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Elles sont connues depuis les années 1930, sont employées massivement dans l’industrie depuis les années 1970, mais ne faisaient toujours pas l’objet d’une surveillance systématique. Les molécules PFAS – substances per- et polyfluoroalkylées – doivent enfin, à partir du 12 janvier, être surveillées dans les eaux françaises, comme le veut la nouvelle directive européenne sur la qualité de l’eau potable. Ou du moins certaines d’entre elles, une poignée au sein d’un océan de ces « polluants éternels » : 20 PFAS seront mesurés, avec une norme fixée à 0,1 microgramme par litre (µg/l).
Par endroits, les autorités n'ont pas attendu que l’obligation entre en vigueur pour s’y mettre. C’est le cas dans les Vosges et les Ardennes, où il est interdit ou déconseillé de consommer l’eau au robinet dans certaines communes depuis quelques mois.
Aux Arrentès-de-Corcieux, raconte Estelle Lavresse, qui s’est rendue sur place, la concentration en PFAS dépasse plus de sept fois la norme, et l’eau du robinet a été interdite à la consommation pour l’ensemble de la population. À Tendon, où la concentration est plus faible (0,14 µg/l), la préfecture a limité l’interdiction aux publics vulnérables – enfants de moins de 2 ans, femmes enceintes, personnes âgées ou immunodéprimées. Dans les deux localités, des distributions d’eau en bouteille ont été mises en place.
Comment en est-on arrivés là ?
Si l’origine de la contamination de l’eau n’est pas officiellement
établie, tout converge vers la piste des boues d’épandage, utilisées
comme engrais dans les champs à proximité des sources de captage d’eau
potable. Des boues provenant d’une station d’épuration des déchets d’une
usine textile utilisant des PFAS.
Polluer les champs et
polluer l’eau qui coule au robinet, après avoir pollué lors de la
conception d’objets du quotidien : voilà la boucle infernale à laquelle
conduisent des procédés de fabrication depuis des décennies.
Le Poulpe, partenaire de Mediapart, a d’ailleurs révélé la semaine dernière le contenu d’une étude, fruit « d’investigations
sur les eaux souterraines », commandée par le géant chimique allemand
BASF à la demande de l’État français. Soixante-cinq nouveaux
prélèvements ont été menés au printemps dernier dans les nappes
souterraines sous le site normand BASF, à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, et
dans les environs. À proximité de la station d’épuration, d’où partent
vers la Seine les effluents contaminés de la plateforme chimique, un
taux exceptionnel de pollution au TFA a été identifié, plus de sept fois
supérieur à la limite sanitaire indicative pour l’eau potable en
France.
Or le TFA, minuscule produit de dégradation de
pesticides, est un des PFAS les plus difficiles à éliminer de
l’environnement. Très mobile et facilement soluble, c’est une substance
qui se retrouve massivement dans les réseaux d’eau. C’est précisément ce
que révèle le dernier rapport de l’Anses, publié ce mercredi 3 décembre
: le TFA a été mesuré dans 92 % des échantillons analysés par l’agence
sanitaire.
Ce n’est toutefois que la partie émergée de
l’iceberg : 44 % du réseau de distribution d’eau potable français n’a
toujours pas fait l’objet de mesures, peut-on lire dans l’article de Jade Lindgaard.
Et ce n’est pas le détricotage en cours de la loi PFAS votée en début
d’année qui va permettre de combler ces lacunes : le 3 septembre, alors
que le gouvernement Bayrou sortant signait ses derniers textes
d’application, écrivions-nous,
un arrêté définissant la première campagne d’analyse des PFAS dans les
eaux usées retenait un nombre limité de ces polluants éternels. Le TFA
n’y figurait pas.


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