait été facile elle
aurait été prise depuis longtemps.
Mon
premier réflexe aurait été d’autoriser sans délai ce projet.
Mais je sais aussi que les choses paraissent toujours plus simples
quand elles sont vues de loin. En prenant le temps d’appréhender
la situation, dans tous ses aspects, nous avons demandé à trois
personnalités expertes de dresser un rapport de la situation. J’ai
ensuite rencontré plus d’une centaine d’élus. Je leur rends un
hommage appuyé. J’ai voulu me rendre compte moi-même de la
situation.
Il
est temps désormais d’être clair dans les choix. Le gouvernement
a pris la décision : les conditions se sont pas réunies pour
mener à bien le projet d’aménagement d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet ne peut se faire dans un tel
contexte d’opposition exacerbée de la population.
Les autres projets récents (viaduc de Millau et autres) se sont tous réalisés parce qu’ils étaient largement portés et acceptés par la population. Notre-Dame-des-Landes, c’est l’aéroport de la division.
Les autres projets récents (viaduc de Millau et autres) se sont tous réalisés parce qu’ils étaient largement portés et acceptés par la population. Notre-Dame-des-Landes, c’est l’aéroport de la division.
Le
projet de Notre-Dame-des-Landes sera donc abandonné. Cette décision
est logique au regard de l’impasse dans laquelle nous nous
trouvons. Les terres retrouveront leur vocation agricole. Cette
décision est une décision d’apaisement. Elle doit être
l’occasion d’un nouveau départ, l’occasion de construire
différemment et intelligemment.
Le
Grand Ouest doit être connecté au reste de la France et de
l’Europe, mais pas par un modèle imaginé il y a 50 ans. Brest,
Nantes et Rennes devront disposer de connections faciles avec les
autres métropoles européennes. Il n’y a pas de solution idéale,
mais une option alternative crédible : l’extension de
l’aéroport actuel.
Nous
ferons tout pour réduire les nuisances pour les habitants de
Saint-Aignan.
Notre
deuxième décision, c’est qu’il faut rétablir l’État de
droit sur la zone : le gouvernement s’y engage. Nous mettrons
fin à la zone de non-droit qui prospère depuis près de dix ans sur
la zone. Ainsi dès aujourd’hui, la demande de prorogation
d’utilité publique sera retirée. La DUP [déclaration
d’utilité publique, NDLR] deviendra caduque le 8 février
prochain. Les trois routes doivent être rendues à la libre
circulation. Les squats qui débordent sur la route devront être
évacuées ; à défaut, les forces de l’ordre interviendront.
La
vocation agricole des terres sera préservée. Les agriculteurs
expropriés pourront récupérer leurs terres. Les habitants illégaux
devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain. Des
installations agricoles pourront avoir lieu à partir d’avril dans
un cadre légal. L’État engagera une cession progressive des
terres. C’est une décision d’apaisement dans une situation
locale tendue. »
13
h 20 : devant La Vache Rit, le centre historique du mouvement de
résistance au projet d’aéroport, on commence à se retrouver
13
h 05 -
Alors que les journalistes patientent à l’Elysée en attente de
l’annonce gouvernementale, Ouest-France affirme que le projet
serait abandonné, d’après une source ministérielle. L’extension
de l’aéroport de Nantes-Atlantique serait donc l’option retenue.
« Une
très mauvaise décision pour les habitants de Loire-Atlantique »,
d’après Philippe Grosvalet, président du syndicat mixte
aéroportuaire, qui a confirmé l’abandon : « par cette
décision, Emmanuel Macron piétine les procédures publiques et les
179 décisions de justice, et la voix des électeurs. Il n’y aura
que des perdants. »
Selon
Marie Toussaint, présidente de l’ONG Notre affaire à tous :
« La résistance à NDDL fut légitime car ce projet n’aurait
jamais dû exister. C’est précisément l’inadéquation de notre
droit et de notre démocratie qui a mené à son déploiement, et
donc à l’occupation des terres. En 2017, 312 défenseurs des
droits humains et environnementaux ont été tués dans 27 pays.
Après la décision de non-lieu pour Rémi Fraisse, la France ne peut
contribuer à l’augmentation de ce chiffre terrifiant ».
12
h 52 - Source officielle : le projet #NDDL est abandonné !
L’annonce va être officialisée dans un instant.
2
h 20 - Le Premier ministre Édouard Philippe doit annoncer
la décision du gouvernement sur le projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes ce mercredi 17 janvier à l’issue du
Conseil des ministres, entre 12h30 et 13h30. D’après notre
journaliste présente sur place à l’Elysée, il s’exprimera en
présence des ministres de l’Intérieur, Gérard Collomb, de la
Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, des Transports,
Elisabeth Borne, de la Justice, Nicole Belloubet, et du porte-parole
du gouvernement, Benjamin Griveaux.
Un
point d’« échanges sur Notre-Dame-des-Landes »
était inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce
mercredi 17 janvier. Le gouvernement se retrouve mercredi matin
à l’Elysée autour du président Emmanuel Macron à l’occasion
du Conseil des ministres. Forces de l’ordre, services de l’État
et élus se tiennent prêts pour ce mercredi, à la mi-journée.
Des
camions des forces de l’ordre ont été aperçus mardi 16 janvier
sur les routes en direction de Notre-Dame-des-Landes, Nantes et
Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). De nombreuses chambres d’hôtels
destinées à les héberger auraient également été réservées
dans les environs.
Sept
escadrons de gendarmerie mobile sont attendus mercredi sur place,
selon une source proche du dossier citée par l’AFP, avec pour
objectif de quadriller la zone et de procéder à des contrôles afin
d’éviter l’arrivée de renforts dans la Zad. Plusieurs
compagnies de CRS seront elles à Nantes et à Rennes afin d’assurer
le maintien de l’ordre en cas de manifestations, selon la même
source.
Edouard
Philippe, qui a rencontré plus de 100 élus de l’ouest depuis dix
jours et s’est rendu discrètement samedi à Notre-Dame-des-Landes,
se chargera d’annoncer lui-même la décision. A huis clos devant
les députés LREM, Edouard Philippe a reconnu qu’après ces
consultations, il n’était « pas forcément plus facile de
se prononcer ». « Quelle que soit la réponse, elle sera
mauvaise » car elle fera des mécontents, a-t-il admis.
|
Une
option possible est celle d’une forme d’ultimatum pour permettre
aux volontaires de quitter les lieux, avant une intervention dans
quelques jours, selon un proche du dossier cité par l’AFP.
L’annonce
sera donc faite à la mi-journée, dans un salon privé de l’Elysée,
sans questions à l’issue.
|
Sur
la Zad, Le mouvement anti-aéroport s’est donné rendez-vous ce
mercredi à 18H00 à "La Vache Rit". D’après notre
journaliste présent sur place, « un hélicoptère de la
police survole la Zad ».
Sur
le
site des habitants de la Zad, les opposants « demandent
à toutes les personnes qui souhaitent [les] soutenir de rester
vigilant.e.s et d’attendre un appel clair de [leur] part avant de
venir sur la Zad. »
Reporterre
Communiqué commun du mouvement anti-aéroport,
suite à la décision du
gouvernement
Ce
midi, le gouvernement vient enfin d’annoncer l’abandon du projet
d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Nous
notons que la DUP ne sera officiellement pas prorogée. Le projet
sera donc définitivement nul et non avenu le 8 février.
Il
s’agit bien d’une victoire historique face à un projet
d’aménagement destructeur. Celle-ci aura été possible grâce à
un long mouvement aussi déterminé que divers.
Nous
voulons d’abord saluer chaleureusement aujourd’hui toutes celles
et ceux qui se sont mobilisées contre ce projet d’aéroport au
cours des 50 dernières années.
En
ce qui concerne l’avenir de la zad, l’ensemble du mouvement
réaffirme dès aujourd’hui :
-
La nécessité pour les paysan-ne-s et habitant-e-s expropriés de
pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite.
-
Le refus de toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter
ces dernières années dans le bocage pour le défendre et qui
souhaitent continuer à y vivre ainsi qu’à en prendre en soin.
-
Une volonté de prise en charge à long terme des terres de la zad
par le mouvement dans toute sa diversité - paysans, naturalistes,
riverains, associations, anciens et nouveaux habitants.
Pour
le mettre en œuvre, nous aurons besoin d’une période de gel de la
redistribution institutionnelle des terres. Dans le futur, ce
territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation
sociale, environnementale et agricole.
En
ce qui concerne la question de la réouverture de la route D281,
fermée par les pouvoirs publics en 2013, le mouvement s’engage à
y répondre lui-même. La présence ou l’intervention policières
ne feraient donc qu’envenimer la situation.
Nous
souhaitons par ailleurs, en cette journée mémorable, adresser un
fort message de solidarité vis-à-vis d’autres luttes contre des
grands projets destructeurs et pour la défense de territoires
menacés.
Nous
appelons à converger largement le 10 février dans le bocage pour
fêter l’abandon de l’aéroport et pour poursuivre la
construction de l’avenir de la zad.
Acipa,
Coordination des opposants, COPAIn 44, Naturalistes en lutte, les
habitant-e-s de la zad.
Contacts
presse : ACIPA - Dominique Fresneau : 06 71 00 73 69 -
COPAIN 44 - Cyril Bouligand : 06 21 04 76 84 - Coordination -
Geneviève Coiffard : 06 80 84 19 89 - Naturalites en lutte -
Jean-Marie Dréan : 07 69 40 45 75 - Zad presse : 06 95 06
81 49
Conférence
de presse commune : mercredi 17 janvier, 15h30, à la Vache Rit
(les Domaines, 44130 Notre-Dame-des-Landes)
►INFO :
Les prochains rendez-vous. Pour cause de victoire concernant le
projet d’aéroport, l’AG des usages de ce soir est reportée. On
fête la victoire ce soir à la Vache-Rit dès 18h. Une AG du
mouvement exceptionnelle est prévue demain matin à 10h à la
Wardine.
L’aéroport de Notre Dame des Landes est mort ?
Vive la ZAD !
L’abandon
du projet d’aéroport est une excellente nouvelle. Mais qu’il
soit couplé à une évacuation (même partielle) de la ZAD n'est pas
une décision acceptable. Défendre la ZAD après l'abandon du projet
reste en effet essentiel.
Le
gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait définitivement au
projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Dans le même temps, à
la suite des propos du ministre de l’Intérieur, qui annonçait
hier que la ZAD "serait évacuée de ses éléments les plus
radicaux", il prépare une opération policière et militaire
d’une ampleur inédite.
Bien
sûr, l’abandon du projet d’aéroport est une excellente
nouvelle. Mais qu’il soit couplé à une évacuation (même
partielle) de la ZAD n'est pas une décision acceptable.
Renoncer
à construire un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes est la
victoire de l'ensemble du mouvement d'opposition à l'aéroport de
Notre Dame des Landes : sans ce vaste mouvement de résistance,
l’aéroport aurait déjà été construit.
Cette
décision n’est pas le résultat d'une conversion soudaine
d'Emmanuel Macron, d'Edouard Philippe et du gouvernement à la raison
climatique, environnementale, sociale et économique dans leur vision
de l'aménagement du territoire. Il s'agit d'un succès historique,
construit au cours d'une mobilisation de plus de 40 ans, qui est
parvenue à durer parce qu'elle a tour à tour articulé, alterné ou
associé recours juridiques, contre-expertise citoyenne,
mobilisations de masse, solidarité avec les paysan.ne.s, les
syndicats de salarié.e.s (y compris du secteur de l'aviation),
occupations légales, occupations illégales, résistance,
préfiguration, etc.
L'occupation
de la ZAD, par ses habitant.e.s historiques et, dans la dernière
phase de la lutte (après l'échec de l'opération César), par de
nombreuses et nombreux soutiens "extérieur.e.s" en est un
élément décisif. Il n’y a donc pas bon.n.e.s opposant.e.s,
fondé.e.s à rester et des éléments « radicaux » qu’il
faudrait expulser, mais un mouvement, dont la force et la capacité à
s’inscrire dans la (très) longue durée réside précisément dans
sa diversité.
Depuis
longtemps, ce qui se joue sur la ZAD dépasse en outre largement
l'opposition au projet d'aéroport. Cette lutte se distingue en effet
par sa capacité à re-situer le projet dans "son monde" -
un monde dans lequel le béton l'emportait jusqu'alors
irrémédiablement sur les tritons. Il n’est depuis longtemps plus
question d’une approche de type « pas dans mon jardin »,
mais d’un élargissement des perspectives, questionnant les
fondements même de la décision de construire un nouvel aéroport,
plutôt que de se centrer sur le seul choix du lieu.
Le
gouvernement a préparé l'opinion publique, via des ficelles aussi
grosses qu'éculées - mais malheureusement encore très efficaces,
comme en témoignent les nombreux publi-reportages en faveur d'une
intervention policière publiés dans la presse - à l'exercice de la
force brutale contre la ZAD. Le déploiement de blindés, de
plusieurs milliers de policier.e.s, de gendarmes (voire de l'armée),
et les drames humains qu'il ne manquera pas d'entraîner de tous
côtés, a besoin de ce mythe d'un "ennemi intérieur",
d'un "kyste" (comme le disait alors Manuel Valls).
Ce
qui se joue sur la ZAD devrait pourtant intéresser au plus haut
point un gouvernement et un président de la République qui ne
cessent de discourir sur l'impératif climatique. Agir face à la
catastrophe qui vient implique en effet de créer de nouvelles
articulations entre le local et le global - y compris au niveau des
politiques publiques. Penser les causes, les conséquences et les
alternatives du réchauffement climatique, de l'extinction des
espèces, du mal que nous avons collectivement et historiquement fait
à ce monde à partir de territoires concrets : voici, sans doute, la
nouvelle frontière de la politique.
La
ZAD de Notre Dame des Landes apparaît alors, dans sa beauté
fragile, dans ses errements, ses bégaiements, dans ses balbutiements
autant que dans ses accomplissements, dans son architecture en
dentelle, dans ses ajustements permanents, comme un lieu splendide,
un territoire unique, à partir duquel penser ce que signifie vivre
ensemble au temps des catastrophes, à imaginer et créer des formes
nouvelles d'associations entre humain.e.s et non-humain.e.s ; à
revoir complètement la hiérarchie des causes et des conséquences
et de trouver des manières de prendre en compte l'intégrité des
êtres vivants non-doués de parole.
Les
opposant.e.s au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'ont
cessé de tenter d'apporter des réponses à ce défi, en recensant
l'ensemble des espèces menacées par le projet, en mettant en avant
le déséquilibre total du rapport de force entre béton et tritons
et en créant des agencements subtiles entre les différents usages
(et les différents usagers, humain.e.s comme non-humain.e.s) de la
ZAD. La nature n'y apparaît plus comme un espace neutre, que des
élus peuvent décider d'aménager à leur guise et qu'il est
possible de reconstituer quelques kilomètres plus loin, par le
truchement de la compensation biodiversité ; pas plus qu'elle n'est
un élément externe que des militant.e.s peuvent défendre depuis
une position surplombante – un glissement dont rend compte si
superbement le slogan "nous ne défendons pas la nature, nous
sommes la nature qui se défend".
Depuis
la ZAD s’inventent et s’expérimentent des réponses à des
questions aussi essentielles pour notre avenir commun que :
comment vivre, comment penser, comme s’aimer, comment s’opposer,
comment construire, comment détruire, comment rêver, comme tester,
comment tâtonner, comment faire société. Bref : comment rester (ou
redevenir) humain.e.s dans un monde qui s'approche de plus en plus du
chaos ? Parcourir un chemin de la ZAD, se baigner dans l'un de ses
étangs ou de ses lacs, y habiter, y aimer, y rêver, y cultiver un
champ, est un acte fort, préfigurant ce à quoi pourrait ressembler
un futur libéré de l'horizon dystopique dont nous nous approchons à
grand pas.
Aujourd'hui,
plus que jamais, il est donc essentiel de défendre la ZAD.
Maxime Combes et Nicolas Haeringer – Blog sur Médiapart
ZAD -
vers une nouvelle souveraineté
libertaire-nomade ?
L’abandon
du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est considéré
comme une victoire des zadistes. Mais ce bocage de Loire-Atlantique
n’est pas le seul à être occupé par une ZAD (Zone à défendre).
Ce phénomène est en train de tricoter une nouvelle notion : la
souveraineté libertaire et nomade.
Le
phénomène « ZAD » est tout sauf monolithique. Il est
aussi divers que diffus et comprend des tendances idéologiques qui,
souvent, ne partagent pas grand-chose entre elles. Les militants
écologistes qui veulent sauver un biotope par la non-violence
côtoient les « black block » dont l’idéologie se
limite au cassage de flics ; entre les jeunes paysans qui
expérimentent de nouvelles cultures « bio » et les
squatters venus du milieu urbain qui ont de la campagne une idée
aussi vague que les terrains de leurs quartiers, le dialogue a bien
de la peine à embrayer. Dès lors, on ne saurait parler de
« zadisme ». Et pourtant, à bien y réfléchir, ces
« zadistes » politiquement et sociologiquement bigarrés
reposent en des termes nouveaux cette notion qui est l’objet de
toutes les attentions à l’heure de la globalisation : la
souveraineté.
Un
projet d’implantation d’un de ces monstrueux machins sortis des
cartons à délires d’énarques et/ou de Louis XIV entrepreneuriaux
menace-t-il un coin de France ? Il y a fort à parier que les
diverses tribus zadistes vont aussitôt l’investir. Outre
Notre-Dame-des-Landes, trois sites sont actuellement occupés par des
zadistes de façon permanente :
- Bois Lejuc dans la Meuse où une trentaine de militants s’opposent au projet de centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, lieu considéré comme le plus brûlant par la maréchaussée ;
- Roybon dans la Meuse, contre le projet de centre de vacances Center Parcs ;
- Près de Strasbourg où la ZAD locale a installé des cabanes en bois depuis plusieurs mois pour protester contre un projet de contournement routier.
La
Gendarmerie nationale a récemment communiqué aux médias que sa
SDAO (Sous-direction de l’anticipation opérationnelle) a recensé
une cinquantaine de lieux « zadables » dont douze sont
considérés comme particulièrement sensibles (voir la carte du
Dauphiné Libéré– Cliquez pour l'agrandir).
C’est
dire si le phénomène ne s’éteindra pas avec l’abandon du
projet à Notre-Dame-des-Landes ; au contraire, le fait d’avoir
coupé les ailes d’un aéroport risque plutôt d’en donner aux
zadistes !
La
ZAD,
comme expérience
de nouveaux rapports humains
Comme
nous l’avons vu, les tribus zadistes poursuivent des buts
différents en occupant un site.
Certains ne veulent que s’opposer
à un projet dévoreur de nature ; d’autres, parfois les mêmes
d’ailleurs, veulent profiter de cet espace ainsi « libéré »
pour tenter des expériences nouvelles, en agriculture mais aussi en
projets de société pour vivre autrement, sans les pressions de
l’hypercapitalisme financier, des hiérarchies familiales et
sociales, pour promouvoir d’autres types de comportement humain que
ceux dictés par la consommation et le salariat.
Bien
sûr, cela ne va pas sans frottement avec le voisinage qui ne voit
pas forcément d’un œil tendre « ces anarchistes qui vont
faire baisser le prix des terrains avec leurs conneries ».
Toutefois, il existe aussi des voisins qui sont tout contents de voir
que quelqu’un enfin s’oppose efficacement à un projet qui va
leur entraîner moult désagréments. Mais ces différents peuvent
s’aplanir avec le dialogue, comme le démontrent les expériences
du Larzac et de Notre-Dame-des-Landes. C’est avec l’Etat que les
zadistes engageront le bras-de-fer avec la souveraineté comme
principal sujet de discorde.
Dans
l’optique du gouvernement, il s’agit de « défendre l’Etat
de droit dont il est le garant, vis-à-vis du peuple. Les zadistes
occupent illégalement des terres qui ne leur appartiennent pas.
Force restera à la loi. Que la ZAD dégage. Il ne s’agit pas d’un
acte dicté par une tyrannie mais l’exécution de règles
approuvées directement ou indirectement par le peuple ».
Les
zadistes répliqueront : « C’est qui le peuple ?
Les groupes d’intérêts commerciaux qui veulent installer un
projet dangereux pour l’environnement et qui sont protégés par
l’Etat ? Laissez-nous plutôt tenter des expériences de vie à
côté de votre système. »
Mais
l’Etat, quel que soit sa couleur politique, doit obéir à sa
logique qui est d’appliquer des lois afin que le développement des
intérêts commerciaux soit assuré. Qui dit nouvelles activités,
dit embauches. Cela produit des recettes fiscales en plus et des
chômeurs en moins. C’est tout bénéfice, et pour le gouvernement
et pour les dirigeants économiques. L’ennui, c’est que les
zadistes savent mieux que les fonctionnaires utiliser les réseaux
sociaux. Et ils disposent désormais de troupes, disparates certes,
mais jeunes et inventives. Les tribus zadistes apprennent chaque jour
sur le tas à bricoler de nouveaux rapports humains et ils sont en
train d’engranger un savoir social de plus en plus perfectionné.
De plus, ils suscitent une certaine sympathie au sein d’une partie
de la population. Dès lors, leurs installations tendent à
perdurer ; à preuve, les onze ans de ZAD à
Notre-Dame-des-Landes.
Lorsque
l’Etat décide de sévir en mobilisant ses forces de l’ordre pour
évacuer une ZAD, hop, les zadistes en occupent une autre afin de
continuer de façon nomade l’expérimentation de leur souveraineté
libertaire ! De ZAD en ZAD, c’est peut-être un nouveau type
de social-écologisme qui est en train d’être inventé. On peut
l’espérer. Ou pour certains, le redouter.
VICTOIRE
HISTORIQUE -
L'aéroport Notre-Dame des Landes abandonné !
►Nantes
Appel à rassemblement à Nantes du CNCA : Suite à l’annonce du gouvernement qui annule le projet d’aéroport à Notre dame des landes et répondant à l’appel de l’assemblée du mouvement anti-aéroport du 7 novembre 2017, nous appelons à un rassemblement le mercredi 17 janvier à 18h devant la préfecture de Nantes afin de fêter l’abandon du projet d’aéroport à NDDL. Suivi d’une manifestation contre toute tentative d’expulsions sur la ZAD.
►ZAD
Un
grand merci pour tous les messages de soutien en ce jour historique !
Et même si l’aéroport ne se fera pas, la lutte continue pour
défendre la Zad.
Notre-Dame-des-Landes :
l’exécutif tranche,
les critiques pleuvent
Édouard
Philippe a annoncé mercredi l’abandon du projet d’aéroport à
Notre-Dame-des-Landes et l’évacuation de la ZAD au printemps
prochain. L’exécutif peut s’enorgueillir de trancher une
question sur laquelle se sont heurtés tous les gouvernements.
Déjà, les pro-aéroport dénoncent un « déni de
démocratie ».
C’est
décidé. Après des années de controverses et de tergiversations,
sur lesquelles plusieurs gouvernements sont venus se heurter, Édouard
Philippe a annoncé mercredi 17 janvier l’abandon du projet
d’aéroport du Grand Ouest, qui devait être implanté à
Notre-Dame-des-Landes. Une décision qui met un terme à dix ans de
lutte obstinée des opposants au projet, qui en étaient venus à
occuper le territoire réservé par l’État pour y construire la
nouvelle aérogare, la zone d’aménagement différé devenue au fil
du temps la « zone à défendre ».
Depuis
dix ans, ces 1 650 hectares dans le bocage nantais, remplis de
forêts, de mares, de sentiers, de champs de pâturage, et
habités par 250 à 300 personnes venues d’horizons politiques et
géographiques divers, s’étaient transformés en symbole d’une
nouvelle forme de politique, alliant le discours au geste, l’idéal
à sa mise en œuvre concrète : construire son lieu de vie,
cultiver et élever pour soi et pour nourrir les autres luttes,
apprendre à vivre au rythme de la nature. Mais ce n’est pas la
raison pour laquelle l’exécutif a choisi de mettre fin au projet.
« Instruit
du dossier autant qu’il peut l’être et en étroite association
avec le président de la République, le gouvernement a pris sa
décision. Je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas
réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet d’aménagement qui structure
un territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte
d’opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la
population », a expliqué le chef du gouvernement, mercredi, à
l’issue du conseil des ministres. Avant d’indiquer : « Cette
décision, que nous prenons aujourd’hui est une décision de raison
et d’apaisement dans un contexte local tendu. Une décision
exceptionnelle pour une situation locale exceptionnelle. »
Afin
de prévenir d’emblée les critiques qui n’ont pas manqué de
pleuvoir sitôt son allocution terminée, Édouard Philippe a rappelé
que « la situation était totalement bloquée » au
moment de son entrée à Matignon, il y a huit mois. « Elle
était non seulement bloquée, mais elle était dangereuse pour la
sécurité des personnes et contraire au respect de l’État de
droit », a-t-il précisé. Pour y remédier, son premier
réflexe, « celui d’un républicain convaincu, celui de
maire, d’ancien maire d’une ville, aurait été d’autoriser
sans délai ce projet » déclaré d’utilité publique en
2008, a-t-il également reconnu.
« Durant
cinquante ans à coups de décision, de reculade, de déni, de
non-décision, l’État s’est placé face à un dilemme
impossible, a encore regretté Édouard Philippe. Durant
toutes ces décennies, alors que partout ailleurs le pays réalisait
de grands projets d’aménagement, l’indécision des gouvernements
successifs a laissé les partisans du projet et ses opposants
s’affronter, se dresser les uns contre les autres. On a parfois
instrumentalisé ces oppositions à des fins politiciennes. »
Au nom de « l’apaisement » et de la volonté de
« construire différemment, intelligemment » un
autre projet pour le Grand Ouest, l’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes est donc purement et simplement abandonné.
Pour
le chef du gouvernement, « cette décision est logique au
regard de l’impasse dans laquelle se trouve ce dossier » :
« Cinquante années d’hésitation n’ont jamais fait
une évidence. Cette décision est sans ambiguïté. Les terres
retrouveront leur vocation agricole. Contrairement à ce que propose
le rapport, elles ne seront pas conservées pour réaliser
ultérieurement le projet », a-t-il insisté. Pas un
moment, le premier ministre n’a parlé d’écologie, de climat, de
biodiversité, d’agriculture paysanne, ni de relocalisation des
activités. À ses yeux, les terres de la ZAD doivent aujourd’hui
retrouver leur vocation agricole.
Les
agriculteurs expropriés qui le souhaitent pourront retrouver leurs
terres. Et de nouveaux projets agricoles pourront être proposés à
partir du mois d’avril. « L’État engagera une session
progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes, dès maintenant, les
forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce processus se déroule
dans le respect de la loi et que les squatteurs libèrent
progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas »,
a précisé Édouard Philippe, soulignant sa volonté de mettre fin à
« une zone de non-droit qui prospère depuis près de
dix ans sur cette zone. »
En
contrepartie, l’État s’engage à optimiser l’actuel aéroport
de Nantes Atlantique, mais aussi à améliorer la mise en réseau des
aéroports régionaux et à appuyer les dessertes par lignes à
grande vitesse vers les plateformes aéroportuaires parisiennes.
C’est le minimum de ce que réclamaient les collectivités locales.
L’exécutif promet surtout l’évacuation de la ZAD, mais pas
avant le printemps, attendant ainsi l’expiration de la trêve
hivernale sur les expulsions (le 30 mars). D’ici là, la route
départementale D281, couverte de quelques cabanes et restes de
barricades devra être libérée, comme le réclament depuis
plusieurs mois paysans et riverains.
« C’est un scandale démocratique »
Le premier, ancien président des Pays-de-la-Loire de 1998 à 2002, en faisait un outil de développement économique. Le deuxième y voyait un moyen de marquer son autorité en faisant respecter l’ordre – il a d’ailleurs encore indiqué, dimanche 14 janvier, que l’abandon serait une « erreur », assurant n’avoir « toujours pas compris pourquoi » François Hollande et Jean-Marc Ayrault lui avaient demandé d’arrêter l’opération « César » d’évacuation de la ZAD à l’automne 2012.
Les
réactions se sont multipliées depuis le début de l’après-midi.
Bruno Retailleau, un proche de François Fillon, conseiller régional
des Pays-de-Loire et chef du groupe LR au Sénat, a notamment perçu
derrière cette décision une « capitulation ».
« Les zadistes ont gagné, a-t-il écrit dans un
communiqué. L’État vient de donner raison aux voyous et de
désavouer le vote des citoyens. C’est un scandale démocratique
qui nous emplit de colère et d’amertume. » Pour le
sénateur, Emmanuel Macron s’est rendu coupable, avec cette
décision, d’une « triple trahison » :
celle de sa parole personnelle, celle de la parole de l’État, et
celle du Grand Ouest.
Le
président PS du département de Loire-Atlantique, Philippe
Grosvalet, est allé dans le même sens. Selon lui, le chef de l’État
« piétine les habitants de mon département qui sont allés
voter. Il piétine le suffrage universel qui est le socle de notre
République et de notre démocratie ». « Il n’y
aura que des mauvaises conséquences au travers de cette décision,
a-t-il regretté. Il y aura des conséquences désastreuses pour
notre démocratie. Les habitants de Loire-Atlantique m’ont fait
savoir en nombre que plus jamais ils n’iront voter, plus jamais ils
n’iront déposer un bulletin dans l’urne. C’est [le]
premier grand reniement [du président]. Il nous fait
croire qu’il fait un choix alors que c’est un non-choix. Ils ont
cédé au désordre. Le seul recul que le président de la République
et le premier ministre font, c’est devant une petite bande de
zadistes. »
À
gauche, en revanche, c’est évidemment la satisfaction qui a
dominé. Surtout chez les écologistes qui ont parlé de « victoire
historique ». Europe Écologie-Les Verts (EELV) s’est
néanmoins inquiété de l’avenir de la ZAD, demandant « une
période de gel de la redistribution institutionnelle des terres,
afin qu’elles continuent à être prises en charge collectivement
par celles et ceux qui s’étaient battus pour elles ».
« Enfin,
le gouvernement abandonne le projet d’aéroport de NDDL, absurdité
écologique et économique. Les zadistes ont contribué à cette
prise de conscience au service de l’intérêt général. Ils
doivent être remercié.e.s et non brutalisé.e.s. », a de
son côté posté sur Twitter le député insoumis de
Seine-Saint-Denis, Bastien Lachaud, dont le mouvement insiste
officiellement sur la nécessaire voie de la concertation qui doit
s’ouvrir sur l’avenir de la zone : « Nous demandons
au gouvernement de faire preuve de calme et de mesure pour une sortie
positive sur tous les plans. Une expulsion de la ZAD serait
incompréhensible ! »
Le
Parti communiste, qui était jusqu’alors pour le projet, s’est
inscrit dans la même veine, en mettant toutefois en garde « contre
toute mise en œuvre autoritaire de cette solution ». Dans
un communiqué, il a insisté sur la nécessité de « mettre
au cœur » des futurs choix du gouvernement « l’intérêt
des habitant.e.s par la réduction au maximum des nuisances,
notamment sonores, polluantes et environnementales pour la métropole
nantaise et les risques liés à son implantation en milieu urbain ».
Une façon de ne pas valider l’extension de l’actuel aéroport de
Nantes Atlantique, choix retenu par l’exécutif et dont les
premières mesures pourront être mises en œuvre dans « des
délais rapides », comme l’a indiqué Édouard Philippe.
Du
côté la majorité, chacun a sans surprise applaudi la décision
« difficile à prendre », selon les mots du président de
l’Assemblée nationale, François de Rugy. « Cette décision
claire est une sage décision, a-t-il souligné. Elle démontre qu’il
est possible de concilier la croissance du trafic aérien et le
respect des grands enjeux écologiques et la protection de la
biodiversité. » Le député LREM du Maine-et-Loire, Matthieu
Orphelin, un proche du ministre de la transition écologique et
solidaire Nicolas Hulot, qui n’a jamais caché son opposition au
projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, se félicite lui aussi
de la « décision difficile mais responsable » de
l’exécutif.
« Il n’y avait pas de
décision simple, tant le projet s’était enlisé depuis des
années, vicié par l’absence d’étude des alternatives »,
a-t-il encore assuré. Même le patron des députés LREM Richard
Ferrand, qui s’était pourtant toujours prononcé en faveur du
projet, s’est enthousiasmé dans un communiqué : « Enfin,
une décision est prise ! s’est félicité l’élu du
Finistère. Le choix porté par le gouvernement a été pris en
pleine conscience des nombreux et complexes paramètres de ce
dossier. Enfin, après cinquante ans de tergiversations, nous sortons
de l’impasse, grâce à une méthode ouverte et claire ? »
Jade
Lindgaard, Ellen
Salvi, christophe
Gueugneau et Manuel
Jardinaud – Médiapart
Sur la Zad,
récit d’une journée de victoire historique
L’abandon du projet
d’aéroport à Notre Dame des landes est vécu sur le terrain comme
une victoire jubilatoire mais aussi comme une étape pour négocier
l’avenir de la zone. Récit d’une journée de joie.
Notre-Dame-des-Landes
(Loire-Atlantique), reportage
C’est
forcément une date dans l’histoire des luttes. L’histoire des
luttes de terrain, des luttes pour des terres. Ce 17 janvier
aura pourtant mis du temps à commencer. Avant 13h, rien ou presque.
Un hélicoptère de la gendarmerie survolant le bocage, comme un
rappel, la signature d’une zone sous tension. Des journalistes
errant comme des chiens dans la prairie. Les vaches, ruminant
derrière la haie, indifférentes au train train de l’attente.
A
quatre kilomètres du bourg de Notre-Dame-des-Landes, au lieu-dit La
Rolandière, dans la salle du bas de la bibliothèque, une
quarantaine de zadistes écoutent la radio, piaffant avant
l’allocution du Premier ministre. Beaucoup de surexcitation, des
sourires forcés, et ces commentaires des scenarios possibles qu’ils
et elles ont déjà tant de fois ressassés. Pour tuer l’attente,
une banderole est réalisée à l’improviste, à dérouler sur le
phare érigée comme une vigie au bord de la maison. « On
met quoi : "Nananère !" ou alors "Même pas
cap !" ? ». Finalement, ce sera « Et
TOC ! Rdv 10 février », date du rassemblement
fêtant la fin de la déclaration d’utilité publique. « Non
mais si le projet est pas abandonné... ». « Ben euh. On
sort pas la banderole... » Et puis ils l’ont sortie.
Quand
enfin, le discours d’Edouard Philippe scelle la victoire, c’est
forcément un hurlement de joie, des embrassades, des sourires
jusqu’aux oreilles, des pleurs de joie. Quatre fumigènes brandis à
bout de bras et toute la troupe grimpe, avec la banderole, au pylône
transformé en phare. Un poste d’observation qui domine la longère
occupée par la bibliothèque et le groupe presse. La lisse retrouve
les habitudes des slogans : « Et la Zad elle est à
qui ? Elle est à nous ! » et au gré de
l’imagination, un « Et un et deux et trois zéro ! »
de supporters de foot qui fait sourire les vieux militants paysans :
« Ben tu vois, les jeunes, ils sont comme nous ! ».
Un
groupe de zadistes prépare une autre banderole, « Merci »,
pour rendre visite dans leurs fermes et sans journaliste, aux paysans
historiques qui ont initié et maintenu la lutte depuis les années
1970. L’unité des composantes, les merci et les embrassades
ponctuent les nouvelles retrouvailles de militants accourus fêter
ça. Photographes et cameramen se ruent à bout portant sur ces
moments d’émotion, avec une rapacité parfois un peu voyeuriste.
Même
ruée au début de la prise de parole des composantes du mouvement, à
la Vacherit à 500 m de là. La grappe serrée de journalistes pousse
vers le mur les porte-paroles du mouvement contre l’aéroport.
« Libérez nos camarades ! » beuglent des zadistes,
hilares. « La Zad c’est une zone de respect des autres. On
peut être pro et respectueux », reprend une photographe
indépendante. Les porteurs de caméras jouent des coudes,
s’engueulent, on n’entend rien. Cette pathétique mêlée ouverte
de médias en meute individualiste aurait bien besoin d’un stage
d’autogestion, au moins de l’espace de prise de vue.
Une
fois la bousculade tassée, le brouhaha vaguement calmé, on
entendra : « La nécessité pour les paysan·nes et
habitant·es exproprié·es de pouvoir recouvrer pleinement leurs
droits au plus vite. Le refus de toute expulsion de celles et ceux
qui sont venus habiter ces dernières années dans le bocage pour le
défendre et qui souhaitent continuer à y vivre ainsi qu’à en
prendre en soin. Une volonté de prise en charge à long terme des
terres de la Zad par le mouvement dans toute sa diversité - paysans,
naturalistes, riverains, associations, anciens et nouveaux
habitants ».
Les
militants qui ne se sont pas encore croisés se tombent dans les
bras, envoient des textos, « On-a-ga-gné ! »
alternant avec « On arrose ça quand ? ». Et
toujours des bises, des bras enveloppants, et des abrazos entre des
gens qui ne sont jamais sentis si proches, bien ensemble, les larmes
aux yeux. Un chauffeur routier passe sur la route, fenêtre du camion
ouverte, doigts en V pour saluer la victoire. Genre de barde à
guitare de tous les rassemblement, Dominique Loquais a composé une
nouvelle chanson : « Main dans la main, on n’a pas
baissé les bras, lon la. Main dans la main, on lâchera pas »,
reprise, braillée, entonnée sous le hangar par des gens
de
tous âges et de tous horizons.
« Ça
faisait 46 ans que j’avais cette épée de Damoclès sur la tête.
Hop terminé !, jubile Dominique Fresneau, le président de
l’Acipa. Mais, bon c’est pas fini. Maintenant on doit écrire
l’histoire de l’avenir de la Zad. » La projection dans
l’avenir immédiat est unanime. « Cette victoire c’est
une nouvelle étape pour pérenniser tout ce qui s’est fait ici,
habitat, projets agricoles, organisation de la vie sociale »
sourit Geneviève Coiffard, inlassable cheville ouvrière de la
coordination des opposants. « Il faut que ça reste un
laboratoire d’expériences, basées sur l’échange humain »
dit une voisine, arrivée en 1983 quand le projet était un peu
oublié, fantôme vaguement menaçant.
Sur
le chemin encombré de voitures, dans le contre-jour du hangar
agricole où se sont tenues tant d’assemblées, on s’échange des
« Merci , merci »... « Ben merci quoi ?
C’est un merci collectif. C’est la diversité qui a gagné ! »
« Avec
la commémoration de Mai 68, Macron a une opportunité à saisir en
laissant la Zad, comme une "zone d’utopie en marche" »,
lâche Christophe Dougé, conseiller régional EELV. Une idée qui
séduit l’ancien docker Gilles Denigot, et qu’il va suggérer à
son pote Dany Cohn-Bendit, qui a l’oreille de Macron, notamment ces
dernières semaines sur le sujet de Notre-Dame-des-Landes. Gilles
Denigot pense même que Macron a joué un coup de stratégie locale
et de calcul politicien, anticipant les prochaines élections
municipales de 2020 et espérant reprendre deux grande villes, Nantes
et Saint-Nazaire, tenues par un PS qui a porté à bout de bras le
projet d’aéroport et que ce désaveu décrédibilise un peu plus.
Figure
du mouvement, l’ancienne élue Françoise Verchère n’en peut
plus de redire devant les micros son « mélange de joie, de
soulagement, d’émotion et d’épuisement, après un combat
déraisonnablement long. J’ai espoir que ça permettra une
réflexion critique sur les méthodologies de décision publique.
J’en arrivais à penser que les porteurs du projet faisaient tous
partie de l’infime part des Français qui croient que la terre est
plate... Pour contrer leurs arguments, on aura été obligé de tout
faire, résistance des matériaux, technique aéroportuaire,
géologie, architecture, droit... Un travail de dingue. On va presque
pouvoir piloter des avions... J’espère qu’à partir de ça, on
ne pourra plus "aménager" en détruisant. Le
Premier ministre n’a pas parlé d’expulsions ni d’évacuation.
On a un peu de temps pour discuter de la phase d’avenir. »
Les
régularisations et tolérances à négocier pour les expériences
agricoles en cours ont sans doute l’hiver pour affiner leurs zones
d’accords avec les instances administratives officielles.
Mais
le futur imminent porte un nom de code : D281, du nom de la
départementale qui travers la Zad, trois petits kilomètres et demi
fermée administrativement en 2013. « Les squats qui
débordent sur la route doivent être évacués, les obstacles
retirés, la circulation rétablie. À défaut, les forces de l’ordre
procéderont aux opérations nécessaires », a dit Edouard
Philippe à l’issue du conseil des ministres.
Cette
« route des chicanes », que les gendarmes auraient
surnommée « route Mad Max », cristallise les volontés
de retour visible à la normale. Ce qui voudrait dire une réouverture
à la circulation, sans trous dans le bitume ni rétrécissements.
Les nouveaux habitants des cabanes de ses rives souhaitent pourtant y
rester, obtenir des dos d’âne et des réductions de vitesse, et
garder la trace de cette déco de restes de barricades, de carcasses
de voitures emplies de terre où l’herbe a poussé. Plus largement,
le mouvement (paysans, Acipa, coordination, zadistes) ne voudrait pas
tout perdre pour ce seul symbole. « Le mouvement s’engage
à répondre lui-même à cette demande pour éviter une intervention
policière qui ne ferait qu’envenimer la situation. »
L’urgence
est à l’entente cordiale entre les occupants du bord de la route
et les composantes du mouvement. « Malgré nos différences
d’organisation, parfois nos divergences, on ne s’est pas
décomposé dans cette lutte. Je suis vraiment contente d’avoir
vécu ces moments de construction et de composition » souligne
une zadiste confiante.
« Ce
soir, on fait la fête mais dès demain, on a une AG dès 10 h du mat
pour parler des usages, des enjeux immédiats, comment on pense
ensemble ce que deviennent les terres cédées par le projet, confie
un autre zadiste. On est prêts à entrer en négociation, à
discuter des projets dans le cadre officiel ou hors cadre, des lieux
occupés qui sont ainsi reconnus comme légitimes, puisque le
gouvernement a acté que la résistance a été légitime en
contribuant à l’abandon du projet... ».
Mercredi
soir, en tout cas, foin des discussions : on a fait la fête !
Déclaration du 1er Ministre du 17 janvier 2018 :
extraits
[...]
Au-delà
de leur division sur ce projet, tous les interlocuteurs que j’ai
rencontrés m’ont fait valoir la nécessité de rétablir
rapidement l’état de droit sur la zone.
Le
gouvernement s’y engage. C’est la deuxième décision que
j’annonce aujourd’hui, nous mettrons fin à la zone de non droit
qui prospère depuis près de 10 ans sur cette zone. Ainsi dès
aujourd’hui la demande de prorogation de la déclaration d’utilité
publique que nous avions déposée au conseil d’Etat fin décembre
pour nous laisser toutes les options ouvertes sera retirée. La
déclaration d’utilité publique actuelle deviendra caduque le 8
février prochain.
Les
trois routes qui traversent le site de Notre-Dame-Des-Landes doivent
maintenant être rendues à la libre circulation pour tous. Les
squats qui débordent sur la route vont être évacués, les
obstacles retirés, la circulation rétablie. A défaut les forces de
l’ordre procéderont aux opérations nécessaires.
Conformément
à la loi, les agriculteurs expropriés pourront retrouver leur terre
s’ils le souhaitent. Les occupants illégaux de ces terres devront
partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain ou en seront
expulsés. Ailleurs de nouveaux projets agricoles pourront être
accueillis à partir de fin avril dans un cadre légal.
L’Etat
engagera une session progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes,
dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce
processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs
libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas.
Pour le futur, il faudra aussi tirer les leçons de l’échec de
Notre-Dame-Des-Landes
[…]
zad.nadir.org
Alain
Goutal – blog Médiapart
Et si Notre-Dame-des-Landes
devenait un bien commun ?
Maintenant
que le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été
abandonné, la question du devenir de la Zad se pose. Une partie de
la réponse pourrait se trouver dans la notion des communs, héritée
des « communaux » du Moyen Âge.
Wikipédia
est un très bon exemple de bien commun. Une encyclopédie en ligne,
qui peut être enrichie, lue et contrôlée par tous. C’est ce
qu’on peut appeler au sens propre un « commun »,
c’est-à-dire un système d’utilisation et de gestion d’une
ressource matérielle ou immatérielle par un groupe de personnes
toutes ensemble. Cette notion a depuis quelques années le vent en
poupe, car elle apporte des solutions innovantes à des problèmes
notamment environnementaux [1].
L’idée de bien commun date en fait du IXe siècle. Les
« communaux »
désignaient alors les biens (bois, chemins, rivières) appartenant à
tous les habitants d’une commune. Après la révolution
industrielle, ce statut juridique est devenu très marginal mais
l’idée est restée et a refait surface dans les années 1990 avec
les travaux de l’économiste états-unienne Elinor Ostrom. La
version moderne des communs, qui ne repose plus sur la propriété
mais sur l’utilisation, intéresse aujourd’hui. Et elle pourrait
peut-être apporter une réponse à la question de l’avenir de
Notre-Dame-des-Landes, maintenant qu’a été décidé l’abandon
du projet d’aéroport.
Du
côté de la Zad en tout cas, l’idée plaît car elle permettrait
aux occupants arrivés dans les années 2010 et aux agriculteurs
historiques de vivre ensemble. Ce qu’explique Camille [2],
du « groupe
presse ».
« On
a commencé à y penser dès 2012 après l’opération César,
raconte-t-il. On
voulait avoir un coup d’avance et commencer à réfléchir à
l’après. La question était : comment permettre à la fois
aux agriculteurs historiques d’exploiter leurs terres comme ils le
veulent, et aux occupants de continuer à expérimenter de nouveaux
modes de vie ? Pour ça, on a rédigé un texte en six points
qui s’intitule
“Parce qu’il n’y aura pas d’aéroport”. Aujourd’hui,
on expérimente des formes d’auto-organisation sur nos 70 espaces
de vies et d’activités, comme le Taslu, la bibliothèque de la
ZAD. »
Dans ce
texte, on trouve notamment ce souhait : « Que
les terres redistribuées chaque année par la chambre d’agriculture
pour le compte d’AGO-Vinci sous la forme de baux précaires soient
prises en charge par une entité issue du mouvement de lutte qui
rassemblera toutes ses composantes. Que ce soit donc le mouvement
anti-aéroport et non les institutions habituelles qui détermine
l’usage de ces terres. »
Il s’agit de créer une entité commune, qui rassemble tous les
opposants au projet d’aéroport pour décider ensemble de la
gestion et l’utilisation de ces terres.
Un retour aux sources pour le bocage breton
de Notre-Dame-des-Landes
Cette
solution plaît aussi à François de Beaulieu, membre des
Naturalistes en lutte, collectif qui s’intéresse à la
préservation de l’écosystème fragile de ce bocage humide qu’est
Notre-Dame-des-Landes. Pour lui, il s’agirait d’un retour aux
sources pour le bocage breton. « La commune de
Notre-Dame-des-Landes est née à la suite de privatisation de
communs qui existaient depuis des centaines d’années,
explique-t-il. Au départ, il s’agissait de centaines d’hectares
de landes utilisées de façon collective, d’où son nom. Il
s’agirait de renouer avec certaines de ces pratiques. »
Cet usage commun d’une partie des terres permettrait en outre de
mieux protéger la faune et la flore du bocage, selon François de
Beaulieu : « À Notre-Dame-des-Landes, on est obligé
de réfléchir à la fois au niveau des parcelles, car c’est une
zone humide complexe, et à l’échelle globale, car c’est un
espace très étendu. Avoir une vision collective est donc quelque
chose de très positif. Et puis, il faut que nous partagions la
connaissance de la biodiversité en France, qu’on implique les
riverains dans cette démarche, pour inventer quelque chose de neuf
et de passionnant. C’est l’avenir de la Zad d’être une zone
expérimentale tant en matière d’agriculture que de protection de
la nature. »
Thomas
Dubreuil, l’un des juristes qui apportent leur aide aux opposants à
l’aéroport, juge cette solution des communs « très
intéressante » : « On pourrait imaginer la
création d’une société civile type SCI [société civile
immobilière] qui serait chargée de réguler les usages. L’État
resterait propriétaire des terres tout en permettant aux occupants
de les utiliser. On se rapprocherait de la distinction entre
nue-propriété (posséder un bien mais ne pas avoir le droit de
l’utiliser) et usufruit (avoir le droit d’utiliser un bien sans
en avoir la propriété) », explique-t-il. Cette société
se chargerait alors de rendre leurs parcelles aux agriculteurs
historiques, expulsés par l’État pour construire l’aéroport,
et de mettre le reste des terres en commun.
Il
existe d’ailleurs un
précédent de taille : le Larzac. En 1973, des dizaines de
milliers de personnes convergèrent vers ce causse (un haut plateau)
du Massif central et commencèrent à l’occuper. Ils avaient
répondu à l’appel de 103 agriculteurs locaux menacés d’expulsion
par un projet d’extension d’un camp d’entraînement militaire.
De cette lutte issue de Mai 68 a émergé une partie du courant
altermondialiste et des figures comme José Bové. Après quasiment
dix ans de manifestations, de marches vers la capitale, d’actions
de désobéissance civile, de grèves de la faim, etc., les paysans
du Larzac et leurs soutiens obtinrent gain de cause. Les 66
expropriations furent annulées et le projet d’extension du camp
fut abandonné. Certains agriculteurs eurent les moyens de récupérer
leurs terres auprès de l’État mais une grande partie du terrain —
6.300 hectares — restait sans propriétaire particulier. En 1985,
le président de la République François Mitterrand décida de céder
la gestion de cet espace à une entité créée pour l’occasion, la
SCTL, pour Société civile des terres du Larzac. Elle est
aujourd’hui encore chargée des terres agricoles du plateau. En
2013, Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, a même
renouvelé ce bail dit emphytéotique (de très longue durée)
jusqu’en 2083.
« La notion de commun permet de sortir
d’une pensée binaire public/privé
en inventant une troisième voie »
Autre
exemple, plus récent celui-là : la Coordination de protection
des espaces verts et publics d’Île-de-France, ou Ceve. Cette
entité, issue du rassemblement de plusieurs associations des
départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du
Val-de-Marne, est centrée sur la notion de commun, en ce qu’elle
permet à la fois de préserver les quelques rares espaces de nature
de la région parisienne, et de faire se rencontrer les habitants.
Ginette Lemaître, Montreuilloise de 84 ans, est l’une de ses
membres. Elle explique : « La notion de commun permet
de sortir d’une pensée binaire public/privé en inventant une
troisième voie, une troisième manière d’occuper un espace. C’est
aussi une temporalité qui n’est ni celle du mandat électoral ni
celle des profits privés et qui se rapproche de celle de la nature
puisque les propriétaires réels sont les habitants, ceux qui font
la ville et y restent sur plusieurs générations. »
L’association dont Ginette fait partie à Montreuil
(Seine-Saint-Denis) gère de manière commune depuis 25 ans le
Terrain d’aventures, un parc de 3.200 m². Chaque jour, c’est un
habitant différent qui ouvre et ferme le terrain, et chaque membre
de l’association peut proposer des activités. « Il y a
des concerts, des rencontres avec des botanistes, une fois on avait
fait venir des moutons… Tout ça fonctionne depuis un quart de
siècle sans aucune subvention. »
Possible
juridiquement et concrètement, un statut de commun est-il envisagé
par le gouvernement actuel ? « Je suis à peu près sûr
que notre manière d’expérimenter va à l’encontre de la façon
de penser d’Édouard Philippe, affirme Camille. Mais d’un
autre côté, beaucoup de gens ressentent ce que l’on fait comme
une source d’inspiration bien au-delà de Notre-Dame-des-Landes. Et
ceux qui nous gouvernent ont compris qu’on ne bougera pas. Je ne
pense pas qu’ils pensent à cette solution des communs, mais c’est
à nous de continuer à la faire exister très concrètement au
lendemain de l’abandon. »
Oui, l’optimisme est possible
On
est arrivé au bout du chemin de Notre-Dame-des-Landes. D’un
chemin. Ce voyage nous apprend au moins ceci : cela vaut la
peine de se battre.
Quelle
a été longue et dure cette bataille ! Combien de souffrances,
d’angoisses, de blessures, de manifestations, de réunions, de
moments d’abattement... Mais aussi combien de moments lumineux,
d’instants magiques, de forces retrouvées, de victoires
inattendues, de rencontres et d’alliances miraculeuses... Et, au
bout du chemin - on est tout étonné de l’avoir atteint -,
cette victoire du bon sens et d’une lutte tenace.
Car
ce n’est pas « le gouvernement qui décide », du
haut d’on ne sait quel Olympe. C’est une décision qui prend acte
de l’énergie d’une lutte collective inflexible et de l’analyse
d’un dossier technique que les promoteurs de ce projet d’aéroport
n’avaient jamais voulu ouvrir réellement.
Au
demeurant, cette
décision est sage, et l’on doit reconnaître à MM. Macron,
Philippe et Hulot d’avoir agi intelligemment : en reprenant le
dossier avec une médiation ouverte sur toutes les idées ; en
prenant le temps du dialogue avec presque toutes les parties
prenantes ; en annonçant une décision sans ambiguïté, et ne
cédant pas aux injonctions de médias en furie qui réclamaient des
matraques et du sang.
On
peut aujourd’hui entamer une nouvelle histoire. Il faut que le
mouvement d’opposition à l’aéroport se transforme en un
mouvement de création d’un lieu pérenne et exemplaire. Et à
court terme, il parait indispensable d’ouvrir la route dite « des
chicanes » - une mince départementale traversant la zone
sur trois kilomètres et demi - tant pour répondre au geste
pacifique du gouvernement que pour tendre la main aux habitants des
villages voisins de Notre-Dame-des-Landes.
Et
il faut que le mouvement et les pouvoirs publics rentrent sereinement
en discussion. Si on lit bien le discours du Premier ministre, on
voit qu’il ouvre la porte à la création d’un nouveau droit sur
la zone, qui pourrait rendre légaux les occupants qui ne le sont pas
aujourd’hui. La formule d’une société foncière commune aux
paysans et habitants de la zone, recevant une forme de concessions
des terres qui appartiennent à l’Etat, est la voie de cette
légalité. Souhaitons qu’elle soit empruntée par tous, dans un
esprit loyal et avec cet espoir de créer une expérience nouvelle.
Mais
au-delà de la situation propre de cette nouvelle Zone
à imaginer
de Notre-Dame-des-Landes, on peut tirer quelques enseignements de
cette magnifique bataille.
D’abord,
que l’on
peut remporter des victoires !
On a tendance à l’oublier, tant la destruction du monde se
poursuit et tant l’idéologie productiviste imprègne la culture,
mais cela vaut la peine de se battre, parce qu’on peut remporter
des victoires : Notre-Dame-des-Landes s’inscrit dans le fil de
l’interdiction toute récente de la pêche électrique, de la
victoire sur les OGM en France et en Europe, de l’empêchement de
la production de gaz de schiste en France, ou de victoires plus
discrètes, comme contre le mégacentre commercial de Val
Tolosa, le centre Décathlon à
Saint-Jean-de-Braye ou un stade inutile à
Dunkerque.
Et
pour remporter les victoires, il
faut s’unir !
Qu’est-ce qui a fait la force du mouvement de
Notre-Dame-des-Landes ? Sa capacité à se renouveler sans
cesse, en s’enrichissant en continu de nouvelles forces, envies,
tactiques, cultures, et en sachant surmonter les différences et les
conflits, en apprenant les uns des autres, en progressant ensemble.
Une des choses les plus fascinantes de ce mouvement est de voir à
quel point on - je m’inclus dans ce « on »
- on a tous appris sur le « vivre
ensemble ».
Pour aussi - et les habitants de la Zad mènent là une vie
exemplaire - imaginer comment sortir de la société de consommation
et des rapports hiérarchiques.
S’unir,
une victoire, mais pour quoi ? Pas seulement pour des enjeux
locaux, même s’ils sont essentiels et qu’ils sont à notre
portée. Mais pour défendre un
local qui est le miroir du global :
la destruction du monde, le changement climatique, le ravage des
écosystèmes, le démentiel gaspillage des terres, ce n’est pas
dans les statistiques qu’ils se jouent, ce n’est pas sur « la
planète »
qui nous serait aussi étrangère que Mars, mais c’est ici, au
village, à la porte de nos villes, là où on vit, là où l’on
est. Ce qui a fait la force de Notre-Dame-des-Landes, c’est sa
capacité de se transformer d’une lutte contre un projet local
d’aéroport en une lutte « contre
l’aéroport et son monde ».
Il
y aurait encore tant à dire. Mais ceci : cette
lutte a bouleversé des vies.
Le plus souvent pour le mieux, à travers des souffrances. Je ne
connais pas un ou une personne impliquée dans ce mouvement qui n’en
ait été transformée. Cela a été mon cas, puisque, censuré par
le journal où je travaillais, je l’ai quitté pour pouvoir
rester libre. Et que je me suis investi dans Reporterre,
qui depuis a grandi pour devenir ce média de l’écologie que vous
êtes des milliers à soutenir, et qui, nous l’espérons, a été
utile pour apporter les informations dans la lutte de
Notre-Dame-des-Landes. Je ne dis pas cela pour parler de nous, mais
pour donner un exemple de changement concret qui s’est fait par
cette aventure. Il faudrait citer des dizaines, des centaines de
noms, de visages, de rencontres, d’amis fugaces ou durables, de
personnes magnifiques qui méritent tant d’estime. Quelle belle
lutte, mes ami(e)s !
Et
puisqu’on ne peut tous les citer, saluons Michel
Tarin, paysan, un des pionniers de cette lutte, et qui s’est
battu jusqu’à son décès. Salut Michel, aujourd’hui, où que tu
sois, tu vois, tu as gagné.
NDA :
J’ai souvenir de la prise de parole
de Michel (Paysan travailleur) à la manif au Larzac de août 1973
NDDL :
et le grand gagnant est...
le groupe Vinci
L’aéroport
de Notre-Dame-des-Landes ne se fera pas mais le géant du BTP Vinci
pourra tirer son épingle du jeu. Cet abandon permet au groupe
d’engager avec l’État une vaste négociation, avec en
perspective une montée en puissance dans le capital d’Aéroports
de Paris. Une enquête de Mediacités-Nantes.
Mediacités-Nantes.
C’est terminé ! Entamé en 1974, le feuilleton
Notre-Dame-des-Landes s’est achevé, avec l’annonce par Édouard
Philippe de l’abandon du projet d’aéroport. « Cinquante
ans d’hésitations n’ont jamais fait une évidence »,
argumentait le premier ministre dans un discours
qui brassait large (notre
article ici)… Tout le monde a été cité, tout le monde
sauf Vinci, le géant français du BTP pourtant chargé de construire
et d’exploiter ce qui devait devenir le grand aéroport du Grand
Ouest. Absent de marque de cette allocution, le groupe est-il le
grand perdant de la décision
gouvernementale ? Pas du tout ! Prévoyant, il avait
envisagé tous les cas de figure et sort renforcé de cet
interminable conflit.
Avec
l’abandon du nouvel aéroport, Vinci perdra bien sûr ce que le
chantier aurait pu rapporter à ses filiales, et aussi les revenus
que l’équipement devait lui rapporter jusqu’en 2065. Mais, à
bien y regarder, ses intérêts sont largement préservés. D’abord
en raison de l’indemnisation à venir, potentiellement très
lucrative. Comme le dit le vice-président aux transports (PS) de la
région Bretagne, Gérard Lahellec : « Quand Vinci signe ce
genre de contrat, ce ne sont pas des gamins ! Ils prévoient
ceinture et bretelles. »
Dans leur rapport, rendu le 13 décembre dernier, les médiateurs parlaient d’une somme fluctuant entre 0 et 350 millions d’euros d’indemnités. Pourquoi une telle amplitude ? Parce que l’article 81 laisse planer un flou pudique et juridique sur ses modalités d’application. Au point que la semaine dernière, un ministre, sous couvert d’anonymat, a lancé un ballon d’essai, confiant qu’une clause pourrait permettre de ne rien débourser en cas d’abandon du projet !
Dans
les couloirs de Vinci, rodé à ce genre de dossiers et habitué à
« blinder » ses contrats, l’hypothèse a fait sourire.
En marge d’une visite sur un chantier du métro parisien, son PDG,
Xavier Huillard, a même fini par répondre : « L’État a
exprimé le besoin à travers quelques coups de téléphone de nous
dire que cela était complètement faux. »
Le géant du BTP était
d’autant moins inquiet que cette indemnisation ne l’intéresse
pas uniquement en tant que telle. Elle joue surtout le rôle d’une
épée de Damoclès, suffisamment menaçante pour peser dans la
négociation beaucoup plus vaste qui va s’ouvrir et où se mêleront
intérêts économiques et enjeux politiques. Un genre de marchandage
stratégique dans lequel Vinci excelle. Comme le note un haut
fonctionnaire du ministère des transports : « Les
politiques sont nuls pour négocier. Ils se font toujours avoir par
les sociétés privées qui leur font face. »
Vinci
pourrait se montrer souple sur le montant de son indemnisation dans
la mesure où l’État détient une pépite qui l’intéresse au
plus haut point : la majorité des parts d’Aéroports de Paris,
la société qui gère Orly et Roissy, dont sa filiale Vinci Airports
détient déjà 8 %. « J’ai toujours pensé qu’un signe
nous annoncerait l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, confie un
spécialiste du secteur aérien. Et que ce signe serait l’annonce
de la vente imminente des parts de l’État dans ADP. » Or
que disait le ministre de l’économie Bruno Le Maire, le 2
septembre dernier ? Qu’il entamait le processus de privatisation
de certaines entreprises dont l’État est actionnaire majoritaire…
parmi lesquelles Aéroports de Paris.
Avant
même la décision gouvernementale d’arrêter le projet NDDL, Vinci
et sa filiale AGO avaient déjà engrangé les fruits de leur
engagement à Notre-Dame-des-Landes. Comme prévu dans le contrat de
concession, l’entreprise exploite l’aéroport de
Nantes-Atlantique depuis 2011.
Pour
Vinci, c’est tout bénéfice puisque cet équipement lui rapporte
près de 15 millions d’euros de résultat net annuels. Un gain
substantiel dû à l’accroissement sensible de la fréquentation
(+ 7,1 % pour le trafic passager entre 2012 et 2016) mais aussi à
la quasi-absence d’investissement réalisé sur place. « Nos
contacts au sein de Nantes-Atlantique nous disent que le moindre
investissement sur la plate-forme est un problème », explique
Jean-Marie Ravier, ingénieur et militant anti-aéroport, spécialiste
des finances dans le dossier NDDL.
La
donne devrait changer. Car même s’il n’est pas rentré dans les
détails lors de son allocution, Édouard Philippe a évoqué la
modernisation de l’actuelle aérogare. À quelle échéance ? À
quel niveau ? Et avec quel engagement financier de l’État ?
Les incertitudes, multiples, feront partie des négociations.
Mainmise sur toute la région
Depuis plusieurs années, la filiale de Vinci fait fructifier – pour son propre compte – un joli paquet d’argent public. Celui que les collectivités locales et l’État ont versé pour la construction de Notre-Dame-des-Landes. Vice-président aux transports de la région Bretagne, le pro-NDDL Gérard Lahellec s’en agace : « Ça fait trois ans que je demande au ministère d’être associé à la rédaction d’un avenant pour que les collectivités soient remboursées des fonds qu’elles ont déjà versés. Je n’ai jamais reçu de réponse. Pendant ce temps, l’argent fructifie. »
En misant sur Notre-Dame-des-Landes, Vinci a également réussi à affermir sa position dans un paysage aéroportuaire français en plein bouleversement. Après avoir longtemps délégué aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) l’exploitation des aéroports régionaux, les actionnaires publics les cèdent désormais aux acteurs privés. Parmi lesquels Vinci, présent sur douze plateformes de l’Hexagone, dont Lyon.
En 2010, en plus de Nantes-Atlantique, le groupe a également acquis 49 % des parts des équipements de Rennes et de Dinard, s’assurant ainsi la maîtrise partielle du ciel de l’Ouest. « Je ne comprends pas pourquoi la CCI de Rennes a fait entrer Vinci à Rennes et Dinard, s’interroge l’un des experts aéroportuaires interrogés par Mediacités. Depuis 2010, le groupe de BTP détourne le trafic de la Bretagne vers Nantes-Atlantique pour justifier la construction de Notre-Dame-des-Landes ! »
L’ancien directeur d’Air France, Jacques Bankir, nous confirmait cette version voilà quelques mois : « En donnant à Vinci la mainmise sur toute une région, on fausse le jeu. Les aéroports bretons sont désormais liés à NDDL. » Mais fin 2017, la situation change puisque les investissements de Vinci reprennent à Rennes. Pour Jacques Bankir, c’est la preuve que les représentants de Vinci « ne croient plus à Notre-Dame-des-Landes ». Autre indice : la veille de la remise du rapport des médiateurs, Vinci Airports annonçait l’ouverture d’une ligne nouvelle vers Lyon.
Vinci devrait en outre bénéficier d’une nouvelle aide de l’État pour Rennes. « Nous accompagnerons le développement de Rennes-Saint-Jacques, en commençant par l’agrandissement de l’aérogare, pour mieux répartir le trafic [aérien – ndlr] du Grand Ouest », annonçait mercredi le premier ministre. Alors qu’il a déjà vu le nombre de ses passagers passer de 450 000 à 725 000 en cinq ans, l’aéroport breton pourrait donc voir sa fréquentation augmenter encore dans les prochaines années. À la grande joie de Vinci Airports.
Même privé de Notre-Dame-des-Landes, le géant français du BTP semble donc sortir renforcé de l’expérience. Et bien décidé à continuer de jouer un rôle majeur dans le remodelage en cours du paysage aérien français.
Le 14 novembre dernier, lors de sa journée dédiée aux investisseurs, il dévoilait quelques chiffres intéressants. Détenant 36 aéroports dans sept pays, sa filiale aéroportuaire déclare 1,2 milliard d’euros de revenus consolidés entre juin 2016 et juillet 2017. Contre 1,5 milliard pour sa branche autoroutes. Estimant que seulement 14 % des aéroports mondiaux sont gérés par un privé, Vinci appâtait les investisseurs avec la perspective d’un marché en pleine expansion.
Si l’État lui cédait ses parts d’Aéroports de Paris, Vinci détiendrait la majorité du trafic aérien parisien. Il serait aussi gestionnaire de la totalité du trafic aérien du Grand Ouest et d’Auvergne Rhône-Alpes – avec Lyon, Clermont-Ferrand, Chambéry et Grenoble. À cela s’ajoute la majorité du réseau autoroutier français et la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux…
« L’essentiel du réseau de transport français serait entre les mains de Vinci, constate l’ancien patron d’ADP, Alain Falque. Peut-on laisser un groupe contrôler la quasi-totalité de la desserte du territoire ? C’est une question politique ! »
Isabelle
Jarjaille (Mediacités-Nantes)
sur Médiapart
Sur la ZAD, le choc de la victoire
Au
lendemain de la décision du gouvernement de ne pas construire
l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les habitant·e·s du bocage
nantais, pour certain·e·s en lutte depuis des décennies, ont
encore du mal à croire à la nouvelle. Le soulagement et la joie
sont présents, mais d’autres questions affleurent déjà.
ZAD
de Notre-Dame-des-Landes, de nos envoyés spéciaux.- Au petit
matin, jeudi 18 janvier, alors que le jour n’était pas encore
levé, une dalle de béton a été coulée sous le hangar de
l’avenir, cette belle charpente érigée en 2016 pour abriter un
atelier de formation à la menuiserie et une scierie. La première
journée sans aéroport vient de démarrer sur la ZAD de
Notre-Dame-des-Landes. À la même heure, Marcel Thébault, paysan
historique de la lutte, a trait ses vaches dans l’étable de la
ferme du Liminbout. À Bellevue, Camille a pris soin du troupeau
bovin collectif. Dans leurs caravanes, camions ou maisons, des
habitant·e·s ont dormi tard pour effacer la fatigue et l’ivresse
de la veille. Les plus motivé·e·s ont commencé à préparer
l’assemblée générale qui doit se tenir le soir pour décider des
suites de la lutte.
Car
tout a changé pour le bocage de Notre-Dame-des-Landes. Les
1 650 hectares ne seront pas détruits. Une sidération joyeuse
se lit dans les yeux et les sourires des occupant·e·s qui arpentent
les chemins de la zone. Ces arbres, ces champs d’herbe et ces
sentiers, si souvent contemplés en ayant peur de les perdre, ne
finiront finalement pas sous le béton. Prises dans les mille tâches
que requiert la vie sur la ZAD : préparer des repas collectifs,
déposer les rebuts à la déchetterie, trier des vêtements donnés,
préparer un chantier de construction, les personnes croisées sur
les chemins répètent leur difficulté à croire à ce qu’elles
sont en train de vivre. Leurs premières heures sans aéroport. On
entend : « C’est irréel », « J’ai
du mal à réaliser », « Ça fait tellement
longtemps qu’on luttait ». « Il y a eu
comme un choc culturel hier, résume Marcel Thébault, jeudi
soir, en nourrissant ses vaches. C’est un moment pour que les
choses bougent. »
Jeudi
matin, des volontaires ont nettoyé et rangé la Vache Rit, lieu
historique du mouvement contre l’aéroport, qui a accueilli la fête
de la victoire, la veille. Les dizaines de gobelets marqués du logo
rouge « Non à l’aéroport » sont soigneusement rangés
dans un carton. « Il va falloir les changer »,
sourit une femme. « On écrit : “Enracinons
l’avenir” ? », slogan du rassemblement prévu le
10 février sur la zone, propose une militante de l’ACIPA. Des
journalistes zonent sous la pluie à la recherche de zadistes à
interroger ou photographier. Une équipe a perdu son pied de caméra.
À
Vigneux et à La Pâquelais, les villages environnants, des
compagnies de gendarmes sont signalées, de même que des convois ont
été aperçus sur la quatre voies, mais sur place, la présence des
forces de l’ordre est discrète. Pas d’hélicoptère, pas de
check-point. L’afflux de renforts militants vers la ZAD,
redouté par les forces de l’ordre, ne se produit pas. « Il
y a une situation nouvelle, une nouvelle séquence qui s’ouvre »,
expliquent en début d’après-midi deux habitant·e·s à des
journalistes réunis à La Rolandière, lieu d’accueil de la ZAD.
Pas question pour l’instant d’évoquer la suite. « Je
vous rappelle que la décision date d’hier », indique une
occupante quand on lui demande ce qui est prévu.
L’annonce
de l’abandon de l’aéroport a été fêtée toute la nuit de la
veille en divers lieux de vie de la ZAD. Une célébration
d’anthologie, moment poignant de joie collective, physique, pleine
de câlins, d’embrassades et de congratulations. Beaucoup rient,
chantent, dansent en se tenant par le bras, en petits groupes, serrés
les un·e·s contre les autres, en pogo punk. Quelques pluies de
champagne arrosent les danseurs. Certain·e·s pleurent de joie. Des
enfants jouent dans la cour à faire peur aux inconnus. De vieux
paysans côtoient des jeunes squatteurs. À la sono, chaque morceau
ou presque donne lieu à interprétation : We are the
champion, de Queen, Résiste, de France Gall, You can
get it if you really want, de Desmond Dekker…
Toutes
les composantes du mouvement sont présentes : l’association
citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet
d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa), l’association de
défense des exploitants concernés par l’aéroport (Adeca), le
collectif Copains (des agriculteurs solidaires de la région), les
naturalistes en lutte, et bien entendu, les occupant·e·s.
L’eurodéputé EELV Yannick Jadot et son équipe circulent entre
les danseurs.
« La route des barricades
a une histoire liée à la résistance »
Dès
l’après-midi, les échanges reprenaient entre la préfecture de
Loire-Atlantique et les opposant·e·s. Interrogé par CNews jeudi
matin, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, s’est voulu
ferme : « Dans les deux-trois jours qui viennent, nous
souhaitons libérer les routes », a-t-il expliqué, avant
d’évoquer finalement l’échéance de la fin de la semaine
prochaine. « Nous préférons le faire par la discussion, la
négociation, plutôt que de le faire en envoyant un certain nombre
d’engins qui le feraient à leur place », a ajouté le
ministre, mettant ainsi la balle dans le camp du mouvement
anti-aéroport.
Lors
d’une conférence de presse, qui s’est tenue elle aussi jeudi
matin, la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, a livré le
même calendrier : « Je me déplacerai personnellement,
la semaine prochaine, pour m’assurer que l’on peut circuler
librement sur la route départementale occupée. » « Ce
ne sera ni coûteux ni compliqué de remettre la route en l’état.
On doit pouvoir y rouler tranquillement, à 30 km/h », a
ajouté la représentante de l’État, précisant : « Ils
devraient dégager la route et s’ils ne le font pas d’eux-mêmes,
les gendarmes iront la dégager. » Pour la suite, la préfète
Nicole Klein a fait montre d’ouverture : « Le
maître-mot, c’est la médiation. »
Jeudi
soir, s’est tenue une assemblée des usages réunissant l’Acipa,
l’association historique des riverains contre l’aéroport, des
habitant·e·s de la ZAD, les naturalistes en lutte, les paysans de
Copains, la Coordination regroupant plusieurs associations. Pour les
occupant·e·s, le message central est clair et sans équivoque :
« Le projet central, c’est que tous ceux qui souhaitent
rester le puissent. » Mais dans sa déclaration mercredi,
le premier ministre Édouard Philippe a tenté d’enfoncer des coins
dans la solidarité entre les différents acteurs. « L’État
engagera une session progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes,
dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce
processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs
libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas »,
a précisé Édouard Philippe, soulignant sa volonté de mettre fin à
« une zone de non-droit qui prospère depuis près de
dix ans sur cette zone ».
L’évacuation
elle-même ne devrait pas intervenir avant le printemps et donc
l’expiration de la trêve hivernale sur les expulsions (le 30
mars), a ajouté le premier ministre. D’ici là, la route
départementale D281, couverte de quelques cabanes et restes de
barricades devra être libérée, comme le réclament depuis
plusieurs mois paysan·ne·s et riverain·ne·s.
« Il
a été dit par le mouvement qui prendrait ça en charge mais
donnez-nous du temps, précise Camille, du groupe presse. Dans
ce cadre, une présence policière ne ferait qu’envenimer la
situation. La route des barricades a une histoire liée à la
résistance » contre les gendarmes de l’opération César
qui avaient tenté d’évacuer la ZAD de force avant de renoncer en
2012.
Concernant
le devenir du foncier des 1 650 hectares de la zone, « si
des gens veulent venir s’installer demain pour des projets
classiques sur la zone, c’est possible, mais si des gens viennent
pour exercer une nouvelle paysannerie, une gestion collective, il
faut que ce soit possible aussi ». « Développer
des manières nouvelles de faire les choses, des manières nouvelles
d’habiter le bocage, cela fait partie du projet ici. Mais il est
complètement prématuré de parler de rachat de terres, de comparer
avec ce qui s’est passé au Larzac, ou même de bail
emphytéotique ».
Ces questions devront trouver
leurs réponses dans les prochains jours et les prochaines semaines.
En attendant, la ZAD garde son propre agenda : le 1er
février, Éric Vuillard, prix Goncourt, est l’invité de la
bibliothèque créée par les occupant·e·s. Et le 10 février, tous
les soutiens du mouvement sont appelés à venir « enraciner
l’avenir ».
christophe
Gueugneau et Jade
Lindgaard – Médiapart
Le mouvement de Notre-Dame-des-Landes
discute de l’ouverture de la route des chicanes
La
ré-ouverture de la route D 281, dite « des chicanes »,
qui traverse l’est de la Zad, est une condition posée par le
gouvernement. Le mouvement d’opposition à l’ex-projet d’aéroport
s’y prépare et en discute.
Notre-Dame-des-Landes
(Loire-Atlantique), reportage
Ce
n’est qu’un tronçon d’un gros kilomètre, sur un raccordement
de trois kilomètre et demi entre un carrefour menant au bourg de
Notre Dame des landes et le village voisin, La Paquelais. « Les
squats qui débordent sur la route doivent être évacués, les
obstacles retirés, la circulation rétablie,
a dit le Pemier ministre le 17 janvier en annonçant
l’abandon du projet. À
défaut, les forces de l’ordre procéderont aux opérations
nécessaires. » Le
soir, au journal télévisé de TF1, il est revenu sur le sujet
présenté comme un retour à la légalité : « La
libération des axes routiers doit intervenir dans quelques jours ».
Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a précisé le
calendrier, indiquant « jusqu’au
milieu de la semaine prochaine »,
soit le 24 ou le 25 janvier. Sans que l’on sache précisément
ce que veut dire un nettoyage de ce tronçon routier ou un retour à
la normale acceptable pour le pouvoir.
La
« route des chicanes », D 281, est très difficile
à la circulation depuis 2012 et la violente opération policière
dite « César ». Obstacles, cabanes, carcasses de
voitures l’obstruent et ne permettent de rouler qu’à moins de 30
km/h. Depuis 2012, les riverains qui l’empruntaient tous les jours
pour aller travailler ont dû faire des détours, perdre quelques
minutes. Une vraie gêne, et surtout un point de fixation fantasmé
par les médias alimentés par les gendarmes ou le ministère de
l’Intérieur. « C’est un imaginaire de la lutte, ce
n’est pas rien », disent de leur côté certains zadistes
qui accepteraient la normalisation de la route, mais voudraient
obtenir des ralentisseurs, des dos d’âne, des zones limitées à
30 km/h.
Pour
que cette route symbole retrouve une forme plus acceptable par bien
des gens, y compris au sein du mouvement d’opposition au projet
d’aéroport, il faut laisser un peu de temps à la recherche d’une
solution acceptée par tous. « Non mais faut pas oublier que
l’annonce de l’abandon date d’hier », disait jeudi
après-midi le groupe Presse de la Zad, assailli de questions sur
l’avenir de cette route.
Une
assemblée des habitants de la Zad, puis une autre plus large avec
toutes les composantes du mouvement, ont eu lieu ce jeudi, un jour et
demi après l’annonce d’Édouard Philippe. Une discussion serrée,
sensible. Les journalistes étaient priés de rester à l’écart.
Elle fait suite à un débat lors d’une assemblée du mouvement le
9 janvier mais c’était avant la décision du gouvernement.
Celle-ci a rendu la résolution du litige impérative. Le règlement
interne de la question était vu comme un geste de bonne volonté, un
souci de donner des gages d’un retour à des relations normales
avec les habitants des villages voisins pour qui ce tronçon qu’ils
ne peuvent utiliser fait perdre du temps.
L’enjeu
est aussi d’adresser un signe aux autorités, une « pièce
maîtresse du début du dialogue », une réponse du
mouvement pour s’engager dans un avenir négocié. « Si on
le fait nous-même, on coupe l’herbe sous le pieds de ceux qui
voudraient le faire de force », disaient déjà des
zadistes avant l’abandon du projet. « Il faut aussi qu’on
garde la population avec nous. On va vivre ensemble pendant les
années qui viennent. C’est de l’ordre du bon voisinage. »
« Ce
retour à la normale de la D281, on l’a voté quasi unanimement
dans la coordination [qui regroupe associations, syndicats et
partis politiques opposés à l’ex-projet d’aéroport] »,
indique Gilles Denigot, docker à la retraite et ancien d’EELV.
« Il reste à régler des questions humaines avec les
habitants du bord de cette route », note Julien Durand
porte parole de l’Acipa, l’association citoyenne anti-aéroport.
Les paysans de Copain réclament depuis un moment que les tracteurs
puissent passer sans encombre. Pour eux le retour à la normale
signifie que cette route déclassée administrativement par
l’Équipement en 2013, retombe dans le giron d’une gestion
départementale, avec de vrais panneaux de signalisation routière.
« Les
barricades sont liées à la résistance en 2012 et aux diverses
menaces d’évacuation policière qui ont suivi, notent les deux
Camille du groupe Pesse. Pour le mouvement qui s’intéresse
surtout aux conditions de négociation de son avenir, et veut rester
le plus nombreux et nombreuses, il n’y a pas de fixation sur cette
route. On a bien d’autres sujets en cours. Mais oui, le sujet de la
route est en débat, en interne. »
Hormis
la conserverie de la Noé Verte, installée dans un pavillon implanté
très à l’est du périmètre de l’ancien projet d’emprise
aéroportuaire, les projets les plus en vue, fermes, meuneries,
brasserie, fromagerie, maraîchage, marché, boulangerie, sont situés
dans la zone ouest. Le secteur de la Zad à l’est de la D 281 est
celui qui regroupe les partisans du refus de la motorisation, qui
souvent ne sont pas les plus assidus aux AG du mouvement, assemblées
qu’ils trouvent trop longues, trop codées... « Les
‘gens de l’est’ sont assez écœurés, alors qu’on est
venus en 2012 et qu’on a participé à la lutte », note
un Camille qui habitait cette zone de sous-bois, accessible par la
route des chicanes. Il a migré depuis à l’ouest, dans la ferme de
la Pointe, pour développer un projet de permaculture. Dans la
cuisine, devant des frites fumantes trempées dans la mayonnaise
maison, ils sont trois à se demander quoi faire. « S’il
faut s’inscrire à la MSA [mutualité sociale agricole] pour
avoir des chances de rester, on n’aura pas les moyens. »
Ils
ne sont pas directement concernés, mais les habitants de la route
des chicanes, c’est un peu leurs potes. La normalisation de cette
route, à leur détriment, ils le lisent comme un signe de leur
marginalisation. Presque un abandon.
Les
discussions ont pourtant déjà avancé entre les différentes
composantes. Longtemps tabou, la « normalisation »
de la route ressurgit crûment. Avec des échéances courtes pour le
tronçon central de ces trois kilomètres et demi de route
départementale. Un ruban de bitume qui a été conservé, quasi
entretenu dans son état de chemin des barricades comme aux temps de
l’opération César en 2012. Les carcasses de voitures envahies par
les herbes et taguées, les tas de pneus et les amorces de chicanes
sont toujours là, un peu moins nombreux mais bien visibles. Les
carcasses chargées de terre et ébouriffées d’herbes folles ont
une certaine allure. Mais le mouvement ne veut pas en faire un musée,
et refuse tout image nostalgique ou pittoresque. Ces obstacles
délibérés ont pris un poids symbolique, entre le folklore et la
trace d’une lutte qui a bien eu lieu. Le long de cette route, au
lieu-dit les Planchettes, les bulldozers protégés par les gendarmes
mobiles ont détruit en novembre 2012 des maisons occupées par des
militants. Mais c’était il y a plus de cinq ans. La donne a
changé.
Communiqués, Poèmes et messages de soutien :
extraits
Des
textes, poèmes et messages de soutien reçus à l’occasion de
l’abandon du projet d’aéroport. Ils étaient bien trop nombreux
pour qu’on y réponde directement, alors à nouveau un grand merci
à tou.te.s ! Extraits et liens :
►Communiqué
des opposant-e-s à CIGEO : Après l’abandon de l’aéroport
de NDDL, défendons la ZAD, renforçons la lutte à Bure et partout
ailleurs !
https://vmc.camp/2018/01/18/communique-des-opposant-e-s-a-cigeo-apres-labandon-de-laeroport-de-nddl-defendons-la-zad-renforcons-la-lutte-a-bure-et-partout-ailleurs/
►Le
projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est annulé !
https://foret.hambachforest.org/blog/2018/01/18/le-projet-daeroport-de-notre-dame-des-landes-est-annule/
►En
Alsace, nous avons fêté la victoire sur le projet d’aéroport de
NDDL
https://collectif-alsace-contre-nddl.blogspot.ch/2018/01/en-alsace-nous-avons-fete-la-victoire.html
►CNT :
Notre-dame-des-Landes : une grande victoire des opposant·es au
projet
►Notre-Dame-des-Landes
Aujourd’hui
vibre enfin, la ferveur des vainqueurs
Celle
des premiers hommes, combattants d’avant l’heure
Et
Celle des jeunots, nés de la dernière aube
Notre-Dame
vaincue, sous leurs pieds, se dérobe
Les
cris et la colère ont eu raison de l’Homme,
Barricader
les terres, ou les défendre en somme
Survivre
aux assassins, aux hommes de discorde
Pour
qu’enfin disparaisse Notre-Dame au Concorde
Chasser
le paysan, et autres calomnies,
Mentir,
ou soudoyer, tout eut été permis
Mais
face à l’imposture, la résistance est grande
L’union
du petit peuple entre dans la légende
Qu’enfin
reposent en paix, les sols anéantis
Par
mille hommes casqués pantins des plus nantis
Que
ces pères de famille, bras de l’envahisseur
Retournent
sur les landes un jour en protecteur
Qu’à
obéir à l’ordre, ils n’oublient pas enfin
Que
le seul vrai combat, ne prend qu’un seul chemin
L’humanité
se tue, et la blessure réelle
N’est
autre que de dire que Terre n’est éternelle.
Notre-Dame-des-Landes,
tu n’es pas tant en peine
Tes
ambitions se noient mais mourir te fait reine,
Car
face à la folie et à l’appât du gain,
Tu
deviens le symbole, d’un meilleur lendemain.
Pierre
Cadeau.
Texte commun de l’assemblée du mouvement du 18 janvier 2018
Avec
l’abandon de l’aéroport à Notre Dame de Landes nous vivons un
moment important pour notre devenir commun.
Tandis
que l’avenir de ce territoire fait l’objet de fantasmes
médiatiques ici nous nous emparons de notre avenir et l’ensemble
du mouvement avance concrètement sur sa construction.
Nous
nous appuyons sur 10 ans de pratiques communes, assemblées,
réunions, activités agricoles, vie quotidienne, organisation
d’évènements etc… Nous avons construit une recherche du
consensus qui est à la base de notre fonctionnement. Notre travail
de réflexion et d’échange a abouti en 2015 à un accord en 6
points. Ils sont ce que nous défendons collectivement aujourd’hui.
Depuis
plusieurs mois l’assemblée des usages nous permet de nous
organiser sur différents thèmes :
Les hypothèses sur l’avenir qui explorent les formes juridiques possibles pour ce territoire.
Le foncier : ses usages, son partage, son statut
La gestion des conflits tant internes qu’avec l’extérieur (communes proches, organismes officiels etc…)
L’habitat, l’agriculture, la voirie, les communs que nous gérons
Les hypothèses sur l’avenir qui explorent les formes juridiques possibles pour ce territoire.
Le foncier : ses usages, son partage, son statut
La gestion des conflits tant internes qu’avec l’extérieur (communes proches, organismes officiels etc…)
L’habitat, l’agriculture, la voirie, les communs que nous gérons
Il
faudra de longs débats et un travail soutenu pour arriver à une
formulation détaillée de notre projet, et nous aurons besoin de
temps pour en trouver les formules de mise en place.
L’assemblée
du mouvement du 18 janvier 2018
►INFOTRAFLICS,
où comment les garnisons romaines s’installent autour du petit
village de la zad.
C’est
con un gendarme, apparamment personne n’a osé leur dire que le
projet d’aéroport a été abandonné et que ce n’était plus la
peine de venir nous emmerder. Pourtant, depuis jeudi matin 7h, ce
sont des contrôles incessants auquels sont confrontés les
habitant.e.s de la zone et leurs voisin.e.s. Héric, Notre-Dame, Fay,
Temple, Treillères, Vigneux, La Paquelais... les flics s’approchent
même au plus près : on en a vu au carrefour des Ardillières,
aux chênes des Perrières et sur la route des chicanes (bon, eux
devaient surement avoir un GPS en panne, ça arrive à tout le
monde).
Plus
sérieusement, cette nouvelle phase de la lutte commence par une
grosse démonstration de force de l’Etat qui, faute d’avoir pu
nous faire plier, cherche, clairement en vain, à nous impressionner.
La Préfète de Loire-Atlantique a fait passer dès le 17 janvier 5
arrêtés interdisant le transport :
de
carburants, accélarateurs de carburants (?) gaz (ça s’est chiant,
pas envie de manger froid moi...)
combustibles
explosifs, produits inflammables, artifices, pétards
objets pouvant constituer une arme par destination (un livre par ex., les flics ont vite peur des livres...), armes de chasse et munition
combustibles
explosifs, produits inflammables, artifices, pétards
objets pouvant constituer une arme par destination (un livre par ex., les flics ont vite peur des livres...), armes de chasse et munition
Afin
de rendre les arrếtés opérants les gendarmes auront besoin d’une
réquisition du procureur pour le contrôle et la fouille des
véhicules. ce dernier est renouvelable toute les 24h : il faut
donc le demander systématiquement et refuser le contrôle s’ils ne
peuvent le produire. Dans certains cas la douane était présente.
D’après
des sources à la Préfecture ces contrôles pourraient durer une
quinzaine de jours, on sait aussi que plusieurs compagnies de
gendarmes sont venues dans la région nous rendre visite et sont
stationnées à Carquefou et à Sautron.
Nous
remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont appelé le
téléphone d’urgence de la zad pour nous signaler mouvements et
contrôles policiers. Vous pouvez écouter radio Klaxon pour avoir
les dernières nouvelles.
On vous invite à venir lundi 22 janvier, dès 10h au "Lama Faché", rassemblons nous avec pique nique, pelles, gants, fourche, grands sacs de ferme et bonne volonté !
Le
mouvement contre l’aéroport
rouvrira la route des chicanes
lundi
matin
« Ce
mercredi 17 janvier, nous venons collectivement d’obtenir une
formidable victoire, un signe fort pour toutes les autres luttes.
Nous voilà maintenant dans une nouvelle phase, pleine de
possibilités d’avancer ensemble, notamment sur des questions
d’usage commun, comme celle de la D281, dite "route des
chicanes".
Fermée
par les autorités dans le cadre du projet d’aéroport en 2013,
cette route a été réouverte par le mouvement dans la foulée.
Aujourd’hui, l’ensemble du mouvement fait le choix de la
transformer pour la rendre plus accessible à nos voisin-e-s et aux
riverain-e-s des bourgs alentour.
Pour
que tou-te-s puissent y circuler tranquillement, il y a aura
immédiatement des ralentisseurs provisoires, puis par la suite des
ralentisseurs pérennes, et des voies de passage seront créées pour
nos ami-e-s tritons, salamandres et autres habitant-e-s du bocage.
Nous
portons ceci collectivement, et collectivement nous pourrions revenir
sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à se
concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la
zad. C’est un engagement fort que nous renouvelons ensemble pour
défendre l’avenir de la zad.
Un
chantier collectif est organisé pour cela à partir du 22 janvier,
et nous faisons le choix de vivre ce moment sans la présence de
journalistes. Nous vous remercions de bien vouloir respecter ce
choix. Dès avancée suffisante du chantier, une conférence de
presse sera organisée. Le lieu et la date seront communiqués dès
que possible.
Cette
route était et restera un des symboles de notre résistance commune,
et c’est tout-e-s ensemble que nous mettons en oeuvre son usage
partagé, pour l’avenir de la zad, puisque qu’il n’y aura pas
d’aéroport. »
Source : Courriel à Reporterre du Mouvement contre l’aéroport
►Merci aux auteurs des Vieux Fourneaux qui nous adressent un aimable message de soutien pour célébrer notre victoire contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes !
Lundi
22 janvier
►Comme annoncé, une première journée de chantier pour rendre la D281 plus accessible à nos voisin-e-s et aux riverain-e-s des bourgs alentours.
►Comme annoncé, une première journée de chantier pour rendre la D281 plus accessible à nos voisin-e-s et aux riverain-e-s des bourgs alentours.
Cette
première journée a vu beaucoup de personne, de toutes les
composantes, venir, pelles et balais en main, participer au chantier.
Un grand merci à tou.te.s ! Les travaux vont continuer dans les
prochains jours. Comme le dit le communiqué, "nous pourrions
revenir sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à
se concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la
Zad."
Des
reportages automédias, photos et audios, pourraient apparaitre ces
prochains jours sur le site. Il y aura aussi une communication du
mouvement une fois le chantier terminé.
►Les
ultralégumes sont de retour :
►SCOOP :
Là-bas était là :
Rude journée pour les Macron :
Brigitte a perdu son téléphone
Lors
d’une visite discrète à Notre-Dame-des-Landes, curieuse de
découvrir les toilettes sèches, Brigitte Macron a
malencontreusement laissé glisser son téléphone. Elle a
immédiatement alerté la sécurité, mais le président de la
République a préféré faire les choses plus discrètement.
Malheureusement pour l’intimité du couple, un paparazzi était là.
Encore un viol de la vie privée des personnalités ! Mais tout
est bien qui finit bien. Brigitte a pu retrouver son téléphone, et
le couple présidentiel a pu regagner Paris après cette journée
mouvementée.
Là-bas
si j’y suis
Nettoyage de la route des chicanes
à Notre-Dame-des-Landes :
« Il y avait de l’émotion »
Le
nettoyage de la route dite « des chicanes », sur la Zad
de Notre-Dame-des-Landes, a commencé hier lundi 22 janvier. Les
journalistes n’étaient pas admis sur place. Reporterre a
recueilli, en fin de journée, deux témoignages de militantes
anti-aéroport revenant de ce chantier.
Françoise
Verchère est membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence
de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa).
|
Je
suis arrivée au moment du pique-nique de midi. La D281 traverse la
Zad du nord au sud. Toute la première partie de la route a été
dégagée sans soucis. Les pneus, les barrières, les obstacles
potentiels ont été enlevés. Ensuite, le nettoyage de la deuxième
partie, après le lieu dit Le Lama Faché, a repris dans
l’après-midi. Il y avait plus d’émotions à nettoyer cette
partie là. C’est plus facile pour nous, membres des associations
d’opposants, qui n’habitons pas là. Mais il y a des discussions,
car certains zadistes - attention à ne pas généraliser- disent
qu’il ne faut pas tout enlever. On est dans un moment de rupture,
les choses ont changé, on n’est plus dans le risque d’une
éventuelle destruction massive du bocage. Si certains comprennent
très bien qu’on est dans une nouvelle phase, d’autres sont dans
une forme de deuil, cela prend du temps.
Il
y avait beaucoup de pneus, de carcasses de voitures, des trous, mais
aussi de mini-constructions et des choses poétiques : des
panneaux, des jardinières punk, etc. L’idée était de freiner
l’intervention policière de 2012, puis après son échec, que
cette route reste lente au passage. Sur tout un tronçon on faisait
du 5 km/h. Les gens qui habitent au bord de cette route ont
d’ailleurs des demandes pour qu’on continue d’y circuler moins
vite que sur une route de campagne, disons, ordinaire.
Cette
route est devenue symbolique, l’image défensive de la Zad. La fin
de son blocage montre qu’on n’est plus dans le défensif. Nous
pensons que si nous voulons pouvoir discuter demain de l’avenir de
tous ceux qui veulent rester, à vivre là sur la Zad, le dégagement
de la route est un préalable.
L’Assemblée
générale du mouvement a acté que la circulation était libre sur
la Zad pour tout le monde, piétons, cyclistes, tracteurs, voitures.
Environ 250 personnes sont venues, de partout et même de loin, pour aider. Dans ma voiture, j’avais trois personnes de Rezé, la ville survolée par les avions de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Le fait que cela se passe un lundi a amené une sur-représentation de retraités, mais la diversité des gens était très révélatrice de ce qu’est le mouvement anti-aéroport. Il y avait à la fois des paysans avec leurs tracteurs, des agriculteurs et des habitants dits "historiques", des zadistes, des gens venus des comités de soutien, de tous les âges. C’est très loin de l’image colportée par les médias - Là aussi ne généralisons pas, mais beaucoup ont caricaturé les opposants et les zadistes...
Pascale Chiron est adjointe EELV à la Mairie de Nantes, et 14e vice-présidente de la Métropole.
« J’y étais ce lundi matin. Il y avait beaucoup de monde, j’étais étonnée. Ce qui m’a le plus marquée, c’est qu’il y avait une vraie volonté de bien faire. On s’est séparés en deux groupes, pour aller de chaque côté de la route. On a fait des tas. Il y avait un tri sélectif parfait, avec séparation du bois, du plastique, du verre, de la ferraille. Puis trois bennes, sur les tracteurs, passaient et on les remplissait. Le but était vraiment de nettoyer la route, il y avait même des gens avec des balais.
Ce qui était très bien, aussi, c’est qu’ils ont demandé dès le début à ce que tout le monde se mélange. C’était très positif, serein, et très bien organisé. »
Reporterre
La ZAD se cherche un avenir
La construction de l’aéroport écartée, la question de l’avenir de la ZAD est sur toutes les lèvres. À brève échéance, le mouvement d’occupation fait preuve de bonne volonté en libérant la route RD281, dite « route des chicanes ». À plus long terme, les discussions avec l’État ont d’ores et déjà commencé, avec pour objectif de trouver une solution pérenne pour tous les occupants d’ici au 31 mars.
C’est un renversement de situation à peine croyable. Cette fois-ci, la préfecture soutient les habitant·e·s et défenseur·e·s de la ZAD contre le département. Depuis lundi 22 janvier, le mouvement d’occupation a commencé à dégager la route départementale 28, occupée depuis 2012 par des cabanes et des chicanes. Mais le conseil départemental, présidé par Philippe Grosvalet (PS), fervent partisan du défunt aéroport, considérait en début de semaine que les conditions n’étaient pas réunies pour y autoriser la circulation (lire ici son communiqué). Au point que l’État pourrait mettre en demeure la collectivité si elle tardait trop à lever l’interdiction.
L’anecdote en dit long sur le souci d’apaisement de la préfecture de Loire-Atlantique et sur l’accélération de l’histoire du bocage de Notre-Dame-des-Landes. Pour la préfète Nicole Klein : « La priorité, c’est de dégager la route. C’est très important, c’est le respect de la liberté de circulation. » Elle pourrait visiter la route d’ici la fin de la semaine. Pour l’État, c’est un symbole non négociable de retour à l’ordre public. Pour les riveraines, habitant·e·s des villages de La Pâquelais ou de Vigneux-de-Bretagne, c’est un soulagement après cinq ans de tensions. Émaillée de cabanes, restes de barricade et carcasses de voiture, la route ne laissait pas passer les bétaillères et les tracteurs.
Certain·e·s considèrent que sa quasi-fermeture physique – en réalité des voitures pouvaient y rouler au pas – a porté préjudice aux petits commerces environnants. C’est en 2012, lors de la tentative d’évacuation de la ZAD par l’opération César, que la D281 a été recouverte d’obstacles, afin de ralentir l’avancée des gendarmes. Pendant des semaines, des checkpoints de gendarmes et des arrêtés d’interdiction de transport de substances avaient été maintenus, entretenant la tension. Le département de Loire-Atlantique avait fini par prendre un arrêté d’interdiction de circulation sur la départementale, striant son bitume d’épaisses encoches pour marquer physiquement son exclusion des axes de circulation.
Le dôme
construit pendant la consultation de juin 2016, et au second plan le
marché libre qui se tient deux fois par semaine. © Yann Levy /
Hans Lucas
Au
sein des occupant·e·s de la ZAD, le nettoyage de la route provoque
des remous. Son occupation symbolisait l’insubordination de la zone
et sa conflictualité. Divers incidents s’y sont produits ces
dernières semaines, impliquant des personnes se considérant comme
des gardiens ou des douaniers de la zone. Sur un plan plus politique,
la D281 sépare le reste des collectifs de l’est de la zone, un
espace non motorisé, sans électricité, sans eau courante, sans
voiture. Y séjournent, souvent pour de brèves périodes de temps,
des personnes rétives à l’organisation collective. C’est là
que se trouve la très belle grotte creusée à la main dans l’argile
par un habitant, qui sert de puits et d’enclos pour se retirer du
monde, que les gendarmes et le JDD
ont par erreur ou mauvaise intention pris pour un départ de tunnel
secret.
Au
lendemain de l’annonce de l’abandon de l’aéroport par Édouard
Philippe, une assemblée générale des usages a réuni près de 300
personnes sur la ZAD afin de décider du sort de la route. La
discussion fut longue et houleuse, selon des participant·e·s. Si
bien que vers 23 heures, des représentantes de l’ACIPA,
l’association historique des opposants, et de COPAINS, les
agriculteurs anti-aéroport, ont annoncé leur décision unilatérale
de dégager la départementale. « Certains le voient comme
un coup de force mais cela faisait plusieurs réunions que nous
parlions du sujet sans avancer », explique Cyril Bouligand,
porte-parole de COPAINS. Un compromis a été trouvé : une
cabane du nom de Lama fâché pourra rester sur le bitume, au moins à
court terme. La préfecture ne s’y est pas opposée pour
l’instant.
Une
fois réglé le problème de la D281, une course contre la montre va
démarrer pour concilier deux visions de l’avenir de la ZAD. Celle
du chef du gouvernement, pour qui : « Les occupants
illégaux de ces terres devront partir d’eux-mêmes d’ici le
printemps prochain ou en seront expulsés », comme il l’a
expliqué lors de l’annonce de l’abandon de l’aéroport. « Les
terres retrouveront leur vocation agricole », a-t-il ajouté
et « l’État engagera une cession progressive du foncier
de Notre-Dame-des-Landes ».
Et
celle du mouvement contre l’aéroport qui souhaite régulariser un
système de gestion collective des terres, appuyé sur une délégation
par l’État qui garderait la maîtrise du foncier, comme cela s’est
passé au Larzac en 1985. De son côté, la chambre d’agriculture
de Loire-Atlantique pousse pour une réintégration des hectares
sauvés du bétonnage au circuit classique.
Carte des
parcelles agricoles de la ZAD en avril 2015 © DR
« Le texte des six points est notre base »
Malgré
son ton ferme, la position énoncée par Édouard Philippe aménage
en réalité un cadre de discussion : « À l’expiration
de la trêve hivernale, l’ensemble des occupants sans titre,
présents illégalement sur le terrain, devront avoir quitté les
lieux, soit volontairement, soit parce qu’ils auront été
expulsés », a-t-il déclaré sur TF1 le 17 octobre.
Jusqu’au
31 mars la question devient ainsi : quels habitants, quelles
activités peuvent-elles être régularisées avant l’expiration de
la trêve hivernale ? Pour le ministère de la transition
écologique, les situations seront étudiées au cas par cas. Une
grande majorité d’entre elles devraient être réglées au 31
mars, estime-t-on dans l’entourage de Nicolas Hulot. Des échanges
ont lieu en coulisse avec son cabinet mais c’est la préfecture de
Loire-Atlantique qui est en première ligne. Un coordinateur doit
être nommé pour assurer les discussions avec le mouvement
d’occupation.
L’eurodéputé
José Bové, ancien du Larzac et toujours membre actif de la société
créée en 1985 pour en gérer collectivement les terres (la SCTL)
ainsi que le député LREM Matthieu Orphelin, très actifs avant
l’annonce d’abandon de l’aéroport, continuent de parler aux
un·e·s et aux autres afin d’aboutir à une situation pacifique.
L’objectif est que le plus grand nombre de personnes et de
collectifs soient régularisés au 31 mars. Cela pourrait passer par
un ensemble de critères à définir : assurances en règle pour
les lieux de vie, notamment contre le risque incendie. Cotisations
sociales à jour, loyers, même modiques, acquittés. Déplacements
de cabanes sur des terrains appartenant aux paysans historiques. Va
aussi se poser la question du paiement de la taxe foncière et sur
les ordures ménagères.
Sur
la ZAD, on trouve plusieurs types d’habitat : maisons en dur,
cabanes, diverses formes d’autoconstruction. Les habitant·e·s se
partagent souvent entre un lieu de couchage individuel et un lieu de
vie collectif. La préservation de ces formes de vie va être un fort
enjeu, comme l’amélioration des logements les plus inconfortables.
La loi ALUR, votée en 2014, introduit la notion de résidence
démontable comme forme permanente d’habitat, et pourrait ainsi
offrir un cadre général de discussion. Certaines cabanes pourraient
être déplacées pour dégager la voie de parcelles agricoles. Un
travail de dentellière s’amorce, lieu par lieu, collectif par
collectif. Il doit démarrer par une séquence de purge juridique,
pour identifier les propriétaires de chaque parcelle occupée.
« Il
faut réussir à monter une délégation commune de discussion avec
l’État, on ne veut pas y aller séparément, explique Cyril
Bouligand, porte-parole de COPAINS, les paysan·ne·s contre
l’aéroport. Le texte des six points est notre base mais il est
assez large. Il y a plein de sujets à bosser pour convaincre l’État
qu’on peut gérer ces terres. Que faire des habitations ?
Comment éviter le mitage des terres sans passer par un plan local
d’urbanisme ? Quels nouveaux types de projet va-t-on
accepter sur la zone ? » Une nouvelle assemblée
générale des usages doit se tenir mercredi 24 janvier.
Jeudi
soir, au lendemain de l’abandon de l’aéroport, Marcel Thébault,
qui exploite la ferme du Liminbout avec son épouse Sylvie,
expliquait : « Ici, les gens n’ont pas les mêmes
idées, pas les mêmes stratégies mais c’est ensemble qu’on
gagne. » La ZAD a-t-elle un avenir ? « C’est
un beau défi. Sur les usages communs, les choses peuvent bouger ici.
Il y a ici des pistes vitales pour repenser notre monde qui part à
vau-l’eau. C’est bien qu’on ait l’exemple du Larzac en tête,
ça rend les discussions crédibles. Mais en tant qu’agriculteurs,
on ne veut pas imposer une normalisation à tout le monde. Ceux qui
ne font pas d’agriculture, ceux qui n’ont pas d’argent doivent
pouvoir rester. »
« Une
des premières victoires de la lutte historiquement, lorsque le
périmètre de la zone d’aménagement a été dessiné en 1974, a
été d’obtenir que de jeunes paysans puissent continuer à s’y
installer pour éviter que le territoire ne se vide et meure »,
rappelle Geneviève Coiffard, militante chevronnée contre
l’aéroport. Marcel et Sylvie Thébault, exploitants de la ferme du
Liminbout, aujourd’hui considérés à juste titre comme des
paysans historiques de la ZAD, s’y sont installées juste avant que
le projet d’aéroport ne soit relancé par le gouvernement de
Lionel Jospin. « Cette idée d’une terre à soigner, d’un
territoire qu’il ne fallait pas abandonner a été présente très
tôt. »
Marcel
Thébault, paysan historique de la ZAD. © Yann Levy / Hans Lucas
|
Pour
Novitch, ancien habitant de l’est de la zone, aujourd’hui posé à
la Noé verte où il plante avec d’autres un verger : « Ce
n’est pas évident d’être victorieux. La ZAD sans l’aéroport
et sans la route des chicanes sera-t-elle plus posée, moins
vivante ? Ce ne sera plus la même chose sans la pression
policière. C’était une zone à défendre. Elle peut devenir une
Zone d’Autonomie Définitive. » À ses côtés, un jeune
homme récemment arrivé prend soin de deux poneys qui pourraient
aider au maraîchage du collectif : « Ce qui est
idyllique ici, ce ne sont pas les paysages, c’est
l’expérimentation. Dans quel autre endroit au monde tu peux
changer plus de mille hectares de terres en squat ? Vivre
en habitat léger, dans plein de communes en France, c’est
compliqué. Ici, historiquement, le mouvement, le rapport de force,
fait que c’est possible. »
À
quelques dizaines de mètres, “gibier” – « tout en
minuscule », précise-t-il –, déjà rencontré lors
de notre reportage panoramique au printemps 2017, répare, avec son
frère Max, une structure de hangar récupérée. Autour de lui
s’étendent des parcelles de cultures collectives et particulières.
Des choux-fleurs, des poireaux, des courges. Il vend des légumes au
marché du village et à Nantes. Il a transformé un vélo en pompe
pour arroser sa serre. La tempête a déchiré la structure. Il
prévoit de la réparer car comme la dizaine d’habitant·e·s
rencontrées par Mediapart dans les deux jours suivant l’annonce de
l’abandon de l’aéroport, il compte bien rester sur la zone.
À la Noé
verte, "gibier" avec son frère Max. © Yann Levy / Hans
Lucas
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Pour
Sébastien, membre du groupe vaches de la ZAD, lui aussi interviewé
l’année dernière : « Quand tu es paysan dans le
cadre classique, tu t’endettes. Hors de question pour moi
d’enrichir les banques. Je veux nourrir les gens. Continuer à
bosser avec des bêtes qui ne sont pas vraiment à nous. Continuer à
m’occuper du bocage. Partager les produits et les connaissances. Je
place la solidarité en haut de notre échelle de valeurs. Continuer
à faire des trucs ensemble avec les gens qui se sont battus ici
depuis des années. » Zadistes paysans et agriculteurs
historiques envisagent la construction d’un lieu de
transformation du lait produit sur la zone pour en faire du fromage
et du beurre. « On n’est pas normalisable. On est dans une
forme de sécession ici par rapport à la constitution qui dit que la
République est une et indivisible. Est-on ici dans une République à
part ? A-t-on le droit dans la nation d’avoir des bulles d’air
où ça ne se passe pas comme ailleurs ? Ça me paraît vital
pour sortir de l’individualisme et donner plus de sens à ce qu’on
fait. Ce que je fais ici, ce n’est pas de l’utopie, c’est de la
lucidité. Ce n’est pas un discours, c’est ma vie. L’abandon de
l’aéroport est vraiment une victoire sociale et écologique. Mais
le combat continue. »
« Dans les luttes, il faut des réponses adaptées »
Ces
témoignages indiquent à quel point la bataille pour la ZAD ne se
résume pas à un enjeu de préservation des terres agricoles. C’est
surtout une lutte pour les communs. On arrache à la propriété
privée et à la logique du profit ce qui doit appartenir à tou·te·s
et être soigné par le plus grand nombre. L’écosystème prospère
quand il est pris en charge collectivement. Cette attitude active et
partageuse transforme aussi celui qui en prend soin. C’est une
version autonome des communs, au sens politique du terme, et cela en
fait une expérience unique en France à cette échelle. Autogérer
élevage bovin et maraîchage, production de bois, de semences et de
bière, la construction de hangars, ou l’utilisation d’une
bibliothèque, change tout. On ne délègue pas, on fait par
soi-même. On en est pleinement responsable. C’est une expérience
empirique de liberté, de limites assumées, de sortie du
capitalisme.
La
vie sur la ZAD est souvent dure, pleine de contraintes et de
conflits. Mais elle a donné naissance à une véritable commune
rurale où se réinventent les rapports entre humains et avec la
nature. Une alternative à un système économique défaillant,
producteur de chômage et d’inégalités. Et une critique à
l’œuvre de la domination patriarcale, du racisme systémique, du
pouvoir de l’argent et de la réussite sociale. Cette créativité
radicale, qui repense tout par la racine, n’est pas soluble dans
l’agriculture certifiée biologique.
Mais
en Loire-Atlantique, peu de paysans sont propriétaires de leurs
parcelles. La plupart travaillent en fermage, en signant des baux
avec un propriétaire. Ce système distingue la propriété de
l’usage et crée ainsi une plus grande souplesse dans la
distribution du foncier, tout en facilitant l’accès des jeunes.
« Pour nous, la première chose serait d’obtenir le gel de
l’attribution des terres car si elles repartent tout de suite dans
le circuit classique via les CDOA [commission départementale
d’orientation de l’agriculture], elles serviront à
l’agrandissement de fermes existantes, les projets d’installation
ne seront pas prêts », explique Cyril Bouligand. Dans le
44, environ 2 000 paysans quittent leur activité chaque année
contre 500 installations, selon l’estimation de COPAINS.
Une serre
mise en place par "gibier" sur la Noé verte. © Yann Levy
/ Hans Lucas
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La
réserve foncière de la ZAD doit être pour eux l’occasion de
sortir du schéma classique de gestion des terres pour arrêter cette
hémorragie. Certains propriétaires contre l’aéroport ont été
expropriés, et ont refusé de toucher l’argent qui a été placé
à la Caisse des dépôts. Ils pourraient retrouver leurs terres
s’ils le souhaitent. Le sort de ceux qui ont signé à l’amiable
avec Vinci semble plus incertain. Les habitant·e·s de la ZAD
deviendront-ils des villageois comme les autres ? Cette
perspective paraît encore bien lointaine tant la zone est un creuset
d’alternatives sans concession. Martelée par une partie des médias
et de la classe politique, la distinction entre « gentils »
zadistes paysans et « méchants » black blocs ne fait
aucun sens.
La
question de la violence pourrait cependant se reposer à partir de la
fin mars. L’ultimatum lancé par le premier ministre laisse certes
des portes largement ouvertes pour une résolution pacifiée, mais
l’exécutif devra aussi compter sur la pression politique et
policière.
D’abord,
les gendarmes ont fort mal vécu l’interruption brutale de
l’opération César, en 2012, à la demande du premier ministre
Jean-Marc Ayrault. Les gendarmes sur place et les gradés étaient
persuadés de pouvoir mener à son terme l’évacuation de la ZAD.
Alors ministre de l’intérieur, Manuel Valls raconte encore
aujourd’hui avec amertume comment lui-même a découvert
l’interruption de l’opération, par l’intermédiaire de son
chef de cabinet. Toutes les déclarations plus va-t-en-guerre les
unes que les autres ces trois derniers mois dans les médias montrent
un désir de « match retour » de la part des forces de
l’ordre.
Une
évacuation suivie de la construction de l’aéroport était très
compliquée à planifier du fait de plusieurs contraintes, notamment
celles imposées par les cinq espèces protégées, dont les tritons,
que l’on trouve sur NDDL. Chacune de ces espèces ne pouvant pas
être déplacée à certaines périodes de l’année… Avec
l’abandon du projet de l’aéroport, l’intervention est
désormais possible n’importe quand. Avec une dernière
contrainte : NDDL étant un bocage, le beau temps est préférable
à une opération de maintien de l’ordre de grande envergure, ce
qui peut expliquer que le gouvernement privilégie le printemps.
Autre contrainte : certaines expulsions nécessiteraient une
décision de justice, a rappelé lundi Françoise Verchère, ancienne
maire de Bouguenais – la ville proche de l’actuel aéroport –
et porte-parole des élus du Cédpa.
Les
bâtons plantés le 8 octobre 2016, à l'occasion d'une manifestation
sur la ZAD, sont toujours là un an plus tard.
©
Yann Levy / Hans Lucas
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Les
zadistes auraient des sources au sein de la préfecture du 44. « Ils
sauront la date de l’expulsion », est persuadée une
source au ministère de l’intérieur. Selon un membre des services
de renseignements, « toute la question va être de savoir
comment va réagir le mouvement, lui-même tiraillé par différentes
tendances. Jusqu’ici, les zadistes ont toujours su taire leurs
divergences internes et fonctionner en bloc. Là, ça sera l’instant
de vérité. S’ils restent unis, ils peuvent nous entraîner dans
un conflit total. Eux aussi sont à la croisée des chemins. Ça peut
être douloureux pour tout le monde. »
« Il
faut arrêter de dire que ce sera le Vietnam ! Il n’y a pas de
kalachnikovs à NDDL. Une kalachnikov, on sait ce que cela fait. Cela
fait Charlie Hebdo, cela fait le Bataclan. Ici, il y a des
cartouches de chasse qui explosent sur les barricades, des pièges
avec des clous de charpentier. C’est ennuyeux, c’est dangereux
pour nos forces de l’ordre. Mais il ne faut pas fantasmer :
les zadistes n’ont pas d’armes de guerre. Sur la ZAD, les engins
explosifs se sont toujours révélés factices », tempère
un autre officier du renseignement. Lequel précise : « Des
zadistes très violents, il y en a mais c’est vraiment un petit
noyau. On les connaît. Ils seront rejoints tous les week-ends par
des gens venus pour casser du policier. Pour le reste, la communauté
des zadistes est très disparate. Par exemple, à l’est de la ZAD,
il y a les primitivistes, radicaux dans leur idéologie mais pas
forcément violents. »
D’autant
que le pouvoir table visiblement sur un départ volontaire des
zadistes les plus radicaux vers d’autres territoires en lutte. Bure
(Meuse), où devrait être construit un complexe d’enfouissement
des déchets nucléaires, est régulièrement cité. Dès lors que la
plupart des zadistes seraient de fait légalisés au printemps, le
pouvoir pourrait privilégier les opérations plus ciblées s’il
restait des individus considérés comme hostiles. La stratégie du
traitement différencié se fera à partir des notes blanches des
services de renseignement. Le week-end dernier, des occupant·e·s
ont déjà dû faire face à des contrôles routiers relativement
ciblés : arrêt de certains véhicules, fouille consciencieuse
et longue vérification de l’identité. Des personnes disent avoir
été contrôlées plusieurs fois dans la même journée de vendredi
dernier. Un homme s’est fait saisir un couteau et du cannabis. La
préfecture a en outre pris plusieurs arrêtés d’interdiction de
transport de substances dangereuses.
Le
rassemblement du 10 février, au lendemain de l’expiration de la
déclaration d’utilité publique du défunt aéroport, s’intitule
« Enracinons l’avenir ». Il aura sans doute valeur de
test pour le gouvernement. Maintenant que l’aérogare est
abandonnée, il donnera une indication du niveau de soutien du reste
de la société à la ZAD.
Christophe
Gueugneau, Jade
Lindgaard et Matthieu
Suc – Médiapart
Alain Goutal sur Médiapart |
Travert :
ex cadre PS – député LREM de la Manche – conseiller régional
de Normandie - ministre de l’agriculture et de l’alimentation :
source Wikipédia ( NDA :
le genre PS-LREM
qui ne cumule pas ! )
Le 10 février à midi, grandes déambulations carnavalesques à la zad de Notre-Dame-des-Landes
Depuis la décision du gouvernement, nous pouvons le dire clairement : le 10 février sera un jour d’allégresse, l’occasion de fêter tous ensemble la victoire du mouvement contre le projet d’aéroport et d’enraciner encore un peu plus l’avenir de la zad.
Cette célébration se déroulera trois jours avant le mardi gras, en pleine période de carnaval. S’il est une fête qui permet de narrer la geste des humbles chahutant les puissants, c’est bien celle-ci. Nous souhaitons donc qu’elle vienne inspirer le ton, le rythme et l’esthétique de la journée. Mais le carnaval dispose d’un autreattrait : fête des passages, il survient quand l’hiver n’a pas encore laissé place au printemps, que les jours peinent à rallonger, qu’une saison vient de se finir sans qu’on ait encore basculé dans la suivante.
Autant d’allégories rappelant la fin de cette lutte d’un demi-siècle contre l’aéroport qui laisse place à de nouveaux enjeux et combats, ici et ailleurs. Ne nous y trompons pas, le carnaval ne célèbre pas un changement d’ère, il l’accompagne, voire le suscite. Rite grâce auquelon se projette ensemble dans l’avenir, confiants face à nos incertitudes, il est le premier jour des saisons futures.
Le 10 février, deux cortèges forts de musiques et de chants partiront donc du Gourbi et de Saint-Jean-du-Tertre aux alentour de 13h. Nous vous y convions déguisés autour d’un thème large et équivoque : « Nous sommes bocage ». Revêtez vos plus belles cornes de buis, arborez un superbe pelage de boue ou des plumes de granit… peu importe, nos costumes seront du bois dont on a défendu et sauvé cette terre. Armés de cette exubérance, nous pousserons des chars et des charrettes pleines d’objets. Nous avons besoin de vous pour les remplir. Nous vous proposons d’apporter des représentations de choses qu’il vous tiendrait à cœur de voir disparaître avec l’aéroport. Certaines luttes sœurs envisagent déjà de construire de grosses maquettes en carton symbolisant ici un méga-transformateur aveyronnais, là une poubelle nucléaire meusienne, ou encore un TGV transalpin. Ce sera donc le moment de mettre en avant nos combats communs et la solidarité entre nos luttes. Mais rien n’exige de limiter notre imagination à des infrastructures ou des GPII, et nous sommes sûrs que les idées ne vous manqueront pas pour illustrer ce contre quoi vous luttez.
Les cortèges convergeront jusqu’à la ferme de Bellevue où un énorme caramentran représentant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes nous attendra. Grâce aux bagagistes du mouvement, nous l’agrémenterons de tous les objets trimballés dans les défilés puis nous laisserons le soin à l’animal totémique le plus célèbre de la zad d’y bouter le feu. Nous n’aurons plus qu’à danser et chanter à nos succès passés et à venir.
En vous espérant nombreux, joyeux et toujours déterminés.
Nddl-intercomites
L’abandon
du projet
d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes :
une victoire
importante
contre le capitalisme et son monde
Le
Collectif national des syndicats CGT du Groupe VINCI tient à
exprimer sa joie et à la partager avec tous ceux qui ont permis
d’obtenir cette large victoire. Une victoire qui est d’abord
celle d’un mouvement qui a su, d’année en année et à travers
bien des épreuves, défendre un territoire, ses lieux de vie et ses
habitants, maintenir son unité en agrégeant sans cesse des forces
nouvelles, et développer les bases de son propre avenir. Une
victoire qui montre tout ce qu’il faut de détermination,
d’endurance, d’unité et de fraternité pour gagner les luttes
longues et humainement coûteuses qui nous sont imposées
aujourd’hui.
Après
des décennies de mensonges d’Etat, de négation de toute
alternative, de privatisation de l’intérêt général, de
manipulation de l’opinion publique et de parodies de justice, cette
victoire est aussi celle de la Raison, à qui les experts missionnés
par le gouvernement ont enfin permis de s’exprimer. Cette victoire
est un renfort pour tous ceux qui, aujourd’hui, ont à combattre
des projets d’aménagement inutiles, destructeurs ou dangereux,
dans des conditions étrangement semblables d’abus de pouvoir. Le
Premier ministre n’a-t-il pas reconnu un problème de « débat
public » ?
Cette
victoire est une victoire contre VINCI et son monde, que nous
connaissons bien, fait de faux semblants, d’accords secrets,
d’appât du gain et de volonté de puissance. Elle ouvre la voie à
une implication accrue des citoyens et citoyennes du Grand Ouest,
concernant l’avenir et les choix de développement de leur Région,
qui ne sauraient être laissés entre les mains des multinationales
et de leurs relais politiques et administratifs. Contre la
privatisation générale des services, des finances et des politiques
publiques, la victoire de Notre-Dame-des-Landes pointe du doigt leur
nécessaire réappropriation collective.
Pour
nous, syndicalistes CGT de VINCI, cette victoire consolide notre
volonté de défendre nos convictions et de travailler sur des
projets dont nous puissions être fiers, pour leur utilité sociale
et sociétale. Nous avons attiré l’attention sur le chantage à
l’emploi qui accompagne systématiquement les grands projets
d’infrastructure, ainsi que leurs conséquences sur les conditions
de travail des salariés, en particulier dans le cadre des contrats
en PPP.
La
« modernisation » de Nantes-Atlantique doit maintenant retenir
notre attention, car l’exploitation d’un aéroport par une
société à but lucratif, c’est la domination du calcul économique
sur toute autre considération : des économies sur le bien-être et
la sécurité des salariés comme des usagers, la concurrence entre
les plateformes et la croissance sans fin du trafic aérien, au
détriment de la planète et des riverains.
Le
combat continue, contre un capitalisme prédateur et dominateur, à
la recherche d’un profit sans cesse augmenté, et dont notre Groupe
se veut le modèle. De Strasbourg (GCO) à Saint-Etienne (A45) en
passant par Marseille (carrière antique de la Corderie), nous
dénonçons le peu de cas que font VINCI et ses commanditaires des
terres agricoles, de notre environnement et de notre patrimoine
historique ou naturel.
L’investissement
opportuniste de VINCI dans certaines technologies « vertes » ne
saurait non plus masquer son attachement stratégique aux industries
fossiles, qu’il s’agisse d’acheminer les hydrocarbures
canadiens ou d’encourager les trafics routiers et aériens... pour
mieux les taxer.D’ailleurs VINCI entend bien se faire dédommager
suite à l’abandon du projet d’aéroport. Le montant n’est pas
connu, mais les médias parlent de plusieurs centaines de millions
d’euros de compensation financière qui seraient versés au groupe
VINCI. Des négociations sont en cours avec le gouvernement.
Alors
que l’ensemble de nos services publics subissent la politique
d’austérité budgétaire du gouvernement, celui-ci risque de
verser de lourdes indemnités à VINCI !
La
presse se faisant même l’écho du fait que dans les négociations
entre VINCI et l’Etat, un autre paramètreentrerait en ligne de
compte : la vente des actions détenues par l’Etat dans le capital
d’ADP (50,6%). Car le groupe VINCI, qui en détient 8%, est très
intéressé. Mais comme l’a déclaré le PDG Xavier Huillard, si
VINCI monte dans le capital d’ADP, ce n’est pas pour y faire de
la figuration mais pour en prendre le contrôle !
Ainsi,
après les autoroutes, c’est un nouveau bien public qui risque
d’être vendu à VINCI : encore de juteux profits en perspectives
pour les gros actionnaires du groupe !
Ni
répression ni expulsions
Il
va falloir du temps pour que cette victoire et les perspectives
qu’elle inaugure soient assimilées par tous. Dans l’immédiat,
en se gardant bien de reconnaître l’irréalisme avéré du projet
d’aéroport à Notre-Dame- des-Landes et d’établir les
responsabilités dans la situation de blocage qu’il constate, le
gouvernement entend sans doute ménager la chèvre et le choux. Ce
faisant, il favorise les récriminations des ultimes partisans du
projet, qui ne cessent de pousser à la guerre civile, avec la rage
de ceux qui n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes, à leur
entêtement et à leur mauvaise foi... et sont incapables de le
reconnaître. Si la volonté d’apaisement du gouvernement est
sincère, il ne doit rien céder au désir de vengeance de ceux qui
se sont fourvoyés, par intérêt personnel ou ambition partisane :
maintenant que l’avenir est ouvert, on comprendrait mal pourquoi il
faudrait s’en prendre à ceux qui ont eu le tort d’avoir raison,
et permis, ensemble, de sauver la zad de la destruction.
Il
n’y a pas de « bons » et de « mauvais » opposants au projet
d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et la « légalité » de la
présence des uns ou des autres est, sur place, une question aussi
embrouillée que démagogique. Des migrants aux « zadistes », le
mépris de la vie humaine qui s’affiche en Europe et ailleurs, avec
la volonté de recenser, trier et bannir les « indésirables »,
nous renvoie dangereusement à des temps qu’on croyait révolus.
C’est pourquoi nous réaffirmons notre opposition à toute
intervention des forces de l’ordre ou tentative d’expulsion, qui
ne feraient que nous ramener en arrière. Il est temps de mettre un
terme à toutes les opérations d’intimidation et de stigmatisation
des habitants de la zad, auxquels nous réaffirmons notre entière
solidarité. A cet égard, nous jugeons très inquiétante, pour
l’avenir de la démocratie, la diffusion d’allégations
délirantes par certains éléments de la gendarmerie, auprès d’une
presse peu scrupuleuse. Alors que certains regrettent ouvertement
l’arrêt de l’opération César de 2012, il est important que le
pouvoir politique affirme que les forces de l’ordre n’ont pas de
revanche à prendre. Telle est notre conception de l’Etat de droit.
Nous
demandons que l’avenir de la zad soit discuté pacifiquement sur la
base du communiqué commun du mouvement anti-aéroport de ce jour, et
nous appelons à se rendre en nombre au rassemblement du 10 février,
pour fêter cette victoire comme il se doit, et affirmer notre
volonté renouvelée de défendre la zad.
Montreuil, le 17 janvier 2018
►Violences policières :
Des images de nos espions qui ont trouvé la base des flics qui nous harcelent tout autour de la ZAD à l’école du gaz de Saint-Etienne-de-Montluc (carte sur OpenStreetMap) :Quel avenir pour les terres
de la Zad de Notre-Dame-des-Landes ?
On fait le point
Quel sera l’avenir des 1.650 hectares de Notre-Dame-des-Landes ? Le mouvement anti-aéroport souhaite négocier une gestion collective, le gouvernement a posé un ultimatum au 31 mars, quand ceux qui n’auront pas de « titre de propriété » devront être partis. Quel est le statut des terres ? Où en est le droit ? Reporterre fait le point.
1.650
hectares de bocage. Pas mal, quand on sait qu’une ferme en France
fait en moyenne 56 hectares. Retirez du total environ 400 hectares de
routes, de bois et de haies, il reste 1.250 hectares et, en théorie,
assez de place pour plus de 20 fermes.
En
pratique, l’abandon du projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes ne règle pas tout. Reste en suspens l’avenir
des terres de la Zad. La déclaration d’utilité publique (DUP)
échue, l’État en est désormais le propriétaire, ont assuré à
Reporterre les juristes consultés. Les regards se tournent
donc vers le gouvernement.
Des
propos d’une obscure clarté : la « vocation
agricole » des terres est certaine, mais de nombreuses
questions demeurent. Dans cette situation complexe, deux cartes se
superposent : celle de la propriété des terres et celle de
leur usage.
L’État,
lui, voit à travers le prisme de la propriété. Les terres se
répartissent alors en trois catégories :
- Celles acquises à l’amiable par le département ou d’autres instances, au fur et à mesure des années : les ex-propriétaires ne pourront pas en demander la rétrocession. Alors, à qui iront-elles ? Qui décidera ?
- Celles acquises grâce à l’expropriation et dont les propriétaires ont accepté l’indemnité : sur ce sujet-là, les juristes consultés par Reporterre ont des avis divergents. Si jamais les anciens propriétaires souhaitent récupérer leurs terres contre le remboursement des indemnités, pas sûr que le tribunal accepte ;
- Celles acquises grâce à l’expropriation et dont les propriétaires ont refusé les indemnités : pour ceux-ci, pas de débat, ils pourront demander à récupérer leurs terres et l’État ne pourra pas le leur refuser.
Pour
l’instant, difficile de savoir comment les hectares se répartissent
entre chaque catégorie, car il faut désormais débuter un patient
travail d’inventaire, parcelle par parcelle. Autre inconnue :
on ne sait pas quels expropriés demanderont effectivement la
rétrocession de leurs terres. Des incertitudes qui demanderont
plusieurs mois, voire plus, pour être levées.
En
attendant, il existe une autre carte de la Zad : celle de
l’usage actuel des terres. Elle existe déjà, le mouvement
anti-aéroport l’a réalisée. L’inventaire donne alors la
répartition des terres suivante :
- Les chiffres mentionnés sont fondés sur l’usage actuel des terres de NDDL et non leur propriété. Cette répartition n’a pas de cadre légal, à part pour les terres baillées par AGO-Vinci.
Les agriculteurs « résistants » retrouveront leurs terres
Un
point met tout le monde d’accord. Sur les 1.250 hectares de terres
agricoles, environ 450 sont cultivés par quatre agriculteurs qui
sont restés, malgré les expropriations, et ont refusé les
indemnisations de l’État. « Ils vont demander la
rétrocession des terres dont ils avaient la propriété ou le
fermage [bail agricole], et l’État ne peut pas refuser. La
déclaration d’utilité publique [DUP] tombe le 9 février,
et à partir de là, les expropriations n’ont plus de
justification », estime leur avocat, Me Étienne Boittin.
« Pour nous, c’est la fin d’une épée de Damoclès, on
va enfin pouvoir faire des projets et passer en bio »,
témoigne Marcel Thébault, l’un de ces agriculteurs
« historiques », devenu au fil des ans l’une des
figures du mouvement anti-aéroport. Il est en plein chantier
collectif de réalisation de piquets pour les clôtures lors du coup
de fil de Reporterre.
En
revanche, l’avenir est plus incertain pour les — environ — 850
hectares restants.
Lait, moutons, plantes médicinales, pain, etc.
Éviter l’agrandissement des exploitations voisines
Restent
enfin 550 hectares, lesquels, loin d’être en friche, sont
cultivés… Mais par des agriculteurs riverains de la Zad, via des
baux précaires renouvelés chaque année avec le concessionnaire
AGO-Vinci. Certains font même partie des agriculteurs expropriés
par l’État, mais qui ont accepté de toucher les indemnités, et
ont ensuite pu continuer à cultiver leurs terres en attendant que le
projet d’aéroport se fasse. Au sein du mouvement anti-aéroport,
l’avis est unanime : ils ne pourront pas continuer d’exploiter
ces terres indéfiniment, encore moins se les approprier. « Ils
n’ont pas posé d’acte de résistance, on leur demande donc de ne
pas oublier qu’ils ont renoncé à ces terres-là »,
affirme Marcel Thébault. « Il faut quand même rappeler que
cela fait dix ans qu’ils ne payent pas de fermage à AGO-Vinci pour
l’utilisation de ces terres ! » explique Dominique
Deniaud, porte-parole de la Confédération paysanne de
Loire-Atlantique, syndicat fortement engagé contre l’aéroport.
« Ils ne peuvent avoir le beurre et l’argent du beurre »,
résume Sébastien. Leur idée serait que, au fur et à mesure, les
exploitants actuels de ces terres laissent la place à des
agriculteurs qui s’installent.
« Les
six points pour l’avenir de la Zad » affichés dans une
habitation de Notre-Dame-des-Landes.
|
Autre
« point » essentiel, les terres encore gérées
par AGO-Vinci devront aller à l’installation de nouveaux
agriculteurs. « On peut installer dix à quinze fermes »,
espère Vincent Delabouglise, paysan de Copain 44. « Surtout,
on ne veut pas qu’elles aillent à l’agrandissement. Ici, le
foncier doit rester un lieu dédié à l’expérimentation agricole,
il doit permettre d’entériner une vision de l’agriculture qui va
à l’encontre de l’industrialisation », complète
Sébastien.
Car
c’est un risque, si ces terres retournent dans le giron de la
chambre d’agriculture, elles suivront les processus classiques
d’attributions des terres. La priorité est donnée aux
installations, certes, « mais s’il n’y a pas assez de
projets présentés dans les délais, elles iront à l’agrandissement
des exploitations voisines », redoute Vincent Delabouglise.
La
solution juridique privilégiée par le mouvement serait alors que
l’État reste propriétaire des terres et en cède la gestion via
un bail longue durée à une structure juridique. Foncière, société
civile, modèle « Larzac »,
peu importe, l’essentiel étant que les décisions soient
collectives. Si l’État souhaite vendre, la commission « hypothèses
d’avenir » cherche également des solutions pour un achat
groupé.
Discours fermes contre espoir de discussion
Reste
alors un obstacle de taille : le gouvernement peut-il entendre
et accepter cette vision ?
« Est-ce
que l’État va s’embarrasser d’une négociation ?
s’interroge Raphaël Romi, avocat et juriste en droit de
l’environnement. Si l’on se projette sur les autres cas
d’abandon de DUP, la rétrocession des terres via un processus
classique a été la solution privilégiée dans la très grande
majorité des cas. »
Au
niveau local, le relais de l’administration agricole, la chambre
d’agriculture de Loire-Atlantique, aimerait aussi que tout rentre
dans l’ordre. « Le
projet du mouvement d’occupation est contraire à la réglementation
et à ce qui se passe dans les cas normaux d’installation agricole,
souligne son président, Jacques Lemaître. Ils
ont des animaux pas bouclés [1],
sans
contrôle de ce qu’ils mangent, on ne peut pas accepter cela.
Après, si l’État décide de mettre en place une zone
expérimentale, ce n’est pas à la chambre d’agriculture de
l’assumer. »
|
Pour
l’instant, l’exécutif semble aller dans le sens d’un retour à
la normale : « L’État
engagera une cession progressive des terres »,
a affirmé Édouard Philippe lors de son discours du 17 janvier.
« L’État
n’a pas vocation à les conserver »,
a ajouté Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, le
19 janvier à Ouest
France,
avant d’ajouter : « Nous
discuterons avec tout le monde, par principe, à une condition
cependant : tous ceux qui ne seront pas détenteurs d’un titre
de propriété pour leur terrain à la fin de la trêve hivernale
devront être partis. S’ils ne sont pas partis au 31 mars, ils
seront expulsés. »
Dans le même temps, la préfète Nicole Klein maintient la pression
et réaffirme que les 95 squats dénombrés par la préfecture
doivent
« disparaître ».
Les
opposants à l’aéroport sont pourtant confiants. « On
demandait trois garanties pour accepter de discuter : l’abandon
du projet, la fin de la déclaration d’utilité publique, et pas
d’expulsions. On a obtenu les deux premières, et un délai pour la
troisième. Donc, c’est ouvert », assure Sébastien. « On
a retrouvé des points évoqués en rendez-vous avec la préfète
début janvier dans les déclarations d’Édouard Philippe, se
félicite Dominique Deniaud. Il y a une écoute de notre projet. »
Le
ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a même évoqué,
jeudi 18 janvier au matin sur Sud Radio, de « faire un
certain nombre d’expériences sur des pratiques agronomiques, sur
l’agriculture biologique », sur les terres de la Zad.
L’avenir
de ce territoire « ne pourra pas se décider en deux mois,
abonde le maire de Notre-Dame-des-Landes, Jean-Paul Naud. Il
faudrait que l’on constitue un groupe de travail, sous l’égide
de la préfecture, afin d’arriver à un accord à l’amiable sur
la répartition de ces terres. Il faut éviter une évacuation forcée
de la Zad, car cela crisperait tout le monde ».
Après
le dégagement
de la « route
des chicanes »
par le mouvement anti-aéroport, vu comme un préalable à toute
discussion, la négociation devrait pouvoir commencer.
►D281 :
Entre grosses averses et éclaircies, sous le regard vrombissant de l’hélico de la gendarmerie, le chantier collectif de feu la route des chicanes s’est poursuivi aujourd’hui, réchauffé par une cantine sauvage et un orchestre improvisé. La cabane Lama Faché a été démontée pierre par pierre entre habitant-es, soutiens et comités. Ce chantier a donné lieu à de ces moments sensibles et forts, à des dissonnances mais aussi à l’expression vivante de paroles contraires. A suivre...
La "route des chicanes" libérée à Notre-Dame-des-Landes
La
préfète de Loire-Atlantique a constaté vendredi à
Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) la libération de la "route
des chicanes", devenue le symbole ces dernières années de
l'opposition au projet d'aéroport abandonné par le gouvernement.
NOTRE-DAME-DES-LANDES,
Loire-Atlantique (Reuters) - La préfète de Loire-Atlantique a
constaté vendredi à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) la
libération de la "route des chicanes", devenue le symbole
ces dernières années de l'opposition au projet d'aéroport
abandonné par le gouvernement.
Paysans,
naturalistes et "zadistes" ont en effet retiré cette
semaine à l'aide de leurs propres engins agricoles et outils les
épaves de voitures, tas de pneus et blocs de béton qui entravaient
la circulation sur la route départementale 281, qui traverse la zone
d'aménagement différé (ZAD).
L'enlèvement
de ces "chicanes" était l'un des préalables posés par le
Premier ministre Edouard Philippe lors de l'annonce de l'abandon du
projet la semaine dernière et la politique d'apaisement du
gouvernement semble porter ses premiers fruits avec la libération de
la route.
"On
est quand même sur un scénario positif, c'est une avancée :
des conditions ont été mises, et la première est remplie", a
dit la préfète, Nicole Klein, devant les journalistes rassemblés
devant la mairie de Notre-Dame-des-Landes, dans le bourg de la
commune.
"Des
forces avaient été mises en réserve au cas où. La route a été
dégagée sans recours aux forces de l'ordre, c'est la meilleure des
solutions", a-t-elle ajouté.
Le
gouvernement avait donné aux zadistes jusqu'à ce vendredi pour
libérer la route, faute de quoi les forces de l'ordre seraient
entrées en action pour y procéder.
La
visite de Nicole Klein s'est faite sans la présence de la presse,
pour pouvoir "se dérouler dans un climat apaisé et pour
faciliter les échanges avec les occupants" avait expliqué la
préfecture de la Loire-Atlantique.
DIALOGUE
AVEC VINCI
La
réouverture de la circulation sur la D281 ne se fera pas "sans
garantie sur la sécurité des usagers", a souligné Philippe
Grosvalet, président (PS) du conseil départemental de la
Loire-Atlantique et gestionnaire de cette route départementale.
"Abandonnée
depuis cinq ans, la route a été détériorée, voire sabotée
d'après les renseignements des services de gendarmerie",
indique celui qui est toujours président du syndicat mixte
aéroportuaire, qui regroupe les collectivités locales qui
finançaient l'ex-projet d'aéroport. "Il est inenvisageable de
la rouvrir sans des travaux lourds, coûteux et complexes, qui
prendront du temps."
Un
"travail" va par ailleurs s'opérer "d'ici le
printemps" avec les opposants à l'ex-projet d'aéroport pour
voir lesquels d'entre eux souhaitent se maintenir sur la zone qui
avait été dédiée au projet d'aéroport, a précisé Nicole Klein.
Edouard
Philippe avait annoncé que les occupants illégaux devraient avoir
quitté la zone d'ici au printemps mais avait ouvert la voie au
maintien de ceux qui ont une activité agricole sur le site de
Notre-Dame-des-Landes.
Pour
compenser l'abandon du projet, le gouvernement a annoncé la
modernisation "dans des délais rapides" de l'actuel
aéroport de Nantes Atlantique, qui arrive à saturation, comme le
suggérait un rapport d'experts remis en décembre. L'aéroport de
Rennes sera dans le même temps agrandi.
Une
inconnue demeure concernant l'avenir du contrat signé avec Vinci fin
2010 pour la construction et l'exploitation de Notre-Dame-des-Landes.
L'un
des trois médiateurs nommés par le gouvernement sur le sujet
estimait fin décembre dans les colonnes du Monde que l'indemnisation
du concessionnaire pourrait aller jusqu'à 350 millions d'euros en
cas d'abandon du projet d'aéroport.
Le
gouvernement s'est dit confiant dans la possibilité de trouver un
accord avec Vinci, qui s'est dit prêt au dialogue.
Agence
Reuters sur Médiapart
►Les travaux sur la D281 sont
finis ! Après une semaine de chantier, de tensions et de doutes
parfois, de fatigue beaucoup, nous sommes parvenu, ensemble à tenir
la promesse que nous nous étions faites de rendre la route à la
circulation. L’Etat voudra bien croire que nous l’avons fait pour
répondre aux exigences du premier ministre, nous, nous savons bien
que ce qui l’a emporté c’est la volonté de continuer à faire
ensemble, le désir de nos voisin.e.s de retrouver l’usage de la
route, l’envie des paysans de pouvoir y circuler plus facilement.
Il n’aura pas été facile pour nous, occupant.e.s, de démonter la
cabane de Lama Faché, et nous n’oublions pas que cette route des
chicanes a été longtemps le symbole de notre résistance
victorieuse face à l’opération César. Mais le symbole ne valait
sans doute pas risquer de commencer les négociations sur l’avenir
de la zad dans de mauvaises conditions. L’assurance répétée des
autres composantes que nous serons toutes et tous ensemble pour
défendre la totalité des habitations de la zad a emporté la
décision. Il n’y aura pas d’aéroport, il n’y aura pas
d’expulsions !
Ce
matin vers 10h, la préfète est venue se prendre en selfie sur la
D281. C’est de bonne guerre, comme le fait que certain.e.s
camarades l’accueillent en lui montrant leur cul... Elle aura aussi
pu lire sur son passage plusieurs banderoles, de soutien à la lutte
au Rojava, "Zone A Défendre, résistance et sabotage",
"yes, chicane", "capitalisme vert, le mur de toute
manière" et bien d’autres. Lors d’une courte pause à Bel
Air elle a rencontré brièvement un représentant de COPAIN pour
évoquer le début des travaux de rénovation de la route, celui-ci a
dit qu’il serait malin que la DIRO vienne sans escorte policière
qui serait perçue comme une provocation par les occupant.e.s. Elle
s’est ensuite rendue à Notre-Dame-des-Landes pour une courte
conférence de presse où, bonne joueuse, elle a reconnue l’important
travail réalisé par des centaines de personnes tout au long de la
semaine et admis que désormais les conditions étaient réunies pour
commencer le processus de négocation avec le mouvement
anti-aéroport.
Communiqué
suite à la fin du chantier
sur la D281
COMMUNIQUE
DE PRESSE DE L’ENSEMBLE DES COMPOSANTES DU MOUVEMENT CONTRE
L’AEROPORT (habitant-e-s de la zad, Acipa, Coordination, COPAIN,
Naturalistes en lutte)
vendredi 26
janvier
Le
mercredi 17 janvier, nous avons collectivement obtenu une formidable
victoire, un signe fort pour toutes les autres luttes. Nous voilà
maintenant dans une nouvelle phase, pleine de possibilités d’avancer
ensemble, notamment sur des questions d’usage commun, comme celle
de la D281, dite "route des chicanes".
Fermée
par les autorités dans le cadre du projet d’aéroport en 2013,
cette route a été ré-ouverte par le mouvement dans la foulée.
Aujourd’hui, l’ensemble du mouvement a fait le choix de la
transformer pour la rendre plus accessible à nos voisin-e-s et aux
riverain-e-s des bourgs alentour.Pour que tou-te-s puissent y
circuler tranquillement, il y a dores et déjà des ralentisseurs
provisoires, puis par la suite des ralentisseurs pérennes, et des
voies de passage seront créées pour nos ami-e-s tritons,
salamandres et autres habitant-e-s du bocage.
Nous
portons ceci collectivement, et collectivement nous pourrions revenir
sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à se
concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la
zad. C’est un engagement fort que nous renouvelons ensemble pour
défendre l’avenir de la zad.
Un
chantier collectif a été organisé pour cela à partir du 22
janvier, il est aujourd’hui terminé.
Cette
route était et restera un des symboles de notre résistance commune,
et c’est tout-e-s ensemble que nous mettons en oeuvre son usage
partagé, pour l’avenir de la zad, puisque qu’il n’y aura pas
d’aéroport. Nous appelons à un très large rassemblement sur la
zad, le 10 février, pour enraciner l’avenir de ce territoire et
fêter l’abandon du projet. Le mouvement contre l’aéroport, 26
janvier 2018
Le blé noir nourrit les résistances et l’avenir sans aéroport.
La
culture de sarrasin n’a cessé de fleurir depuis de longues années
dans les terres acides et lourdes de Notre Dame des Landes, il
s’épanouit là où d’autres cultures peinent à s’adapter.
D’abord voisin des landes communales, aujourd’hui végétal
éphémère de mai à octobre dont la présence dans le paysage
bocager dessiné par l’élevage, alterne entre prairies
temporaires, orges, tournesols, blé et mélanges fourragers.
Depuis
4 ans, il est cultivé sur les terres occupées par le mouvement de
lutte contre l’aéroport par divers groupes paysans, qu’ils
soient habitants sur la zad ou agriculteurs de COPAIN. Au dela des
liens tissés à travers cette culture commune, celle ci renforce la
lutte de multiples façons ; d’abord dans une optique
stratégique, par le fait de maintenir cultivées les terres et par
là habiter pleinement le territoire ; ensuite, dans l’objectif
d’approvisionner boulangeries, galetteries, banquets, cantines,
fêtes et réseaux d’échanges et de ravitaillement des luttes ;
enfin par le fait de pouvoir constituer un levier pour financer les
divers outils de production collectifs, équilibrer les comptes de
projets agricoles moins rémunérateurs, développer l’activité de
transformation du sarrasin comme donner de l’élan à de nouveaux
projets agricoles au sein du mouvement de lutte, sur la zad.
Après
avoir dépendu de grossistes pour la vente et le séchage, voilà
maintenant 2 saisons agricoles que nous séchons et trions par nous
même le grain après avoir construit un séchoir. La récolte est
ensuite stockée puis moulue à la ferme de St Jean du Tertre. La
production nous offre un surplus disponible et une rénovation de la
meunerie permet aujourd’hui de produire une farine de qualité que
nous souhaitons vivement partager, auprès des comités de soutien
liés au mouvement - à prix libre - comme auprès des magasins
paysans de la région et artisans nécessitant de la farine - au
tarif du marché - .
Des
sacs de farine seront disponible dès le mois de février 2018, en
sacs de 25, 5 et 1kg. Elle se conservera plusieurs mois au sec. Nous
vous invitons à passer commande par mail ou téléphone à l’avance
et à venir récupérer les sacs sur place à la ferme de St Jean du
Tertre. Des chantiers auront lieu avant les AG, tous les 1er mardi du
mois à 17h, pour participer à l’ensachage et permettre des temps
d’échange. Prévenez nous de votre venue. Vous êtes loin ?
Organisez vous avec votre comité de soutien le plus proche pour
passer commande et créer un point de dépôt ! Le rendez vous
du 10 février sera une première occasion de récupérer de la
farine (ferme de St Jean du Tertre).
Par
ailleurs, nous vous invitons d’ors et déjà au semis collectif de
sarrasin qui aura lieu entre le 15 Mai et le 15 Juin, nous pourrons
dresser un bilan du fonctionnement de la vente de farine. Tenez vous
informé sur zad.nadir.org.
Mail : blenoir@riseup.net
L’accueil rennais de la victoire
de la lutte anti-aéroport
"Ce
mercredi 17 janvier, en début d’après-midi, Edouard Philippe
entendait assumer le rôle de mettre fin à une lutte historique,
vieille de plus de 50 ans, par l’annonce de l’abandon du projet
d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Nous
saluons vivement la puissance d’un mouvement aux pratiques diverses
qui a su triompher de l’Etat !
En
revanche, nous restons et appelons à rester alertes. Car si la lutte
contre l’aéroport trouve une issue victorieuse, la lutte pour la
victoire de la Zad, elle, continue.
Les
hérauts de la politique gouvernementale ont innondé ces derniers
jours les journaux, les chaînes de télévision et les stations de
radio d’un flot de mots hostiles à la Zad. Il est vrai que
l’existence d’un mouvement d’occupation vieux de dix ans est
une réelle humiliation pour ceux qui entendent tenir les rennes de
l’aménagement du territoire au profit de l’économie.
Rester
alertes signifie donc aujourd’hui savoir se rendre disponible à
l’action. Depuis deux ans, le Comité Zad de Rennes se rassemble au
rythme des menaces d’évacuation de la zone. La menace ne disparaît
maheureusement pas après l’abandon du projet. Aujourd’hui
encore, le déblayage des routes principales qui traversent la Zad
peut faire l’objet de tensions avec les forces de l’ordre, et
nous ne laisserons quelque opération policière que ce soit se faire
sans réagir.
Nous
répondrons encore présents pour faire triompher la Zad, fidèles
que nous sommes à l’en-dehors qu’elle ouvre au sein même du
monde capitaliste.
Rester
alertes signifie aussi prendre part largement à la grande fête qui
secouera la Zad le 10 février prochain, saluant le dernier souffle
de la Déclaration d’Utilité Publique et l’enterrement du
projet.
Si
les leçons de cette lutte victorieuse doivent se répandre partout,
ce rendez-vous donnera également lieu à une grande rencontre entre
tous les comités de soutien, pour s’organiser et penser ensemble
l’avenir de la zone et de nos liens avec elle.
La
victoire de la lutte anti-aéroport nous confirme qu’il n’est pas
vain de combattre, ici aussi à Rennes, l’aménagement du
territoire dont le tout nouveau centre des congrès est l’étendard.
Cette victoire renforce notre détermination à arracher des lieux à
la ville, pour troubler encore la mise en bon ordre du centre de
Rennes. Nous rappelons en ce sens que chaque événement au centre
des congrès doit être le prétexte à la perturbation de la
reconquête du centre-ville, si chère à Nathalie Appéré.
Par
ailleurs, passé ce pallier (et non pas des moindres !), le
Comité Zad de Rennes se consacrera dans ses prochains rendez-vous à
la question primordiale de son devenir propre, ainsi que celle,
intrinsèquement liée, de l’avenir de la Zad. Ceci en vue de la
rencontre intercomité qui suivra la fête du 10 février mais aussi
et surtout dans la perspective de renforcer ses liens avec l’intense
expérience de l’autonomie politique éprouvée ces dernières
années, et qui, nous le souhaitons et l’encouragerons, s’éprouvera
encore pendant de longues années.
Mais
dans l’immédiat, l’heure est aux réjouissances et à la
réaffirmation de notre détermination ! Que vive la Zad !
Comité
Zad de Rennes, sur la place Ste Anne, au soir de l’annonce qui
stoppa nette, après 50 ans, la cavale des gouvernements successifs."
« La route des chicanes est dégagée,
constate la préfète de Loire-Atlantique »
La
préfète de la région Pays de la Loire, Nicole Klein, a parcouru
vendredi 26 janvier la "route des chicanes"
traversant la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, libérée de ses
obstacles mais semée de nombreux nids-de-poule.
Outre
plusieurs journalistes, le convoi était très sécurisé :
filtrage aux entrées de la route, survol par un hélicoptère,
membres du GIGN prêts à intervenir...
Finalement,
tout s’est passé dans le calme. Mais non sans sarcasmes... Un
premier panneau, à l’entrée, donne le ton : "Passage
de préfète". Sur les premiers cent mètres, de nombreuses
inscriptions ont été tracées par des militants, sur des
barricades, des banderoles, des pancartes restées sur le bas-côté,
ou à même le bitume.
La
tranquille progression du convoi permet à la préfète de prendre
connaissance des messages anti-État distillés par les militants
anti-aéroport massés par dizaines sur les bas-côtés, dont
beaucoup ont le visage dissimulé. Certains baissent leur pantalon et
montrent leurs fesses au passage des véhicules.
Arrivée
au bourg de Notre-Dame-des-Landes, après un seul arrêt, la préfète
s’est engouffrée dans un garage attenant au local de l’association
Acipa, trinquant même à la "libération" de la
route avec des opposants historiques. Le tout dans un gobelet barré
d’un "Non à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes".
"En
tout cas, c’est dégagé", a conclu Nicole Klein.
Dans
la vidéo ci-dessous, Mme Klein dit que « c’est un
retour à l’État de droit ». « La route est dégagée
et bientôt, on pourra y circuler de nouveau. (...) Pouvoir y
circuler la fait rentrer dans le droit commun et la République.
(...) La suite ? On va commencer très rapidement à discuter
sur les bases qu’a définies le gouvernement. »
Sources :
Le
Progrès
- France
3 TV Pays de la Loire
- Photo :
Le 22 janvier (LCP,
« Ca vous regarde »)
sur
Reporterre
►Une
petite vidéo envoyée par la Piraterie à Roulettes : Nous
les ZADISTE RADIS-CO !
A
voir absolument !
►Et
pour les suites du chantier de reconstruction à Lama Fâché,
voici une petite liste non-exhaustive de matos qui pourrait aider à
la reconstruction d’un espace collectif.
A
ce propos, le chantier avance bien, y a déjà un beau début de
plancher !
►Infos traflics :
Pour
l’instant il n’y a plus de contrôles systématiques aux abords
de la ZAD. On ignore si les arrêtés préfectoraux ont été
renouvelés.
Nous
renouvelons nos remerciements à toutes les personnes qui ont appelé
le téléphone d’urgence de la zad pour nous signaler mouvements et
contrôles policiers.
►Ce matin une petite équipe de la DDE est venue faire un diagnostic de la D281 pour entamer des travaux prochainement. Contrairement à ce qu’avait demandé le président du conseil départemental, Grosvalet, cette équipe n’a pas eu besoin d’être escortée par des policiers, la présence de flics sur zone aurait été perçue comme une provocation. On ne sait pas encore quand commenceraient les travaux de rénovation.
10h02 min : infotraflics : la DDE poursuit ses travaux aujourd'hui. Présence de GM à la hauteur du cimetière de NDDL ainsi qu’au bois Rignoux mais pas sur zone. Pas de contrôle pour le moment.
AILLEURS
Infos du 17 au 21 janvier
►Luttes paysannes :
Mali : un paysan tué par des forces du « désordre » au village de Zémésso et plusieurs blessés.Liens : http://www.uacdddd.org/spip.php?article174
Infos du 22 au 31 janvier
Mardi
23 janvier
L’État délivrera l’autorisation environnementale
pour le contournement ouest de Strasbourg
L’État
va délivrer l’autorisation unique environnementale pour permettre
la réalisation du contournement ouest de Strasbourg, ont indiqué
les ministres Nicolas Hulot et Elisabeth Borne dans un communiqué du
mardi 23 janvier. Les travaux de cette autoroute avaient été
interrompus en octobre 2017, en raison « d’imperfections
dans le dossier de compensation proposé par le maître d’ouvrage »,
indique le communiqué.
Depuis,
de « nouveaux correctifs » ont été proposés par
le maître d’ouvrage. Les ministres de l’Écologie et des
Transports les ont estimés suffisants. L’autorisation sera donc
délivrée, assortie « des prescriptions complémentaires
nécessaires », indiquent-ils. « Cela comprend un
renforcement et une pérennité assurée des mesures compensatoires
par le porteur de projet, notamment pour les zones humides. Par
ailleurs, l’impact environnemental de l’aménagement foncier
agricole devra être maîtrisé et limité au maximum pour la
biodiversité présente dans ces espaces. »
Enfin,
le communiqué indique que « dans ces conditions, la
déclaration d’utilité publique a été prorogée de 8 ans et les
travaux nécessaires à la conduite du chantier préparatoire sur le
tracé de l’autoroute rendus possibles. »
Source :
Ministère
de la Transition écologique sur
Reporterre
Bure :
appel à contribution
pour un livre d’or de la chute du mur
Salut
à tou.tes
Le
13 février, deux amis passeront en procès au tribunal de
Bar-le-Duc : ils sont accusés de la destruction du fameux mur
de béton érigé par l’Andra autour de la forêt à l’été
2016. Quand on songe à la vague d’espoir et de joie, au sentiment
profond d’unité et de force qui avaient accompagné ce moment
historique, il est clair que nous ne pouvons pas ne pas réagir !
Nous sommes toutes des tombeurs de mur ! Des informations
suivront donc bientôt sur ce procès scandaleux, et sur notre appel
à mobilisation. Restez aux nouvelles sur vmc.camp !
Montrons
leur que nous n’avons clairement pas vécu la même journée, ce 14
aout 2016, et que ce qu’ils voudraient réduire à une
"déterioration" commise par deux personnes a en fait fait
vibrer à l’unisson des centaines voire des milliers de personnes.
Individus, collectifs ou associations, nous y étions tous et toutes,
ou nous aurions voulu y être : faisons-nous entendre !
On
compte sur vous !
A
bientôt Des chouettes hiboux
Hulot autorise le GCO de Strasbourg
au mépris du Conseil de la nature
Le
contournement autoroutier de Strasbourg, mené par Vinci, va encore
artificialiser des sols. Mais Nicolas Hulot et Élisabeth Borne ont
annoncé qu’ils autoriseraient les travaux malgré l’avis
défavorable du Conseil national de protection de la nature, que
révèle Reporterre.
Strasbourg
(Bas-Rhin), correspondance
Nouveau
rebondissement dans le dossier du Grand contournement ouest (GCO) de
Strasbourg. Le gouvernement a décalé la date butoir pour le
lancement des travaux de cette rocade payante de 24 kilomètres.
Signée en 2008 pour une durée de dix ans, la déclaration d’utilité
publique (DUP) se voit prorogée de huit années, soit jusqu’à
2026.
Cette
prolongation de la DUP était de droit dans le contrat signé en
janvier 2016 entre le concessionnaire Vinci (via sa société Arcos)
et l’État. Il suffisait que le concessionnaire en fasse la
demande. En ajoutant huit années, l’État pare donc à tous les
imprévus possibles et imaginables. Mais ce qui est plus surprenant,
c’est que le gouvernement a doublé cette publication attendue au
Journal officiel d’un communiqué.
- Le communiqué commun des ministres Hulot et Borne.
Le
ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et
son homologue aux Transports, Élisabeth Borne, y annoncent qu’ils
levaient la suspension des travaux préparatoires (sondages
archéologiques et géotechniques) restant à faire sur deux
parcelles de forêts, au centre et au nord du tracé. En outre, les
deux ministres ajoutent que l’État délivrerait l’autorisation
environnementale unique — qui signera le top départ des
travaux. Cette annonce est la plus surprenante, car l’autorisation
est normalement consécutive à la remise des conclusions de
l’enquête publique spécifique à la conduite des travaux. Or,
cette enquête n’a pas encore eu lieu : elle est prévue au
printemps de cette année.
Le gouvernement fait fi des recommandations
du Conseil national de protection de la nature
Du
côté d’Arcos, on prend acte de la décision et on indique qu’il
est prévu que les engins de chantier entreront en action au mois
d’août 2018, pour une mise en service de l’autoroute le
30 septembre 2020. La compagnie ajoute que les fouilles
archéologiques dans les champs se poursuivront jusqu’en mars.
Le
gouvernement fait donc fi des recommandations du Conseil national de
protection de la nature (CNPN), dont le deuxième avis, est une
nouvelle fois négatif. Reporterre en révèle ici le
contenu :
- Avis du CNPN sur le GCO - décembre 2017
La
conclusion est claire : « Le CNPN prononce un avis
défavorable ».
En
visite à Strasbourg à l’automne, la ministre Élisabeth Borne se
montrait pourtant confiante auprès des Dernières Nouvelles
d’Alsace : « Ils l’auront [l’avis
positif]. Ils savent très bien faire un bon dossier et ils vont
nous faire un bon dossier. » Etrange formule. En tout
cas, Mme Borne et M. Hulot ont choisi de passer outre
l’avis du CNPN.
Lors
de leur premier passage, à l’été, les scientifiques du CNPN
avaient rendu un avis sévère. La fuite de leurs conclusions avait
contribué
à mobiliser des riverains et militants contre les travaux
préparatoires en forêt, déjà autorisés. Face aux oppositions sur
le terrain, le gouvernement avait demandé au concessionnaire de
remiser ses machines, et d’attendre un avis favorable pour pouvoir
couper les arbres. Cette suspension était politique, mais le
gouvernement avait annoncé que le concessionnaire devait arrêter
« tant
que ce nouvel avis du CNPN n’aura été rendu.
[…] L’État
entend à la fois permettre la réalisation de ce projet attendu
localement, et s’assurer qu’il apporte les meilleures garanties
en matière environnementale ».
Or,
les garanties ne sont toujours pas là, comme on s’en rend compte à
la lecture du document que publie Reporterre. Après une
audition le 15 décembre de Vinci et du département du Bas-Rhin
en charge de l’aménagement foncier agricole, le CNPN relève
certes des progrès. « L’effet barrière » est
limité, mais pour autant, l’objectif « d’absence de
perte nette de biodiversité » n’est pas atteint. Les
scientifiques indépendants relèvent plusieurs erreurs (confusion
entre « restauration » et « création »
de zones humides) ou légèretés dans le dossier. Exemple, « le
crapaud vert, espèce identifiée à ’fort enjeu’ dans
l’état initial apparaît à enjeu ’modéré’ dans
l’évaluation des impacts résiduels ».
Le
CNPN justifie son avis défavorable par « l’absence de
calendrier des travaux » pour les mesures de réduction. Il
regrette que seuls les impacts de l’aménagement foncier sur le
hamster sont étudiés, alors que « tous les autres groupes
d’espèces protégées sont susceptibles d’être fortement
impactés par ces travaux ». Dans les champs, « aucune
compensation n’est proposée pour les 15 espèces d’oiseaux
nicheurs ».
Autre
souci, « la difficulté de s’engager sur le long terme
avec des particuliers comme les agriculteurs ». Au-delà de
dix ans, le CNPN n’est pas sûr que les compensations aujourd’hui
négociées soient pérennes.
« Un reniement de la parole donnée par Nicolas Hulot »
Tout
ceci n’est pas de nature à décourager les écologistes. La
« tentative de déboisement » mi-septembre a fait
l’objet d’un recours de l’association Alsace nature. Grâce aux
personnes postées sur la Zad, l’association écologiste notamment
que les repérages d’usage, comme enlever du lierre ou refermer les
cavités pour protéger les chauves-souris, n’ont pas été
effectués au préalable, comme le prévoyait pourtant l’accord
préfectoral.
Les
pro-GCO, on se félicite de la validation ministérielle du projet
bien plus tôt que prévu. Pour le président de l’Eurométropole,
Robert Hermmann (PS) : « Il s’agit d’une étape
essentielle dans la construction partagée d’une ambition plus
large pour les transports de notre agglomération ; une
ambition capable d’améliorer l’attractivité et les mobilités
quotidiennes de nombre d’habitants qui l’attendaient. Le projet
que nous poursuivons rend compatibles le développement économique
et les exigences environnementales. »
Ce
n’est pas l’avis de son vice-président à l’urbanisme, Alain
Jund (EELV) : « C’est un reniement de la parole
donnée par Nicolas Hulot en octobre dernier où il s’engageait a
’inverser la charge de la preuve’, imposant à Vinci de
prouver que le projet était respectueux de l’environnement et des
espaces naturels. C’est enfin la preuve que le lobbying permanent
de grands groupes du BTP, de la chambre de commerce et de certaines
collectivités [dont l’Eurométropole où il siège] porte
ses fruits. »
|
Comme
Alain Jund, les opposants n’ont pas manqué de relever que
l’annonce arrive moins d’une semaine après la décision
d’abandonner l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui devait
également être géré par Vinci. Quelques citoyens se sont réunis
à la hâte mardi 23 janvier devant la préfecture pour dénoncer
« un passage en force » du gouvernement. Ils
avaient dans un premier temps été plutôt séduits par l’écoute
du gouvernement, et la médiation débutée par la députée Martine
Wonner (LREM) .
La
lutte contre le GCO, sur le terrain comme aux tribunaux, n’a pas
dit son dernier mot. Une nouvelle marche d’opposition est prévue
sur le tracé ce dimanche 28 janvier à 9h45, à
Ernolsheim-sur-Bruche.
Ligne 17 à travers Europa City :
l’Autorité environnementale
émet un avis très réservé
L’Autorité
environnementale a délivré le 10 février son avis sur la
création de la ligne 17 Nord du Grand Paris Express. Il s’agit
d’un avis plus que réservé : « l’analyse de
l’étude d’impact présente des lacunes importantes »,
précise l’Ae, qui préconise une nouvelle actualisation de cette
étude d’impact avant tout délivrance d’autorisation
environnementale, nécessaire pour lancer les travaux.
« La
plupart de ces lacunes reposent sur l’impossibilité de distinguer
les composantes et les impacts de la ligne et de la Zac du Triangle
de Gonesse, dont le contenu, les modalités de réalisation et les
mesures environnementales ne sont pas encore précisément connues »,
souligne l’avis. D’après l’Ae, cette confusion pose problème,
car le dossier actuel de la ligne 17 « ne permet pas de
comprendre à quel projet l’étude d’impact s’applique, alors
que la ligne et la Zac présentent dans leur ensemble de nombreux
impacts significatifs ».
Le
projet de la ligne 17 est en effet étroitement lié à celui
d’Europa City, un méga-centre commercial et de loisirs qui serait
implanté sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse.
L’Ae
pointe notamment des problèmes en termes de gestion des eaux
pluviales, de restauration des zones humides et des continuités
écologiques, la gestion des déblais liés aux travaux, et les
mesures compensatoires en cas de destruction de terres agricoles.
Le
tronçon concerné par l’avis, entre la gare du Bourge et celle du
Mesnil-Amelot a été déclaré d’utilité publique en février
2017. La mise en service de la ligne est prévue pour 2024, un
calendrier difficile à tenir, craint l’Ae, compte tenu de la durée
nécessaire pour réaliser l’ensemble des études nécessaires.
Télécharger
l’avis :
Source
:
Reporterre.
Communiqué de l'Amassada Opposants à l'éolien industriel et au Transformateur de Saint-Victor-et-Melvieu (12) jeudi 25 janvier
« Ce matin, aux alentours de 6h30,
plusieurs habitants des communes de Saint-Affrique et Camarès, ont vu
leur sommeil interrompu brutalement par une série d’irruptions
intempestives dans leur domicile.
Plusieurs dizaines de gendarmes s’y sont en effet déployés pour procéder à l’arrestation de 16 personnes. Cette opération militaire démesurée semble répondre aux refus commun de plusieurs personnes d’aller à une série de convocations ayant été distribués peu après le court blocage le 12 décembre 2017 d’un chantier éolien industriel à Crassous (Saint-Affrique). Aucun lien n’ayant été établi entre ce blocage et les personnes convoquées, les concernés avaient jugées peu pertinent d’obéir à ces injonctions, et avaient judicieusement fait connaître leur décision publiquement par voie de presse.
Cette opération démontre une fois de plus que le Procureur de Rodez ayant mandaté la troupe, fait, comme ses semblables, bien peu cas de la présomption d’innocence. Opération dont les méthodes rappellent vaguement celles de l’anti-terrorisme.
Tribune d’un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes de Fleury Mérogis
Nous,
prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt
de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire
qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des
surveillants de prison dans toute la France
Nous,
prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt
de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire
qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des
surveillants de prison dans toute la France. Cet appel vise également
à construire une force collective entre les détenus en lutte et à
l’extérieur. Depuis plusieurs jours, des surveillants de prisons
bloquent les entrées des maisons d’arrêt, centrales et centres de
détention du territoire français. Ici, à Fleury Mérogis,
l’établissement est régulièrement paralysé depuis le début de
semaine par plusieurs dizaines de surveillants, empêchant les
parloirs avec nos familles, parfois venus de loin, empêchant les
extractions dans le cadre des procédures judiciaires (bloquant les
aménagements de peine), l’entrée des avocats, les cantines, les
cuisine, le nettoyage et toutes les activités dédiées à la
prétendue « réinsertion » Leurs revendications sont
simples, ils réclament plus de moyens et plus de sécurité pour le
personnel pénitencier, ce qui se traduit concrètement par un
armement généralisé des surveillants, l’imposition de menottes
aux détenus lors de leurs déplacements hors des cellules, et des
restrictions conséquentes de nos libertés et de nos droits, pour le
peu qu’il en reste.
Leur
mouvement fait suite à diverses manifestations supposées de
violence depuis quelques temps, qui, si elles existent, ne sont que
des actes isolés, bien souvent en réponse à une violence bien plus
importante de l’institution carcérale et de l’État en général.
Depuis une semaine, nous assistons à une surmédiatisation
d’événements sporadiques et minimes sur toutes les chaînes de
télévision, sur fonds d’antiterrorisme. Une insulte devient une
agression, une bousculade un passage à tabac et un retard en cellule
une mutinerie. Et nous voyons ainsi défiler ces mensonges sur BFM
depuis le week-end dernier. Les surveillants et leur syndicat,
interviewés par les médias, ont présenté la prison comme un
« sanctuaire de criminels » où les détenus avaient
« pris le pouvoir » dans des zones totalement abandonnées
par les pouvoirs publics. Mais cette stratégie de désinformation ne
s’arrête pas là et se couple à des actions bien réelles à
l’encontre des détenus.
Ce
jeudi 18 janvier au matin, alors que tous les parloirs avaient été
annulés, que les activités n’avaient pas lieu et que nous étions
séquestrés en cellule, sans information et sans même avoir été
nourris, l’administration a finalement décidé, en réponse aux
mobilisations de leur personnel, de lancer une nouvelle entreprise de
terreur comme on n’en voit qu’en prison à l’encontre des
détenus, et alors que rien ne s’était encore passé. Vers 11h,
plusieurs dizaines de surveillants et d’Eris, armés, cagoulés et
près à intervenir étaient déployés dans toute la prison. Alors
que les départs en promenade se faisaient sous pression, ponctués
de coups de matraque et de bouclier, de fouille à nu arbitraires et
d’insultes diverses, nous avons décidé de nous organiser contre
ces violences gratuites, exercées pour satisfaire des surveillants
en mal de reconnaissance. Sur le bâtiment D2, nous étions plus
d’une centaine à refuser de réintégrer nos cellules à l’appel
de fin de promenade, qui avait été réduite à 45 minutes au lieu
des deux heures quotidiennes. Sur le bâtiment D1, c’est cette fois
l’administration qui nous enfermait plus de 4h en promenade, pour
prévenir un risque de blocage et en profiter pour fouiller une bonne
partie des cellules. Dans les autres bâtiments, nous tentions
plusieurs blocages, la plupart mis en échec par l’intervention
violente des Eris.
À
travers ces blocages, nous voulons exprimer notre droit à
manifester, qui nous a été arraché lors de notre incarcération et
nous voulons lancer un message vers l’extérieur, contre ce qui se
joue en ce moment devant les prisons françaises :
l’invisibilisation des violences quotidiennes à l’encontre des
détenus - insultes régulières, coups, pressions administratives,
les suicides réguliers, les piqûres forcées, les cellules en
flamme comme à Fresnes il y a quelques jours, et même les viols,
comme à la MAF ou à Meaux il y a quelques mois. Mais également, la
stratégie des surveillants qui rappelle celle des policiers qui
manifestaient illégalement, masqués et armés, en direction des
lieux de pouvoir à l’automne 2016 au cri de « la racaille en
prison ! », pour réclamer et finalement obtenir un
nouveau permis de tuer. À travers ces actes de résistance
collective, nous nous mobilisons contre cette répression
grandissante et contre l’entreprise sécuritaire de l’État
pénal. Mais pour ce faire, nous avons besoin de construire une force
collective, et que nos luttes soient entendues et relayées à
l’extérieur. La violence, la vraie, elle est du côté de la
prison, de la justice et de la police, qui frappent, séquestrent et
légitiment ces exactions. La violence, c’est l’État. Nous ne
sommes pas des bêtes, nous sommes des êtres humains, et nous
refusons d’être enfermés et renvoyés à des faits qui feraient
de nous des parias, sans droits et sans dignité. Nous en appelons
aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui, à l’extérieur,
luttent contre les violences d’État. Nos mobilisations sont vaines
si nous ne sommes pas soutenus et si les acteurs des luttes actuelles
ne se font pas écho de nos combats. En effet, nous payons le prix
fort de ces blocages, la vengeance de l’administration est
terrible, plusieurs personnes ont d’ores et déjà été envoyées
au mitard, le quartier disciplinaire, et nous savons tous que nos
conditions de détention seront rendues encore plus difficile, du
seul fait d’avoir refusé ces injustices. Par ailleurs, nous avons
besoin que des mobilisations fortes appuient nos mouvements, car
l’administration sait qu’elle a les moyens de nous faire taire,
en chargeant nos dossiers en vue de nos procès à venir ou en
refusant nos aménagements de peine. Ce texte ne s’adresse ni aux
institutions, ni aux défenseurs des soi disant droits de l’homme
et des politiques traditionnelles car à nos yeux, il n’existe pas
de prisons « plus justes ». C’est un appel à toutes
celles et tous ceux qui, au printemps 2016, se sont soulevés contre
la loi travail ; car nous aussi, nous sommes les premières
victimes d’une précarisation massive qui nous a contraint à
choisir entre la misère et la prison. C’est un appel à celles et
ceux qui luttent contre le racisme, car nous aussi sommes les
premières cibles d’un racisme d’État qui enferme toujours les
mêmes personnes, des jeunes non blancs, parqués dans les prisons
françaises. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre
les violences policières, car nous sommes ceux qui subissent depuis
toujours les violences des forces de police et nous sommes ceux qui
se lèvent toujours lorsqu’un de nos frères tombe sous les coups
ou sous les balles des forces de l’ordre.
Mobilisons-nous,
à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons. Construisons
une vraie force contre la répression en bloquant et en perturbant
les institutions répressives et les politiques sécuritaires.
Brisons le silence de la prison, et brisons les chaînes qu’elle
nous impose. Liberté pour toutes et tous.
Un
collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes
de Fleury Mérogis.
Vendredi 26 janvier
Vendredi 26 janvier
►Amassada
Fin
des gardes à vue pour les 13 interpellé(e)s. Récit :
Hier
nous étions 13 à passer la journée en garde à vue. Pour certains
réveillés, d’autre pris dans leur bergerie, d’autre menottés
devant l’école où vont leurs enfants... Les gardes à vues se
sont déroulées dans les différentes gendarmeries du nord Aveyron
(Bozoul, Marcillac, Rodez, Laissac, Villefranche de rouergue,
Capdenac, Séverac, Salle-curan,...), avec des conditions différentes
selon les enquêteurs.
Nous
ne nous laisserons pas intimider de la sorte et nous continuerons à
défendre nos terres contre les promoteurs et autres aménageurs sans
scrupules.
Pas res nos arresta ! Rendez-vous demain (samedi 27) à l’Amassada (saint Victor) à 14h30 pour continuer la lutte.
La tension monte contre les éoliennes en Aveyron
Jeudi
25 janvier, treize personnes ont été interpellés à leur
domicile et placées en garde-à-vue en Aveyron. L’opération fait
suite au blocage d’un chantier éolien en décembre dernier. Elle
pourrait donner une nouvelle énergie à la lutte contre le projet de
transformateur électrique de Saint-Victor-et-Melvieu, notamment
prévu pour les éoliennes.
Saint-Affrique
et Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron), reportage
Opération
d’envergure dans le sud-Aveyron jeudi matin 25 janvier, menée
sans violences physiques, mais avec l’usage de menottes. Treize
personnes ont été interpellées, dont les deux parents d’enfants
en bas-âge. Elles ont été placées en garde à vue un peut partout
dans les casernes du département, avant d’être libérées en fin
de journée.
Il
faut remonter un mois plus tôt, sur un chantier d’installation
d‘éoliennes, sur la commune de Saint-Affrique pour comprendre
l’enjeu. Le 12 décembre 2017, une trentaine de personnes se
rendait physiquement sur le chantier d’une centrale de six mâts
éoliens, près du lieu-dit Crassous. Un projet lancé il y a bientôt
dix ans et dont tous les recours en justice ont été rejetés. Sur
le mot d’ordre humoristique « oui à l’enfouissement des
éoliennes », ils sont parvenus à rejoindre les
pelleteuses en train de défricher la zone d’implantation des
futures machines et ont stoppé le chantier. Celui-ci reprenait début
janvier, cette fois, sous bonne garde policière assorti d’une
interdiction de stationner à proximité prises par le maire de
Saint-Affrique, favorable au projet, qui déclarait dans la presse
locale : « A présent, force à loi. Il faut qu’on en
finisse avec le comportement de certains. Et que la société puisse
mettre en action son chantier. »
Dans
le même temps, une dizaine de personnes recevaient une convocation
en gendarmerie pour « entrave concertée à l’exercice de
la liberté du travail » et « vol » (des
panneaux de chantiers auraient été subtilisés). Il semble que les
plaintes émanent de la société Arlès, entreprise locale en charge
du déboisement. Fait étonnant : les convocations touchaient
toutes les composantes de la lutte, militants très investis,
agriculteurs, simples sympathisants. Collectivement, décision a été
prise le 8 janvier de refuser de se rendre à ces convocations
qui « constituent une tentative d’intimidation et de
division d’un mouvement qui est amorcé, ici et ailleurs, contre
l’invasion éolienne et le méga transformateur »,
déclaraient alors les militants.
Comme
ils s’y attendaient, les militants ont donc vu débarquer trois
semaines plus tard les forces de l’ordre, pour les amener de force
en garde à vue pour être auditionnées.
La
réaction des soutiens n’a pas tardé. Dès 13 h, jeudi, une petite
cinquantaine de personnes se sont retrouvés devant la gendarmerie de
Saint-Affrique, pour protester à coup de casserole et sirènes
contre ce « coup de pression ». Devant les caméras
et la presse régionales, le colonel Le Floc’h, commandant du
groupement de gendarmerie de l’Aveyron, expliquait de manière
lapidaire « qu’une opération judiciaire et en cours »
et que par conséquent « il ne communiquera pas ».
Même silence du côté du procureur de la République de Rodez.
Au
fil de la journée, dans une ambiance bon enfant mêlée d’inquiétude
pour leurs camarades, les militants ont compris que les personnes
arrêtées ont été placées en garde-à-vue dans des gendarmeries
de Villefranche-de-Rouergue, Rodez et même à l’autre bout du
département. « Bravo le bilan écologique ! »
s’amusait un manifestant. A 16 h 30, le procureur a finalement
ordonné la libération des interpellés, qui purent se retrouver le
soir à Saint-Affrique, lors d’une soirée sur l’autodéfense
juridique dans le café associatif local.
Pourquoi
un tel dispositif pour relâcher tout le monde quelques heures plus
tard ? Contacté par Reporterre, l’avocat des
militants, Maitre Gallon, explique que « ce genre de
procédure n’est pas une nouveauté ». Il a déjà eu à
défendre des Faucheurs volontaires, et estime que « dans la
logique policière, l’arrestation simultanée permet d’éviter la
concertation entre les personnes visées tandis que la dispersion des
gardes-à-vue permet d’éviter un rassemblement trop important en
un point fixe. »
C’est
donc maintenant au procureur de décider ou non de poursuites et donc
d’aller vers un procès au tribunal correctionnel. Sur l’antenne
de la radio associative locale, Nelly,
l’une des interpellées, expliquait jeudi : « On
y était prêts, ce n’est pas grave une garde-à-vue, les délits
reprochés auront assez peu de conséquences ».
Elle ajoute : « On
sentait bien que c’était un coup de pression et une volonté de
diviser les militants »
même si « on
n’était pas traités comme des délinquants, ils savent que c’est
un contexte particulier ».
Reste
que cette démonstration de force, si elle vise à intimider,
pourrait avoir l’effet inverse et redonner de la vigueur au
mouvement militant local. Car, la lutte anti-éolienne à
Saint-Affrique est directement liée à une autre lutte, celle contre
le projet de transformateur électrique de St-Victor-et-Melvieu, à
15 km de là. Ce projet, porté par RTE (Réseau de transport
d’électricité, filiale à 100 % d’EDF) vise à accroître
les capacités du réseau haute tension notamment du fait du
raccordement ... de nouvelles éoliennes. Ce projet de
transformateur, a été découvert en 2010 par une conseillère
municipale du village de Saint-Victor-et-Melvieu et a déjà donné
lieu a une bataille juridique menée
par l’association plateau Survolté.
Aujourd’hui,
c’est le fond même des logiques de réseau et de transition
énergétique à grande échelle qui est contesté par une partie des
opposants réunis au sein de l’assemblée de l’Amassada, qui ont
construit des lieux d’occupation sur
le site envisagé pour le projet.
Saint-Victor est désormais reconnu nationalement comme un pôle de lutte et d’occupation, après Notre-Dame-Des-Landes. De quoi agiter les fantasmes des éditorialistes locaux sur un éventuel « débarquement de zadistes » pour renforcer la lutte. Mais à Saint-Victor, l’occupation a toujours été pensée en lien avec le territoire, son histoire occitane, et dans le rejet des cadres posés par l’administration pour le projet. Remettant en cause l’argument de sa nécessité technique, les opposants qualifient l’enquête publique de « une mascarade » et ont décidé début novembre de bloquer l’ouverture de la permanence du commissaire-enquêteur.
Cette
action festive et non-violente a provoqué le déplacement des
bureaux de l’enquête publique à 50 km au nord, loin de là où le
projet est combattu ! Une preuve supplémentaire pour les
militants du caractère illusoire de la consultation.
Après
l’avis favorable remis par les commissaires enquêteurs le
11 janvier dernier, le promoteur a communiqué le 19 janvier,
s’engageant à suivre les recommandations des commissaires
enquêteurs (enfouissement d’une ligne THT, isolation sonore du
chantier et indemnisation des habitants du hameau voisin).
- https://reporterre.net/IMG/pdf/rapport_d_enque_te_publique_transformateur_saint-victor-janv_2018.pdf
- Rapport d’enquête publique sur le transformateur de Saint-Victor, janvier 2018
Il ne manque donc plus que la
signature de la déclaration d’utilité publique par la préfète
du département pour démarrer le chantier. Dans ce contexte, ces
arrestations, sans suite à ce jour, pourraient donner du grain à
moudre aux militants. « On a désormais la preuve que la
transition énergétique a besoin des forces de l’ordre pour
avancer », lançait jeudi soir un des interpellés. Une
manière de rallier à la lutte une partie de la population,
jusqu’ici frileuse à soutenir ouvertement des militants dont les
actions (envahissement de réunion, refus de l’enquête publique)
sont loin de faire l’unanimité. Un chantier collectif est
désormais lancé pour rendre habitable les cabanes de l’Amassada,
une nouvelle étape de la bataille anti-industrielle en sud Aveyron.
Feu vert au bétonnage dans plusieurs régions
C’est un cadeau de début d’année aux bétonneurs et pollueurs de nappes phréatiques. Depuis le 1er janvier, certaines préfectures sont autorisées à déroger aux normes réglementaires concernant l’environnement, l’agriculture, les forêts, l’aménagement du territoire et la politique de la Ville, la construction de logements et l’urbanisme. La liste des sujets couvre un si vaste champ qu’on peine à en percevoir les limites. Paru le 29 décembre, un décret offre à titre expérimental cette possibilité aux préfets des régions et départements des Pays de La Loire, de Bourgogne-Franche-Comté, de Mayotte, du Lot, de la Creuse, des Bas et Haut-Rhin ainsi que de Saint-Barthélémy et Saint-Martin, « pour un motif d’intérêt général ». Selon nos informations, l’expérimentation pourrait être étendue à tout le territoire national dans le cadre de la loi pour une société de confiance qui vient d’être adoptée par les députés et doit être examinée par le Sénat.
Vertueuse
en soi, cette invocation de l’intérêt général fait frémir les
juristes que Mediapart a sollicités tant elle sert, partout depuis
des années, à justifier les bétonnages et les destructions de
biodiversité. Cette expérimentation concerne les décisions non
réglementaires : autorisations d’installation, déclarations
d’utilité publique par exemple. Elles devront néanmoins être
compatibles avec les engagements européens et internationaux de la
France. L’objectif affiché de ce décret est de « tenir
compte des circonstances locales », d’« alléger
les démarches administratives », de « réduire
les délais de procédure » et de « favoriser
l’accès aux aides publiques ».
Pour Florence Denier-Pasquier,
juriste à France Nature Environnement (FNE), « c’est un
très mauvais signal qui prolonge une tendance lourde au détricotage
du droit de l’environnement. Vu l’ampleur des sujets concernés
par ce décret, on n’a jamais vu un tel affaiblissement du cadre
juridique. C’est tellement vaste. Qu’est-ce qui reste encore
couvert par le droit réglementaire national bien identifié ? ».
Référent transports pour les Amis de la Terre, Daniel Ibanez
s’inquiète également : « L’État s’autorise à
déroger au nom de l’intérêt général à ses propres règles,
prises par définition au nom de l’intérêt général. C’est
absurde et dangereux. » Un rapport d’évaluation doit
être envoyé au gouvernement dans les derniers mois du dispositif.
Mais qui garantit qu’il le sera réellement ? En application
de la loi d’orientation sur les transports, chaque infrastructure
financée par fonds publics doit faire dans les deux à cinq ans
l’objet d’un bilan de ses résultats économiques. Celui de
l’autoroute de la Maurienne a été publié avec seize ans de
retard, pointe Daniel Ibanez. Celui de l’autoroute Pau-Langon avec
deux ans de retard, comme celui de la ligne TGV Perpignan-Figueras.
Avocate,
notamment contre le barrage de Sivens (Tarn), Alice Terrasse explique
que « si certains domaines comme l’attribution de
subventions ou le soutien en faveur des acteurs économiques méritent
peut-être un traitement plus local, il n’en est pas de même
d’autres matières comme l’environnement, qui impose au contraire
l’application uniforme de règles adaptées aux enjeux du
territoire national et auxquelles il ne saurait être dérogé par
simple arrêté, pour la satisfaction d’intérêts économiques par
exemple ».
Pour
sa part, Florence Denier-Pasquier considère que « ce décret
pose une question d’égalité devant la loi. Et risque d’être
très difficile à mettre en œuvre car ce texte n’est pas clair.
Ce n’est donc pas vraiment une simplification du droit, avec le
risque de créer une grosse usine à gaz. Rappelons que 80 % du
droit de l’environnement vient du droit européen. Le respect des
engagements européens (études d’impact environnemental, respect
des obligations de résultat, encadrement des dérogations) limite,
sur le papier, beaucoup les possibilités d’application de ce
décret… Dans les faits, des expérimentations pourraient
créer une véritable insécurité juridique, contraire à l’objectif
affiché ».
Le
Syndicat national de l’environnement-FSU a envoyé une lettre à
Nicolas Hulot pour l’alerter sur les conséquences d’une telle
dérogation pour les agents de la fonction publique. « La
recherche d’une décision adaptée au contexte local sans céder en
rien aux objectifs des politiques publiques est l’une des raisons
qui donnent toute sa valeur au lien qu’entretiennent les services
déconcentrés, en particulier les DREAL, avec votre ministère. »
Joint par téléphone, Patrick Saint-Léger, secrétaire national du
Syndicat des personnels de l’environnement, s’interroge :
« Comment vont se passer les instructions de demande
d’autorisation au titre de la loi sur l’eau ? Tous les
aménagements à proximité d’un cours d’eau sont concernés par
cette dérogation, ainsi que les plus gros élevages industriels. On
a déjà constaté des situations locales où des préfets agissent
plus en aménageurs qu’en protecteurs de l’environnement au nom
de l’emploi. Toutes les communes ne répondent pas aux obligations
d’assainissement. Que va entraîner une dérogation aussi explicite
à la loi ? »
Le
cabinet de Nicolas Hulot assure avoir été consulté et souligne que
plusieurs garanties cumulatives ont été prévues, puisque chaque
dérogation doit être motivée, que l’expérimentation est limitée
dans le temps et dans l’espace, et qu’un document doit évaluer
le rapport coût/bénéfice de cette approche.
Sollicité
par Mediapart, le cabinet de Gérard Collomb n’a pas répondu à
nos questions. Cosignataire du décret, le cabinet d’Annick
Girardin explique que l’esprit de l’expérimentation est de
simplifier les normes, au regard de la profusion de règles, et de
déplacer les contraintes inadaptées : « L’objectif
est de simplifier la vie du citoyen. » Et se veut
rassurant : « Les décisions seront prises au cas par
cas. On ne crée pas une application dégradée du droit, elle reste
toujours sous le contrôle du juge. » Les communes de
Saint-Barthélémy et de Saint-Martin ont été ajoutées à
l’expérimentation compte tenu des besoins de reconstruction après
le passage du cyclone Irma.
Dans
son annonce de l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes,
Édouard Philippe a assuré que les infrastructures continueraient
d’être construites. Par ce décret, le gouvernement s’accorde
une latitude inédite pour y parvenir.
Jade
Lindgaard - Médiapart
Un mois de prison ferme pour un opposant de Bure
Mardi
30 janvier, le tribunal de Bar-le-Duc (Meuse) a rendu son
verdict concernant un militant poursuivi pour rébellion et refus de
prélèvement lors
de la perquisition de la Maison de la Résistance à Bure, le
20 septembre 2017.
Alors que le procureur de la République avait plaidé la relaxe
concernant la rébellion, le militant écope d’un mois de prison
ferme.
Dans
un communiqué, le réseau Sortir du nucléaire dénonce une
« criminalisation du mouvement antinucléaire et de la lutte
contre le projet Cigéo » : « par cette
condamnation démesurée, la "Justice" cherche-t-elle à
inhiber tout un mouvement citoyen qui remet en question de grands
projets comportant des risques certains (technologiques, financiers
et sociaux) ? »
C’est
la première fois qu’un jugement si sévère (prison ferme) est
rendu à l’encontre d’un opposant à la poubelle nucléaire de
Bure.
Comme
des habitants nous l’avaient raconté dans Reporterre
,
les militants sont régulièrement arrêtés pour des contrôles
d’identité, leurs véhicules et leurs habitations fouillés, leurs
faits et gestes traqués.
D’autres
procès de militants auront bientôt lieu, notamment le 13 février
prochain.
Source
:
réseau
Sortir du nucléaire
sur
Reporterre
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