Ces Israéliens refusent de combattre
pour leur armée
et parcourent la France
pour expliquer leur choix,
"c'est un acte de résistance"
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Deux "objecteurs de conscience", ou "refuzniks", sont présents en Alsace
du 17 au 20 novembre. À l'âge de 19 ans, ils parcourent la France pour
expliquer les raisons de leur refus de servir dans l'armée d'Israël,
quitte à passer des mois en prison et à subir diverses pressions.
À chaque question, ce moment de silence où l'on imagine la réflexion qui s'engage et qui chemine jusqu'à la réponse enfin formulée. Et ce qui frappe, c'est que Soul Behar Tsalik et Itamar Greenberg n'ont pas 40 ou 50 ans mais 19. Tous les deux sont des refuzniks : des Israéliens qui ont refusé de combattre pour l'armée alors qu'il s'agit d'une étape obligatoire. Tous les deux ont fait de la prison pour cela : six mois pour Itamar, deux pour Soul Behar. "C'était dur, car les autres prisonniers nous considéraient comme des traîtres, mais nous n'allons pas nous plaindre : les Palestiniens vivent bien pire tous les jours."
Nous rencontrons Soul Behar Tsalilk et Itamar Greenberg à leur arrivée à Strasbourg ce mercredi 19 novembre, nouvelle étape dans leur périple de plusieurs semaines à travers la France, sur l'invitation du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) et de Raja Tikva, association "d'amitié arabo-juive" en Rhône-Alpes. Après des étapes à Mulhouse et Sélestat, ils participent ce mercredi à une conférence organisée au Foyer de l'étudiant catholique (FEC), place Saint-Etienne à Strasbourg, à 20 heures.
"Nous faisons ça pour soutenir les petites cellules qui, partout en France et dans le monde, se battent pour les droits humains et pour qu'on arrête la confusion entre antisémitisme et antisionisme", assène Soul Behar Tsalik. Face à lui, leur hôte, le psychiatre Georges Yoram Federmann, opine du chef. Juif arabe, il dénonce ouvertement "l'apartheid en Israël et le génocide en cours en Gaza", et, pour ses positions, subit régulièrement, en ligne, les foudres de la communauté juive de Strasbourg. Autour, sont aussi présents des membres de l'association MAN, ainsi que Florian Kobryn, candidat La France Insoumise aux élections municipales.
Un "acte de résistance" plutôt qu'une "désertion"
En Israël, le service militaire est obligatoire. Trois ans pour les hommes, deux pour les femmes. Tous deviennent ensuite réservistes. Seule une extrême minorité refuse de servir, soit en ignorant la convocation, soit en démissionnant en cours de service. Pour Soul comme pour Itamar, cet acte fut symbolique et mûrement réfléchi. Le second vient d'une famille d'ultra-orthodoxes, où même l'accès à Internet lui était restreint. "J'ai grandi dans un monde où la réalité des choses n'était pas la même que celle que je découvre aujourd'hui, confie-t-il. Bien sûr, maintenant, ça me semble évident de penser et de défendre les idées que je défends. Mais ce n'était pas simple au début."
Tout a commencé par une intuition, puis un refus, le premier d'une longue liste. "Nous avions l'habitude, toutes les semaines, de remercier Dieu pour ne pas nous avoir faits femmes. Un jour, j'ai dit non." Ses parents ont d'abord choisi d'ignorer ces petites rébellions. Mais celles-ci se sont vite transformées en révolution, à son échelle. "On devait aussi remercier Dieu de ne pas nous avoir faits non-juifs, puis de ne pas nous avoir faits esclaves. Voilà, ça résume tout, les femmes, les non-juifs, les esclaves..." C'est donc d'abord un milieu, une culture contre laquelle Itamar s'est érigé, avant de se tourner, "plus naturellement", vers les idées politiques liées à l'actualité.
197 jours de prison
"Avant le refus effectif d'intégrer l'armée, nous avons fait le choix de le rendre public, de médiatiser notre acte, raconte Soul Behar Tsalik, originaire d'un milieu "plus libéral" mais tout de même confronté à "la peur" de ses proches devant les conséquences potentielles de ses choix. D'en faire quelque chose de politique." Cette exposition médiatique choisie n'a pas fait baisser la pression autour d'eux.
Il y a bien sûr eu les séjours en prison - cinq pour Itamar, soit 197 jours de détention au total. Mais aussi les conséquences dans leur vie quotidienne. "Il y a eu des affiches sur Itamar dans les rues où il est décrit comme traître, on nous bouscule, on nous crache dessus..." Mais tout cela, insistent-ils une nouvelle fois, n'est "rien" comparé "aux souffrances des Palestiniens".
Les deux refuzniks revendiquent ce choix en réaction à la politique "d'extrême-droite" du gouvernement de Benjamin Netanyahou. Les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre ont fait 1219 victimes. La réponse d'Israël dans la bande de Gaza a fait 63 746 morts selon l'ONU, qui se base sur les chiffres fournis par le ministre de la Santé de Gaza. Un cessez-le-feu fragile a été obtenu début octobre.
Source : https://tinyurl.com/3x7ky4ed

Les deux jeunes refuzniks sont suivis dans leur périple par des soutiens locaux • © Guillaume Poisson / France Télévisions
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