LETTRE OUVERTE A ORANGE
Objet : Incitation à l’obsolescence.
Le matin du 11 décembre 2015 à 11h40, vous m’avez envoyé, de même sans doute qu’à de nombreuses autres personnes, un SMS dont le texte est le suivant :
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Expéditeur : Orange
Envoyé : 11/12/2015 à 11:40:00 » » » » » »
Je ne vous ai rien demandé. J’utilise un téléphone mobile que m’a donné une parente qui en avait plusieurs, n’ayant pas pu faire réparer, même en payant cher, celui que vous m’aviez vendu il y a plusieurs années. Ce cadeau me donne entière satisfaction. Non seulement votre proposition consumériste ne m’intéresse pas, mais, à l’heure où l’on négocie âprement la limitation du réchauffement climatique que les Etats accepteront de financer, je la trouve totalement criminelle. Vous vous livrez à l’incitation à l’obsolescence, qui n’est au fond qu’une débauche à caractère industriel (Réf 1). Ce faisant, vous contribuez, non seulement, par les activités minières causées par les productions électroniques, à priver des peuples lointains et méprisés de leur milieu de vie (Réf 2) mais, par les opérations exigées lors de l’extraction et du raffinage des terres rares, vous soutenez l’augmentation planétaire des émissions de carbone, par ailleurs accélérée par l’augmentation tendancielle des taux de stériles de ces mines, au mépris de l’impossibilité totale de recycler ces produits, causée par l’imbrication des assemblages, très fine du fait de leur miniaturisation et de leur complexité (Réf 3).
Ce faisant, vous contribuez à rendre cette planète inhabitable pour les jeunes générations, qui, devant l’absence de futur, ne pourront que finir par se révolter contre notre égoïsme consumériste. Suprême perversion, vous les invitez elles mêmes à participer à leur irréversible déshéritage. Il faut bien constater que vous travaillez ainsi à votre propre disparition au cœur de celle, plus large, de toute l’Humanité, ce qui prouve que vous êtes incapables, à défaut d’une loi protectrice de l’intérêt général, de prendre les bonnes décisions, définies par les spécialistes comme celles qui sont favorables à la survie de la personne agissante (Réf 4).
Certains refusent pourtant cette marche au suicide, observable, hélas, dans de nombreux domaines (multiplication sans fin des déchets nucléaires, débauche d’énergie fossile, épuisement des stocks limités de richesses géologiques, exploitations des ressources renouvelables au-delà leurs capacités, destruction de la biodiversité, etc.). Contribuant à leur préparer l’enfer avec d’autres grands acteurs économiques, vous faites indirectement le lit de DAECH et du Front National, qui ne sont que les deux mâchoires du même piège à loups, tendu par nous-mêmes, qui se refermera cruellement sur notre cou.
C’est donc dans un réflexe démocratique de survie que je lance à la mer des consciences citoyennes cet appel à soutenir la sobriété et non l’obsolescence, et à prendre parti pour le maintien d’une biosphère humainement habitable. Mon identité précise importe peu, puisque je sais que vous ne répondez pas aux courriers individuels argumentés, et que je ne suis en fait qu’une cible commerciale parmi les milliers d’autres qui pourraient signer cette lettre ouverte.
Camille.
Pour le maintien d’une biosphère humainement habitable.
Bibliographie
Réf 1 : « La face cachée du numérique » L’impact environnemental des nouvelles technologies, de Fabrice Flipo,
Michelle Le Dobré et Marion Michot - Editions l’Echappée - 2013.
- « Bon pour la casse », par Serge Latouche, Editions Les Liens qui Libèrent - 2012.
Réf 2 : « L’Ecologisme des pauvres, une étude des conflits environnementaux dans le monde »,
de Joan Martínez Alier - édition Les petits matins/Institut Veblen - 2014
traduit de « El Ecologismo de los pobres. Conflictos ambientales y lenguajes de valoración »,
édité par Icaria editorial, S.A. - 2011.
Réf 3 : « Quel futur pour les métaux ? », de Philippe Bihouix & Benoît de Guillebon,
édité par EDP Sciences - 2010.
Réf 3 : « L’erreur de Descartes », de Antonio Damasio, Editions Odile JACOB - 1995.
o o o o o
Question :
à quoi correspondent les "exploitations des ressources renouvelables au-delà de leurs capacités" ?
Ici une réponse rapide à la question posée.
Sans parler du travail humain et des fonds monétaires qui aident à lancer une activité, il y a deux sortes de ressources naturelles qui sont mises en jeu, et qui ont longtemps été négligées par les économistes et autres experts.
Les ressources "stock", qui s'épuisent au fur et à mesure qu'on les utilise. Ex : pétrole, minerais divers, mais aussi espace (un département moyen artificialisé tous les 7 à 9 ans en France) et autres.
Les ressources "renouvelables" qui se reconstituent au fil de certains processus. Ex : le bois repousse dans les forêts, l'eau recoule derrière les barrages, les plantes sauvages se multiplient, ainsi que les poissons dans la mer. Dans ce cas, il ne faut pas dépasser une certaine capacité, qui détermine le prélèvement maximal pouvant être fait chaque année.
C'est sur ce type de limite, rapportée au territoire du pays en question, que se calcule ce qu'on appelle l'empreinte écologique. Pour les poissons, au niveau mondial, on sait déjà qu'on est allé trop loin et que les sardines mêmes sont déjà en voie de disparition.
Globalement, j'ai entendu quelqu'un dire récemment qu'on avait consommé 90% des stocks de poissons des océans. Il faudrait donc diminuer drastiquement nos prélèvements pour laisser la ressource se reconstituer. C'est l'objectif des réserves marines, mais elles sont insuffisantes. Des américains calculent le "jour d'après", qui est, chaque année, le jour où, globalement, à l'échelle de la planète, l'on commence à consommer le capital. Je crois que ce jour est actuellement en juillet. Comme nous ne nous modérons pas du tout, globalement, au niveau de la planète, ce jour avance d'année en année. Quand il arrivera au premier janvier, il n'y aura plus de renouvellement du tout, puisqu'on aura mangé notre capital biologique, et je pense que nous n'en aurons plus pour longtemps à vivre.
Voilà pourquoi il y a aussi des limites aux prélèvements de ressources renouvelables. Ces limites peuvent évidemment évoluer un peu en fonction de l'efficacité des prélèvements, de la "santé" du milieu, et de notre modération. Mais quand on sait qu'il faut 5 à 6 kg de "poisson fourrage" pour faire un kilo de thon d'élevage, il ne faut pas oublier que nos modes d'utilisation et de consommation ont une influence énorme, en général bien plus importante que nos gains techniques de "productivité".
Il y a là une sorte d'effet rebond nourri à la fois par la multiplicité de nos usages, nos gaspillages accrus, et tout simplement, même si l'on n'en parle guère, l'augmentation de la population.
En ai-je assez dit ? Suis-je assez clair ?
Amitiés.
Jean Monestier.
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