La « fraude sociale » ?
Un mythe bourgeois :
criminaliser les pauvres
pendant que les riches s’empiffrent
Le Gouvernement annonce un plan pour lutter contre la fraude sociale, alimentant encore le mythe des pauvres qui profitent du système, tout en fermant les yeux sur une réalité pourtant évidente : les riches s’empiffrent grassement sur le dos des plus modestes, en trouvant toujours le moyen de dissimuler leur argent, payer moins (pas) d’impôt, détourner des fonds, profiter d’emplois fictifs… la liste est longue !
Bercy estime la fraude sociale à 8 milliards d’euros, comprenant la fraude aux cotisations et celle aux contributions sociales (travail au noir, recours illégal au travail détaché, sous-déclaration du chiffre d’affaire des micro-entrepreneurs, etc). Concernant les chiffres de la fraude aux prestations sociales, la Cour des comptes estime à 2,8 milliards d’euros la fraude à la CAF, 200 millions sur les retraites et autour de 4 milliards la fraude à la sécu.
Mais l’obtention de ces chiffres sur la fraude est contestable. D’une part parce que « les trois quarts de cette fraude relèvent de la responsabilité des entreprises (fraudes aux cotisations) et des professionnels de santé » déclare Mediapart. En effet, sur ces « 3,5 milliards à 4,5 milliards de fraudes estimées par l’Assurance maladie, 80% émanent de professionnels de santé, pas des malades » selon les chiffes de la cour des comptes, « par surfacturation ou par facturation d’actes fictifs » avoue Gabriel Attal lui-même dans son interview au Parisien.
Les allocataires des prestations sociales, cibles de toutes les critiques, ne représenteraient finalement qu’un quart de la fraude sociale, soit 4 milliards d’euros. Des chiffres également à relativiser puisque les organismes de ces prestations sociales ne font pas nécessairement la distinction entre fraude volontaire et erreurs involontaires dans le versement des allocations notamment.
Il y a également les erreurs faites par l’administration elle-même : « une prestation de retraite nouvellement attribuée sur 7 comporte une erreur, 10% des remboursements de l’assurance maladie, 25% des primes d’activité, 16% du RSA ». Et sur ces chiffres, dans « 20% des cas, il s’agit de sommes qui NE SONT pas versées alors qu’elles le devraient ».
Cette indistinction, en ce qu’elle gonfle les chiffres de la « fraude », sert ainsi les discours de la droite pour dénoncer celles et ceux qui profiteraient du système social… Cette même droite dont on ne compte plus les condamnations pour fraude fiscale, détournement de fonds, emplois fictifs, et autre… l’hypocrisie est à son comble.
Ajoutons à cela qu’un tiers des prestations sociales ne sont pas demandées. Ce serait 10 milliards d’euros chaque année qui ne seraient pas réclamés par celles et ceux qui seraient en droit de demander l’aide de l’État. Largement plus que les 4 milliards d’euros estimés de fraude sociale par les allocataires. En fait, plutôt que de parler de « fraude », le gouvernement devrait organiser un plan d’accompagnement des personnes dans le besoin pour percevoir les aides auxquelles elles ont droit !
Car ce sont les personnes les plus précaires qui en pâtissent. Les procédures pour accéder à ces droits sont parfois extrêmement complexes, et cela même en maîtrisant la langue française. Il est maintenant quasiment impossible de discuter avec un être humain pour nous aider dans nos démarches. Les personnes n’ayant pas accès à des outils numériques ou à internet sont pénalisées. On ne peut plus aujourd’hui toucher des aides sociales sans disposer d’un accès à internet. La fracture numérique, notamment, est un facteur d’exclusion sociale et tend à empêcher certains publics d’accéder à leurs droits.
C’est notamment l’accès au RSA qui est rendu le plus complexe, alors même que c’est l’aide sociale la plus minimale pour les personnes le plus en difficulté financière, qui ne permet même pas à elle seule de vivre décemment. L’accès au RSA demande en effet l’actualisation régulière de ses ressources, contrairement à d‘autres aides sociales versées de manière automatique. À environ 500 euros par mois, on est bien loin du seuil de pauvreté. Et pourtant, dans une indécence sans limite, c’est bien cette prestation sociale qui est remise en cause par l’expérimentation actuelle, dans plusieurs départements, de travail obligatoire pour toucher cette aide. Une expérimentation qui, comme toujours, a vocation à s’étendre sur l’ensemble du territoire de manière définitive.
Toujours plus loin dans l’indécence, un amendement du sénat visant la suppression de l’aide médicale d’État (AME) est en débat. Il s’agit d’une aide sociale de prise en charge des soins pour les personnes étrangères en situation administrative irrégulière. La base la plus minime de l’humanité : soigner les personnes, peu importe leur situation administrative. Une aide sociale essentielle… et pourtant remise en cause constamment par la droite et l’extrême droite. Plusieurs tentatives ont déjà eu lieu pour supprimer cette aide : le sénat l’avait demandé lors de la dernière loi immigration de Gérard Collomb en 2018. Depuis sa création en 2000, l’AME n’a cessé d’être réduite, restreignant année après année le panier de soins accessibles avec l’AME. La réforme de 2019 a drastiquement réduit l’accès à cette aide, accordée désormais à partir de trois mois passés sur le territoire français… Une mesure criminelle qui, si elle ne conduit pas à la mort par défaut de soins dans certains cas, risque d’aggraver encore plus le besoin de soins initial. Une aberration qui a un nom : la non-assistance à personne en danger.
On assiste à une réelle stratégie de criminalisation de la pauvreté. Les discours méritocrates de la Macronie tentent de faire croire que les privilèges et le pouvoir des puissants ne reposent que sur le mérite d’un travail acharné. Une idée complètement déconnectée des réalités. Il suffit d’observer les trajectoires de ceux qui nous gouvernent pour le comprendre, ils n’ont aucun mérite : ce sont des héritiers. Ce sont eux les assistés ! Ils ont profité de leur héritage pour accéder à des études supérieures hors de prix, vécu dans de bonnes conditions financières et matérielles, profité d’un réseau professionnel et d’un capital culturel, et tout cela en s’enrichissant sur les dos des travailleur-ses. Ils tentent de nous faire croire que nous sommes des indésirables et des assisté-es, mais comme le dit si bien Nicolas Framont : « Les parasites ne sont pas ceux que l’on croit. La véritable classe parasite est celle qui est située au sommet du corps social (…) qui se nourrit de notre travail, de nos impôts, de notre vie politique, de nos besoins et de nos rêves ».
Sources :
Framont, N. (2023), «Parasites». Éditions Les Liens qui Libèrent.
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