« Le texte de loi sur la fin de vie
relève d’une logique validiste
et eugéniste. »
Entretien avec Elisa Rojas
Madeleine Pontaville
3 février 2025
Manifestation du collectif de personnes handicapées Not Dead Yet, contre la loi sur l’aide à mourir votée en Angleterre en novembre 2024. Crédit photo : Not Dead Yet UK, CC-BY 2.0
Le gouvernement relance le débat sur la loi sur la fin de vie. Nous donnons la parole à Elisa Rojas, avocate et militante antivalidiste, qui dénonce les dérives et le danger de cette loi pour les personnes handicapées et malades.
Le projet de loi sur la fin de vie, à l’agenda de l’Assemblée nationale depuis l’été dernier, vise à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie pour les personnes qu’il définit comme étant « en fin de vie ». Lancés par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, les débats parlementaires ont été interrompus avec la dissolution de l’Assemblée nationale, et sont actuellement suspendus jusqu’à l’adoption du budget 2025, a annoncé lundi la porte-parole du gouvernement.
François Bayrou, quant à lui, s’est prononcé le 21 janvier pour que le texte soit divisé en deux, afin de traiter séparément les deux questions qui le composent : celle de l’amélioration des soins palliatifs, et celle de l’aide active à mourir. Cette proposition a suscité de vives critiques de la part des défenseurs de la loi, y compris de toute la gauche institutionnelle, qui a fait de l’aide à mourir un étendard progressiste. LFI dénonce l’opposition à l’aide à mourir comme le fait principal d’« intégristes » religieux, et ce faisant, passe sous silence toute opposition matérialiste provenant de sa gauche, notamment en provenance de personnes handicapées, et de collectifs et militants antivalidistes.
Révolution Permanente a donc choisi de donner la parole à Elisa Rojas, avocate et militante antivalidiste, qui nous détaille son opposition au projet de loi.
Révolution Permanente (RP) : Est-ce que tu peux revenir en quelques mots sur l’histoire des débats parlementaires sur la fin de vie en France ?
Elisa Rojas (ER) : Je ne suis pas historienne du droit, néanmoins, ce que je sais c’est qu’il s’agit de la quatrième tentative de légiférer à ce sujet en 50 ans. Le plus souvent, le sujet ressurgit à la faveur d’un fait divers dramatique fortement médiatisé qui met en exergue le cas particulier d’une personne malade ou handicapée qui demande à bénéficier d’une assistance médicale pour mourir.
Cette fois, le projet de loi est à l’initiative du gouvernement. Après un avis favorable du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) en 2022, qui s’est officiellement « autosaisi » du sujet, et a jugé une réforme éthiquement acceptable à certaines conditions, Macron a décidé d’organiser une Convention citoyenne sur la fin de vie. En 2023, cette Convention citoyenne s’est déclarée favorable à une loi qui autorise le suicide assisté et l’euthanasie, ce qui a permis au gouvernement de présenter le projet de loi à l’Assemblée. Il faut toutefois noter que ses conclusions ont une légitimité plus que contestable, puisqu’aucun échange n’a eu lieu avec des experts malades et/ou handicapés concernant leurs craintes autour ce texte et leurs conditions de vie et d’accès aux soins. Les personnes malades et handicapées n’étaient pas non plus représentées parmi les participants [1].
Avec ce texte, Macron s’imagine sans doute marquer l’histoire et « humaniser » sa politique alors qu’en réalité il n’est que le prolongement logique de son action destructrice en matière sociale.
RP : A quel besoin cette nouvelle loi est-elle censée répondre, par rapport aux précédentes moutures ?
ER : Actuellement, en matière de fin de vie, la France dispose déjà d’un cadre légal issu des lois CLAEYS-LEONETTI (respectivement adoptées en 2005 et 2016) qui permet aux malades dont le pronostic vital est engagé à court terme, de s’opposer à tout acharnement thérapeutique inutile et de bénéficier s’ils le souhaitent d’une sédation profonde jusqu’au décès.
Néanmoins, les défenseurs du projet de loi prétendent que les lois actuelles répondraient de façon insuffisante aux demandes des malades. Ils voudraient donc légaliser ce qu’ils nomment « l’aide active à mourir », c’est-à-dire le fait de provoquer la mort d’une personne malade qui le demande via le suicide assisté et l’euthanasie. Dans le premier cas, le suicide assisté, il s’agit de donner les moyens nécessaires à la personne malade pour qu’elle puisse mettre fin à sa vie elle-même. Dans le second cas, l’euthanasie, il s’agit de faire intervenir un tiers qui administrera le produit létal. Ils souhaitent également, sans toujours avoir l’honnêteté de le dire, que la liste des bénéficiaires de ce dispositif soit plus large que celle des lois CLAEYS-LEONETTI, qui ne concerne que les malades dont le pronostic vital est engagé à court terme. Ils voudraient que le nouveau texte puisse inclure des malades dont la mort n’est pas imminente, voire des malades dont le pronostic vital n’est pas engagé du tout.
Le problème c’est que le prétendu besoin des malades auquel le texte est supposé répondre n’est pas documenté. Il y a même, au contraire, une mission parlementaire qui a conclu, en mars 2023, que le cadre législatif français actuel répondait à la majorité des cas de personnes en fin de vie, et que les situations qu’elle ne couvrait pas, à savoir les personnes dont le pronostic vital n’était pas engagé à court terme et souhaitant mettre fin à leurs jours, étaient minoritaires. Le rapport de cette mission a aussi souligné que les malades pris en charge de manière adéquate ne demandaient plus à mourir et que les difficultés majeures en matière de fin de vie résidaient dans l’accès insatisfaisant aux soins palliatifs, et la méconnaissance des dispositions existantes par les patients et les soignants. [2]
Ce texte ne répond donc en réalité ni à un besoin, ni à une urgence, autre que celle imposée par le gouvernement.
RP : L’esprit de la proposition de loi ne paraît pourtant s’appliquer strictement qu’aux personnes en phase terminale d’une maladie grave. Quelles dérives crains-tu, et pourquoi ?
ER : Si le projet se présente comme un moyen de soulager les souffrances insupportables des malades dits « en fin de vie », c’est-à-dire atteints d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est irrémédiablement engagé et à court terme, son ambition va en réalité bien au-delà. D’ailleurs, en juin 2024, des propositions d’amendements ont tenté de rendre le dispositif accessible aux personnes atteintes « d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », englobant ainsi les malades et/ou personnes handicapées dont le pronostic vital n’est nullement engagé.
Ce que je crains, par conséquent, c’est notre mise en danger. Dans le contexte social fortement détérioré qui est le nôtre, je crains que des personnes malades, handicapées et particulièrement marginalisées, lasses de se battre contre une société qui ne fait rien pour les soutenir, soient orientées vers ce dispositif qui leur présente la mort comme « solution ». Je crains que des pressions multiples (médicales, familiales, sociales) soient exercées sur elles pour les convaincre d’y avoir recours alors qu’elles ne veulent pas réellement mourir, mais simplement mettre un terme à des souffrances auxquelles on pourrait remédier. Je crains que dans une société qui considère l’existence des personnes malades et/ou handicapées comme indésirable, ce texte ne constitue une incitation au suicide pour elles.
RP : En effet, tu as dénoncé ailleurs cette loi comme une porte ouverte vers l’eugénisme, dans une société validiste. Comment définis-tu ces termes ?
ER : Le validisme est le système d’oppression mis en place par les personnes valides qui infériorise et déshumanise les personnes handicapées. C’est une structure de différenciation et de hiérarchisation sociale qui repose sur le principe que les personnes valides sont la norme ou l’idéal à atteindre et que toute personne qui ne correspond pas à cette norme se trouve dans une position inférieure qui justifie sa mise à l’écart et sa marginalisation de la société.
Quant à l’eugénisme, c’est l’ensemble des méthodes et pratiques qui vise à sélectionner les individus pour améliorer l’espèce humaine. Il conduit à ne retenir que ceux dont les caractéristiques, par exemple le patrimoine génétique ou la santé, sont considérées comme les meilleures et à écarter les autres, en empêchant leur venue au monde ou en les éliminant par exemple.
Il est clair que le texte de loi sur la fin de vie relève d’une logique validiste et eugéniste dans le sens où tous les raisonnements faits pour le justifier s’appuient sur le postulat que toutes les vies ne se valent pas. Il suppose qu’il est logique que les personnes malades/handicapées veuillent mourir et qu’il n’y a pas, comme on le ferait pour personnes valides, à interroger leur environnement, à questionner les véritables causes de leur désir de mort, ni à les dissuader de recourir au suicide mais qu’il faut, au contraire, leur faciliter le passage à l’acte. Sans le dire expressément, il y a aussi l’idée sous-jacente qu’au fond les personnes malades et/ou handicapées étant des poids pour la société, leur mort ne serait pas un drame mais une libération pour elles-mêmes et surtout l’ensemble de la collectivité.
RP : Plusieurs pays ont des lois similaires, depuis plus ou moins longtemps. Des dérives, comme celles que tu crains pour la France, ont-elles systématiquement eu lieu à l’étranger ?
ER : Dans tous les pays qui ont légalisé ce type de dispositif, la liste des personnes éligibles au suicide assisté et à l’euthanasie s’est rapidement étendue pour inclure outre des malades en phase terminale, les malades tout court et les personnes handicapées dont le pronostic vital n’était pas engagé à court terme ou pas engagé du tout. Au Canada, par exemple, il a fallu à peine 5 ans pour que l’assistance au suicide, qui a été mise en place au départ uniquement pour les « malades dont la mort est raisonnablement prévisible », soit élargie aux personnes « souffrant d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave » [3]. Il est désormais envisagé de poursuivre l’extension du dispositif pour l’appliquer aux maladies psychiques et aux enfants. Il n’y a aucune raison pour que les choses se passent autrement en France. Quand bien même ces critères d’éligibilité seraient restreints au départ, une modification ultérieure comme celle qui a eu lieu au Canada sera toujours possible.
RP : En France, cette loi arrive devant le Parlement 5 ans après le début de la pandémie de COVID-19, qui continue jusqu’à aujourd’hui à faire des morts, et à handicaper en masse à travers toutes les formes que peut prendre le COVID long. Quels avertissements peut-on tirer de la gestion de la crise sanitaire, par rapport à ce projet de loi sur la fin de vie ?
ER : L’apparition du COVID aurait dû logiquement permettre de réaliser à quelle point la santé publique et l’accès aux soins publics et gratuits sont un enjeu majeur qui devrait être prioritaire en termes de politiques publiques, mais c’est l’inverse qui a eu lieu. Le COVID et sa gestion ont accéléré l’effondrement du système public de santé qui était en cours. Ils ont enterré la notion-même de prévention, et libéré la parole validiste et eugéniste comme jamais. Pour moi, le projet de loi fin de vie est une manifestation supplémentaire de cet effondrement et de la fascisation de la société. Il constitue le parachèvement d’une politique capitaliste et néolibérale mortifère qui s’en prend systématiquement aux plus vulnérables et entend éradiquer toutes les vies improductives et sans valeur à ses yeux.
RP : Y’a-t-il une fracture entre les positions des associations gestionnaires, et celles des groupes militants handis, par rapport à la loi ?
ER : Il y a clairement une fracture puisque les militants handicapés autonomes se sont organisés en opposition à ces associations qui n’ont jamais rien fait pour favoriser notre émancipation ou défendre nos droits. Les associations gestionnaires, comme leur nom l’indique, gèrent des établissements et services spécialisés pour personnes handicapées qui constituent des lieux de ségrégation comme l’a rappelé plusieurs fois l’ONU. Il n’est donc pas étonnant qu’elles ne s’opposent pas, ou soutiennent, ce projet de loi, puisqu’elles sont toujours du côté du manche. Le texte représente, en outre, une perspective de nouveau marché pour elles. En effet, son article 2 prévoit de créer une nouvelle catégorie d’établissement médico-social pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage, dénommée « maison d’accompagnement ». Ce sont autant de nouvelles structures qu’elles pourront gérer, en plus des autres, avec les financements qui vont avec.
RP : Comme tu viens de l’évoquer, la France a déjà été condamnée pour violation des droits des personnes handicapées. En 2023, le Conseil de l’Europe l’a condamnée par rapport aux droits au logement, à la santé, aux services sociaux, à la protection contre la pauvreté, notamment. Et l’ONU l’a épinglée quant à la ségrégation du travail dans les ESAT, et des lieux de vie avec l’institutionnalisation. La loi représente-t-elle un danger spécifique pour les personnes séquestrées ou psychiatrisées ?
ER : Je pense que oui. Dans la mesure où les personnes malades et/ou handicapées qui vivent en institutions, qu’elles soient médico-sociales ou psychiatriques, n’ont pas la pleine maîtrise de leur vie, on peut craindre le pire. Il est d’ailleurs ahurissant, quand on y pense, que les défenseurs du texte agitent constamment la liberté de choix des personnes malades. Elles devraient être libres de pouvoir choisir leur mort alors même que, pour la plupart d’entre elles, elles n’ont même pas le choix de leurs conditions de vie, à fortiori en institutions. A les entendre, finalement, l’autonomie et la liberté des personnes malades et/ou handicapées ne seraient essentielles à respecter qu’au moment du choix de leur mort.
RP : La gauche parlementaire s’est largement rangée derrière le projet de loi, jugé comme une avancée humaniste. Les voix des personnes handicapées et de leurs associations militantes ont été très peu portées, et l’opposition à la loi est souvent présentée comme l’apanage de groupes réactionnaires ou religieux. Pourtant, on est dans une période d’offensive très dure contre les services publics et les aides sociales, avec des conséquences graves évidentes sur l’accès au soin, à l’autonomie et à la stabilité, une période avec une banalisation rapide des idées d’extrême droite. Peut-on dire, selon toi, que la gauche parlementaire s’enferme dans une politique morale et de principe sur le sujet de la fin de vie, et néglige les conditions matérielles et politiques dans lesquelles s’appliquera cette loi ?
ER : Sur le plan politique et intellectuel, toute la gauche est indigente sur la question du handicap. Depuis l’apparition du COVID, elle a, qui plus est, montré les limites de sa réflexion en matière de santé publique en adhérant au déni de la pandémie et en ne faisant rien pour s’opposer à l’infection de masse qui est désormais imposée à tous.
Concernant le projet de loi fin de vie, il me semble qu’une partie de la gauche défend et s’accroche bêtement à ce texte, qu’elle considère à tort comme progressiste, car elle n’a en réalité rien d’autre à proposer aux personnes malades et handicapées. Dans la mesure où elle refuse de reconnaître qu’en matière de handicap, il est question de domination et d’oppression de la part d’une majorité (les personnes valides) à l’encontre d’un groupe minorisé (les personnes handicapées), elle n’analyse rien sous le prisme du validisme. Elle n’est pas en mesure de faire des propositions fortes pour améliorer les conditions de vie des personnes concernées. C’est ce qui la conduit, entre autres, à soutenir le projet de loi fin de vie de façon absurde et dangereuse en occultant le contexte social dans lequel il s’inscrit. Par ailleurs, le fait qu’elle agite la liberté individuelle pour défendre ce texte est incompréhensible. Être de gauche, il me semble, c’est avoir conscience que sans égalité, il n’y a pas de réelle liberté de choix quel que soit le domaine. Comme je l’ai déjà dit, nous vivons dans une société inégalitaire, marquée par des systèmes d’oppressions qui hiérarchisent les vies, et en cours de fascisation. Une société dans laquelle les vies des personnes malades/handicapées ne valent pas cher, l’accès aux aides, l’accès aux soins publics et gratuits devient de plus en plus difficile, et qui produit de la maladie et de la souffrance à tour de bras. Comment ne pas s’apercevoir que dans une société pareille rien ne pourra empêcher les dérives évoquées et que légaliser le suicide assisté et l’euthanasie serait criminel ?
RP : Cette loi s’inscrit dans une situation plus générale d’offensive austéritaire contre la santé, de normalisation de la mise en danger des travailleurs pour continuer à enrichir le patronat, et d’oppression validiste. Quelle stratégie de lutte vois-tu, au-delà de l’opposition à cette loi-ci, pour sortir du mode défensif et reprendre l’initiative sur ces questions ?
ER : Il faut comme toujours revenir à l’essentiel. Revenir à ce que la gauche est supposé porter, à savoir un projet de société qui fait prévaloir l’égalité et la justice sociale. La gauche ne peut pas avoir la mort pour seul horizon à offrir aux personnes malades et handicapées. Elle doit soutenir ces dernières dans leur combat d’émancipation et proposer des perspectives d’espoir et d’amélioration de leurs conditions de vie. Elle ne peut pas se permettre de confondre les idées libertariennes avec les idées progressistes et encore moins révolutionnaires. Elle ne peut pas se rendre complice de ce que les politiques austéritaires et capitalistes font de pire. Si elle veut rester cohérente, elle doit, d’abord et avant tout, défendre des mesures susceptibles de remédier à toutes les souffrances et les morts qui peuvent être évitées. Pour arrêter de se fourvoyer en matière de handicap, elle doit commencer à fonder sa réflexion sur le modèle social du handicap, qui envisage le handicap comme une construction sociale. Elle doit caler ses revendications sur le respect du droit international, et notamment la Convention Internationale relative aux droits des personnes handicapées. Elle doit, enfin, arrêter de prendre conseils auprès de mauvais interlocuteurs, comme les associations gestionnaires qui participent à notre ségrégation et ne sont pas des représentantes légitimes de nos intérêts.
RP : Souhaites-tu ajouter quelque chose qui te semble important ?
ER : Dans le cadre du projet de loi, il ne s’agit pas de porter un jugement moral sur le suicide ou de se positionner en se demandant si l’on est pour ou contre le suicide de gens qui souffrent. L’envie de mourir et le suicide sont des faits, des pulsions qui existeront toujours chez tous les êtres humains qu’ils soient malades ou pas. Tout le monde peut comprendre cela. Les seules vraies questions que posent le texte sont de savoir si la société doit répondre à certaines demandes de suicide et pas à d’autres, si elle doit les organiser et, le cas échéant, quels seraient les risques.
Si, comme certains défenseurs du texte l’affirment, « choisir sa mort » est un droit, s’il est impératif de modifier la loi pour faire passer le suicide d’une simple liberté - que certains peuvent exercer et d’autres pas, comme c’est le cas actuellement - à un droit que les pouvoirs publics doivent tout mettre en œuvre pour rendre effectif en donnant accès à une procédure médicalisée, ce droit doit bénéficier à tous. Il n’y pas de raison de faire une distinction entre deux catégories de population : les personnes valides et sans problème de santé chez qui l’envie de suicide serait considérée comme le signe d’une grave dépression à traiter, et les personnes malades chez qui cette même envie serait interprétée comme une exceptionnelle preuve de clairvoyance à soutenir. Ça n’a pas de sens. L’argument tiré de la liberté de choisir et de disposer de son corps ne peut pas être valable pour les uns et pas pour les autres, à moins d’admettre en creux que la mort des personnes malades et/ou handicapées est au fond moins grave, plus acceptable et souhaitable que celle des autres.
Autre question fondamentale en cas de légalisation de ce dispositif, peut-on admettre qu’il y ait une marge d’erreur ? C’est-à-dire est-il acceptable, en adoptant ce texte, de prendre le risque de voir des personnes malades et handicapées acculées par l’exclusion, la précarité, la souffrance socio-économique, l’absence d’accès aux palliatifs, ou aux soins tout courts, choisir cette option et mourir alors qu’elle ne le souhaitait pas véritablement ?
Je pense que si l’on raisonne sur la fin de vie, il faut sortir du pathos et du cas individuel. Il ne faut pas oublier que ce texte engage toute la société et que le sujet est indissociable d’une réflexion plus générale et plus profonde sur la façon dont on envisage collectivement la maladie, le handicap, le suicide et la mort.
Les interviews publiées sur le journal de Révolution Permanente ne reflètent pas nécessairement les positions de notre organisation.
[1] Liste des intervenants disponible sur le site de la Convention citoyenne sur la fin de vie
[2] Texte du rapport d’information parlementaire disponible sur le site de l’Assemblée nationale
[3] Les critères de l’Aide Médicale à Mourir sont disponibles sur le site du gouvernement canadien

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