Si l’émergence du Covid-19 a tourné tous les regards vers la Chine, son président poursuit ses politiques d’assimilation et de répression des populations dites « minoritaires ».
Tribune. Voilà déjà un certain temps
que le Tibet a tendance à disparaître des médias : la situation
nationale et internationale tendue et angoissante a relégué à
l’arrière-plan le sort des Tibétains et leur culture menacée.
L’émergence du Covid-19 a tourné tous nos regards vers la Chine, et
Wuhan en particulier, devenu aussi célèbre que Pékin ou Shanghai. On
aurait pu croire le président chinois, Xi Jinping, occupé à résoudre la
terrible crise créée par ce virus désormais répandu dans le monde
entier. Alors que le monde, et avec lui nombre de Chinois, est occupé à
traiter les vivants et compter les morts à la suite de l’opacité et des
errements du régime de Pékin, Xi poursuit ses politiques d’assimilation
et de répression des populations dites « minoritaires ».
Si les médias ont beaucoup communiqué sur la propagation du Covid-19 dans les régions de Chine proprement dites, dans la limite des informations filtrées par le gouvernement, peu ou pratiquement rien n’a été publié sur la situation dans la zone tibétaine (Région autonome, Kham et Amdo). Les différentes sources, officielles chinoises ou occidentales, fort incomplètes et peu précises, donnent un nombre faible de malades : entre 96 et 141, et 2 morts.
Cependant, même durant ces mois dramatiques, force est de constater, au travers des maigres informations qui nous parviennent, que la répression continue au Tibet. Ainsi, des Tibétains ont été arrêtés pour « diffusion de rumeurs » sur le Covid-19, des groupes de discussions sur Internet fermés au Qinghai et à Lhasa et des enquêtes menées parmi des Tibétains de la région autonome du Tibet (RAT) ayant des contacts avec leur famille établie en Inde et au Népal.
Les nouvelles « mesures pour signaler et récompenser la campagne pour l’élimination de la pornographie et du contenu illégal dans la région autonome du Tibet » (mars 2020), destinées en réalité à traquer le partage d’images et d’information considérées comme politiquement indésirables au nom d’une lutte contre la pornographie, récompensent la délation et favorisent les dissensions dans la communauté tibétaine.
Il est intéressant de relever les priorités du gouvernement chinois :
son système sophistiqué de surveillance globale permet d’arrêter des
« criminels » qui partagent des informations censurées (parfois de simples
photos du dalaï-lama) mais laisse proliférer le trafic et la
consommation d’animaux en danger, dont le pangolin, au mépris des
conventions internationales. Depuis de nombreuses décennies, les
autorités chinoises en zone tibétaine craignent le mois de mars, lourd
de dates clés pour la résistance tibétaine - la plus importante étant le
10 mars, jour du soulèvement de Lhasa en 1959. En dépit du confinement,
elles ont procédé à une démonstration de force militaire le 6 mars à
Lhasa.
Les autorités de la république populaire de Chine ne s’occupent pas seulement de réécrire l’histoire de l’apparition et de la propagation du virus, elles promulguent aussi de nouvelles lois destinées à exercer un contrôle encore plus strict et à parfaire l’assimilation des Tibétains et des autres populations non-han.
Une loi régionale sur « l’unité ethnique » a été adoptée en janvier dans la RAT, avec entrée en vigueur le 1er mai. Elle exige de tous les échelons du gouvernement mais aussi de tous les villages, les entreprises privées, les écoles, les centres religieux, etc., de travailler ensemble pour renforcer l’unité ethnique et lutter contre le « séparatisme » (ce terme désignant en réalité toute manifestation d’intérêt pour la culture, la religion et la langue tibétaines, le dalaï-lama, et bien évidemment l’indépendance, etc.). Elle est même utilisée pour encourager les mariages entre Han et Tibétains.
En même temps était lancée une nouvelle campagne appelée à se poursuivre tout au long de l’année. Intitulée « Envoyez un million de policiers dans un million de maisons », elle a pour but l’intégration des forces de sécurité dans les communautés rurales.
Ainsi, en avril, au moment de la réouverture des écoles, les autorités ont annoncé que l’enseignement dans la région de Ngawa, en Amdo - lieu de la première immolation et de plusieurs autres - sera dorénavant dispensé exclusivement en chinois. Or l’Amdo est la région où, jusqu’à ce jour, la langue et l’écriture tibétaines ont été les mieux préservées grâce à des politiques locales tolérantes et à des actions de la société civile et de la communauté religieuse.
On apprend en même temps qu’à Lhasa, où le chinois devient obligatoire même dans les jardins d’enfants, les enfants tibétains perdent de plus en plus la maîtrise de leur langue natale sous l’influence du mandarin, alors qu’officiellement, les Tibétains représentent 92% de la population en RAT. Pékin ne peut rêver plus belle assimilation : des enfants incapables de communiquer avec leurs parents et leur communauté autrement que dans la langue du colonisateur et qui ne pourront donc transmettre aux générations futures leur propre langue ni la mémoire culturelle et historique qui s’en nourrit.
Si les médias ont beaucoup communiqué sur la propagation du Covid-19 dans les régions de Chine proprement dites, dans la limite des informations filtrées par le gouvernement, peu ou pratiquement rien n’a été publié sur la situation dans la zone tibétaine (Région autonome, Kham et Amdo). Les différentes sources, officielles chinoises ou occidentales, fort incomplètes et peu précises, donnent un nombre faible de malades : entre 96 et 141, et 2 morts.
Cependant, même durant ces mois dramatiques, force est de constater, au travers des maigres informations qui nous parviennent, que la répression continue au Tibet. Ainsi, des Tibétains ont été arrêtés pour « diffusion de rumeurs » sur le Covid-19, des groupes de discussions sur Internet fermés au Qinghai et à Lhasa et des enquêtes menées parmi des Tibétains de la région autonome du Tibet (RAT) ayant des contacts avec leur famille établie en Inde et au Népal.
La délation récompensée
Les nouvelles « mesures pour signaler et récompenser la campagne pour l’élimination de la pornographie et du contenu illégal dans la région autonome du Tibet » (mars 2020), destinées en réalité à traquer le partage d’images et d’information considérées comme politiquement indésirables au nom d’une lutte contre la pornographie, récompensent la délation et favorisent les dissensions dans la communauté tibétaine.
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Les autorités de la république populaire de Chine ne s’occupent pas seulement de réécrire l’histoire de l’apparition et de la propagation du virus, elles promulguent aussi de nouvelles lois destinées à exercer un contrôle encore plus strict et à parfaire l’assimilation des Tibétains et des autres populations non-han.
Une loi régionale sur « l’unité ethnique » a été adoptée en janvier dans la RAT, avec entrée en vigueur le 1er mai. Elle exige de tous les échelons du gouvernement mais aussi de tous les villages, les entreprises privées, les écoles, les centres religieux, etc., de travailler ensemble pour renforcer l’unité ethnique et lutter contre le « séparatisme » (ce terme désignant en réalité toute manifestation d’intérêt pour la culture, la religion et la langue tibétaines, le dalaï-lama, et bien évidemment l’indépendance, etc.). Elle est même utilisée pour encourager les mariages entre Han et Tibétains.
En même temps était lancée une nouvelle campagne appelée à se poursuivre tout au long de l’année. Intitulée « Envoyez un million de policiers dans un million de maisons », elle a pour but l’intégration des forces de sécurité dans les communautés rurales.
De l’utilisation exclusive de la langue chinoise
Depuis des années, l’enseignement de la langue tibétaine subit des attaques régulières. L’enseignement « bilingue » lancé en 1992 désigne un système où deux langues sont présentes, sans préciser la part qu’occupe chacune. De ce fait, cela se traduit de plus en plus par l’utilisation exclusive du chinois pour toutes les matières, le tibétain étant réservé aux seules classes de langue et littérature tibétaines – comme une langue étrangère en quelque sorte, alors que c’est la langue maternelle des apprenants.
Ainsi, en avril, au moment de la réouverture des écoles, les autorités ont annoncé que l’enseignement dans la région de Ngawa, en Amdo - lieu de la première immolation et de plusieurs autres - sera dorénavant dispensé exclusivement en chinois. Or l’Amdo est la région où, jusqu’à ce jour, la langue et l’écriture tibétaines ont été les mieux préservées grâce à des politiques locales tolérantes et à des actions de la société civile et de la communauté religieuse.
On apprend en même temps qu’à Lhasa, où le chinois devient obligatoire même dans les jardins d’enfants, les enfants tibétains perdent de plus en plus la maîtrise de leur langue natale sous l’influence du mandarin, alors qu’officiellement, les Tibétains représentent 92% de la population en RAT. Pékin ne peut rêver plus belle assimilation : des enfants incapables de communiquer avec leurs parents et leur communauté autrement que dans la langue du colonisateur et qui ne pourront donc transmettre aux générations futures leur propre langue ni la mémoire culturelle et historique qui s’en nourrit.
Katia Buffetrille est l’auteure de l’Age d’or du Tibet : XVIIe et XVIIIe siècles, aux éd. Belles Lettres, 2019.
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