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mardi 2 décembre 2025
« Un carnage » : la dermatose bovine décime les troupeaux, et l’État enfonce le clou
Éradiquer plutôt que vacciner massivement : alors
que la dermatose nodulaire contagieuse se répand dans les troupeaux, les
éleveurs questionnent la stratégie de l’État.
Nyer (Pyrénées-Orientales), reportage
Malgré la neige qui commence à tomber, les 28 gasconnes ne semblent
pas pressées de retrouver l’étable. 28 et non plus 46, les 18 autres
vaches du troupeau de la ferme d’Escoums ayant été abattues le
12 novembre, après la détection d’un cas de dermatose nodulaire
contagieuse dans cet élevage de Nyer, commune des Pyrénées-Orientales.
L’éleveur, Guillaume Husson, est un des rares éleveurs à avoir
accepté de raconter son histoire à la presse, peut-être justement parce
qu’il n’a pas perdu toutes ses bêtes, ou parce que l’abattage s’est
particulièrement mal passé, ou encore parce que le collectif citoyen qui
s’est créé autour des éleveurs dans le département, initié par son père
Jean Quilleret, lui donne la force de faire face.
Avec l’apparition d’un cas de dermatose nodulaire contagieuse
le 4 octobre de l’autre côté des Pyrénées, les éleveurs savaient que
l’arrivée du virus était une question de jours, avec les vaches encore
en estive et les insectes piqueurs se jouant des frontières. Le
15 octobre, les trois premiers foyers du département ont été confirmés.
Puis la contagion s’est étendue.
Les éleveurs ont déclaré des foyers les uns après les autres, en
observant certaines de leurs bêtes malades, avec des ganglions gonflés
et des nodules apparaissant sur la peau. Référent de la maladie à la
Confédération paysanne, Guillaume Husson a vu son tour arriver. Le
12 novembre, son troupeau a dû être «dépeuplé».
Abattage à la carabine
L’euphémisme officiel se marie mal avec le réel. L’abattage a démarré alors que l’éleveur n’était pas encore sur les lieux. «Dans
la précipitation, dix vaches avaient été sédatées dans le parc de
contention, sans attendre d’avoir rassemblé toutes les bêtes. Les
8 autres, dont les 2 malades, ne voulaient plus rentrer dans l’enclos.
Elles devaient bien sentir ce qui s’était passé», retrace Guillaume Husson.
«Je n’ai pas voulu aller voir»
Finalement, la solution trouvée a été un abattage à la carabine avec des lieutenants de louvèterie et des chasseurs. «J’ai
dû rabattre mes vaches dans un lieu dégagé pour qu’elles fassent une
cible facile. Je n’ai pas voulu aller voir, mais certains collègues
m’ont parlé d’un carnage. En tant qu’éleveur, on est confronté à la mort
des animaux. Mais pas comme ça…»
Guillaume Husson dit que, malgré tout, sa «situation n’est pas la pire : il [lui] reste des bêtes. Certains éleveurs ont perdu tout leur troupeau».
Pour éviter l’abattage total — qui veut que toutes les bêtes d’un même
troupeau, porteuses du virus ou non, soient abattues sur place —,
l’éleveur avait séparé ses vaches en plusieurs lots.
Dans le département, le dernier bilan du 23 novembre, soit environ un
mois après l’arrivée de la maladie, s’élève à 17 exploitations
contaminées et plus de 400 bêtes abattues. Mais la rapidité d’exécution
des services de l’État n’apaise pas la situation. Au contraire. Dès le
premier abattage le 20 octobre, la Confédération paysanne avait appelé à
un rassemblement à la sous-préfecture de Prades, puis au col près de la
ferme touchée.
«Il y avait beaucoup
d’émotion. On a compris à quel point les éleveurs étaient coincés entre
la destruction émotionnelle et les pressions financières et psychiques»,
témoigne Mirabelle Lelièvre, porte-parole du syndicat paysan. Elle
explique que remettre en question l’abattage total expose les éleveurs
aux accusations de propager la maladie et à des sanctions financières. «Les éleveurs sont présentés comme des martyrs, mais ils sont très vite désignés comme les coupables», pointe la syndicaliste. Ce que confirme la teneur d’un communiqué de la FNSEA du 27 octobre qui dénonce «l’irresponsabilité de certains, qu’on ne saurait même pas qualifier de professionnels».
Préserver le statut « indemne »
Dans ce climat, le collectif citoyen Stop au massacre, fort d’un
groupe d’environ 400 personnes, prend le relais pour organiser des «blocages symboliques» à proximité des fermes touchées, en soutien aux agriculteurs. «Les éleveurs n’appellent pas au blocage, mais certains nous ont remerciés de s’être rassemblés pour eux», raconte Jean Quilleret.
Car si la perte du troupeau est difficile, elle l’est encore davantage face à une politique sanitaire qui n’a pas su convaincre beaucoup d’éleveurs.
Mirabelle Lelièvre rappelle qu’il est impossible de faire vacciner son
troupeau de manière préventive et donc de protéger ses bêtes.
Selon les règles sanitaires européennes, la dermatose nodulaire
contagieuse relève en effet de la catégorie A, qui regroupe les maladies
nouvelles sur le continent, très contagieuses et avec un impact
sanitaire et/ou économique majeur. Puisque l’objectif est l’éradication
et non l’immunité vaccinale, la vaccination n’est lancée que lorsque
les élevages se trouvent dans un périmètre à moins de 50 km d’un foyer.
Ne pas vacciner les animaux sur un territoire permet aussi de préserver
le statut «indemne» nécessaire aux échanges commerciaux internationaux. «Pour pouvoir continuer à exporter des broutards en Espagne et en Italie, on élimine des troupeaux entiers», dénonce la porte-parole syndicale.
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