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lundi 14 novembre 2011

« Nous aussi, nous irons à Valognes », communiqué du comité anti-CASTOR de Tarnac

Appel au camp de Valognes (50) du 22 au 24 nov en pj et suite au texte ci-dessous.
SE

« Nous aussi, nous irons à Valognes », communiqué du comité anti-CASTOR de Tarnac




Fukushima, c'était il y a huit mois. Il n'y a pas de « retour à la normale » après une catastrophe nucléaire. Il y a un nouvel état du monde, une nouvelle géographie du ravage dont l'information régnante voudrait que l'on s'accommode, par la force des choses. Le spectacle des explosions de Fukushima offert en live streaming à la planète entière, les dépêches sans queue ni tête livrées d'heure en heure à l'avidité des peuples obéissent à la même logique qui commande aujourd'hui le plus complet silence sur les conséquences de la catastrophe. Qui sait que le Japon a mis à l'arrêt à ce jour 44 de ses réacteurs, que seuls dix fonctionnent encore et qu'à Tokyo on préfère désormais les coupures d'électricité aux merveilles de l'atome ? Qui se soucie que 90 % des enfants naissant actuellement dans la zone contaminée autour de Tchernobyl soient frappés de tares génétiques ? La vie est assez dure comme ça pour s'épargner d'avoir, de surcroît, conscience de son horreur. Les pays les plus nucléarisés sont ceux où l'on se rebelle le moins contre le nucléaire. Les prisonniers finissent généralement par aimer leur geôlier, pour peu qu'on les résigne assez à leur sort.

Dans l'ambiance de fin du monde, d'apocalypse symbolique, d'effondrement généralisé où nous baignons présentement, le nucléaire fonctionne comme un verrou sur la situation politique. C'est un ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle sur toute idée de bouleversement. Ce qui est en jeu là, ce n'est évidemment pas la révolution, tout juste sa possibilité. D'autant plus cette société épuise le peu de crédit qu'il lui reste, d'autant plus le réseau de centrales qui enserre le territoire nous fait l'effet d'un corset, d'une camisole. Comment un régime qui ne s'aventure plus à faire de promesse pour l'année suivante ose-t-il produire des déchets radioactifs pour encore cent mille ans ? Comment ignorer que la dépendance énergétique où l'on nous tient, et la sorte de chantage qui l'accompagne, réduisent à l'insignifiant toutes nos prétentions à la liberté ? Il y a quelque chose de morbide dans l'investissement libidinal dont l'Etat français a couvert ses centrales et ses bombes à neutrons. A mesure que gouvernements  étrangers et capitalistes éclairés font savoir l'un après l'autre leur intention de renoncer au nucléaire, la France préfère se dire que si elle est de plus en plus seule dans son impasse, c'est simplement qu'elle est la meilleure. Alors que l'EPR est en bonne voie pour égaler Superphénix dans la catégorie des folies furieuses, EDF dévoile à présent son intention de relancer la surgénération. C'est un spectacle atterrant qu'un tel déni du réel, une telle imperméabilité à l'expérience, une telle façon d'exposer au monde entier ses verrues comme un titre de gloire.

Trois ans se sont écoulés depuis ce 11 novembre où la Sous-Direction Antiterroriste a trouvé bon d'investir le village de Tarnac et quelques autres domiciles en France, afin d'y arrêter une dizaine de personnes. Renseignements pris, nous avons fini par acquérir une idée assez précise de l'étonnante convergence d'intérêts qui a amené à ces arrestations. On arrive, selon le fil que l'on tire dans cette bobine, à d'obscures barbouzes grenouillant dans la « sécurité », à des services secrets agissant « informellement » à l'échelle européenne, à des conseillers du prince en veine de reconnaissance, à de vieux fachos ayant accédé aux ministères dans le sillage de Sarkozy et jugeant que l'heure était enfin venue de prendre leur revanche sur les gauchistes. On y trouve aussi les intérêts bureaucratiques bien compris d'ex-RG mis à mal par la fusion avec la DST au sein de la DCRI et les éternelles ambitions ministérielles de Michèle Alliot-Marie. Pour faire bonne mesure, on n'oubliera pas le rôle joué par l'infiltré britannique Mark Kennedy-Stone et l'effet des habituelles rivalités dont les milieux radicaux sont, au même titre que n'importe quel autre milieu, le siège détestable. Mais si l'on s'en tient aux faits, et non à leur cause, ce qui a fini par nous sauter aux yeux, c'est ceci : l'affaire de Tarnac fut d'abord une tentative forcenée, et à ce jour réussie, pour contenir aux frontières l'extension du mouvement anti-nucléaire allemand. Toute l'opération aura consisté à travestir une action de blocage de trains revendiquée par un groupe anti-nucléaire allemand et exécutée par une méthode assez usuelle et assez sûre – les fameux « crochets » - pour avoir été employée jusqu'à une centaine de fois en une seule année de l'autre côté du Rhin sans jamais blesser quiconque, en un « acte terroriste » immotivé visant à faire dérailler des trains. Il aura suffi pour cela, d'un côté, d'occulter la revendication allemande transmise dès le 9 novembre 2008 par Interpol, et de l'autre de faire le plus de bruit possible autour de l'arrestation d'un groupe que l'on avait depuis longtemps dans le viseur. Comme l'assassinat de Vital Michalon lors de la manifestation de Malville en 1977, comme les tendons tranchés volontairement, l'année dernière, aux militants du Groupe d'Action Non-Violent Antinucléaire (GANVA) qui s'étaient enchaînés sur la route du train de transport de déchets ultra-radioactifs CASTOR (CAsk for Storage and Transport Of Radioactive material), l'affaire de Tarnac témoigne de la nervosité pathologique qui atteint l'Etat français dès que l'on touche à la question nucléaire. Il est vrai qu'il a sur ce point des décennies de mensonge et des milliers de morts à faire oublier.

Cette année que se prépare, pour la première fois peut-être, une action de masse pour bloquer à son point de départ, le 24 novembre prochain à Valognes (Manche), le train CASTOR, nous ne pouvons décemment manquer le rendez-vous. Nous devons bien cela à l'Etat français, et à ses nucléocrates. Et il serait malséant, après Fukushima, qu'il y ait 50 000 Allemands pour le bloquer à son arrivée  à Gorleben, et personne pour l'entraver en France. Alors que huit nouveaux trains de déchets provenant de Hollande doivent bientôt traverser les gares de RER franciliennes pour rallier La Hague, nous devons donner raison au collectif Valognes Stop Castor (http://valognesstopcastor.noblogs.org/ *) : « La question des déchets constitue le maillon faible de l'industrie nucléaire, et l'illustration la plus frappante du scandale qu'elle est dans son ensemble ». C'est donc là qu'il faut l'attaquer. C'est là qu'il faut, à quelques milliers, lui porter un coup décisif. Polluer, c'est toujours s'approprier. En polluant pour les cent mille ans qui viennent, l'Etat nucléaire s'approprie tout futur pensable et toute vie possible. Nous sommes le futur. Nous sommes la vie. Nous arrêterons les centrales. Tous à Valognes !


Comité anti-CASTOR de Tarnac


=====


 *  Le texte d’appel au camp :

http://valognesstopcastor.noblogs.org/files/2011/10/CampValognes_folioA3_rectoverso.pdf

Le 24 novembre prochain aura lieu à Valognes, dans le Cotentin, un
rassemblement contre le train de déchets nucléaires castor. Un campement
débutera deux jours plus tôt, en vue de partager des idées et des méthodes
de lutte.

Le but d’un tel événement sera de faire écho aux luttes du même type ayant
lieu depuis des années en Allemagne, et de relancer le combat contre le
nucléaire en France.

POUR DISCUTER DU RENDEZ VOUS DE VALOGNES, ET DE CETTE FORME DE LUTTE,

une

DISCUSSION PUBLIQUE EST ORGANISÉE

dans la

MAISON OCCUPÉE du 194 rue des PYRÉNÉES

le mercredi 16 NOVEMBRE à partir de 18h30

Toutes les personnes intéressées par la perspective de lutter directement
contre le nucléaire plutôt que d’en laisser le soin à des spécialistes y
sont conviées.

ci-dessous, un des textes d’appel au camp de Valognes :

Quatre précisions sur l’appel à bloquer le « train-train » nucléaire à
Valognes

Rassemblement le Jeudi 24 Novembre à 11h Campement les 22, 23 et 24
Novembre 2011

1. Un coup d’éclat ne suffira pas.

Après la catastrophe de Fukushima, l’acharnement du lobby nucléariste
français l’amène à un déni total de la réalité. Ce lobby est persuadé
qu’il est le plus beau et le meilleur, qu’il a une carte magistrale à
jouer par rapport à tous les autres pays nucléarisés : il aurait un
savoir-faire optimal sur tout ce qui concerne le nucléaire. Au moment où
les autres puissances, par réalisme, se sentent contraintes de prendre en
compte les risques majeurs et composent avec leurs opinions publiques face
aux catastrophes, la France, elle, continue comme si de rien n’était.
Malgré une situation qui ne devrait qu’affaiblir l’industrie nucléaire
force est de constater que sa puissance et son arrogance ne sont pas
sérieusement ébranlées ; cette industrie s’étend même davantage. Les
perspectives économiques et industrielles d’Areva se jouent pour partie
dans la manche : l’EPR et sa ligne THT, le retraitement des déchets, etc.
Face à ce gigantisme de l’industrie nucléaire on peut agir directement sur
ses rouages. Les trains, qui depuis la Hague disséminent la radioactivité
dans toute l’Europe, sont l’occasion de harceler cette industrie comme les
allemands le font depuis de nombreuses années. Entendons nous bien, si
cette action consiste dans les faits à tenter de bloquer des déchets
retournant à l’envoyeur, il ne s’agit pas du tout de militer pour un
maintien de ces déchets à La Hague. Chacun comprendra bien que c’est à la
machinerie nucléaire dans son ensemble, et notamment à l’impossible
gestion des déchets, que nous nous en prenons. Un seul rassemblement avec
l’ambition de bloquer le train castor ne suffira évidemment pas à bloquer
pratiquement cette industrie, mais ce moment doit être celui de la
construction d’un mouvement dans la durée, localement et
internationalement, d’un harcèlement sans relâche de cette industrie.

2. Arrêter l’industrie nucléaire.

Ces trente dernières années, à quelques exceptions près, l’opposition au
nucléaire s’en est tenue à une confrontation symbolique, faite de lobbying
et d’appels à la démocratie parlementaire. Pour avoir prise, il nous faut
rompre avec ses habitudes qui nous ont endormies dans le quotidien
nucléarisé. Devenons artisan de l’arrêt du nucléaire. Perturber les
chantier de construction de la ligne THT, perturber le train-train
quotidien de déchets radioactifs, c’est contribuer à affaiblir
concrètement le développement de l’industrie nucléaire. Les chantiers du
Nord Cotentin sont un des fronts de cette bataille. Il ne tient qu’à nous,
en nous organisant, de le rendre visible et effectif. L’affaiblissement et
l’arrêt de l’industrie nucléaire ne se jouera pas seulement sur notre
capacité à nuire matériellement à ses intérêts. Défaire son arrogance et
l’évidence non questionnée de sa présence dans notre quotidien est sans
aucun doute ce que nous pouvons atteindre dès maintenant.

3. Premiers pas.

Pratiquement l’objectif du rassemblement du 24 novembre à Valognes est de
collectivement se diriger vers les voies et tenter de les occuper. Les
lieux précis du rassemblement et du camp ne seront dévoilés que quelques
jours avant fin novembre pour amoindrir les pressions policières. Cela ne
pourra marcher que si nous sommes plusieurs centaines. Au delà de cette
tentative de blocage, c’est la mobilisation déterminée contre le nucléaire
qui sera une réussite. Notamment conscients de la difficulté pour beaucoup
de se rendre disponible ces 3 jours de semaine, cette mobilisation ne doit
pas s’en tenir à une présence à Valognes. Des réunions publiques doivent
se tenir partout où c’est possible. Des actions autant de nuisances même
symboliques que de soutien au rassemblement de Valognes peuvent
s’organiser dès maintenant. Il est aussi possible pour des organisations
constituées d’y prendre part en signant l’appel sur le blog du collectif
(valognesstopcastor.noblogs.org). A travers cet appel qui est aussi un
processus qui ne fait que commencer, nous espérons y tisser des liens de
confiance qui nous permettront de multiplier ces actions de harcèlement. Y
faire naitre un mouvement d’opposition basé sur un fonctionnement
horizontal. Concrètement, ces trois jours de camp visent tout autant à
nous permettre d’anticiper un départ avancé du train qu’à se donner le
temps de penser collectivement la suite, de penser les différentes
pratiques et de les mettre en musique. Conscients des difficultés
pratiques d’organiser un camp à l’orée de l’hiver dans ces douces
contrées, nous pourvoirons à des abris, à la nourriture et à la chaleur
(prévoir des tentes quand même). Pour que ce camp soit le plus
confortable, nous nous en remettons à vous, matériel et propositions, et
le blog comme le mail doivent nous permettre de nous organiser ensemble

4. Avoir prise sur nos vies.

Par cette action concrète d’auto-organisation, nous souhaitons agir sans
avoir à confier notre avenir à une délégation ni à nous en remettre aux
illusions électorales qui ne manqueront pas d’habiter les esprits dans les
mois qui viennent. Il s’agit bien de créer ensemble un rapport de force,
pour avoir prise sur nos vies. Une lutte contre l’industrie nucléaire ne
peut pas s’en tenir à l’objectif de sa suppression. L’horreur du nucléaire
est tout autant les désastres qu’elle engendre que la gestion quotidienne
des populations qu’elle implique. C’est d’abord en cela que l’arrêt du
nucléaire est un travail d’artisan. Parce que ce n’est que par ce biais
que nous saurons tout à la fois en mesure d’éprouver les richesses d’une
reprise en main de nos vies, et de se donner les moyens de saper les
raisons d’être d’un monde qui a besoin du nucléaire.

Une stratégie possible pour remettre en discussion l’existence de
l’industrie nucléaire passe par la remise en cause du rapport de
domination qui prospère depuis des années, en même temps qu’elle met en
évidence la réalité du déni.

En permettant à des individus de se mettre en situation de s’occuper des
conditions qui leur sont faites, l’intérêt du camp pourrait être de rompre
le ronron citoyen d’acceptation de ce rapport de domination, d’introduire
le véritable enjeu pour les humains en cherchant à casser la spirale de la
dépossession.

Le collectif Valognes Stop CASTOR

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