Perpignan :
l'angoisse d'une famille albanaise
menacée d'expulsion
malgré une conduite jugée exemplaire
Enea et Inva Qerosi espèrent encore que la Préfecture reviendra sur sa décision. |
Espérant faire régulariser leur situation après plus de six ans de présence en France, une famille albanaise domiciliée à Perpignan a reçu pour toute réponse l'obligation de quitter le territoire. Une décision incompréhensible pour le Réseau éducation sans frontières 66 qui s'inquiète ces derniers mois d'un durcissement des décisions rendues.
Enea et Inva Qerosi ont fui l'Albanie il y a six ans pour des raisons avant tout politiques, selon les dires du père de famille. Arrivés en France en juillet 2016, leur demande d'asile a été refusée, une décision confirmée en appel. Entre-temps, un enfant aujourd'hui âgé de trois ans est né à Perpignan, quand l'aîné désormais âgé de 12 ans est scolarisé en 6e au collège Sévigné.
En début d'année, la famille entame alors une demande de régularisation dans le cadre de la circulaire Valls car elle coche toutes les cases : au moins 5 ans de présence sur le territoire, enfants scolarisés depuis plus de trois ans, pas de trouble à l'ordre public et preuves d'intégration à l'appui... Le 23 février, le Réseau éducation sans frontières 66 est même reçu en Préfecture pour défendre leur dossier. "C'est une famille bien intégrée qui a de nombreux amis français, le couple s'est engagé auprès de différentes associations, la mère a reçu une promesse d'embauche", relate, alors confiant, Gabriel Llesta, membre du réseau et responsable de l'Asti66.
Pour toute réponse, les Qerosi reçoivent le 10 mai une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec assignation à résidence et interdiction de retour pendant un an. Un véritable coup de massue dénoncé par les associations qui demandent à être reçues en urgence par la préfecture. "Cette décision est d'une grande injustice. Cette famille est exemplaire par sa conduite, son civisme, son intégration, leur attachement aux valeurs de la république... On ne comprend pas pourquoi alors qu'on a de bonnes raisons de penser qu'il y a des risques réels pour eux de retourner dans leur pays."
Une famille arménienne expulsable après 11 ans en France
Une situation extrêmement stressante pour la famille. "On est démoralisé, découragé, traumatisé. Pour les enfants c'est compliqué, ils vont à l'école. Le grand est là depuis six ans, il a des copains. Il se sent comme chez lui ici. Nous aussi on a nos amis. On a essayé de tout faire pour être des Français", explique le papa, dont l'idée de quitter la France est vécue comme "un arrachement".
Des décisions rendues qui étonnent de moins en moins les associations d'aide aux demandeurs d'asile. "On dénonce ce qui nous semble être une inflation des expulsions de familles qui sont sur le territoire depuis plus de cinq ans et qui pourraient bénéficier de la circulaire Valls. Au mois de février, une famille arménienne qui vivait ici avec ses trois enfants depuis 11 ans a reçu une OQTF alors qu'elle s'apprêtait à amorcer des démarches pour une demande de régularisation", fait savoir Anne-Marie Delcamp, coordinatrice chez RESF66.
Une logique incompréhensible pour ces bénévoles. "On dépense une énergie invraisemblable pour renvoyer ces personnes dans leur pays alors que l'intérêt pour tout le monde serait de les régulariser. Notre hypothèse c'est que le score de l'extrême droite à la dernière élection pèse consciemment ou inconsciemment sur les fonctionnaires chargés de l'examen des dossiers. Ils subissent une pression qui va dans le sens d'un durcissement." Contactée, la préfecture des Pyrénées-Orientales a confirmé le caractère définitif et exécutoire de cette OQTF, la famille ayant épuisé tous les recours possibles.
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Statu quo pour la jeune infirmière arménienne engagée pendant le Covid.
Le 17 avril, nous évoquions le cas de Liana Chandoyan, 32 ans, arrivée en France en 2016 après avoir quitté l'Arménie pour des raisons politiques. Après avoir été déboutée du droit d'asile, cette infirmière de formation était installée chez sa soeur à Perpignan qui avait de son côté acquit la nationalité française.
En février et mars, elle avait été placée deux fois de suite au Centre de rétention administratif de Toulouse, avant d'en ressortir quelques jours plus tard pour vice de forme. Une injustice là-encore pour les associations alors que la jeune femme s'est fortement investie dans le bénévolat, notamment pendant la crise sanitaire, et dispose même d'une promesse d'embauche dans une maison de retraite.
"C'est de l'acharnement. La première fois on a même essayé de la faire monter dans l'avion. Depuis on a ressaisi la préfecture pour demander une régularisation mais rien ne bouge alors qu'on a besoin d'infirmières en France et qu'elle ne demande qu'à s'investir. Est-ce que la préfecture va oser la placer une troisième fois en centre de rétention", interroge Jacques Ollion, responsable de la Cimade.
Une situation difficile à vivre pour la jeune femme, alors que la Préfecture confirme là aussi une OQTF pleinement exécutoire. "Ces gens sont traités comme des criminels alors qu'ils n'ont rien fait. On leur refuse le statut d'humain."
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