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lundi 10 août 2020

Malgré ses annonces, l’État pourrait laisser Amazon construire des entrepôts à gogo

Malgré ses annonces, 

l’État pourrait laisser Amazon 

construire des entrepôts à gogo


31 juillet 2020 /  
Gaspard d’Allens (Reporterre)





Dix jours après l’annonce d’un éventuel moratoire, l’idée semble, déjà, enterrée : aucun gel temporaire n’a été décidé alors que la multinationale prévoit de doubler le nombre de sites en France d’ici 2021. Au sein du gouvernement, la cacophonie règne et les prises de position sont timides face à ce « modèle destructeur pour l’emploi et l’écologie ».

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Au sein du gouvernement, le laps de temps entre une annonce et son désaveu semble de plus en plus rapide. Les discours verdoyants s’enchaînent mais peinent à se traduire en acte. Le 17 juillet, Barbara Pompili proposait de bloquer temporairement la construction d’entrepôts de e-commerce et donnait « une lueur d’espoir » à tous les militants engagés aux quatre coins de la France contre l’expansion d’Amazon.

Au micro de RTL, la nouvelle ministre de la Transition écologique assurait que « c’est maintenant que les décisions doivent être prises. Les informations sur les destructions d’emplois reposent sur des calculs tout à fait fiables. Il y a des mobilisations de plus en plus importantes dans les territoires contre ces projets. C’est le moment de mettre un coup d’arrêt », expliquait-elle, avec fermeté.

Avant d’être ministre, elle avait également signé, en tant que députée, une tribune à charge contre le géant de la vente en ligne : « Ses projets sont contraires à la lutte contre le changement climatique et à l’ambition de relocaliser l’économie, affirmait le texte publié dans Libération. À l’heure de l’urgence écologique, ces nouvelles implantations vont dans le sens inverse de l’histoire ».

Le 18 juin, dans le Monde cette fois-ci, l’ancienne présidente de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale récidivait : « Si on favorise l’implantation de gros entrepôts de e-commerce comme ceux d’Amazon, il ne faut pas pleurer sur les problèmes des petits commerces », déclarait-elle.

Mais depuis, de l’eau semble avoir coulé sous les ponts. Dix jours seulement après l’annonce d’un éventuel moratoire, l’idée paraît même enterrée. Sous pression, la nouvelle ministre a dû faire volte-face. Reporterre revient sur cette séquence qui illustre le poids relatif de Barbara Pompili au sein de l’exécutif et les blocages au plus haut sommet de l’État.

« Le président de la République est allergique au mot moratoire »

 

Comme nous le racontions déjà dans une précédente enquête, Emmanuel Macron et le secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler, sont de fervents défenseurs du e-commerce. Le chef de l’État a encore reçu récemment Jeff Bezos (le PDG d’Amazon) à l’Élysée. Dès son arrivée au pouvoir, en 2017, il avait inauguré l’un des plus grands sites d’Amazon à Boves en Picardie. Son gouvernement avait aussi assoupli les normes pour autoriser la création de méga-entrepôts avec des capacités de stockage allant jusqu’à trois millions de m3.

L’amour d’Emmanuel Macron pour ces étendues de tôles ondulées est loin d’être récent. Lorsqu’il était ministre de l’Économie en 2015, sous le quinquennat Hollande, il avait initié « une stratégie nationale pour la logistique » afin de « faire de la plateforme France une référence mondiale ».


https://twitter.com/i/status/915210411670167552



« Il y a une forme de copinage. Emmanuel Macron ne veut pas contredire Amazon. Il pense que la vente en ligne est l’avenir du commerce », analyse Alma Dufour de l’association les Amis de la Terre. D’autant plus que « le président de la République est allergique au mot moratoire et à l’encadrement de l’économie », précise-t-elle.

Au cours d’une entrevue avec l’association, Bruno le Maire, le ministre de l’Économie, s’est aussi montré frileux quant à l’idée d’un moratoire. Il a expliqué avoir peur des répercussions diplomatiques. « Le gouvernement ne veut pas se mettre à dos les marchés financiers ainsi que les États-Unis et la Chine qui verraient d’un mauvais œil le frein à l’expansion de leurs premières capitalisations boursières », souligne Alma Dufour.


« Emmanuel Macron ne veut pas contredire Amazon. Il pense que la vente en ligne est l’avenir du commerce. »

La cacophonie règne et les racines de l’inertie sont profondes. Il y a deux mois, l’ancienne secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier Runacher, désormais passée à l’Industrie, se déclarait officiellement contre un moratoire dans l’émission Bourdin Direct sur RMC :

"Moi je suis favorable à l’emploi, je ne suis pas dans le gimmick ou l’idéologie. Si vous interdisez un entrepôt en France, il peut aller en Belgique, en Allemagne ou en Italie."

Face à cette levée de boucliers, lundi 27 juillet, Barbara Pompili a dû avaler sa première couleuvre à l’issue du Conseil de défense écologique. Si elle a confirmé le lancement d’un moratoire sur les zones commerciales en périphérie des villes, comme le demandait la Convention citoyenne pour le climat, elle n’a pas inclus les entrepôts de vente en ligne. Aucun gel temporaire n’a été, pour l’instant, fixé alors qu’une dizaine de projets portés par Amazon sont en voie d’autorisation et que la multinationale prévoit de doubler le nombre de sites en France d’ici 2021.

Le monstre du e-commerce avance comme « une machine de guerre »

 

Partout, son implantation s’accélère. Le centre de Belfort vient de recevoir son permis de construire et attend sa future autorisation. Il risque de raser une zone humide de treize hectares. Celui d’Ensisheim en Alsace, qui ferait plus 190.000 m2, a terminé son enquête publique avec un avis favorable du commissaire enquêteur. Il pourrait, lui aussi, démarrer prochainement comme les nouveaux entrepôts de Metz et de Lyon. À Fournès, près de Nimes, c’est un bâtiment de six étages qui menace de faire de l’ombre au Pont du Gard et de bétonner, au passage, plusieurs hectares de terres agricoles.

Selon les calculs de l’association les Amis de la Terre, la multinationale pourrait artificialiser d’ici 2021, 1,4 millions de m2 à travers la France. Elle pourrait aussi faire exploser l’empreinte carbone de la France avec l’importation de plus d’1,3 milliard de produits supplémentaires par an, la plupart provenant de Chine.

Depuis le confinement, l’entreprise s’est rendue indispensable. Son chiffre d’affaire a bondi de 83 % en avril dernier. Elle est le grand gagnant de la crise au mépris de la santé de ses salariés, soumis à des rythmes intenses et une promiscuité dangereuse. Plusieurs ont d’ailleurs été malades du Covid-19. Et même si la multinationale a été condamnée par la justice et obligée de fermer temporairement ses sites, son expansion n’a pas faibli.
Son patron, Jeff Bezos, a enregistré une hausse historique de sa fortune estimée aujourd’hui à plus 180 milliards de dollars. Une somme supérieure au PIB du Maroc et à la richesse combinée de près de la moitié de l’humanité. En une seule journée, lundi 20 juillet, il a vu son patrimoine augmenter de treize milliards de dollars. Jeff Bezos pourrait devenir d’ici 2026 le premier « trillionaire » de l’histoire.

Le monstre du e-commerce avance comme une « machine de guerre », grignotant les parts de marché et menaçant des dizaines de milliers d’emplois en France. D’après l’ancien secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, auteur de l’enquête « Amazon : vers l’infini et Pôle Emploi ! » : « Pour un emploi créé chez Amazon en France, 2,2 sont potentiellement perdus dans nos commerces de proximité. » 26.000 emplois risquent d’être supprimés à court terme.

Il faudrait arrêter « dès à présent et définitivement » la construction de ces entrepôts dont « l’impact est déjà connu ».

Mais les réponses du gouvernement restent timides. Lundi 27 juillet, Barbara Pompili a simplement indiqué vouloir créer une mission parlementaire afin de « passer en revue l’ensemble des dispositifs notamment fiscaux qui encouragent l’étalement urbain ». Un volet sera consacré au e-commerce, a-t-elle promis. Mais d’ici le rendu de la mission, aucune suspension ne semble, en réalité, être envisagée.

« C’est une mesure dilatoire », fulmine Arnaud Schwartz président de France Nature Environnement. Il faudrait arrêter « dès à présent et définitivement » la construction de ces entrepôts dont « l’impact est déjà connu », dit-il.

« Le gouvernement va tuer les petits commerces » 

 

Le choix du gouvernement se fait aussi au mépris des demandes de la Convention citoyenne pour le climat. Ses membres avaient répété qu’ils souhaitaient intégrer les hangars de e-commerce dans leur moratoire. Le 16 juillet, dans la matinale de France Inter, William Aucant, un des 150 citoyens tirés au sort, l’avait encore réaffirmé et s’était inquiété de la tournure que prenaient les événements.

La situation actuelle risque de renforcer « la concurrence déloyale entre les commerces physiques et la vente en ligne », alerte Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, qui rappelle qu’il existe déjà deux poids deux mesures : « Les entrepôts de e-commerce ne sont pas soumis à la même législation ni aux mêmes règlements. Ils se dispensent d’une partie de la TVA et ne payent pas la taxe sur les surfaces commerciales. C’est incompréhensible », dit-il.

Au cours de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative, la députée des Deux-Sèvres, Delphine Batho, a tenté de mettre fin aux privilèges des entrepôts de vente en ligne. En vain. Ses amendements ont tous été rejetés. « En restant laxiste, le gouvernement va tuer les petits commerces », se désole Francis Palombi.

Alma Dufour, des Amis de la Terre, elle, ne décolère pas :

"Quand on dit qu’il faut fermer les centrales nucléaires, le gouvernement nous fait tout le temps du chantage à l’emploi et nous traite d’irresponsables. Mais là tout d’un coup, pour Amazon, il s’en fiche. Il laisse s’installer un modèle destructeur pour l’emploi et l’écologie. C’est criminel. "

Source : https://reporterre.net/Malgre-ses-annonces-l-Etat-pourrait-laisser-Amazon-construire-des-entrepots-a-gogo#forum669


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