Un bio
de plus en plus industriel
à éviter
Natura-Sciences |
Mis à jour le 02/01/2020 à 18:44 -
Publié le 18/02/2012 à
10:36
Près de la moitié des produits bio sont à présent vendus en grandes surfaces. L’entrée de la grande distribution dans le marché du bio industriel a entraîné une course à la baisse des prix. Tous les géants, y compris les hard discounters ont créé leurs propres gammes. Pour obtenir des prix cassés, les supermarchés ont souvent recours à des importations massives provenant d’exploitations industrielles.
Le bio industriel a recours aux monocultures et aux travailleurs
sous-payés pour vous proposer des produits moins chers.PHOTO//DR
Alors que le bio cherchait à assurer un bon
équilibre entre environnement, économie et social, les exploitations
industrielles sacrifient l’aspect social. Il n’y a pas de place pour les
productions saisonnières. Les entreprises commercialisent des tomates,
poivrons et concombres bio toute l’année. L’hiver arrivé, ces produits
sont en concurrence directe avec les produits des serres bio
industrielles d’Italie, des Pays-Bas, du Maroc et d’Israël… Nous
importons plus de la moitié des fruits et légumes bio consommés en
France, car la production nationale demeure insuffisante.
Des exploitations qui grandissent
En France, les exploitations dépassant 10
hectares de serres ou 100 hectares de cultures en plein champ sont
rares. Dans le reste de l’Europe, notamment en Espagne, en Allemagne ou
dans les pays de l’Est, ces exploitations sont beaucoup plus
développées. Ces tailles permettent de faire des économies d’échelle.
Même issus de l’agriculture biologique, les
fruits et légumes provenant d’Italie, Allemagne, Argentine ou bien
encore d’Israël sont à l’origine de rejets de CO2 dans
l’atmosphère lors de leur transport, car les produits ont besoin d’être
réfrigérés. Hors de l’Union Européenne, les produits ne sont pas soumis à
la même réglementation pour l’obtention du label. Les cahiers des
charges nationaux étant différents, les contrôles sont souvent plus
flexibles.
Selon l’ADEME, un fruit hors-saison bio
importé par avion entraînerait la consommation de 10 à 20 fois plus de
pétrole que le même fruit produit localement et acheté en pleine saison.
La solution pour réduire notre impact carbone serait donc de consommer
des produits de saison provenant d’agricultures locales, bio lorsqu’ils
sont disponibles, issus d’exploitations certifiées « haute valeur environnementale » dans le cas contraire.
Lire aussi : Lorsque le bio devient de moins en moins bio
Des produits plus chers ?
Les produits bio sont plus chers à l’achat
pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la production bio est moins
intensive. Elle demande donc plus de main-d’œuvre, notamment pour
désherber, soigner les cultures et les troupeaux. Or, en France, les
salaires sont plus élevés que dans beaucoup d’autres pays. Les
rendements des cultures sont également plus modestes. Les agriculteurs
reçoivent donc moins de subventions européennes, car ces dernières sont
indexées sur les rendements. Les petits volumes de vente ne permettent
pas non plus de faire des économies d’échelle. Enfin, la certification
augmente le prix, les animaux vivent plus longtemps, ce qui coûte plus
cher à l’éleveur.
Ces énoncés sont particulièrement vrais
pour les produits de petits producteurs vendus en magasins spécialisés.
Ils privilégient de surcroît les matières premières plus chères : huile
de tournesol privilégiée à l’huile de palme, sucre de canne roux
préféré au sucre blanc conventionnel, etc. Grâce à la grande
distribution, les produits deviennent plus accessibles au grand public.
Mais leur composition ressemble de plus en plus aux produits
conventionnels avec des matières premières moins chères et un profil
nutritionnel amoindri. Un point positif est tout de même à noter ! Le
bio industriel permet de fournir à une grande majorité de personnes des
produits de meilleure qualité, avec tout de même moins d’additifs et
moins de résidus de pesticides que les produits conventionnels.
Lire aussi : Le bio gagne sur tous les fronts
Peut-on contrer les dérives du bio industriel ?
Il existe des produits répondant à des
critères plus stricts que ceux fixés par la réglementation européenne.
Il s’agit, par exemple, des cetifications Nature & Progrès, Demeter,
Biosuisse, et Naturland. Ils interdisent notamment la culture hors-sol,
la possibilité sur une même exploitation de produire simultanément des
produits bio et non bio et interdisent un temps de transport des animaux
supérieur à quatre heures. Ces cahiers des charges stricts limitent
considérablement l’adjonction d’arômes et d’enzymes, quand ils ne
l’interdisent pas purement et simplement. Selon les fédérations, les
produits contiennent entre 50 et 75 % d’additifs en moins par rapport à
ceux qui répondent simplement aux exigences européennes. Vous trouverez
ces produits dans les magasins bio spécialisés. La Fédération Nationale
d’Agriculture Biologique (FNAB) et ses partenaires ont créé la
certification privée Bio Cohérence, dont les premiers produits sont
commercialisés depuis l’automne 2011. Avec une absence total d’OGM, une
nourriture 100 % bio des animaux d’élevage, et la non-mixité des fermes…
le respect du cahier des charges permet d’afficher ce nouveau logo au
côté du label AB classique.
Lire aussi : Labels bio : quelles différences de garanties ?
Face à ces dérives du bio industriel, des
initiatives locales se développent également un peu partout. De plus en
plus de producteurs défendent des modes de cultures minimisant l’impact
environnemental. Ils cherchent à renouer le lien avec leurs
consommateurs. Certains refusent de payer les certifications et
préfèrent les systèmes participatifs de contrôles fondés sur la
confiance mutuelle entre producteurs et consommateurs. C’est le cas, par
exemple, des Associations pour le Maintien d’une agriculture paysanne (AMAP)
ou les paniers bio. Ces initiatives permettent de s’affranchir
des intermédiaires, pour rémunérer directement de façon équitable les
producteurs.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
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