Merci à l'auteur pour cette compilation mensuelle précieuse.
NOTRE DAME DES LANDES (44)
Enraciner l’avenir
Source : ZAD.nadir.org et médias
Avril 2019
Et
ailleurs : Landivisiau
(29) – Colombie –
CIGEO
(67) – Bure
(55) – Beynac
(24) - Ligne Lyon /
Turin (73)
–
Grèce
– Pays basque – Brésil : Mouvement des Sans Terre - Gilets Jaunes
ZAD
de NDDL - 44 -
Carte
de la zone centrale de la Zad
La terre en commun
La
ZAD est soutenue par le fonds de dotation "La terre en commun"
Racheter
les terres pour qu’elles restent liées à une vision collective.
Le
gouvernement a annoncé le retour de la propriété au Conseil
Départemental d’une partie des terres de la zad, ainsi que son
intention de vendre le reste.
« La
terre en commun » se doit, grâce à vous, d’être en
position d’acquéreur sur les bâtis et les terres qui seront mis
en vente rapidement et de se positionner stratégiquement sur ceux
qui arriveront à terme sur le marché :
* pour
que ces terres ne retournent pas à l’agriculture intensive
* pour
sauvegarder la biodiversité de ce bocage exceptionnel
* pour
garantir le maintien des activités collectives nées de la lutte
contre le projet d’aéroport
* pour
voir fleurir des projets basés sur l’entraide, la mise en commun
et le respect de la terre et de la nature.
Le
fonds de dotation permet l’acquisition collective de terres, de
forêts et de bâtis, sans aucun système de parts ou d’actions.
Les biens acquis sont donc placés en dehors de la spéculation et
des recherches d’enrichissement personnel.
plus
d’infos : https://encommun.eco/
Infos du 1er au 7 avril
Mardi
2 avril
►Recherche de matériel
Le
groupe Huile de tournesol (Sème Ta Zad) est à la recherche de
bouteille d’huile vide toute taille (0,5 / 0,75 / 1l) de préférence
avec le petit goulet en plastique. Si vous en avez quelques unes,
vous pouvez les déposer au liminbout squat (batiment collé derrière
l’auberge). Merci !
Dimanche
7 avril
►ZAD
Lettre
d’info d’Abrakadabois - avril 2019 à lire ICI
ou en PDF (avec photos ! )→
https://zad.nadir.org/IMG/pdf/lettre_info_abrak___avril2019.pdf
Infos du 8 au 14 avril
Mardi
9 avril
►Un an après l’expulsion, l’héritage vivace de la Zad de Notre-Dame-des-Landes
par Émilie Massemin sur Reporterre : https://reporterre.net/Un-an-apres-l-expulsion-l-heritage-vivace-de-la-Zad-de-Notre-Dame-des-Landes
Vendredi
12 avril
►ZAD
Rappel
des différents évenements du week end rallongé… :
Portes
Grandes Ouvertes sur la ZAD :
le programme vient d’être mis à jour voir
ICI
Communiqué
pour l’appel
à rassemblement du 15 avril :
S’abriter par
temps de PLUi – Lundi 15 avril 10h
Tous
les rendez-vous : Du
12 au 15 avril : De multiples occasions de venir
AILLEURS
Infos du 1er au 7 avril
Lundi
1er avril
►Landivisiau
Les
actions contre la centrale à Gaz de Landivisiau continuent. Pour
plus d’infos le site http://www.nonalacentrale-landivisiau.fr/
►Le mouvement de Liberacion de la Madre Tierra en Colombie, lance un appel à soutien à travers l’océan pour les aider à financer La seconde Marche de la Comida.
"Depuis
le Processus de « Liberación de la Madre Tierra »
(libération de la Mère Terre), nous lançons un appel à dons, une
vache comme on l’appelle ici en Colombie, ayant pour objectif la
seconde Marcha de la Comida qui se déroulera les 30 et 31 mars 2019
dans cinq villes de Colombie, où nous irons partager les aliments
récoltés sur les terres en voie de libération avec des gens de
processus populaires urbains qui eux aussi sèment et luttent.
L’argent
que nous récolterons par ce biais servira à financer les trajets
des cinq bus remplis d’aliments et de gens vers Bogotá, Cali,
Medellin et Manizales.
Notre
processus est autonome, nous ne recevons aucun soutien d’aucune
institution, ce qui nous amène à lancer cet appel aux amis, d’ici
et là, de tous les coins du monde où la voix de notre lutte fait
écho."
Pour
en savoir plus et éventuellement contribuer :
Le site internet du Proceso de Liberacion de la Madre Tierra
L’appel à soutien De camarades de la Liberacion
Dimanche
7 avril
►Zad du Moulin (GCO - 67)
Ils
n’auront pas notre résignation, appel à rejoindre la ZAD du
Moulin
Besoin
de renforts à la ZAD du Moulin ! voir
l’appel
Infos du 8 au 14 avril
Lundi
8 avril
►Bure
Jumelage
de Bure et Wittelsheim : Cigeo et Stocamine, mêmes
mensonges, mêmes combats !
De
Wittelsheim à Bure, il n’y a qu’un... continuum dans le
mensonge !
Il
n’y a pas qu’un pas puisque plus de 200 klilomètres les séparent
mais ils sont bien plus proches qu’à première vue ! Le
collectif Destocamine n’était pas venu les mains vides jeudi
dernier : nous en avons profité pour jumeler nos deux villages,
Bure et Wittelsheim, liés par deux sites, Cigeo en projet pour l’un,
Stocamine pour l’autre !
Quel
est le point commun entre un projet d’enfouissement des déchets
nucléaires et un centre de stockage profond de déchets industriels
dangereux ? Dans les deux cas, les autorités séduisent,
mentent et méprisent la population locale. Dans les deux cas, elles
prennent le grand est pour une poubelle en enfouissant des déchets
au nom des générations futures... en condamnant leurs sous sols !
La promesse de la réversibilité de Stocamine a été enfouie avec
les déchets chimiques et rompue en 2002 lors d’un accident qui a
condamné le site. Depuis presque 20 ans, habitant-es, associations
et élu-es bataillent pour extraire ces déchets qui menacent de
contaminer définitivement leur territoire.
A
Bure nous rappellerons toujours l’exemple de Stocamine comme ce
qu’il ne faut plus faire, et à Wittelsheim nos camarades
présentent Cigeo à la lumière de ce qu’ils ont vécu : il
ne doit pas voir le jour !
►Landivisiau
►Landivisiau
... Les
prochains rendez-vous !
dimanche
7 avril à 12h : pique-nique résistant Spécial grand jour. RDV
au rond-point du Drennec à Landivisiau. Tenue du dimanche
conseillée ! ?゚ムメ
lundi 8 avril à 9h15 : rassemblement de soutien aux personnes convoquées devant la gendarmerie de Plourin-les-Morlaix. RDV à l’aire de covoiturage de Landivisiau à 8h45.
mardi 9 avril à 14h45 : rassemblement de soutien aux personnes convoquées devant la gendarmerie de Plourin les Morlaix. RDV à l’aire de covoiturage de Landivisiau à 14h15.
vendredi
19 avril : rassemblons-nous en Ile-de-France pour une grande
action de désobéissance civile non-violente. Ensemble, bloquons la
République des pollueurs ! À l’initiative de ANV-COP21,
Greenpeace France et les Amis de la Terre France. Inscriptions ici.
RAPPEL :
2 formations à l’action non-violente sont prévues en avril :
dimanche 14 avril à Plougasnou Horaires : 9h30 - 17h30 / Prévoir un repas / Participation libre / Inscription : xrmorlaix@protonmail.com
samedi 20 et dimanche 21 avril à Lampaul Guimillau (25 stagiaires max) L’hébergement est prévu pour le samedi soir. Une participation de 15 € min est demandée pour les frais de nourriture (petit déj, repas, goûter et dîner) pour tout le week-end. Cette participation vous inscrit directement à la formation. Pour payer, c’est ici ? Pot commun ANV. Pour plus d’info ? smackoko@hotmail.com.
A
bientôt ! ✊
Landivisiau
doit dire non à la centrale Association loi 1901 à direction
collégiale
Pour
l’abandon du projet de Centrale à gaz en Bretagne signez la
pétition sur change.org ! Pour nous soutenir, adhérez à
l’association Landivisiau Doit Dire Non à La Centrale. FB @LDDNLC
// Twitter @LDDNALC // IG @LDDNLC
Le tribunal suspend les travaux de la déviation de Beynac,
en Dordogne
On a appris ce mardi 9 avril au matin que le tribunal administratif de Bordeaux suspendait les travaux du contournement de Beynac (Dordogne).
Ce
projet consiste en une route de 3,5 km avec deux ponts qui enjambent
la Dordogne, un tunnel sous une voie ferrée, un nouveau rond-point
d’un côté et un nouveau carrefour de l’autre. Les opposants
estiment que cela détruirait le paysage et l’écosystème d’une
vallée magnifique, expliquaient-ils
à Reporterre
en
novembre dernier.
Le
tribunal a été saisi par les associations d’opposants Sepanso et
Sauvons la vallée Dordogne. En plus de l’arrêt des travaux, le
tribunal ordonne également de « procéder à la démolition
des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en
état des lieux ». L’État et le département, porteur du
projet, devront aussi payer 1.200 euros solidairement aux
associations d’opposants.
Le
Conseil départemental de la Dordogne, porteur du projet, devrait
très certainement faire appel. C’est en tout cas un nouveau coup
dur pour le département, après que le Conseil d’État a demandé
la suspension du chantier, en décembre 2018.
Photo :
Le château de Beynac. © François Canar/Reporterre
Infos du 15 au 21 avril
Samedi
20 avril
►Des élus de tous les partis demandent au gouvernement de stopper le projet Lyon-Turin sur Reporterre
https://reporterre.net/Des-elus-de-tous-les-partis-demandent-au-gouvernement-de-stopper-le-projet-Lyon
Infos du 22 au 30 avril
Mercredi
24 avril
►L’Atomik Tour lance un débat alternatif sur les déchets radioactifs sur Reporterre
https://reporterre.net/L-Atomik-Tour-lance-un-debat-alternatif-sur-les-dechets-radioactifs
►L’Atomik Tour lance un débat alternatif sur les déchets radioactifs sur Reporterre
https://reporterre.net/L-Atomik-Tour-lance-un-debat-alternatif-sur-les-dechets-radioactifs
►Le
collectif mauvaise troupe va sortir le 8 mai prochain un nouveau
livre : Borroka !
Abécédaire du Pays basque insoumis.
Cet
ouvrage a été rédigé en vue du prochain G7 qui se tiendra fin
août à Biarritz. Vous en trouverez une présentation synthétique
ci-dessous. Comme à chaque parution, nous organisons une tournée de
présentation. Celle-ci se déroulera à partir du 9 mai. Certaines
dates la balisent déjà : à Mellionec le 18, à Paris le 21, à
Dijon le 22, à Lyon le 25… Si vous avez l’envie d’organiser
une présentation du livre et une discussion à propos de cet
événement estival, merci de nous contacter par retour de mail.
►Grèce :
Giorgos Kalaitzidis, un des membres les plus exposés du collectif
anarchiste grec Rouvikonas vient d’être condamné à payer 3
000 euros d’amende sous peine de quoi il sera emprisonné pour 1 an
et 4 mois. Cette somme qu’il n’est pas en mesure de payer
s’ajoute aux 56 mois de prison qu’il cumule. Au total, le groupe
est submergé par 200 000 euros d’amende, 25 000 euros de frais de
justice, 528 mois de prison (44 ans) et les condamnations continuent
de pleuvoir.
Une cagnotte est mise en place afin de venir en aide au collectif anarchiste grec Rouvikonas qui fait face à, entre autres, 200 000 € d’amende et 25 000 € de frais de justice pour ses actions d’envahissement, de sabotage et d’occupation, comme la destruction de fichiers des personnes surendettées ou le blocage des négociations avec la Troïka.
Jeudi 25 avril
►Des membres de la la délégation du Mouvement des Sans Terre brésilien finissent leur tournée en France. Samedi prochain à Paris il y a un concert de soutien , un discussion et une exposition photo....
LIRE
LA SUITE►Des membres de la la délégation du Mouvement des Sans Terre brésilien finissent leur tournée en France. Samedi prochain à Paris il y a un concert de soutien , un discussion et une exposition photo....
GILETS
JAUNES
Infos du 1er au 7 avril
Lundi
1er avril
Geneviève Legay a bien été poussée par un policier,
reconnaît le procureur
Source :
L’Obs
Geneviève Legay, la manifestante blessée samedi 23 mars dans une charge des forces de l’ordre pour disperser des Gilets jaunes à Nice a bien été poussée par un policier, a déclaré vendredi 29 mars le procureur de Nice, qui a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire.
Dans
un premier temps, le procureur Jean-Michel Prêtre avait assuré
lundi 25 mars qu’il n’y avait eu « aucun contact »
entre la manifestante, Geneviève Legay, 73 ans, et un policier. La
poursuite des investigations et le témoignage « rectifié »
d’un policier, qui a admis avoir repoussé du bras une femme, et
non un homme, comme il l’avait dit initialement, ont finalement
permis d’établir que la chute de Geneviève Legay avait bien été
causée par un membre des forces de l’ordre, a-t-il précisé dans
un communiqué.
Les
trois filles de Geneviève Legay ont déposé plainte lundi 25 mars
contre X pour « violences volontaires commises en réunion
par personne dépositaire de l’autorité publique, avec usage d’une
arme, et sur personne vulnérable » et « subornation
de témoin ». Attac a déposé une plainte identique. Les
trois filles de Geneviève Legay visent aussi le préfet pour
« complicité de violences volontaires aggravées ».
La
septuagénaire souffre de multiples fractures du crâne et les
médecins lui ont découvert mardi cinq côtes fracturées,
repoussant l’éventualité d’une sortie de l’hôpital où elle
avait été admise avec un pronostic réservé.
- Photo : Geneviève Legay, militante d’Attac, quelques instants avant la charge des gendarmes qui la jettera au sol, samedi 23 mars, à Nice (Alpes-Maritimes). Capture d’une vidéo de Bagna Presse, sur YouTubesur Reporterre
►Manif
des gilets jaunes du 30 mars à Paris
par Le Média
–
9 minutes (particulièrement bien)
Mardi
2 avril
A Saint-Nazaire,
la Maison du peuple pousse les murs pour accueillir
la deuxième assemblée des « gilets jaunes »
Fin
janvier, Commercy accueillait 75 délégations de la France entière
pour une « assemblée des assemblées ». Du 5 au 7 avril,
elles seront 300 à converger vers Saint-Nazaire. Trois journées
placées sous le signe de la « fraternité exemplaire »,
dont la préparation a donné quelques sueurs froides à leurs
organisateurs.
Saint-Nazaire
(Loire-Atlantique), de notre envoyé spécial.- En
certaines occasions, lutter, c’est aussi savoir manier raclettes,
brosses et balais. En ce jeudi 28 mars ensoleillé, KTY, Angélique,
Jo et Stéphanie ne se sont pas fait prier. Après le pain au
chocolat-café-clope du matin, ils ont enfilé gants et tabliers pour
assainir les sols de la Maison du peuple, recouverts d’une épaisse
couche de placo fraîchement brisé.
« Ça
met la pression d’accueillir autant de monde, souffle
Angélique. Mais je veux que les personnes qui arriveront ici
vendredi soient aussi bien accueillies que je l’ai été lorsque
j’ai poussé la porte de cette maison, le 3 décembre dernier. »
Dans
le tourbillon de ce grand ménage printanier, KTY le reconnaît, bien
volontiers : « Cette deuxième assemblée, c’est
l’inconnu. On passe tout de même de 75 à 300
délégations. Mais c’est aussi l’excitation de rencontrer des
gens qui ont les mêmes aspirations que nous. Comme à Commercy,
j’imagine ce qui va se passer ce week-end comme un moment
fantastique de démocratie directe ! »
Un
moment de « fraternité exemplaire » également fait
de stress et de pression depuis que les habitants de la Maison du
peuple ont accepté d’accueillir la deuxième assemblée des
« gilets jaunes », chez eux, à Saint-Nazaire.
Stéphanie et Jo passant le balai dans la maison du peuple de
Saint-Nazaire, jeudi 28 mars 2019. © PYB
Car « recevoir
la petite bande », comme le dit KTY, lunettes
foncées plantées sur le nez, exige une sacrée
gymnastique logistique. « Concrètement, explique Jo, trentenaire
parisien venu s’installer en bord de mer, chacune des
délégations peut se composer de deux porte-parole et de deux
observateurs. Cela, pour des raisons
de parité. » Un gros millier de
personnes qui devrait davantage tourner autour des 700 à
800 gilets jaunes attendus,
dès ce vendredi, aux bords des chantiers
navals.
Pour
accueillir tout ce petit monde, les habitants de la Maison du peuple
sont partis en quête de salles municipales ou de
terrains privés, ont imaginé louer des chapiteaux, ont dû
créer un réseau d’hébergeurs, ont fait appel à des campings
et des cantines militantes de la région…
« Le
budget est vite grimpé autour des 15 000
euros », détaille Ludovic, militant
nazairien de la première heure. Une somme que les gilets
jaunes n’avaient pas en caisse et n’ont
jamais réussi à récolter. Cela, malgré le
lancement d’une cagnotte solidaire et la multiplication
des démarches effectuées notamment auprès de
la municipalité.
« Depuis
le début du mouvement, le maire ne cesse de nous dire :
“Structurez-vous. Mettez-vous en association” », relate
Ludovic. Ce que nous avons fait en lançant la création
d’une association de soutien à l’organisation de “l’AG
des AG”. Alors que nous étions dans cette démarche
officielle de dépôt des statuts en ligne et après avoir
fait quatre demandes de rencontre, le cabinet du maire a
enfin accepté de nous recevoir pour nous dire
qu’indépendamment du fait que nous étions en train de créer
une association, la mairie refusait de nous aider. »
Notifiée par
écrit, voici la réponse en question : « Cet
événement étant susceptible de constituer des troubles à l’ordre
public, la mairie ne souhaite pas y être associée. Par conséquent,
elle ne peut répondre favorablement à votre
demande. » Un refus qui trouverait son
origine dans les débordements liés à la manifestation régionale
du 5 janvier dernier qui a vu le centre-ville de Saint-Nazaire
dégradé suite à de violents affrontements entre gilets
jaunes et forces de l’ordre.
« Depuis
ce jour, le maire nous en veut, réagit Ludovic. Il
nous tient, nous gilets jaunes de Saint-Nazaire, responsables de ces
débordements et nous le fait payer. » « Alors
même, se défend Jo, qu’au niveau sécurité,
nous avons tout prévu : des ganivelles, la
présence d’une équipe de la Croix-Rouge sur place, etc. »
« On est tous ressortis de
cette séquence avec le même sentiment d’étouffement
et d’écrasement contre lequel on se bat depuis maintenant
cinq mois, souffle Stéphanie. Avec cette même
rage aussi, contre cette volonté
républicaine qui veut, coûte que coûte, casser un
mouvement pourtant démocratique. »
Pour
Ludovic, ce refus a pourtant le mérite de la clarté. « Il
nous sort de cette relation d’entre-deux avec la mairie. Ce
refus nous conforte dans notre idée première
d’autonomie. Les gilets jaunes de Saint-Nazaire se sont structurés
à la Maison du peuple. C’est donc bien à la Maison du peuple
d’accueillir cette deuxième assemblée. En plus, ça va
éviter de nous ruiner. »
Ainsi,
après en avoir longuement discuté lors d’une de ces AG
quotidiennes qui rythment la vie des habitants et, en
accord avec le promoteur immobilier, nouveau propriétaire des
lieux, décision a été prise de faire sauter toutes les
cloisons du bâtiment pour recevoir au mieux les
débats de ces trois prochaines journées d’assemblée.
« C’est
à notre initiative que nous avons négocié avec le
promoteur, tiennent à préciser les gilets
jaunes, dans un communiqué. Nous voulions un délai
pour accueillir l’assemblée des assemblées et
préparer la création d’une nouvelle Maison du
peuple avant de quitter les lieux, calmement et sans
ressentiments. Pour cela, un protocole d’accord a été signé
et déposé au tribunal. Il nous permet de rester dans
les locaux actuels et ce, jusqu'au 22 avril. Nous en
profitons pour remercier le chef de projet et le
maître d’œuvre d’avoir su négocier
intelligemment et répondu à notre proposition, de manière
très respectueuse. »
Un
double répit pour les gilets jaunes nazairiens qui envisagent donc
de créer une nouvelle Maison du peuple, une fois l’assemblée de
ce week-end passée. « Tenir au quotidien un tel lieu,
construire du collectif, se défendre contre les attaques politiques
et médiatiques, cela nous demande beaucoup d’énergie, abonde
Jo. Mais nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse.
Nous devons tenir ces exigences pour continuer à durer. »
À quelques jours du
coup d’envoi de cette deuxième « AG des AG », le
sentiment est de nouveau à l’unité, « dans cette
volonté unanime de vouloir avancer ensemble ». « L’un
des objectifs de ce deuxième rendez-vous est que chaque
délégation reparte avec une charte précisant la définition
et le fonctionnement de l’assemblée des
assemblées, détaille encore Jo. Elle
nous servira à organiser au mieux les prochaines
éditions. Pour être les plus efficaces possible, nous
avons décidé d’anticiper ce travail en demandant à
chacun de bosser ses revendications, en amont. »
Outre ce travail fondateur, six autres questions seront mises en débat, samedi et dimanche. Comme le bilan des actions avec ce qui a fonctionné ou non et pourquoi ; quelles actions à mener à plus ou moins long terme ; les réponses à opposer aux répressions ; la réflexion autour d’un plan de communication interne aux gilets jaunes et en direction de la population. Sans oublier le bilan de chacun des territoires lors de ces cinq derniers mois de lutte.
« Ce
week-end, nous serons à un tournant du mouvement, croit
savoir Jo. Tout en renforçant notre réseau national par
la structuration, l’entraide et l’échange d’idées, nous ne
devrons pas oublier de travailler sur le renforcement de notre
ancrage local. Nous sommes partis des territoires, les
territoires doivent rester notre force. Il va donc nous
falloir trouver le bon équilibre, sans qu’un axe ne prenne
le pas sur l’autre. Oui, cela fait beaucoup de choses à
penser mais, en réalité, a-t-on vraiment un
autre choix ? »
Pierre-Yves Bulteau – Médiapart
J’veux du soleil !
Courez vite voir ce film et cessez de vous laisser leurrer par une farce gouvernementale indécente et fallacieuse. Vive l'insoumission générale! "J’veux du soleil", sortie le 3 avril, à ne pas manquer.
Le
film des gilets jaunes !
À
la fin de la projection, toute la salle se lève et durant de longues
minutes applaudit ce documentaire nécessaire tout autant que
réjouissant, jubilatoire parfois et toujours d’une immense
sensibilité. Ainsi donc ceux que les médias et le gouvernement nous
ont vendu comme des fachos, des extrémistes, des casseurs, des
furieux, des imbéciles sont des femmes et des hommes de cœur et de
raison, humiliés par une société qui a décidé de laisser sur le
bas-côté les plus modestes pour le seul profit d’une caste de
privilégiés.
Nous
étions tous bouleversés à la sortie de ce cinéma qui projetait en
avant-première « J’veux du soleil » film réalisé par
le duo Gilles Perret et François Ruffin. Tout au long de son
déroulement les rires fusaient, alternaient parfois avec les cris
d'indignation quand le Freluquet qui nous gouverne tenait des propos
d’un rare mépris ou lorsque les valets du pouvoir défendaient la
thèse de l’effroi insurrectionnel. Nous étions soumis à une
alternance de sensations contradictoires, partagés entre amour et
haine
Amour
pour ces gens simples, désespérés par une existence qui n’avait
plus de sens jusqu’à ce qu’ils découvrent la fraternité d’un
combat nécessaire, la solidarité dans l’épreuve et ce désir fou
de se retrouver en dignité malgré les coups bas, la misère, le
chômage, la pauvreté, l'humiliation au quotidien agrafée plus
encore par les propos de ce Président, petit banquier arrogant et
provocateur. Détestation de celui qui est censé nous représenter
et qui n’agit que pour renforcer plus encore les inégalités et
les injustices, inféodé qu’il est aux puissances de l’argent,
détestation encore pour tous ces journalistes odieux à la solde du
pouvoir, martelant à longueur de temps la monstruosité de ce peuple
en jaune.
Dans
la salle, au balcon, des gilets jaunes étaient présents pour
témoigner à leur tour, pour se reconnaître parmi les frères et
sœurs de combat qui habitent littéralement l’écran lors de
témoignages qui tirent les larmes. Pour certains, c’était la
première fois qu’ils venaient dans ce cinéma Art et Essai,
estampillé culture bourgeoise. Une nouvelle victoire pour le
réalisateur, persuadé que ce n’est que par l’adhésion de la
classe moyenne que les vaillants des ronds points vont pouvoir
renverser cette République des privilèges !
Comment
traduire en mots, sans doute trop soignés, certainement mieux
tournés, la force des témoignages, la puissance de leurs regards,
la beauté de leur conviction ? Ce sera toujours en dessous de ce qui
passe dans ce film, cette vague d’émotion et d’empathie qui vous
emporte loin, si loin des reportages convenus.
En
peu de temps, nous suivons le député définitivement insoumis à
travers un pays qui se dresse, s’oppose, réclame de la
considération et une vie simple digne. Partout, la même conviction,
le même besoin vital de ne plus accepter l’humiliante réalité,
de briser le servage dans lequel la résignation, les charges, les
crédits, les menaces en tous genres ont enfermé ces gens. Ce n’est
pas une insurrection d’affreux, sales et méchants comme
l’affirment les canailles qui gouvernent, c’est un peuple qui
redresse la tête.
Nous
les écoutons, Marie, Khaled, Natacha et tous les autres tandis que
le portrait géant de Marcel nous permet de comprendre que les
nouveaux martyres sont là : les laissés pour compte d’un
libéralisme qui broie les plus faibles. Tous ceux qui iront voir ce
film en sortiront transformés, convaincus désormais que jamais plus
rien ne sera comme avant en dépit de l’effroyable conditionnement
d’un pouvoir qui ment, trahit, agresse son peuple.
Ce
film est un brûlot nécessaire, un chant d’amour aux miséreux,
une bouteille à la mer pour un monde plus juste, un pavé dans la
mare médiatique, une aventure épique, un soleil dans les ténèbres.
Bien sûr, il fera des dégâts collatéraux. Chaque spectateur
sortira de la séance avec la conviction intime, profonde et
définitive que jamais plus il ne sera représenté par ce triste
sire qui usurpe la fonction présidentielle. Ni ses propos trompeurs,
ni les manipulations des sondages ne permettront de sauver celui qui
à chaque apparition à l’écran est conspué.
Ne
pensez pas que c’est un manifeste ou un pensum. Vous sortez de là
joyeux et confiant, fort d’une espérance nouvelle cette humanité
véritable qui est sur les ronds points. Le bras séculier peut
continuer de frapper, de blesser, d’emprisonner les miséreux,
jamais plus notre société ne sera dupe d’un pouvoir qui nous
méprise et nous spolie.
Courez
vite voir ce film et cessez de vous laisser leurrer par une farce
gouvernementale indécente et fallacieuse. Vive l'insoumission
générale !
Enthousiastement
leur.
J'VEUX
DU SOLEIL ! - La bande-annonce officielle © Fakirpresse :
Le
blog de C’est Nabum -
Médiapart
Mercredi
3 avril
►Ruffin et Perret filment les Gilets jaunes : « ils ont rouvert un imaginaire politique »
sur Reporterre
Pour quels faits et à quelles peines de prison,
des centaines de gilets jaunes ont-ils été condamnés ?
Depuis quatre mois, 2000 « gilets jaunes » ont été condamnés par la justice et 1800 sont en attente de leur jugement. Au-delà de ces chiffres qui recouvrent autant d’histoires singulières, nous avons analysé plus de 400 condamnations à des peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis, sur tout le territoire, pour savoir quels étaient les faits reprochés, quelle était la rapidité des procédures – et les questions que cela peut poser en terme de droits de la défense –, et le niveau de dureté des peines prononcées. Nos données révèlent une partie de la face judiciaire, inédite, de la répression de ce mouvement.
En
quatre mois de mobilisation et vingt journées nationales de
manifestations, 2000 participants au mouvement des gilets jaunes ont
été condamnés, selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Les procès, dont nombre se sont tenus dans le cadre d’une
procédure de comparution immédiate, sont-ils équitables ?
Assiste-t-on à une justice d’urgence, plus sévère, comme le
dénoncent certains avocats ? La justice condamne-t-elle des
« gilets jaunes » avant même que des actes soient
commis ? C’est pour répondre à ces questions que, au-delà
des chiffres livrés par la ministre, nous avons épluché les
comptes-rendus de procès qui ont été suivis par les journaux
locaux et nationaux ainsi que par des collectifs. Nous avons ensuite
réalisé une base de données qui comprend 412 condamnations à des
peines de prison (ferme, avec sursis ou cumulant les deux).
Que disent les chiffres officiels ?
Selon
la ministre de la Justice, sur les 2000 condamnations annoncées le
24 mars, « 40 % sont des peines d’emprisonnement
ferme et 60 % sont d’autres types de sanction, par exemple des
travaux d’intérêt général, des sursis, etc. ».
390 mandats de dépôt ont été prononcés : les personnes ont
été incarcérées avant ou après leur jugement. 100 prévenus ont
été relaxés par les tribunaux et 1700 affaires ont été classées
sans suite.
Le
nombre de condamnés pourrait rapidement augmenter : 1800
personnes sont en attente d’être jugées, en particulier pour les
accusations les plus graves qui nécessitent des enquêtes plus
longues, comme « pour les dégradations commises à l’Arc
de Triomphe », le 1er décembre, précise le ministère de
la Justice. D’autre part, pas moins de 400 requêtes ont été
adressées à des juges pour enfants, après l’interpellation de
mineurs lors de manifestations ou d’actions.
Voilà
pour les chiffres officiels. Mais pour quels faits les gilets jaunes
ont-ils été condamnés ? Quels types de peines ont été
prononcés ? Dans quelles conditions ces condamnations ont-elles
été décidées ? Notre base de données n’est pas exhaustive
et ne compile que les cas documentés. Les peines les plus lourdes
retiennent davantage l’attention des journalistes. Tout un pan des
condamnations – amendes, travaux d’intérêt général – est
occulté. Parfois, si la presse fait état d’une peine prononcée,
le motif n’a pas forcément été précisé. Nos données sur ces
412 condamnations, sur tout le territoire, révèlent cependant une
partie de la face judiciaire, inédite, de la répression de ce
mouvement.
Les violences contre les forces de l’ordre
constituent la majorité des faits reprochés
D’après
les condamnations que nous avons compilées, les violences contre les
forces de l’ordre représentent près de 60 % des faits
reprochés [1].
Ces violences figurent aussi parmi les faits les plus lourdement
punis : sur 21 condamnations à deux ans ou plus de prison
(sursis et ferme confondus), les deux-tiers ont été prononcées
contre des personnes jugées coupables de violences contre des
policiers ou des gendarmes. Les « jets de projectiles »
constituent la première forme de ces violences (60 %), loin
devant les violences physiques (20 %). Ces violences physiques
sont d’ailleurs plus sévèrement punies : 80 % des
peines dépassent les six mois de prison, ferme ou avec sursis. Les
peines pour violences contre personnes dépositaires de l’autorité
publique peuvent aller jusqu’à sept ans de d’emprisonnement
(art. 222-13 du Code pénal).
Dégradations : des condamnations un peu moins sévères
Les
dégradations de biens – importantes puisqu’elles représentent
20 % des condamnations que nous avons recensées – sont moins
sévèrement condamnées que les violences contre les forces de
l’ordre. 80 % des peines prononcées sont inférieures à six
mois de prison ferme, et la moitié de ces peines ne prévoient pas
de prison ferme. Les trois quarts des faits de dégradations ont été
jugés plus de 10 jours après les faits. Ces condamnations sont les
plus sévères (11 mois en moyenne contre 6 mois pour les
condamnations « rapides »). Les dégradations de biens
peuvent être punis jusqu’à deux ans d’emprisonnement (art.
322-1 du Code pénal).
Les faits les moins graves jugés très rapidement
La
justice a-t-elle été exceptionnellement rapide face aux gilets
jaunes ? 70 % des condamnations ont été prononcées dans
la semaine qui a suivi les faits, dont l’immense majorité dans les
72 heures. Malgré la rapidité et les risques d’impréparation de
la défense, ces peines n’ont, en général, pas été les plus
sévères. En moyenne, les peines prononcées dans les 10 jours
suivant les faits sont de 6,4 mois d’emprisonnement – ferme et
sursis compris. Lorsque les jugements se sont tenus plus de dix jours
après les faits, la gravité des peines prononcées a quasiment
doublé : 11 mois en moyenne. Ces données seront amenées à
évoluer puisque les faits les plus complexes et les plus graves
seront présentés devant la justice dans quelques semaines, à la
suite de convocations par officier de police judiciaire ou de renvoi
par les juges d’instructions.
Les journées du 1er et du 8 décembre les plus violentes
Si
l’on s’intéresse au nombre de condamnations prononcées par
« actes » des gilets jaunes, trois ressortent plus
particulièrement : celui du 1er décembre (acte III), avec les
violences commises autour de l’Arc de triomphe, celui du 5 janvier
(acte VIII), avec les heurts sur le Pont des Arts, celui du 16 mars
(acte XVIII) avec les dégradations du Fouquet’s et de plusieurs
boutiques de luxe autour des Champs-Élysées, ont été, pour
l’instant, les plus « judiciarisés ». Plus de 40
peines de prison ont été prononcées suite à chacune de ces
journées d’action, dont près de 80 dans la foulée du 1er
décembre.
Enfin,
les manifestations ne sont pas les seules occasions de condamnations
pour les « Gilets jaunes » : 20 % des
condamnations sont liées à des faits sans liens avec des
manifestations. A l’exemple d’un jeune homme de 28 ans, très
présent sur les mobilisations des rond-points, et condamné à
Narbonne à six mois de prison ferme pour avoir diffusé sur les
réseaux sociaux un appel à bloquer la raffinerie de
Port-la-Nouvelle.
Simon
Gouin et Alexandre Léchenet
Notre
dossier sur les condamnations des gilets jaunes Pendant plusieurs semaines, Basta ! s’est plongé dans les centaines de condamnations de gilets jaunes à de la prison, pour en connaitre les raisons. Retrouvez une première analyse du traitement judiciaire des gilets jaunes ici. Et notre base de données, non exhaustive, est à découvrir en ligne sur cette page. Si vous souhaitez nous faire remonter des jugements, écrivez-nous à cette adresse : basta[arobase]bastamag.net |
Alexandre Léchenet, Simon Gouin – Bastamag
Jeudi 6 avril
►Gilets jaunes en procès : « Pour les magistrats, les pressions sont palpables, comme lors des périodes d’attentats » par Nolwenn Weiler – Bastamag
https://www.bastamag.net/Gilets-jaunes-en-proces-Pour-les-magistrats-les-pressions-sont-palpables-comme
►« Les interdictions de manifester sont des peines politiques, qui posent un vrai problème démocratique » par Nolwenn Weiler – Bastamag
https://www.bastamag.net/Les-interdictions-de-manifester-sont-des-peines-politiques-qui-posent-un-vrai
Vendredi
5 avril
Journal, débat public…
Pour les Gilets jaunes de Dordogne,
« l’action, ce n’est pas juste gueuler en manif »
Les Gilets jaunes de Montpon, en Dordogne, sont sur tous les fronts : au marché et en débat public pour sensibiliser la population, à Bergerac pour rencontrer d’autres groupes et coordonner leurs actions. Ils ont même lancé un journal, « L’Éveil citoyen ».
Pour faire le point sur le mouvement des Gilets jaunes, Reporterre a décidé de retourner sur des ronds-points où il s’était rendu au début de la mobilisation. Aujourd’hui, il vous emmène à Ménesplet, en Dordogne, où les Gilets jaunes de Montpon-Ménestérol ont installé leur QG. Dans un premier article, nous vous racontions leur implication dans les manifestations du samedi. Dans celui-ci, il sera question de la manière dont ils agissent au quotidien.
Montpon-Ménestérol (Dordogne), reportage
« Bien dormi ? Tu prends le café ? » À 7 h 30 du matin, le soleil radieux illumine déjà l’intérieur de la caravane. Cette nuit-là du mercredi 27 mars, ce sont Jean et Thibault qui ont dormi au QG des Gilets jaunes de Montpon-Ménestérol (Dordogne), devant le supermarché discount Netto de Ménesplet (Dordogne) — un roulement, noté dans un cahier d’écolier, a été établi pour que les deux caravanes ne restent jamais vides. La réunion hebdomadaire de la veille s’est prolongée tard dans la nuit, mais Jean, rejoint entre-temps par Gilles, a déjà rallumé le feu et lancé la cafetière. « Avec Thibault, on s’est couché à l’aube. Ça pique un peu », avoue-t-il, en passant la main sur son menton couvert d’une ombre de barbe. La routine, ou presque, depuis qu’ils ont récupéré les caravanes et installé leur campement, le 5 janvier dernier.
À 9 h 30, c’est au tour de David, Nirvana et François de débarquer, à la recherche d’une table pour installer leur stand au marché de Montpon. « Les prochaines fois, on se donnera rendez-vous à 9 h ici pour être à 9 h 30 là-bas, indique François, en furetant sous l’auvent et dans la caravane rouge prêtée par Joël, le circassien. J’ai déjà des volontaires pour les prochains mercredis. On va essayer de faire en sorte que chaque personne ne fasse pas plus d’un jour par mois, pour éviter l’épuisement.»
- Le campement des Gilets jaunes de Montpon, près du supermarché discount Netto.
Objectif : faire connaître leur mobilisation aux habitants, à rebours des images de casse relayées par certaines télévisions. « On doit convaincre qu’on n’est pas antisémite et homophobe. Les gens sont très influencés par les médias, ils ne vont pas au-delà de BFM et de CNews qui nous décrivent comme un peuple haineux, regrette Sarah. Une personne est déjà venue m’interpeller, elle pensait que nous étions tous au RSA [revenu de solidarité active] ! Il n’y a personne au RSA dans notre groupe, mais des gens qui travaillent, des chômeurs, des retraités et des personnes en invalidité. »
Débat public des Gilets jaunes de Montpon
prévu le 18 avril
Les témoignages de soutien continuent néanmoins d’affluer. En se levant, Jean a découvert un pack de bières déposé devant la caravane. En milieu de matinée, un couple de retraités marseillais s’est aventuré sur le campement pour proposer son aide. « On n’a jamais rien fait, sauf partager des messages des Gilets jaunes sur les réseaux sociaux, a précisé Mireille. On aimerait savoir quoi faire de plus. » « Parce qu’on en a marre de ce gouvernement », a complété son mari, André. Le couple, qui souhaite être informé des prochains événements organisés par les Gilets jaunes, a finalement laissé son numéro de téléphone à David. « On va sans doute organiser un débat le 18 avril prochain », leur dit ce dernier.
- Sarah et Gilles.
En
effet, la veille, la bonne quinzaine de Gilets jaunes présents à la
réunion ont voté pour l’organisation d’une réunion publique
avec les habitants de Montpon — « tout
se décide au vote à main levée,
précise Christophe. À
chaque fois que les flics sont venus pour nous expulser, on a voté à
main levée devant eux pour savoir si on partait ou pas et où on se
réinstallait, et on a appliqué la décision ».
Plusieurs Gilets jaunes avaient participé aux trois réunions
organisées par Montpon dans le cadre du « grand
débat national »
et
en étaient sortis écœurés. « On
nous a posé des questions et nous devions trouver les solutions,
autrement dit, faire le travail de l’État,
ironise Sarah. Lors
de la réunion consacrée à l’écologie, quand nous avons
revendiqué le principe du pollueur-payeur, l’animateur nous a
répondu que c’était un slogan publicitaire ! À la troisième
réunion, sur la citoyenneté, la démocratie, la laïcité et
l’immigration, j’ai dû expliquer la différence entre vote blanc
et abstention. À une autre réunion, à Port-de-Couze, Christophe a
interpellé le député Michel Delpon sur le fait qu’il avait voté
pour
la loi
“anticasseurs”. »
Le groupe souhaite se réapproprier le dispositif pour concocter un débat à son image. « On veut expliquer aux gens pourquoi on est là, pour les éveiller, explique Christophe. Mettre en avant les problèmes de la privatisation des aéroports de Paris, de la réduction du personnel dans les hôpitaux… » « Les maternités qui ferment ! intervient Sarah, très sensibilisée en tant qu’ancienne aide-soignante en salle de naissance. Donc, pour les naissances, ça va être programmation-programmation-programmation. Ou alors, les femmes vont accoucher à la maison, avec tous les risques que ça entraîne. Un jour, j’en ai eu une qui a fait une rupture d’utérus : elle a énormément saigné, elle serait morte direct si l’on n’avait pas pu la transfuser ! »
L’après-midi, lectures militantes et peinture de banderoles
Après le déjeuner pris au soleil sur la table de jardin, Sarah enfile son gilet jaune customisé pour filer à la librairie chercher le roman 1984, de George Orwell, pour sa fille Louna, qui prépare son bac de français. « Comme il y a plein de trucs que les profs n’ont plus le droit de dire, le sien leur fait lire des livres, apprécie-t-elle. Il leur a fait étudier Discours de la servitude volontaire, d’Étienne de la Boétie, c’était très intéressant. » Son fils Thibault, qui a quitté les bancs de l’école depuis un moment déjà, en profite pour passer commande : « Tu peux me prendre La Stratégie du choc, de Naomi Klein s’il te plaît ? J’ai envie de le lire parce que je pense que c’est exactement ce qui est en train de se passer. »
Pour celles et ceux qui restent au QG, pas question de lambiner au soleil. Nadine arrive avec un grand sac rempli de bouteilles en plastique de récupération remplies d’eau du robinet. Pascale, écouteurs sur les oreilles, s’attaque à la vaisselle dans deux grandes bassines en métal ; Angélique « Angèle » et Julien s’emparent de torchons pour lui prêter main-forte. De retour de la librairie, Sarah poursuit la peinture de la banderole, sur laquelle les lettres forment un immense « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir » ; bientôt, Nadine attrape un pinceau elle aussi. « On entend beaucoup de gens dire que tout ça ne sert à rien, commente-t-elle en remplissant minutieusement une lettre de peinture verte. Mais si on n’essaie pas, si on baisse les bras, on n’aura jamais rien ! » Plus loin, Christophe et Julien entreprennent d’installer leur précédente réalisation — une autre banderole proclamant que « Celui qui ne se rebelle pas n’a pas le droit de se lamenter ». Plus tard, des petites croix viendront orner le rond-point, « pour les onze personnes décédées depuis le début du mouvement », explique Sarah. « Pour Zineb Redouane, la vieille dame décédée après s’être pris une grenade lacrymo en plein visage, j’aimerais une croix noire avec des lettres jaunes, parce que c’est la police qui l’a tuée. Aucun mot de Macron là-dessus, d’ailleurs. Pas même un ‘‘elle aurait dû avoir la sagesse de ne pas fermer ses volets’’ ! » ironise-t-elle.
- Sarah et Nadine confectionnent la banderole « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir ».
À 18 h, Thibault, Angèle et Pascale grimpent dans la voiture de Thibault, direction le tiers-lieu CéLA, à Bergerac. La lumière dorée embrase les petites routes, les vignes et les forêts, et le clip du rappeur D1st1 consacré aux Gilets jaunes tourne en boucle dans l’habitacle. La soirée s’annonce chargée, avec le lancement d’un journal inter-groupes de Gilets jaunes, L’Éveil citoyen, et une réunion pour la création d’une organisation départementale.
« L’Éveil citoyen »,
pour que les Gilets jaunes partagent leurs informations
François, membre du collectif de six personnes de différents ronds-points de Dordogne à l’origine du projet de journal, est déjà sur place et peaufine la maquette sur son ordinateur. « Cette soirée est importante parce que nous allons régler les derniers détails et envoyer le lien à nos 262 contacts mail et 100 contacts téléphoniques, dit-il. Notre objectif est d’assurer une parution par mois, le 28. » L’idée est d’offrir aux Gilets jaunes de Dordogne et au-delà une plate-forme pour partager leurs actualités, leurs annonces et leurs textes. Pour éviter tout phénomène de mainmise, la mise en ligne sera assurée par un Gilet jaune différent chaque mois. « Mais la personne la plus importante du collectif, c’est Régine, qui ne participe pas vraiment au mouvement des Gilets jaunes et nous apportera un regard extérieur, pour nous obliger à expliciter et éclaircir nos points de vue », précise François.
- Nadine, François et Jean, de Bergerac, lors de la réunion de lancement du journal des Gilets jaunes.
À la veille de la première édition, les débats éditoriaux sont vifs. « Je vais vous lire à voix haute du texte sur l’éducation que je vous propose. On n’est pas obligé de le publier dans ce numéro », annonce François, avant de se lancer. « Pfff, c’est longuet », juge Pauline, 81 ans, qui voudrait plutôt parler de ce qui a été réalisé — ou non — dans le programme du Conseil national de la Résistance, dont elle a imprimé la page Wikipédia. « Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit, mais je veux bien que ce soit publié si c’est présenté comme la vision d’un lecteur. Dans ce cas, il faut que ce soit signé, au moins avec une initiale, pour qu’on comprenne que ce n’est pas la position de tous les Gilets jaunes », intervient Thibault. Arnaud, des Gilets jaunes de Bergerac, propose de rédiger « un article sur la permaculture et un autre sur [son] métier d’aide-soignant ». « Je nage un peu, ce n’est pas un média sur les Gilets jaunes ? Quel est le rapport avec la permaculture ? Il faudrait plutôt parler de la hausse des taxes, des galères que les gens vivent tous les jours », le coupe Régine. « C’est un média plus large que ça, qui doit intéresser tous les citoyens. Et on est citoyen avant d’être Gilet jaune », lui répond Pascale. Finalement, un compromis est trouvé par Jean, qui propose de consacrer une rubrique mensuelle à l’analyse d’une revendication des Gilets jaunes.
À peine le temps de trinquer au muscat apporté par François pour arroser le lancement du journal, qu’une nouvelle réunion commence sur la structuration départementale des Gilets jaunes. Paper-board à l’appui, Jean fait le bilan de la situation : « Le groupe de Bergerac a explosé, le groupe départemental n’en est pas loin. Il reste quatre ronds-points, ou groupes locaux : Creysse, Blason-d’Or, Eymet, et Port-de-Couze. Ajoutons celui de Montpon. Au-dessus, on a deux assemblées, trois si l’on ajoute celle de Montpon. Évidemment, les gens peuvent aller où ils veulent. Mais on voudrait s’assurer que l’info descende bien des assemblées vers les ronds-points et créer quelque chose de structuré. » Rapidement, l’idée de renforcer la cohésion entre les groupes en créant des cellules spécialisées émerge. « La cellule juridique, on l’a déjà fait », rappelle Arnaud. « Jusqu’à présent, on n’a pas travaillé sur les mêmes sujets. Par exemple, nous, on n’a jamais travaillé sur le référendum d’initiative populaire », dit Nadine. Se pose ensuite la question de la circulation de l’information entre les cellules : pour cela, la création d’un conseil départemental est envisagée. « Si c’est la même personne qui transmet l’information entre la cellule, les ronds-points, les assemblées et le conseil, elle risque de finir par se prendre pour le chef et ça n’ira pas », intervient Jérôme. « Ce qui a foutu en l’air Bergerac, c’est de faire des départementales tous les quinze jours qui ne marchent pas », rappelle Arnaud.
« Si on fait ça, on entre dans le système »
Depuis des semaines, la question de la structuration du mouvement est dans toutes les bouches. La veille encore, à la réunion hebdomadaire du QG, Christophe a proposé de rendre visite à David Poulain, à Ambarès, en Gironde. « C’est un économiste qui connaît plus de choses que nous et qui aimerait créer une cellule forte pour contrer le gouvernement », a-t-il plaidé. Mais l’idée était loin de faire l’unanimité. « Si on fait ça, on entre dans le système », a prévenu Thibault. « Penser qu’une personne va nous apporter le salut, c’est retomber dans les vieux travers comme le présidentialisme », a jugé Nathalie. Pour Sarah, « pas question de retomber dans le modèle associatif, avec le président et le trésorier ». Finalement, après une recherche internet, les Gilets jaunes ont découvert que M. Poulain avait créé l’union syndicale des Gilets jaunes, appelée « les Constructifs », et qu’il de demandait pas la démission de Macron. « Pour moi, c’est réglé, il ne m’intéresse pas », a jugé François.
De retour de Bergerac, Thibault, Angèle et Pascale racontent la soirée à Christophe et Sarah, tout en dégustant une assiette fumante de riz aux légumes.« Rencontrer des Gilets jaunes d’ailleurs permet de se sentir moins seul, ça permet d’échanger les idées », apprécie Christophe. « Cela permettrait d’organiser des actions différentes avec plus de monde », poursuit Angèle. Pour qui la diversification des activités pourrait être une autre clé : « La permaculture, c’est intéressant, ça peut motiver des gens qui ne peuvent pas forcément aller en manifestation et ça permettrait de nourrir la lutte. »« Ce qui est bien avec les Gilets jaunes, c’est que tout le monde peut trouver sa place, conclut Sarah. Rien que l’occupation du QG, c’est énorme, parce que ça montre que la personne est entrée en résistance. L’action, ce n’est pas seulement aller gueuler en manif. »
Samedi
6 avril
A l'AG des gilets jaunes :
« Nous sommes à Saint-Nazaire
pour construire un monde meilleur »
La grisaille et la pluie du week-end n’ont pas réussi à entamer le moral des 700 « gilets jaunes » venus participer, en « intelligence collective », à la deuxième assemblée des assemblées de Saint-Nazaire. Entre ateliers et plénières, ils ont confié à Mediapart leurs espoirs et leurs interrogations après cinq mois de lutte. Une lutte qui, si elle n’a pas encore abouti, les a profondément et durablement transformés.
Saint-Nazaire, correspondance -.
Pierre Nwack, 45 ans, employé dans le secteur du bricolage au chômage (rond-pont de Villabé – 91)
Saint-Nazaire, correspondance -.
Pierre Nwack, 45 ans, employé dans le secteur du bricolage au chômage (rond-pont de Villabé – 91)
Pierre Nwack © Pierre-Yves Bulteau
« Je
suis arrivé en France comme un jeune homme de 25 ans qui épouse une
nouvelle nation. Quitter le Cameroun a été un véritable
déchirement. Voir ce qu’est devenu le pays qui m’a accueilli,
une vraie douleur. Si, aujourd’hui, j’ai un combat à mener,
c’est bien celui d’une France meilleure. D’une France plus
égalitaire, plus respectueuse de ses citoyens. Une France pour tous
et pas confisquée par quelques-uns.
Je
suis venu à Saint-Nazaire pour réfléchir à ça. À comment
durer dans le temps. À comment faire plier définitivement ce
gouvernement.
Depuis
que je suis arrivé en 1998, j’ai l’habitude de me battre. Depuis
vingt ans, ma vie, ici, n’est faite que de luttes. Après avoir
obtenu mes papiers, j’ai dû chercher du travail, un logement. À 45
ans, je suis au chômage et je vis avec ma famille dans un logement
insalubre. Alors même qu’une décision de justice me donne raison
contre mon bailleur, il ne veut rien entendre. Exactement comme le
gouvernement avec nos revendications.
Quand
on commence un combat comme celui-là, un combat qui nous dépasse,
on peut tenir encore six mois, un an, deux ans. Mais, je pense que
l’important n’est pas tant de se focaliser sur la durée que sur
l’issue de notre combat. En décembre, on n’a pas fait plier le
gouvernement mais on lui a mis un genou à terre. C’est déjà ça.
C’est la réponse d’un peuple qui crie à un gouvernement qui en
rit.
De
la première heure, jusqu’à la dernière, je ne lâcherai pas.
J’ai même averti ma femme et mes trois enfants que s’il le
fallait “Papa n’aurait pas peur d’aller en prison”. Il
faut que Macron et son gouvernement le comprennent. Nous ne lâcherons
rien. Ce week-end, nous sommes tous réunis à Saint-Nazaire pour
construire un monde meilleur. Sans eux. »
Adeline,
29 ans, comptable dans le privé (rond-point de l’Aire-Bleue,
Saint-Nazaire – 44)
« La
lutte m’a apporté des amis, des vrais, pas des gens qui me parlent
juste pour se moquer de moi. Je suis handicapée et, avant les
ronds-points, c’était soit l’indifférence soit les moqueries.
J’avais vraiment l’impression d’être différente, de ne pas
avoir le droit à la même vie que les autres. C’est d’ailleurs
pour ça que j’ai quitté mon environnement familial. Un jour, je
me suis dit : « Adeline, elle se casse ! » J’ai
quitté Rennes pour atterrir à Saint-Nazaire, comme j’aurais pu
m’installer n’importe où ailleurs.
Et
je peux vous dire que je ne le regrette pas. Surtout depuis le 17
novembre. Croyez-moi ou non mais, depuis l’occupation des
ronds-points, je rigole tous les jours. Alors que mon quotidien est
fait de séances de kiné, les actions, les discussions, l’accueil
humain, tout ça me fait oublier qu’aujourd’hui, dans notre pays,
être handicapé, c’est survivre avec une allocation qui frôle les
800 euros par mois, c’est être confronté quotidiennement à la
question des soins de santé très mal remboursés. Avec l’AH, je
vis sous le seuil de pauvreté mais je suis encore trop riche pour
pouvoir bénéficier de remboursements à la hauteur de mes soins.
Résultat,
alors que j’aurais besoin de séances hebdomadaires, je me prive.
Et c’est la même chose avec mes oreilles. À l’heure
actuelle, je devrais être équipée d’un appareil auditif. Un
investissement à 1 500 euros. Autant vous dire que… je ne me
laisse pas abattre. Parce qu’avec les copains du rond-point de
l’Aire-Bleue, on se soutient, on se comprend mais on ne se juge
pas.
Grâce
aux gilets jaunes, j’ai changé de regard sur moi. Avant, je me
sentais constamment freinée. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout
la même. J’ai appris à me faire confiance et à avoir confiance
dans les autres. Cela m’a donné de la force et, quoi qu’il
arrive, moi, j’ai déjà gagné ! »
Angélique,
47 ans, traiteur, accidentée du travail (Toul – 54)
Angélique © Pierre-Yves Bulteau
« Pourquoi
je suis ici ? Pour l’avenir de mes enfants, parce que j’ai
promis à mes parents, qui ont trimé toute leur vie, de ne rien
lâcher ; pour moi et mes amis. Aussi parce que j’étais déjà
présente à Commercy et que ce qu’on y a vécu était tellement
enrichissant que je n’ai pas hésité, un seul instant, à
descendre jusqu’à Saint-Nazaire.
Il
faut bien comprendre que rien n’arrêtera notre envie d’avancer.
Surtout pas les mesurettes annoncées par Macron. Mes deux filles
sont aides-soignantes, à 1 200 euros par mois. Après le discours du
10 décembre sur la revalorisation de la prime d’activité, l’une
d’elles a touché 83 euros mais s’est vu amputer de 102 euros sur
ses APL. Au bout du compte, les pseudo avancées de Macron, c’est
moins 39 euros net de pouvoir d’achat pour ma fille…
S’il
faut voir le bon côté de ces fausses promesses : aujourd’hui,
mes deux filles et mes deux garçons ont enfilé le gilet ! On
vit la lutte en famille. Avant, on ne se parlait pas plus que ça.
Aujourd’hui, nous n’avons jamais été aussi proches. Ce n’est
pas juste une image pour la galerie. Moi qui étais réservée,
presque “sauvage”, le mouvement m’a ouverte. Je me suis même
découvert une âme de combattante. Jusqu’à devenir porte-parole
de ma délégation.
De
cette structuration personnelle, j’espère que Saint-Nazaire sera
aussi l’occasion d’une véritable structuration du mouvement.
Entre les hauts et les bas, il va nous falloir trouver d’autres
solutions, un équilibre qui évitera au maximum de nous disloquer.
Pour cela, il y a les ateliers de réflexion autour des
“revendications” et des “actions” qui m’intéressent.
Personnellement,
je pense que l’on doit en revenir aux premières revendications sur
le pouvoir d’achat, ne pas s’éparpiller sur ces questions de
démocratie directe. En s’éparpillant, on s’épuise et on laisse
la main au gouvernement. Il nous répond : “Vous ne savez
pas ce que vous voulez.” Le pire, c’est qu’il a raison
de nous dire ça. Je ne voudrais pas que ce flottement détruise tout
ce que nous avons déjà bâti, gagné. »
Pierre,
la vingtaine, étudiant en philosophie (Paris et sa banlieue)
Pierre © Pierre-Yves Bulteau
|
« Venir
ici, ce week-end, c’était venir prendre la température d’un
mouvement qu’on dit “hors norme”, c’était venir mesurer
l’accueil des gilets jaunes, c’était venir vérifier qu’y
seront bien débattues les questions de justice sociale et d’égalité
des citoyens. Je suis ici depuis hier soir et je coche les trois
cases.
Je
suis entré dans ce mouvement par la porte du logement. Je suis gilet
jaune et militant à Droit au logement (DAL). Une évidence quand,
comme moi, on vit en région parisienne et qu’on est confronté à
une crise sans précédent. En France et plus
encore à Paris et sa banlieue, le loyer est la première dépense
des ménages. Et de loin. À l’heure où la trêve hivernale a
été levée, ce n’est pas un hasard si l’acte XX portait
sur cet enjeu.
Depuis
cet après-midi, je participe à l’atelier “actions”, pour
apprendre et partager avec les délégations venues de la France
entière. Leur apporter ce que j’ai pu expérimenter avec le DAL.
C’est clair qu’il y a des choses à inventer lors de cette
deuxième “AG des AG”. Mais il ne faudrait pas oublier qu’il
existe déjà des possibilités de s’opposer à l’inaction des
pouvoirs publics.
En
matière de lutte contre le mal-logement, par exemple, il existe
trois modes d’action : obliger les communes à prendre des
arrêtés municipaux anti-expulsion et anti-coupure d’eau et
d’électricité ; le recours aux piquets anti-expulsion, ces
rassemblements devant les domiciles concernés qui doivent mettre la
pression aux autorités. Sans oublier la réquisition de logements
vides pour les convertir en logements sociaux. C’est d’ailleurs
ce qui s’est passé, ici, depuis décembre. Quel plus beau symbole
que de voir l’ancienne agence Assedic de Saint-Nazaire être
transformée en Maison du peuple. Par ou pour le peuple ! »
Guillaume,
35 ans, chef d’entreprise dans le BTP (Langon – 33)
« Je
n’aime pas le mot “militant”. Ce qui se passe ce week-end
à Saint-Nazaire, et depuis près de cinq mois partout en France,
porte un nom : l’insurrection. C’est un devoir du peuple de
se lever quand le gouvernement viole ses droits. Ce devoir de
résistance face à l’oppression, contre un gouvernement
tyrannique, fait partie de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen. Je vous dis ça mais, en fait, comme tout le monde, ça
m’a carrément pété à la gueule.
Jamais,
je n’aurais imaginé me retrouver là. Je suis marié, père de
famille, patron d’une petite boîte de BTP. J’ai cinq employés
et je n’ai jamais eu d’engagement avant. C’est quand ma fille
de 3 ans a fait sa rentrée dans une classe de 31 élèves que je me
suis dit que ça n’allait pas. Cumulé à tous les autres, ce
dysfonctionnement des services publics a commencé à m’alerter.
Bien
sûr que je suis content de payer des impôts mais, plus ma feuille
s’alourdit moins, en retour, les services sont efficaces. Du coup,
le 18 novembre, je suis sorti pour voir. Je ne m’attendais pas à
vivre ce que j’ai vécu. Pendant la première semaine, près de 5
000 personnes ont bloqué les cinq ronds-points de la ville. Le péage
de Langon a été fermé pendant une semaine. Au lieu de râler, je
suis sorti, je me suis mis à discuter, à écouter et j’ai fini
par comprendre que le système dans lequel nous vivions était à
bout.
Sans
exagérer, ces quatre derniers mois, j’ai rencontré des centaines
de personnes : des apolitiques, des engagés, des gauchos, des
fachos. J’ai surtout rencontré l’intelligence collective. Chacun
a partagé son vécu, ses revendications. Chacun est arrivé au
constat que notre vieille Constitution de 1958 était vraiment
périmée. La verticalité, c’est terminé. À Commercy, à
Saint-Nazaire, partout, nous sommes en train de créer les conditions
d’une nouvelle Constitution. La lutte est une expérience
inimaginable. Ces images vont me rester à vie. L’envie que ça
bouge aussi. »
Thérèse
Bénétreau, 62 ans, retraitée de l’agriculture bio (la
montagne limousine – 19, 23, 87)
Thérèse Bénétreau ©
Pierre-Yves Bulteau
« C’est
la question écologique qui m’a fait rejoindre le mouvement. Et ce,
dès le 17 novembre. Deux raisons à cela. D’une, je trouvais
complètement incongru de justifier la hausse du gazole au prétexte
de la lutte contre la pollution alors qu’on sait bien que seuls
17 % de cette augmentation allaient y être dévolus. Deux, je
connais beaucoup d’agriculteurs qui ne s’en sortent plus.
Notamment en bio.
Jusqu’à
l’âge de 53 ans, j’étais comptable. J’en avais marre d’être
enfermée dans un bureau et cela faisait longtemps que j’avais
envie de devenir paysanne bio. Je me suis donc inscrite en formation
BPREA grâce à mon Fongécif. Après neuf mois d’études et un
stage de 3 mois, j’ai pu m’installer à mon compte à Eymoutiers,
dans un verger de 70 arbres fruitiers. C’est à cette occasion que
j’ai rencontré des woofers qui m’ont raconté leur précarité.
Certains d’entre eux m’ont dit vouloir s’installer. Mais, pour
cela, il faut des aides ou, comme moi, un ancien patron compréhensif
et de l’argent de côté…
C’est
cette même précarité que j’ai retrouvée sur les ronds-points.
Mais aussi, cette même envie de se poser, de réfléchir. Pour être
tout à fait honnête, je ne m’attendais pas à assister à de
telles profondeurs de pensée. J’y ai aussi appris la radicalité.
J’ai compris que s’il y avait un tel degré de répression,
l’usage d’un tel arsenal, c’est que nous représentions un réel
danger pour le pouvoir. C’est cet espoir de changement que je suis
venu travailler, ce week-end, à Saint-Nazaire. La première de nos
revendications devrait être le renversement de tous les Macrons ! »
Benoît
Le Cam, 47 ans, soudeur (Chartres – 28)
Benoît
Le Cam © Pierre-Yves Bulteau
« Je
ne travaille plus depuis deux mois. Non pas que j’ai des problèmes
pour trouver des postes en soudure. Non. En fait, depuis deux mois,
je n’arrivais plus à cumuler mon boulot avec mon investissement
auprès des gilets jaunes de la région Centre-Val-de-Loire. Du coup,
alors que les copains se battent pour un meilleur pouvoir d’achat,
moi, j’ai fait le choix de perdre 1 300 euros ! Aujourd’hui,
il me reste 600 euros par mois, pour vivre. Mais, ça vaut vraiment
le coup.
Si
je n’avais pas fait ce choix, jamais je n’aurais pu assister à
l’atelier sur les “doléances citoyennes” animé par les gilets
jaunes de Carcassonne. Pendant des semaines, ils ont demandé aux
personnes rencontrées quelles étaient leurs revendications.
À l’occasion de cette deuxième assemblée, ils nous en ont
présenté la synthèse. Il en ressort qu’à près de 90 %,
ces revendications citoyennes rejoignent celles portées par les
gilets jaunes en matière de justice sociale et fiscale, en matière
de démocratie directe aussi.
Notre mouvement a commencé comme une histoire d’amour, par un coup de foudre. Nous sommes des milliers de citoyens à nous être retrouvés sur un même constat de ras-le-bol fiscal et démocratique. On n’y a pas échappé. Les mois passant, les tensions et les désaccords se sont fait jour. Un deuxième temps fort comme celui que nous vivons, ce week-end, à Saint-Nazaire est donc nécessaire. Aujourd’hui, nous devons passer de l’état révolutionnaire à celui d’État évolutionnaire. Pas une mince affaire.
Car
notre révolution n’a pas pour objectif le chaos, mais bien la
construction d’un nouveau modèle de société. Or pour lutter et,
surtout, pour gagner, il faut accepter de quitter un fonctionnement
qui nous est familier. Même si celui-ci nous exploite et nous
détruit. Les gens ont peur et je les comprends. Mais c’est par
l’intelligence collective, tous ensemble, ici et maintenant, que
nous pourrons dépasser ces appréhensions pour créer quelque chose
de plus grand, de plus juste et de plus égalitaire. »
Pierre-Yves Bulteau – Médiapart
►https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/060419/premiere-ag-de-la-deuxieme-assemblee-des-assemblees-vendredi-6-avril-video
►https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/060419/deuxieme-ag-samedi-de-lassemblee-des-assemblees-st-nazaire-video
►https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/060419/pour-le-climat-et-le-reste-ne-rien-lacher
►https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/060419/quelle-suite-donner-au-mouvement-la-veille-de-l-acte-xxi-video
A Saint-Nazaire,
les « gilets jaunes » dénoncent « la mascarade »
des élections européennes
À moins de deux mois des élections européennes, les « gilets jaunes » réunis pour trois jours à « l’AG des AG » de Saint-Nazaire ont décidé de s’emparer du scrutin pour dénoncer le fonctionnement antidémocratique de l’UE.
Se revendiquant plus que jamais « apartisans », les « gilets jaunes » réunis pour trois jours à Saint-Nazaire pour l’« AG des AG », ont longuement débattu de la stratégie à adopter vis-à-vis des élections européennes. À moins de deux mois d’un scrutin pour lequel une majorité des gilets jaunes présents exprime son plus grand scepticisme, l’idée que ces élections représentent, malgré tout, une opportunité pour le mouvement fait consensus.
Se revendiquant plus que jamais « apartisans », les « gilets jaunes » réunis pour trois jours à Saint-Nazaire pour l’« AG des AG », ont longuement débattu de la stratégie à adopter vis-à-vis des élections européennes. À moins de deux mois d’un scrutin pour lequel une majorité des gilets jaunes présents exprime son plus grand scepticisme, l’idée que ces élections représentent, malgré tout, une opportunité pour le mouvement fait consensus.
Au cours de plusieurs ateliers consacrés à cette question, la façon de s’en saisir a été longuement débattue. Ce samedi, les axes principaux d’un texte commun – en cours de finalisation – ont été largement approuvés au vote par les quelque 300 délégations venues de toute la France et rassemblés à la « Maison du peuple ».
« Nous, gilets jaunes réunis à Saint-Nazaire, dénonçons le caractère antidémocratique du Parlement européen », affirme ce texte qui fustige un fonctionnement des institutions européennes en contradiction complète avec ce que défend le mouvement depuis le début. À savoir, « la démocratie directe, l’autonomie des groupes et des individus en général », a lu un représentant très applaudi.
« Nous faisons le choix de ne pas donner de consigne de vote », a poursuivi ce représentant qui a affirmé que l’idée même d’une liste se présentant au nom du mouvement des gilets jaunes était à condamner.
Alors que certains gilets jaunes médiatiques, comme Éric Drouet, ont affirmé il y a quelques semaines qu’il fallait ne pas s’éparpiller le 26 mai pour donner « plus de force contre Macron », à Saint-Nazaire, l’idée de boycotter complètement le scrutin était largement partagée.
À la tribune, le principe de « faire de cette période une campagne de sensibilisation » sur le fonctionnement non démocratique de l’Union européenne, mais aussi de mettre en place des actions pour « tourner en dérision cette mascarade » a été chaudement applaudi. Dans les groupes de travail, certains ont évoqué l’idée d’organiser des élections parallèles ou d’aller perturber des bureaux de vote dans les quartiers aisés, « là où ça vote beaucoup aux européennes ».
Soucieux d’élargir le mouvement à l’échelle européenne, les gilets jaunes rassemblés à Saint-Nazaire ont aussi appelé à une mobilisation à Bruxelles. Une commission internationale va travailler à établir « des liens directs » dans les pays européens pour faire connaître le mouvement. Le 17 avril, une manifestation est également prévue devant le Parlement à Strasbourg.
« Il faut faire une contre-campagne pendant tout le temps de leur campagne », a également affirmé une représentante chargée de restituer les réflexions sur la communication à adopter. Un tract « simple, percutant et qui atteigne tout le monde » doit ainsi être élaboré pour dénoncer « l’arnaque » de ces élections. Les élections européennes doivent être l’occasion de faire de la pédagogie sur les dysfonctionnements de l’UE. « Il faut faire attention aux mots qui choquent », a également ajouté cette représentante, en expliquant que beaucoup de gens avaient une vision parfois « idéalisée » de l’Union européenne et pourraient se braquer face à un discours trop brutal. « On a encore beaucoup de travail » sur cette communication, a-t-elle reconnu, jugeant important de préciser : « On est anti-UE mais pas contre les peuples. »
Si la dénonciation des « traités européens libéraux » fait l’unanimité dans cette assemblée, l’idée de quitter l’Union européenne divise en revanche beaucoup plus.
Pas question, surtout, de servir la soupe aux candidats prônant le Frexit. « On a eu des militants d’un certain parti qui ont essayé de mettre le tract à leur sauce », a regretté un délégué. Un petit groupe de militants de l’UPR, le parti de François Asselineau, qui a tenté de noyauter les groupes de travail consacrés aux élections européennes a été sèchement éconduit.
À Saint-Nazaire, dans le hall bondé de la Maison du peuple, on ne plaisante pas avec la démocratie.
Lucie Delaporte – Médiapart
►Les photojournalistes sont victimes, eux aussi, des violences policières par Marie Astier - Reporterre
https://reporterre.net/Les-photojournalistes-sont-victimes-eux-aussi-des-violences-policieres
Dimanche 7 avril
Après trois jours de réflexion, cette AG des AG a voulu inscrire le mouvement des « gilets jaunes » dans la durée. Pour remobiliser des troupes parfois épuisées par près de cinq mois de mobilisation, le principe d’une « semaine jaune » a été adopté.
« Bonjour la France, bonjour les gilets jaunes. » Dans la grande salle de la Maison du peuple de Saint-Nazaire, près de 700 gilets jaunes se pressent pour le début de l’assemblée plénière de la deuxième « AG des AG » du mouvement. Deux mois après le succès de l’AG de Commercy, qui a initié ces rendez-vous nationaux rassemblant les délégations de toute la France, le nombre de délégations présentes a plus que triplé. « On a dû refuser du monde », se félicite Jo, un des organisateurs de Saint-Nazaire.
« La prochaine équipe qui organisera l’AG des AG, vous prenez un lieu pour 5 000 personnes ! », s’enthousiasme-t-il au micro. « L’Élysée ! » crie une participante. « L’Assemblée nationale ! », relance un délégué.
Que le nombre de manifestants sur toute la France soit en net reflux, ce samedi 6 avril, n’entame en rien la motivation des participants. « On est à un moment de structuration, de maturation du mouvement », confie Ludovic Arnaud, un des maîtres d’œuvre de l’AG de Saint-Nazaire. « On croyait qu’on était parti pour un sprint, en fait on est parti pour un marathon et il faut se préparer », reconnaît à la tribune un participant.
« Nous faisons le choix de ne pas donner de consigne de vote », a poursuivi ce représentant qui a affirmé que l’idée même d’une liste se présentant au nom du mouvement des gilets jaunes était à condamner.
Alors que certains gilets jaunes médiatiques, comme Éric Drouet, ont affirmé il y a quelques semaines qu’il fallait ne pas s’éparpiller le 26 mai pour donner « plus de force contre Macron », à Saint-Nazaire, l’idée de boycotter complètement le scrutin était largement partagée.
À la tribune, le principe de « faire de cette période une campagne de sensibilisation » sur le fonctionnement non démocratique de l’Union européenne, mais aussi de mettre en place des actions pour « tourner en dérision cette mascarade » a été chaudement applaudi. Dans les groupes de travail, certains ont évoqué l’idée d’organiser des élections parallèles ou d’aller perturber des bureaux de vote dans les quartiers aisés, « là où ça vote beaucoup aux européennes ».
Soucieux d’élargir le mouvement à l’échelle européenne, les gilets jaunes rassemblés à Saint-Nazaire ont aussi appelé à une mobilisation à Bruxelles. Une commission internationale va travailler à établir « des liens directs » dans les pays européens pour faire connaître le mouvement. Le 17 avril, une manifestation est également prévue devant le Parlement à Strasbourg.
« Il faut faire une contre-campagne pendant tout le temps de leur campagne », a également affirmé une représentante chargée de restituer les réflexions sur la communication à adopter. Un tract « simple, percutant et qui atteigne tout le monde » doit ainsi être élaboré pour dénoncer « l’arnaque » de ces élections. Les élections européennes doivent être l’occasion de faire de la pédagogie sur les dysfonctionnements de l’UE. « Il faut faire attention aux mots qui choquent », a également ajouté cette représentante, en expliquant que beaucoup de gens avaient une vision parfois « idéalisée » de l’Union européenne et pourraient se braquer face à un discours trop brutal. « On a encore beaucoup de travail » sur cette communication, a-t-elle reconnu, jugeant important de préciser : « On est anti-UE mais pas contre les peuples. »
Si la dénonciation des « traités européens libéraux » fait l’unanimité dans cette assemblée, l’idée de quitter l’Union européenne divise en revanche beaucoup plus.
Pas question, surtout, de servir la soupe aux candidats prônant le Frexit. « On a eu des militants d’un certain parti qui ont essayé de mettre le tract à leur sauce », a regretté un délégué. Un petit groupe de militants de l’UPR, le parti de François Asselineau, qui a tenté de noyauter les groupes de travail consacrés aux élections européennes a été sèchement éconduit.
À Saint-Nazaire, dans le hall bondé de la Maison du peuple, on ne plaisante pas avec la démocratie.
Lucie Delaporte – Médiapart
►Les photojournalistes sont victimes, eux aussi, des violences policières par Marie Astier - Reporterre
https://reporterre.net/Les-photojournalistes-sont-victimes-eux-aussi-des-violences-policieres
Dimanche 7 avril
A Saint-Nazaire,
l’idée d’un « printemps jaune » éclôt
Après trois jours de réflexion, cette AG des AG a voulu inscrire le mouvement des « gilets jaunes » dans la durée. Pour remobiliser des troupes parfois épuisées par près de cinq mois de mobilisation, le principe d’une « semaine jaune » a été adopté.
« Bonjour la France, bonjour les gilets jaunes. » Dans la grande salle de la Maison du peuple de Saint-Nazaire, près de 700 gilets jaunes se pressent pour le début de l’assemblée plénière de la deuxième « AG des AG » du mouvement. Deux mois après le succès de l’AG de Commercy, qui a initié ces rendez-vous nationaux rassemblant les délégations de toute la France, le nombre de délégations présentes a plus que triplé. « On a dû refuser du monde », se félicite Jo, un des organisateurs de Saint-Nazaire.
« La prochaine équipe qui organisera l’AG des AG, vous prenez un lieu pour 5 000 personnes ! », s’enthousiasme-t-il au micro. « L’Élysée ! » crie une participante. « L’Assemblée nationale ! », relance un délégué.
Que le nombre de manifestants sur toute la France soit en net reflux, ce samedi 6 avril, n’entame en rien la motivation des participants. « On est à un moment de structuration, de maturation du mouvement », confie Ludovic Arnaud, un des maîtres d’œuvre de l’AG de Saint-Nazaire. « On croyait qu’on était parti pour un sprint, en fait on est parti pour un marathon et il faut se préparer », reconnaît à la tribune un participant.
Un marathon réflexif, fait d’ateliers et de plénières, qui a pu se dérouler ces trois jours, sans accroc, notamment grâce à une organisation sans faille. Si, en amont, le choix du lieu d’accueil de cette deuxième assemblée des assemblées a laissé place à quelques tensions (lire ici notre article), une fois la Maison du peuple choisie, tout s’est déroulé au millimètre près.
Chapiteaux, food trucks militants, tente médias… Jamais, les 700 personnes présentes tout au long de ces trois journées ne se sont marchées sur les pieds. Les trois voitures de police, positionnées aux abords du boulevard de Maupertuis, en ont été réduites à observer ce manège bon enfant, frein à main jamais desserré. Un petit air de festival alternatif, sauf qu’à la place de la musique, ce sont des échanges à foison qui sortaient de la sonorisation.
« L’enjeu principal de ce week-end, c’est de rassembler l’extraordinaire diversité dont tous les délégués sont porteurs, affirme Ludovic Arnaud. Il faudra voir ce qui fait l’unanimité entre nous, ce qu’il faudra exprimer de manière forte et aussi tout ce qui fait débat entre nous et qui devra faire l’objet de nouvelles discussions dans les assemblées locales. »
Chapiteaux, food trucks militants, tente médias… Jamais, les 700 personnes présentes tout au long de ces trois journées ne se sont marchées sur les pieds. Les trois voitures de police, positionnées aux abords du boulevard de Maupertuis, en ont été réduites à observer ce manège bon enfant, frein à main jamais desserré. Un petit air de festival alternatif, sauf qu’à la place de la musique, ce sont des échanges à foison qui sortaient de la sonorisation.
« L’enjeu principal de ce week-end, c’est de rassembler l’extraordinaire diversité dont tous les délégués sont porteurs, affirme Ludovic Arnaud. Il faudra voir ce qui fait l’unanimité entre nous, ce qu’il faudra exprimer de manière forte et aussi tout ce qui fait débat entre nous et qui devra faire l’objet de nouvelles discussions dans les assemblées locales. »
Sur un mur une pancarte proclame : « Personne n’a la solution mais tout le monde en a un morceau. »
Alors que la première AG des AG à Commercy avait beaucoup tourné autour des questions de procédures et de légitimité de la structuration, pour conserver une organisation horizontale et démocratique, les participants de Saint-Nazaire avaient à cœur d’avancer tant sur l’organisation concrète du mouvement et les actions à mettre en place que sur le front des revendications.
Comment inscrire le mouvement dans la durée ? Résister au sentiment d’usure ? La plupart des délégations sont confrontées aux mêmes problèmes : moins de monde présent sur les ronds-points, dans les cabanes. Et, après cinq mois de mobilisation, la fatigue commence à gagner, même chez les plus déterminés. Beaucoup évoquent aussi des tensions internes, des crispations essentiellement dues à l’hétérogénéité des parcours et des cultures politiques.
La violente répression du mouvement a aussi fait fuir des gilets jaunes de la première heure. « Sur mon rond-point, il y en a plein qui ne viennent plus parce qu’ils ont peur », nous confie un participant.
Un symbole de cette volonté d’inscrire le mouvement dans le temps : les délégués ont approuvé l’idée de passer des cabanes éphémères aux Maisons du peuple, en dur, un peu partout sur le territoire. Certains réfléchissent à l’achat de terrain en commun ou aux possibilités de location de locaux.
Autre point crucial pour le mouvement : ne pas se recroqueviller sur lui-même. « Bien sûr on craint un rétrécissement du mouvement sur une base de militants professionnels. On fait donc tout un travail pour se reconnecter avec les “vrais” gilets jaunes. C’est un enjeu très important », précise à Mediapart Ludovic Arnaud qui ne cache pas sa longue expérience militante.
Au cours d’ateliers, généralement fermés à la presse, sont évoquées des pistes pour continuer à communiquer en direction d’un large public. « Le mouvement des gilets jaunes est un mouvement inclusif qui doit s’articuler avec des luttes locales et travailler avec des associations », lance un participant. L’idée d’aller bloquer Carrefour qui mène un vaste plan de licenciements est aussi évoquée tout comme la mise en place d’actions concrètes comme les jardins partagés ou les marchés citoyens pour court-circuiter la grande distribution.
Au moment d’arrêter les revendications, lors de la plénière de dimanche, « l’arrêt de la casse sociale et écologique», la nécessité de « pouvoir vivre dignement avec ou sans travail » ou la justice fiscale avec une TVA à 0 % pour les produits de première nécessité et de 30 % pour les produits de luxe, ne font pas débat. Idem pour par « socialisation des banques » ou la renationalisation des aéroports et des autoroutes. Faut-il appeler à « sortir du capitalisme » ? La question est en revanche âprement débattue.
Alors que la première AG des AG à Commercy avait beaucoup tourné autour des questions de procédures et de légitimité de la structuration, pour conserver une organisation horizontale et démocratique, les participants de Saint-Nazaire avaient à cœur d’avancer tant sur l’organisation concrète du mouvement et les actions à mettre en place que sur le front des revendications.
Comment inscrire le mouvement dans la durée ? Résister au sentiment d’usure ? La plupart des délégations sont confrontées aux mêmes problèmes : moins de monde présent sur les ronds-points, dans les cabanes. Et, après cinq mois de mobilisation, la fatigue commence à gagner, même chez les plus déterminés. Beaucoup évoquent aussi des tensions internes, des crispations essentiellement dues à l’hétérogénéité des parcours et des cultures politiques.
La violente répression du mouvement a aussi fait fuir des gilets jaunes de la première heure. « Sur mon rond-point, il y en a plein qui ne viennent plus parce qu’ils ont peur », nous confie un participant.
Un symbole de cette volonté d’inscrire le mouvement dans le temps : les délégués ont approuvé l’idée de passer des cabanes éphémères aux Maisons du peuple, en dur, un peu partout sur le territoire. Certains réfléchissent à l’achat de terrain en commun ou aux possibilités de location de locaux.
Autre point crucial pour le mouvement : ne pas se recroqueviller sur lui-même. « Bien sûr on craint un rétrécissement du mouvement sur une base de militants professionnels. On fait donc tout un travail pour se reconnecter avec les “vrais” gilets jaunes. C’est un enjeu très important », précise à Mediapart Ludovic Arnaud qui ne cache pas sa longue expérience militante.
Au cours d’ateliers, généralement fermés à la presse, sont évoquées des pistes pour continuer à communiquer en direction d’un large public. « Le mouvement des gilets jaunes est un mouvement inclusif qui doit s’articuler avec des luttes locales et travailler avec des associations », lance un participant. L’idée d’aller bloquer Carrefour qui mène un vaste plan de licenciements est aussi évoquée tout comme la mise en place d’actions concrètes comme les jardins partagés ou les marchés citoyens pour court-circuiter la grande distribution.
Au moment d’arrêter les revendications, lors de la plénière de dimanche, « l’arrêt de la casse sociale et écologique», la nécessité de « pouvoir vivre dignement avec ou sans travail » ou la justice fiscale avec une TVA à 0 % pour les produits de première nécessité et de 30 % pour les produits de luxe, ne font pas débat. Idem pour par « socialisation des banques » ou la renationalisation des aéroports et des autoroutes. Faut-il appeler à « sortir du capitalisme » ? La question est en revanche âprement débattue.
Un participant relève que, sémantiquement, cela n’a pas grand sens : « On sort du capitalisme ou on n'en sort pas, mais on ne demande pas », explique-t-il, en substance, estimant qu’une telle formulation pourrait décrédibiliser le mouvement. Sur un plan stratégique, un autre délégué assure qu’une telle revendication ne correspond pas à la diversité des gilets jaunes. « Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas arrivés à cette conclusion-là. Il n’y a pas que des anticapitalistes dans les gilets jaunes », insiste-t-il.
À nos côtés, un homme opine du chef. « Moi j’ai acheté ma maison et j’ai travaillé durement pour ça. Je ne suis pas anticapitaliste », s’agace cet ouvrier dans la maintenance.
Une formulation est finalement adoptée au forceps consistant à écrire que pour tous les changements espérés « il sera nécessaire de sortir du capitalisme ».
À nos côtés, un homme opine du chef. « Moi j’ai acheté ma maison et j’ai travaillé durement pour ça. Je ne suis pas anticapitaliste », s’agace cet ouvrier dans la maintenance.
Une formulation est finalement adoptée au forceps consistant à écrire que pour tous les changements espérés « il sera nécessaire de sortir du capitalisme ».
« trois semaines pour mobiliser, remobiliser et converger »
« Nous sommes aussi là pour réfléchir à l’après-Commercy et Saint-Nazaire, lance Ludovic Arnaud, cheville ouvrière de ces trois jours. Pour définir le fonctionnement de l’AG des AG. » « Dans ce que nous allons vous proposer, nous avons essayé d’être les plus consensuels possible », rapporte la gilet jaune, porte-parole des 150 délégués qui ont travaillé, tout le samedi, sur cet acte fondateur.
Alors que la discussion démarre à peine, un autre gilet jaune demande le micro. « Je suis mandaté par le 94 pour vous faire la proposition d’inscrire à notre charte constitutive, la création d’un comité de liaison national, constitué d’assemblées régionales, et chargé d’organiser la troisième assemblée. Ce qu’a fait Saint-Nazaire est extraordinaire, mais il nous semble compliqué de confier l’ensemble d’une telle logistique à un seul groupe local. »
Alors que la discussion démarre à peine, un autre gilet jaune demande le micro. « Je suis mandaté par le 94 pour vous faire la proposition d’inscrire à notre charte constitutive, la création d’un comité de liaison national, constitué d’assemblées régionales, et chargé d’organiser la troisième assemblée. Ce qu’a fait Saint-Nazaire est extraordinaire, mais il nous semble compliqué de confier l’ensemble d’une telle logistique à un seul groupe local. »
Reste donc aux délégués à valider les six points fondateurs de la fameuse charte. Dont « l’indépendance de l’AG des AG vis-à-vis des partis » qui lance vraiment le débat. « Sur ce point-là, pourquoi ne parle-t-on pas aussi des syndicats ? Est-ce un oubli ? » interroge un délégué. « Ce point n’a pas fait consensus », répond la mandataire. Un « Inscrire à notre charte, l’indépendance vis-à-vis des syndicats pose la question de la convergence », fuse de la salle. Un « Cela n’a aucun rapport avec des rapprochements locaux possibles », rebondit, en écho. « L’essentiel, c’est d’élargir notre lutte sur les lieux de travail, pas forcément avec les syndicats mais avant tout avec les salariés », ricoche un troisième avis. « Et les chômeurs ! Il ne faut pas oublier les chômeurs dans l’instauration du rapport de force », hurle presque un quatrième.
« On vote, on vote ! » s’impatientent certains qui voient le temps filer. Au bout du compte, l’assemblée décide d’inscrire la mention « d’indépendance vis-à-vis des partis politiques et des organisations syndicales » à cette charte de « l’AG des AG », en cours d'élaboration. Les échanges autour de la création « d’une plateforme numérique nationale, sécurisée et destinée à regrouper l’ensemble des réflexions et propositions locales à destination de l’AG des AG » font davantage consensus. Comme celle de « refuser que cette assemblée ne serve de tremplin médiatique et politique à des leaders autoproclamés ».
Sur la stratégie et l’action aussi, les débats ont été passionnés. Après une introduction en forme de mea culpa à propos d’orientations manquantes dans le document de synthèse, la rapportrice de l’atelier « stratégie » se lance. « Pour durer, il nous a semblé intéressant de réfléchir à des actions à court et long terme. » Et la gilet jaune de dérouler le programme : « Dans un premier temps, nous vous proposons trois semaines pour mobiliser, remobiliser et converger. Trois semaines pour faire masse et établir un réel rapport de force. Au choix de chaque assemblée locale qui connaît son territoire mieux que nous, précise la jeune femme. Cela peut aussi bien se faire grâce à des opérations de tractage, de rencontres citoyennes ou à l’occasion de moments festifs. »
Trois semaines de remobilisation dont l’objectif principal est l’organisation d’« une semaine jaune ». « Il y a un an, Emmanuel Macron invitait des start-uppers franciliens à “penser printemps”, lance une déléguée. Eh bien, nous, pour les deux ans de son accession à l’Élysée, du 1er au 4 mai, nous allons lui offrir un “printemps jaune” ! » Le point de départ d’un calendrier d’actions qui s’étendra jusqu’à l’automne. « Même si nous n’allons pas valider, ici, toutes ces dates, sachez que nous envisageons sérieusement une action d’envergure à l’occasion de la tenue du G7 de l'environnement, les 4 et 5 mai, à Metz. »
Parti prendre l’air, sous les éclaircies de ce dimanche après-midi, Ludovic Arnaud a le sourire des bons jours. « Bien sûr que tenir sur la durée, parier sur l’organisation régulière d’“AG des AG”, reste un défi. Mais, franchement, vous en conviendrez : en quatre mois, quelle maturité ! Pendant ces trois jours, les “on lâche rien” que l’on a l’habitude d’entendre une manif ne sont pas restés à l’état de mots. À Saint-Nazaire, comme ailleurs, ils sont devenus des actes au quotidien. »
Trois semaines de remobilisation dont l’objectif principal est l’organisation d’« une semaine jaune ». « Il y a un an, Emmanuel Macron invitait des start-uppers franciliens à “penser printemps”, lance une déléguée. Eh bien, nous, pour les deux ans de son accession à l’Élysée, du 1er au 4 mai, nous allons lui offrir un “printemps jaune” ! » Le point de départ d’un calendrier d’actions qui s’étendra jusqu’à l’automne. « Même si nous n’allons pas valider, ici, toutes ces dates, sachez que nous envisageons sérieusement une action d’envergure à l’occasion de la tenue du G7 de l'environnement, les 4 et 5 mai, à Metz. »
Parti prendre l’air, sous les éclaircies de ce dimanche après-midi, Ludovic Arnaud a le sourire des bons jours. « Bien sûr que tenir sur la durée, parier sur l’organisation régulière d’“AG des AG”, reste un défi. Mais, franchement, vous en conviendrez : en quatre mois, quelle maturité ! Pendant ces trois jours, les “on lâche rien” que l’on a l’habitude d’entendre une manif ne sont pas restés à l’état de mots. À Saint-Nazaire, comme ailleurs, ils sont devenus des actes au quotidien. »
Pierre-Yves
Bulteau et Lucie Delaporte – Médiapart
Infos du 8 au 14 avril
Lundi
8 avril
Gilets jaunes : l’Appel de Saint-Nazaire
Article paru sur ce blog ici :
►À Saint-Nazaire, l’Assemblée des assemblées veut sortir du capitalisme par Hevé Kempf - Reporterre
avec
un port-folio et le lien vers une très bonne émission de radio :
Haut parleur en fin d’article
Geneviève Legay :
« Je veux que les mensonges cessent »
Geneviève Legay, photo prise avant la manifestation du 23 mars. ©
DR
Article paru sur ce blog ici :
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Affaire Legay :
la policière chargée de l’enquête
est la compagne du policier en cause
Le procureur de la République de Nice a confié l’enquête préliminaire sur l’origine des blessures de Geneviève Legay, la militante d’Attac blessée par une charge de policiers à Nice samedi 23 mars, à la compagne du commissaire chargé des opérations policières. Cette aberration est susceptible d’éclairer différentes incohérences de l’enquête.
À la suite des blessures graves dont a été victime la militante d'Attac Geneviève Legay, le samedi 23 mars, à Nice, lors d'une manifestation de gilets jaunes, une enquête préliminaire avait été ouverte par le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre.
Plusieurs sources proches de l’enquête ont, dès son ouverture, soulevé auprès de Mediapart une aberration remettant en cause de facto son impartialité : la personne chargée des investigations sur l’origine des blessures de la manifestante pacifique n’est autre que la commissaire divisionnaire Hélène P., qui se trouve être la compagne du commissaire Rabah Souchi, chargé des opérations le jour des manifestations.
À la suite des blessures graves dont a été victime la militante d'Attac Geneviève Legay, le samedi 23 mars, à Nice, lors d'une manifestation de gilets jaunes, une enquête préliminaire avait été ouverte par le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre.
Plusieurs sources proches de l’enquête ont, dès son ouverture, soulevé auprès de Mediapart une aberration remettant en cause de facto son impartialité : la personne chargée des investigations sur l’origine des blessures de la manifestante pacifique n’est autre que la commissaire divisionnaire Hélène P., qui se trouve être la compagne du commissaire Rabah Souchi, chargé des opérations le jour des manifestations.
Depuis
leur admission au concours de commissaire, en 2003, Hélène P. et
Rabah Souchi se suivent dans toutes leurs nominations, d’Arras à
Nice en passant par Amiens.
Contacté
par Mediapart, le procureur de la République de Nice a expliqué
« être tout à fait au courant, au moment de l’ouverture
de l’enquête préliminaire, des liens de concubinage qui unissent
le commissaire Rabah Souchi et Hélène P. Cette dernière est le
commissaire en chef de la sûreté départementale. Je ne vois pas en
quoi cela pose problème ? ».
Pourtant,
l’enquête vise directement des opérations menées par son propre
concubin, le commissaire Rabah Souchi.
Contactée
à de nombreuses reprises, Hélène P. n’a pas donné suite à nos
sollicitations. Le commissaire Rabah Souchi a pour sa part répondu :
« C’est ma vie privée. Ça ne regarde que moi »,
qualifiant la chute de Geneviève Legay d’« accident ».
Interrogé
sur ce conflit d'intérêts manifeste au cœur des investigations
policières, le procureur de Nice tente de minimiser les faits.
« Effectivement, les investigations doivent déterminer d’où
viennent ces blessures, éventuellement commises par des hommes sous
le commandement du commissaire. Mais au moment de son ouverture, il
n’y a aucune preuve évidente que ce soit un policier. Il faut
réunir les éléments de preuve matériels. »
« Réunir
des éléments de preuve matériels »… ou les écarter.
Les liens entre l’enquêtrice et le commissaire éclairent en effet
d’un jour nouveau les incohérences et les cafouillages qui ont
très vite émaillé cette enquête – et auxquels Mediapart a pu
avoir accès.
Dès
le samedi 23 mars, dans un procès-verbal, un officier de police
judiciaire signale que Geneviève Legay aurait été bousculée par
« un homme qui portait un bouclier » ;
comprendre : un policier. Il s’avère qu’il avait une
matraque et non un bouclier. Mais l’auteur des blessures est, dès
l’ouverture de l’enquête, identifié comme faisant partie des
forces de police.
Le
procureur de la République a-t-il été destinataire de ces
éléments ? « Lorsque je me suis exprimé, lundi 25
mars, je me suis basé sur les vidéos. Je n’avais pas vérifié
l’ensemble des procès-verbaux à ce stade », confie-t-il
à Mediapart.
Le
lendemain des faits, la septuagénaire a été entendue à plusieurs
reprises par des policiers placés sous l'autorité directe de Hélène
P. Or, comme l’a expliqué Geneviève Legay à
Mediapart :
« J’ai
reçu la visite de deux policières, ensuite de deux policiers et
encore de deux autres policiers. J’étais toute seule, sans que ma
famille ne soit prévenue. Ils m’ont interrogée alors que j’avais
des examens à passer. Je n’avais même pas mes lunettes de vue
[…].
Ils ont surtout insisté pour me faire dire que c’était un
journaliste qui m’avait poussée. Or c’est faux. Je me rappelle
avoir été poussée par un policier et je le leur ai dit. Mais ils
insistaient sur le journaliste. »
Dans
le procès-verbal d’audition que Mediapart a pu consulter,
effectivement, la policière demande à la militante : « Vous
rappelez-vous si un journaliste se trouvait à côté de vous et ce
qu’il faisait ? » Geneviève Legay explique qu’il
filmait et précise : « Je pense que ce sont les
policiers qui m'ont poussée, car ils nous avaient déjà poussés
avant. » La policière ne cherche pas à en savoir plus et
n’insiste pas sur ce point.
Une
plainte déposée par l’avocat de Geneviève Legay, Me Arié
Alimi, vise les « violences volontaires en réunion avec
arme par personnes dépositaires de l’autorité publique et sur
personne vulnérable », mais aussi de possibles faits de
« subornation de témoins ». En effet, des
policiers sont venus à plusieurs reprises dans la chambre d'hôpital
de la blessée pour lui faire dire, selon son témoignage, que
c’était un caméraman qui l’avait bousculée et non les forces
de l’ordre.
Les
auditions de policiers ayant participé à la charge ont débuté le
25 mars. Un nom revient alors systématiquement : le commissaire
Souchi, responsable des opérations à l’origine des blessures de
Geneviève Legay. Comme le signale l’un des policiers
auditionnés, « à un moment, je me retourne et
j’entends monsieur Souchi dire “Chargez, chargez !”. Suite
à ces ordres, nous avons chargé les trois sections en même
temps ».
Un
autre policier affirme : « Nous avons chargé, donc
effectivement nous avons poussé les personnes. » Aucune
précision n’est demandée sur les personnes bousculées. Les
auditions sont menées favorablement à l’égard du commissaire
Souchi. Du moins la curiosité des officiers de police
judiciaire pour comprendre l’origine des blessures de
Geneviève Legay n’apparaît-elle pas comme débordante.
La charge
décidée par le commissaire Souchi pose pourtant problème. Elle n’a
d'ailleurs pas été soutenue par l’ensemble des forces de l’ordre
présentes. Les deux escadrons de gendarmerie mobile n’ont pas
participé à ces opérations. Le commandement de ces escadrons a
donné un avis technique divergent sur la manœuvre, estimant qu’une
charge était disproportionnée compte tenu de la situation et des
manifestants présents.
« Une
simple vague de refoulement aurait permis de les disperser sans les
brutaliser », a d'ailleurs précisé un militaire auprès
de Mediapart, avant d'ajouter : « Le commissaire Souchi
était fébrile et d’une extrême nervosité mais dans toute
opération, nous devons garder notre sang-froid et ne pas agir
sous l’impulsion. Sinon c’est au risque de commettre des
violences injustifiées sur des manifestants. »
Ces
propos sont corroborés par des sources policières, notamment
syndicales, qui font part de multiples dérives du commissaire, mais
jusque-là commises à l’encontre des agents qu’il dirige.
Il
y a une autre incohérence dans l’enquête. Très tôt, la liste
des fractures à la tête de Geneviève Legay révèle deux points
d’impact opposés, l’un en haut de la tête, à gauche, et
l’autre en bas à droite. Outre la chute, la militante a donc reçu
un coup, de pied ou de matraque.
Là
encore, aucune audition ne soulève cette question. « Lorsque
je suis arrivée à l’hôpital, j’ai vu ma mère avec une marque
au front en forme de U, qui n’est partie qu’au bout de deux
jours, précise Delphine Legay, l'une des filles de la
manifestante blessée. J’ai pris des photos. » Les policiers
n'ont pas fait état de ces marques lorsqu'ils ont auditionné
Geneviève Legay au lendemain de son hospitalisation.
Geneviève
Legay affirme avoir reçu un coup de matraque, propos corroborés par
des témoins dont nous
avions publié le récit.
Il s’agit notamment de Thibault Huart, street
medic
(secouriste auprès des personnes blessées lors des
manifestations), qui se trouvait «
à
un ou deux mètres d’elle avant et pendant la charge des policiers.
Elle a bien reçu un coup des forces de police au visage, ce qui l’a
fait tomber. Ensuite j’ai dû m’occuper d’un journaliste et je
ne l’ai retrouvée que lorsqu’elle était à terre. J’ai voulu
l’aider mais des policiers m’ont empêché de le faire ».
Un
autre témoin explique l’avoir vue recevoir des coups de pied une
fois à terre. Mais de qui ? C’est une question aujourd'hui
sans réponse.
L’information
judiciaire ouverte le 29 mars devra l’éclairer, tandis que
l’enquête de police devrait, selon toute vraisemblance, être
confiée à un autre service.
Pascale
Pascariello
- Médiapart
►Punchline du jour
"Si
les personnes qui se livrent, lors d’une manifestation, à des
dégradations sur la voie publique et/ou dans des locaux publics ou
privés, encourent d’ores et déjà des peines d’amende et/ou
d’emprisonnement ainsi que diverses peines complémentaires, il est
concevable de compléter cet arsenal répressif par une suspension de
leurs droits au RSA.
Il
faut priver du revenu de solidarité active (RSA), prévu à
l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles,
des « casseurs » qui en sont bénéficiaires, et ce, en
raison de leur participation (armée ou non) à un attroupement, de
leur participation armée à une manifestation ou réunion publique
autorisée ou de la provocation directe à un attroupement armé. Il
n’est pas tolérable que des citoyens français, bénéficiant de
prestations sociales, puissent dégrader des biens publics ou privés
et s’en prendre aux forces de l’ordre dans l’intention de
porter atteinte à leur intégrité physique. La suppression du RSA
pour les personnes reconnues coupables de tels faits permet de leur
infliger une sanction lourde, aussi bien matérielle que morale,
pouvant les empêcher de recommencer. Cela pourra avoir un effet
dissuasif sur certaines personnes, plus tempérées dans leur
attitude, leur évitant ainsi de prendre part aux débordements."
Mardi
9 avril
►À l’assemblée des gilets jaunes : « Nous inventons une démocratie réelle, mais cela prend du temps et de l’énergie » par Barnabé Binctin - Bastamag
Vendredi
12
avril
►AntiRep
Loi "anticasseurs" : À l’initiative de la Ligue de Droits de l’Homme (LDH), plus de 50 organisations appellent à descendre massivement dans la rue samedi 13 avril, à Paris et partout en France, pour exiger l’abrogation de la loi scélérate du pouvoir macronien visant à supprimer la liberté de manifester. Texte de l’appel et excellente vidéo de la LDH ((2 minutes) à partager largement.
https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-anselme/blog/120419/dans-la-rue-samedi-pour-la-liberte-de-manifester
[...] L’Assemblée a d’abord voté le droit aux préfets d’interdire à un individu de manifester pendant un mois, s’ils trouvent qu’il existe des « raisons sérieuses de penser (…) que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. » L’interdiction a donc un caractère préventif, car elle intervient avant la commission d’une infraction. Braver l’interdiction de la police serait puni de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.
Les individus interdits de manifestation pourront être obligés de pointer aux commissariats de police et inscrits au Fichier des personnes recherchées (FPR). L’individu visé n’a le droit que de faire appel de la décision du préfet devant la justice administrative. Cette dernière devient une sorte de chambre d’enregistrement des arrêtés de la police, foulant aux pieds la séparation des pouvoirs.
Fouilles systématiques à l’entrée des cortèges de manifestants, généralisation des interdictions à manifester, risque d’un an de prison et de 15 000 euros d’amendes pour dissimulation de visage. Fusées d’artifice et matériel considéré comme un port d’arme passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations…[...]
https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-anselme/blog/120419/dans-la-rue-samedi-pour-la-liberte-de-manifester
[...] L’Assemblée a d’abord voté le droit aux préfets d’interdire à un individu de manifester pendant un mois, s’ils trouvent qu’il existe des « raisons sérieuses de penser (…) que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. » L’interdiction a donc un caractère préventif, car elle intervient avant la commission d’une infraction. Braver l’interdiction de la police serait puni de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.
Les individus interdits de manifestation pourront être obligés de pointer aux commissariats de police et inscrits au Fichier des personnes recherchées (FPR). L’individu visé n’a le droit que de faire appel de la décision du préfet devant la justice administrative. Cette dernière devient une sorte de chambre d’enregistrement des arrêtés de la police, foulant aux pieds la séparation des pouvoirs.
Fouilles systématiques à l’entrée des cortèges de manifestants, généralisation des interdictions à manifester, risque d’un an de prison et de 15 000 euros d’amendes pour dissimulation de visage. Fusées d’artifice et matériel considéré comme un port d’arme passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations…[...]
Samedi
20 avril
« Gilets jaunes » :
« On n’entend pas le peuple, et tout à coup,
on sort des millions pour la pierre »
Pour cette nouvelle journée de mobilisation, les « gilets jaunes » sont venus en nombre à Paris. Après un rassemblement pacifique dans le sud-est de la capitale, un face-à-face tendu a eu lieu avec la police place de la République. Rien à voir toutefois avec la violence annoncée par le préfet de police et le ministre de l’intérieur qui n’avaient pas, en amont des manifestations, hésité à dramatiser les enjeux.
Il n’y a pas eu de nouveau « 16 mars » à Paris. Malgré des heurts et des scènes de dégradation dans l’après-midi de ce samedi 20 avril autour de la place de la République, la capitale a surtout vu se rassembler toute la journée des gilets jaunes désireux de faire entendre leur voix, une fois encore, mais sans volonté de destruction. Au plus fort du défilé parisien, la préfecture de police a compté 9 000 manifestants (contre 5 000 la semaine passée), bien que leur mobilité et l'absence de point de ralliement officiel rendent hasardeux tout décompte précis. Les gilets jaunes du « Nombre jaune », qui effectuent leur propre comptage, ont dénombré 101 000 manifestants dans toute la France (quand le ministère de l'intérieur n'en comptait que 28 000).
Le
préfet de police Didier Lallement et le ministre de l’intérieur
Christophe Castaner avaient largement dramatisé les enjeux de
l’« acte XXIII », présenté depuis plusieurs semaines
sur les pages Facebook de référence du mouvement comme un second
« ultimatum »
dans la capitale, après celui du 16 mars, qui avait donné lieu à
des affrontements violents entre manifestants et forces de
sécurité. Le préfet avait
annoncé « un
bloc radical de 1 500 à 2 000 personnes, composé
d’ultra-jaunes et de membres de la mouvance contestataire »,
cherchant « à
faire dégénérer les rassemblements ».
Le ministre de l’intérieur avait déploré que « pour
beaucoup, les casseurs n’[aie]nt pas été touchés par ce qui est
arrivé à Notre-Dame, au contraire »
et avait déclaré « s’attendre
à ce que les ultras cherchent une fois de plus à créer le trouble,
à s’organiser en black blocs pour se livrer à la violence ».
Seule
une partie de cette journée de manifestation leur a
– partiellement – donné raison. En début
d’après-midi, des affrontements tendus ont eu lieu dans les rues à
l’est de la place de la République, avec quelques incendies de
barrières, ainsi que de scooters et de trottinettes en libre
service. En tête du cortège, les manifestants ont progressé
dans la capitale en allumant quelques feux de poubelle, puis ont
affronté les policiers à l'angle du boulevard Jules-Ferry et de la
rue du Faubourg-du-Temple, à quelques centaines de mètres de la
place de la République.
Une
fois levés les cordons policiers empêchant d’y accéder, c’est
la place elle-même qui a été le théâtre d’affrontements
récurrents, parfois explosifs, mais se déroulant au milieu d’autres
manifestants n’y prenant pas part. Alors qu'ils couvraient cette
journée dans le cadre de leur travail, les deux journalistes
indépendants Gaspard Glanz (fondateur de Taranis
News) et Alexis Kraland ont été interpellés, au mépris des
règles de protection s'appliquant aux journalistes.
L’exécutif
ne manquera pas de se féliciter de l’efficacité du déploiement
policier, extrêmement important, et qui a contribué à concentrer
les rassemblements sur une partie de la rive droite, à Bercy puis à
République. À 15 heures, la préfecture de police a annoncé
avoir effectué 14 044 « contrôles préventifs »
et procédé à 137 interpellations, principalement pour « port
de matériel offensif ». Cent dix personnes étaient
placées en garde à vue à la mi-journée, selon le parquet de
Paris.
Les
gilets jaunes qui souhaitaient se rassembler à Paris ont en effet
découvert dès 8 heures du matin une ville très largement bouclée
– des contrôles routiers autour de la capitale étaient même déjà
actifs le soir précédent. Dès le début de la matinée, une
dizaine de stations de métro étaient fermées, et six lignes de
métro étaient coupées en partie. La ligne 1, qui traverse la
capitale d’est en ouest, était coupée sur plus de la moitié de
sa longueur, entre Châtelet et la Défense, empêchant de fait un
accès facile aux Champs-Élysées.
Aux
abords de l’avenue qui a été tant de fois le lieu d’affrontements
lors des samedis de manifestation, le dispositif était cette fois
pensé pour empêcher tout rassemblement d’envergure :
contrôles très réguliers des passants et des voitures, blindés,
centaines de gendarmes et de policiers…
Le
même type de mesures a empêché la plupart des autres
rassemblements prévus. Un parcours avait été officiellement déposé
par un groupe de gilets jaunes regroupés autour de Sophie
Tissier, allant de l’esplanade de la basilique de Saint-Denis
(Seine-Saint-Denis) jusqu’aux abords de la cathédrale Notre-Dame.
Vendredi soir, un autre mot d’ordre avait circulé de page Facebook
en boucle Telegram : trois départs de manifestations
« sauvages » étaient prévus peu après 10 heures,
notamment devant la gare du Nord et sur la place du Châtelet, pour
un rendez-vous commun sur la place de la Madeleine aux environs de
midi.
Aucun
de ces rendez-vous ne sera finalement honoré. À 10 h 20
gare du Nord, quelques centaines de personnes démarrent bien un
petit cortège au son de l’entêtant « Emmanuel Macron, ô
tête de con, on vient te chercher chez toi ! », mais
elles sont très vite stoppées par les forces de l’ordre. Quelques
grenades lacrymogènes sont tirées, les gilets jaunes sont serrés
de près, puis bloqués. Ils seront priés fermement de se disperser.
Vers
10 h 30 à Châtelet, des dizaines de fourgons de police
encadrent la place, et des contrôles sont systématiquement opérés
sur les personnes ne ressemblant pas aux quelques touristes égarés
encore présents. Un photographe de presse, casque accroché au sac,
conseille deux d’entre elles sur la meilleure façon de traverser
Paris, « en taxi, puis en métro, là, ça devrait passer…
enfin s’ils ne sont pas trop idiots ».
La
convergence prévue à Madeleine vers midi ne sera pas plus couronnée
de succès. Sur place, le contrôle policier est peut-être jamais
vu. Peu avant midi, des dizaines de policiers en duo sur des motos
sont stationnés autour de la place, ainsi que des fourgons. Mais
tous finissent par partir, vraisemblablement vers Bercy où se trouve
le gros des troupes.
C’est
à quelques pas du ministère de l’économie que la plupart des
manifestants se rassemblent. L’appel à se retrouver dans ce
quartier un peu excentré de l’est parisien avait été lancé
depuis plusieurs jours par un petit groupe de gilets jaunes
comprenant Priscillia Ludosky, qui conserve une place particulière
dans le mouvement pour avoir été la
première à lancer une pétition contre la hausse des prix du
carburant, en octobre. La préfecture a laissé le rassemblement
avoir lieu, et il a fini par attirer plusieurs milliers de personnes
avant que le cortège ne s’élance, à 12 h 30, sur le
parcours qui avait été annoncé, le long des quais de Seine jusqu’à
Bastille puis vers République, en comptant quelques détours.
Cet
argument revient fréquemment dans la bouche des gilets jaunes
rencontrés. « Nous sommes toutes des cathédrales »,
clament les pancartes d’une poignée de femmes sexagénaires. « La
pierre a plus de valeur que l’homme », enrage une autre.
Certains n’hésitent pas à aller plus loin, ne se faisant pas
prier pour exposer leurs doutes sur la réalité de l’incendie
accidentel. « Ça semble trop beau, ça tombe trop bien pour
Macron qui peut utiliser tout ça pour son compte et nous oublier,
assure ainsi une femme venue de l’est de la France, approuvée par
ses voisins. On n’entend pas les cris du peuple, et tout à
coup, on sort des millions pour de la pierre. »
Mimi
et Mélanie, elles, pensent que « le mouvement ne mourra
jamais ». Retraitée de la Sécurité sociale et vendeuse
dans une chaîne d’ameublement, elles attendent, au fond, une seule
chose pour s’estimer victorieuses : « Que Macron
dégage. » Par ailleurs, elles appellent à « augmenter
le niveau des retraites, et toute la grille des salaires, pas
seulement le Smic ».
Au
fond, souligne Isabelle, venue en train de l’Oise avec Brigitte,
André et une cinquantaine d’autres personnes, toutes rencontrées
sur les ronds-points, « on est toujours là pour la même
chose, depuis cinq mois ». À savoir « la fin des
privilèges de ceux d’en haut, la justice fiscale et sociale et le
pouvoir d’achat ». « Et aussi pour qu’on
arrête de nous prendre pour des cons, marquez-le », lance
Brigitte, figure locale, en invalidité et pour la première fois à
Paris malgré ses soucis physiques : « Je ne pouvais
pas être gilet jaune sans être venue manifester ici, au moins une
fois. »
Gérard
et Chantal sont retraités, lui a travaillé longtemps au ministère
de la défense. Ils arrivent de Laon (Aisne), avec Régis, qui vient
de partir à la retraite après 43 ans dans la banque et Valentin,
son fils qui poursuit des études d’éducateur spécialisé en
Belgique. Ils participent aux mobilisations depuis le départ, sur
les ronds-points, dans les manifestations locales, et à Paris pour
la troisième fois. « Nous sommes dans le mouvement pour le
pouvoir d’achat, indique l'étudiant. Quand les gens
travaillent, il faut qu’ils touchent un revenu du niveau de leur
diplôme et de leurs heures de travail. Même chose pour les
retraites. Et on se bat aussi pour ne pas perdre ces droits dans le
futur. »
Gérard
a calculé : avant même que le gouvernement n’augmente la CSG
qu’il doit payer sur sa pension, il avait perdu en vingt ans « 186
euros par mois » sur sa retraite, soit environ 10 %.
« Vous n’allez pas me dire que c’est normal alors que
tout augmente chaque année !, s’indigne-t-il. La
richesse existe en France, c’est sa répartition qui pose
problème. » Il rêve que la France « redémarre à
zéro, après la démission de Macron et de son gouvernement, et le
passage à la VIe République ».
Sur
place, Jérôme Rodrigues, célèbre depuis qu’il a été touché
à l’œil par un tir de lanceur de balles de défense, fait le
show aux côtés de Mike
Rambo, qui assure une populaire « quotidienne » vidéo
tous les soirs sur Facebook. Sur une petite hauteur surplombant de
nombreux admirateurs, les deux hommes filment pour des directs sur
Facebook, haranguent la foule et l’invitent à reprendre en chœur
les slogans du mouvement.
Cet
argument revient fréquemment dans la bouche des gilets jaunes
rencontrés. « Nous sommes toutes des cathédrales »,
clament les pancartes d’une poignée de femmes sexagénaires. « La
pierre a plus de valeur que l’homme », enrage une autre.
Certains n’hésitent pas à aller plus loin, ne se faisant pas
prier pour exposer leurs doutes sur la réalité de l’incendie
accidentel. « Ça semble trop beau, ça tombe trop bien pour
Macron qui peut utiliser tout ça pour son compte et nous oublier,
assure ainsi une femme venue de l’est de la France, approuvée par
ses voisins. On n’entend pas les cris du peuple, et tout à
coup, on sort des millions pour de la pierre. »
Mimi
et Mélanie, elles, pensent que « le mouvement ne mourra
jamais ». Retraitée de la Sécurité sociale et vendeuse
dans une chaîne d’ameublement, elles attendent, au fond, une seule
chose pour s’estimer victorieuses : « Que Macron
dégage. » Par ailleurs, elles appellent à « augmenter
le niveau des retraites, et toute la grille des salaires, pas
seulement le Smic ».
Au
fond, souligne Isabelle, venue en train de l’Oise avec Brigitte,
André et une cinquantaine d’autres personnes, toutes rencontrées
sur les ronds-points, « on est toujours là pour la même
chose, depuis cinq mois ». À savoir « la fin des
privilèges de ceux d’en haut, la justice fiscale et sociale et le
pouvoir d’achat ». « Et aussi pour qu’on
arrête de nous prendre pour des cons, marquez-le », lance
Brigitte, figure locale, en invalidité et pour la première fois à
Paris malgré ses soucis physiques : « Je ne pouvais
pas être gilet jaune sans être venue manifester ici, au moins une
fois. »
Gérard
et Chantal sont retraités, lui a travaillé longtemps au ministère
de la défense. Ils arrivent de Laon (Aisne), avec Régis, qui vient
de partir à la retraite après 43 ans dans la banque et Valentin,
son fils qui poursuit des études d’éducateur spécialisé en
Belgique. Ils participent aux mobilisations depuis le départ, sur
les ronds-points, dans les manifestations locales, et à Paris pour
la troisième fois. « Nous sommes dans le mouvement pour le
pouvoir d’achat, indique l'étudiant. Quand les gens
travaillent, il faut qu’ils touchent un revenu du niveau de leur
diplôme et de leurs heures de travail. Même chose pour les
retraites. Et on se bat aussi pour ne pas perdre ces droits dans le
futur. »
Gérard
a calculé : avant même que le gouvernement n’augmente la CSG
qu’il doit payer sur sa pension, il avait perdu en vingt ans « 186
euros par mois » sur sa retraite, soit environ 10 %.
« Vous n’allez pas me dire que c’est normal alors que
tout augmente chaque année !, s’indigne-t-il. La
richesse existe en France, c’est sa répartition qui pose
problème. » Il rêve que la France « redémarre à
zéro, après la démission de Macron et de son gouvernement, et le
passage à la VIe République ».
Sur
place, Jérôme Rodrigues, célèbre depuis qu’il a été touché
à l’œil par un tir de lanceur de balles de défense, fait le
show aux côtés de Mike
Rambo, qui assure une populaire « quotidienne » vidéo
tous les soirs sur Facebook. Sur une petite hauteur surplombant de
nombreux admirateurs, les deux hommes filment pour des directs sur
Facebook, haranguent la foule et l’invitent à reprendre en chœur
les slogans du mouvement.
Victoire,
doctorante en socio-anthropologie, distribue de son côté des
exemplaires de « Plein le dos », une collection de photos
tirées du site
internet du même nom, recensant les messages inscrits à
l’arrière des gilets jaunes, « issues d’une galerie de
plus de 4 000 photos triées par acte et par ville »,
envoyées par des photographes et des gilets jaunes depuis toute la
France.
Rassemblées
en une petite revue – imprimée sur papier jaune –, ces
images s’arrachent dans les manifestations. « Nous les
distribuons contre un don de 20 centimes minimum. Dans les deux
précédentes manifestations, nous avons couvert tous les frais de
fabrication, et aujourd’hui nous en sommes déjà à 1 000 euros
de gains, alors nous distribuons largement nos exemplaires »,
explique la jeune femme. L'argent récolté sert à alimenter des
fonds pour les blessés du mouvement social.
Lorsque
la manifestation quitte Bercy, à 12 h 30, l’ambiance est
bon enfant, et elle le restera pendant plus d’une heure. Les
milliers de personnes longent la Seine sur les quais dans la bonne
humeur, s’attirant coups de klaxon bienveillants et pouces levés
des automobilistes les croisant. Lorsqu’ils s’engouffrent dans
les tunnels de circulation, les images sont étonnantes. Un homme
cagoulé s’attaque à quelques panneaux publicitaires à coups de
pied, mais quand il s’acharne sur la vitrine d’un Crédit
agricole, il est hué par la foule.
Le
cortège bifurque et s’engage vers Bastille, toujours aussi
tranquille. Quelques barrières, ainsi que des scooters et des
trottinettes en libre service sont brûlées, mais les grandes dalles
laissées à disposition par le chantier de la place de la Bastille
ne sont pas touchées par les manifestants. « Moi je voulais
me taper de la manif sauvage, j’avais tout prévu, j’avais le bon
matos », regrette à haute voix un jeune homme.
Ses
vœux sont finalement entendus après 13 h 30, quand le
défilé s’engage sur une partie étroite du boulevard
Richard-Lenoir. La tension monte d’un coup, un black bloc se forme
en tête et commence à affronter les forces de sécurité qui
encadrent la manifestation sur cette partie du trajet. Les jets de
bouteille et de lacrymo se succèdent, les incendies de barrière et
de scooter s’enchaînent – « On va au Casino
acheter de l’alcool à brûler ? », suggère un
manifestant tout de noir vêtu, avant d’entrer dans la supérette.
Le défilé annoncé doit passer par la rue Oberkampf et les
policiers tentent de forcer les manifestants à le suivre. Puis ils
semblent changer de stratégie, en les dispersant dans les petites
rues et boulevards alentour. De fait, une partie des gilets jaunes
n’atteindra jamais la place de la République.
Pendant
plus d’une heure, le défilé est bloqué sur le boulevard, empêché
d’atteindre la place, et la tension monte encore. À 15 h 15,
finalement, le cordon policier cède. Une drôle d’ambiance
s’installe sur la place, au rythme des interventions musclées des
forces de sécurité et des lancers de projectiles, mais aussi des
chants et des déambulations de manifestants qui ne prennent pas part
à ces heurts. Des manifestants habillés de noir parviennent à
pénétrer dans l'imposant Go Sport qui borde la place. Les vêtements
et autres accessoires de sport sont envoyés dans la foule sous les
acclamations et les « Révolution ! » qui
fusent.
Jusqu'en
début de soirée, les charges policières alternent avec les charges
de gilets jaunes. De fait, aucun des deux ne semble prendre le
dessus. Au fur et à mesure, les tirs de LBD (lanceurs de balle de
défense) se font plus présents. Mais les manifestants tiennent bon,
scandant des « Tout le monde déteste la police »
ou bien « Suicidez-vous » à l'attention des
forces de l'ordre.
Vers
18 heures, la place était encore pleine de manifestants fatigués,
que la police ne laissait partir qu'au compte-gouttes par deux
entrées de métro encore ouvertes. Dans les sous-sols, des contrôles
étaient encore en cours. Dehors, un gilet jaune avec un mégaphone
donne rendez-vous le 1er mai, une manifestation qui
s'annonce tendue dans la capitale.
Christophe
Gueugneau et Dan
Israel - Médiapart
Infos du 15 au 21 avril
Jeudi
18 avril
Un rapport dénonce un « maintien de l’ordre
disproportionné et
dangereux » à Toulouse
Samedi
13 avril à Toulouse, l’acte XXII des gilets jaunes est encore
marqué par un déploiement massif des forces de l’ordre dans le
centre-ville : nasses, envoi massif de gaz lacrymogène,
interpellations, blessés... Une répression devenue banale ?
C’est ce que montre le rapport, publié ce 17 avril, par
l’Observatoire des pratiques policières de Toulouse, créé par
des membres de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat
des avocats de France et de la fondation Copernic. Leur rapport
fait le point sur les dispositif de maintien de l’ordre mis en
place depuis 2017 dans la ville rose.
Ils
ont observé 50 manifestations, qui ont eu lieu d’avril 2017 au 3
avril 2019, dont plus de la moitié depuis le début du mouvement des
gilets jaunes. Les 25 observateurs ont tourné plus de 50 heures de
vidéos et pris plus de 400 photos. Ils concluent que le dispositif
de maintien de l’ordre mis en place dans la ville est « dangereux
et disproportionné ». Les observateurs eux-mêmes ont été
treize fois pris pour cibles par les forces de l’ordre. Un des
observateurs a été blessé à la tête par un tir de LBD.
Absence quasi systématique de sommations
Sur
les deux années observées, le rapport constate une « montée
en puissance impressionnante des dispositifs policiers »
pendant les manifestations des gilets jaunes. « Avec l’aide
de différents observatoires situés à Nantes, Bordeaux et
Montpellier, nous avons comparé les méthodes des policiers pour
maintenir l’ordre dans les manifestations des gilets jaunes »,
écrivent les auteurs. Dans chacune des villes, une heure est fixée
par les préfectures pour la dispersion, avec canon à eau, en
général entre 16h30 et 17h30. L’absence de sommations est quasi
systématique. Le rapport scrute aussi quelles sont les unités de
forces de l’ordre déployées, leurs armes et matériels : les
grenades de désencerclement, les lacrymos, les blindés, et depuis
peu l’hélicoptère, « qui fait aujourd’hui partie
intégrante de l’ambiance des manifestations ».
Au
sujet des lanceurs de balles de défense (LBD), les observateurs
constatent qu’à Toulouse leur utilisation commence en décembre
2018 contre le mouvement des gilets jaunes. « Les
LBD, qui sont à l’origine de la majorité des blessés graves
enregistrés dans les manifestations, sont principalement utilisés
par des unités de maintien de l’ordre non spécialisées »,
souligne le rapport. 261 personnes ont signalé une blessure
provoquées par un LBD à travers la France depuis le début du
mouvement, selon le décompte
du documentariste David Dufresne.
« La peur s’est invitée dans la tête et le corps
de nombreux sympathisants du mouvement »
Face
au dispositif policier, les observateurs ont aussi constaté la peur
grandissante des manifestants. « "J’ai peur, je n’ose
plus venir aux manifestations", ou bien "Moi je pars vers
16h ou 16h30, j’ai une famille qui m’attend…" La peur
s’est invitée dans la tête et le corps de nombreux et nombreuses
sympathisant.e.s du mouvement. D’autres, cependant, ne viennent
plus ou hésitent à revêtir le gilet jaune pendant les
manifestations. » Une peur qui risque encore de s’accentuer
avec la nouvelle loi de répression des manifestations, dite « loi
anti-casseurs », promulguée le 10 avril.
La
manifestation toulousaine de samedi dernier était la première
depuis la promulgation de cette loi. Selon Médiapart,
plus de 800 gendarmes et policiers y ont été mobilisés, « soit
200 de plus que d’habitude ».
Les lacrymogène ont fusé dès le début du rassemblement, les
grenades de désencerclement ont vite suivi. Face au dispositif des
forces de l’ordre et à leur stratégie de l’éparpillement à
tout prix, aucun cortège n’a finalement pu se former.
Télécharger
le rapport ici.
La
Rédaction de Bastamag
Infos du 22 au 30 avril
Lundi
22 avril
►Didier Super s'adresse enfin aux gilets jaunes :
https://www.facebook.com/didiersuper/videos/451622572041564/
NDA
: plusieurs
reportages de Gaspard Glantz ( diffusés sur You tube ) ont des liens
qui ne fonctionnent pas sur la chronique
Je
vous recommande d'aller sur "Taranis news pour pouvoir les voir"
.
-
journaliste embarqué gare du nord pour une fiche J
-
arrestation de Gaspard Glantz le 20-04-19
-
gilets
jaunes – acte 23 – Paris le 20-04-19
NDA:
"Ami,
entends tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ..."
a
été la réponse de Gaspard Glantz à la Procureure à l'audience
suivant sa garde à vue – j'ai pu voir un enregistrement de sa
conférence de presse via Taranis news à sa sortie du tribunal lundi
22 mais impossible de retrouver le lien !
Le chant des partisans : https://youtu.be/sUZWlf_vuKg
Un
petit air à chanter en coeur dans les manifs aux crs :)
mercredi 20 octobre 2010 par anik :
Allez les gars, combien on vous paye, combien on vous paye pour faire ca ? : http://www.radioairlibre.be/Allez_les_gars.mp3
Mardi
23 avril
►Gaspard Glanz : « Je couvrirai les manifestations malgré les interdictions, parce que je suis journaliste » sur Reporterre
https://reporterre.net/Gaspard-Glanz-Je-couvrirai-les-manifestations-malgre-les-interdictions-parce
En soutien à notre confrère Gaspard Glanz
Une
vingtaine de rédactions apportent leur soutien à Gaspard Glanz. Le
journaliste indépendant, après 48 heures de garde à vue, est
interdit de paraître à Paris les samedis et le 1er Mai, donc d'y
couvrir les manifestations, jusqu'à sa comparution pour « outrage
sur personne dépositaire de l’autorité publique » le 18 octobre,
ce qui revient à lui interdire de faire son travail de journaliste.
Samedi
dernier, alors qu’il couvrait la manifestation des « gilets jaunes
», notre confrère Gaspard Glanz a été interpellé sans ménagement
et placé en garde à vue pendant 48 heures. D’après les
témoignages recueillis et publiés depuis, il a eu un mouvement
d’humeur à destination de policiers, ces derniers refusant de
l'entendre alors qu’il voulait se plaindre d’avoir été visé
par un tir de grenade. Il lui est désormais interdit de paraître à
Paris les samedis et le 1er
Mai, donc d'y couvrir les manifestations, jusqu'à sa comparution
pour «
outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique »
le 18 octobre, ce qui revient à lui interdire de faire son travail
de journaliste.
Les sociétés de journalistes et de rédacteurs signataires, qui apportent leur plein soutien à Gaspard Glanz, empêché de couvrir les prochaines manifestations parisiennes, c’est-à-dire de travailler et d’informer, dénoncent une fois encore les conditions de travail extrêmement difficiles qui sont les leurs dans le cadre des manifestations de « gilets jaunes ».
Une
situation particulièrement difficile pour les journalistes
indépendants et les photographes, souvent en première ligne. Les
journalistes, qui ne font que leur
métier, ne peuvent pas tolérer de se voir régulièrement pris pour
cibles par les forces de l’ordre : depuis le début du mouvement,
79 journalistes ont été victimes de violences policières selon le
décompte du journaliste David
Dufresne, et la nouvelle
loi «
anticasseurs »
renforce encore l'arbitraire et met un peu plus en danger la liberté
de la presse.
Les SDJ et SDR déplorent également le silence assourdissant du ministre de la Culture et de la Communication, pourtant censé soutenir la liberté et l'indépendance de la presse.
Les SDJ et SDR déplorent également le silence assourdissant du ministre de la Culture et de la Communication, pourtant censé soutenir la liberté et l'indépendance de la presse.
Signataires
: les sociétés des journalistes, sociétés des rédacteurs et
sociétés des personnels de BFMTV, Les Echos, L’Express,
Le Figaro, France 2, France 24, France 3 National,
Franceinfo.fr, France Inter, L'Humanité, Le JDD,
Libération, Le Média, Mediapart, Le Monde,
L’Obs, Télérama, Paris Match, Le
Parisien-Aujourd’hui en France, Sud-Ouest, Premières
Lignes, RFI, RMC, TV5 Monde.
Mercredi
24 avril
►Le combat des proches de Zineb Redouane pour que justice soit faite sur Reporterre
https://reporterre.net/Le-combat-des-proches-de-Zineb-Redouane-pour-que-justice-soit-faite
►Une vingtaine de sociétés de rédacteurs et journalistes apportent leur soutien à Gaspard Glanz
https://reporterre.net/Une-vingtaine-de-societes-de-redacteurs-et-journalistes-apportent-leur-soutien
https://reporterre.net/Le-combat-des-proches-de-Zineb-Redouane-pour-que-justice-soit-faite
►Une vingtaine de sociétés de rédacteurs et journalistes apportent leur soutien à Gaspard Glanz
https://reporterre.net/Une-vingtaine-de-societes-de-redacteurs-et-journalistes-apportent-leur-soutien
Jeudi
25 avril
►Le tribunal jugera lundi 29 avril la levée du contrôle judiciaire de Gaspard Glanz sur Reporterre
https://reporterre.net/Le-tribunal-jugera-lundi-29-avril-la-levee-du-controle-judiciaire-de-Gaspard
avec une interview dans le Média : Gaspard Glantz : la contre attaque
https://www.youtube.com/watch?v=s2cwNnlwPdU
https://www.youtube.com/watch?v=s2cwNnlwPdU
Samedi
27 avril
Gaspard Glanz :
« Quand le ministre soutient les policiers
quoi qu’ils fassent,
ils ne respectent pas la loi »
A lire sur ce blog ici :
Le journaliste Gaspard Glanz : « Quoi qu’il arrive, je travaillerai le 1er Mai »
Dans un entretien à Mediapart, le journaliste indépendant Gaspard Glanz revient sur l’interdiction qui lui est faite de manifester les samedis et le 1er Mai à Paris. Ses avocats demandent la levée de ce contrôle judiciaire.
Samedi 20 avril, alors qu’il couvre l’acte XXIII des « gilets jaunes », le journaliste indépendant Gaspard Glanz, 32 ans, reçoit des éclats d’une grenade sur la jambe. Il demande aux forces de l’ordre à s’entretenir avec le commissaire pour comprendre pourquoi il a été visé par ce tir. Il est alors violemment repoussé par un policier auquel il répond par un doigt d’honneur. S’ensuit une interpellation musclée.
Gaspard
Glanz - Vendredi 26 avril - Paris. © DR
Interpellé
et placé 48 heures en garde à vue, le fondateur de
l’agence Taranis News est présenté, le 22 avril, devant un
procureur pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité
publique », infraction passible d’un an d’emprisonnement et
de 15 000 euros d’amende. Dans l’attente de son procès,
fixé au 18 octobre, il lui est interdit de se rendre à Paris, tous
les samedis et le 1er Mai.
Ses
avocats ont demandé une mainlevée de ce contrôle judiciaire qui
sera examinée lors d'une audience publique lundi 29 avril au
Tribunal de grande instance de Paris.
« C’est
un compte à rebours, j’ai neuf heures encore devant moi, après je
dois quitter Paris, avertit Gaspard Glanz, en préambule de
l'entretien qu'il a accordé à Mediapart. Je déteste la
médiatisation, mais je me dois de défendre tous les journalistes
qui, comme moi, sont précaires sans carte de presse alors que les
manifestations deviennent de plus en plus violentes, que nous
devenons la cible des policiers et que sans carte de presse nous
sommes plus vulnérables alors que nous alimentons tous les médias. »
Gaspard
Glanz : Quelle est l’origine de ce doigt d’honneur, dont les
suites policières et judiciaires ont été disproportionnées ?
J’ai reçu des éclats de grenade sur ma jambe alors que j’exerçais
mon métier de journaliste. Ce n’est pas anodin. J’ai juste voulu
savoir pourquoi j’en étais la cible. Lorsque je me suis présenté
auprès du policier pour lui demander où était le commissaire, il
m’a brusquement poussé. Cela fait beaucoup. En réaction, comme
n’importe qui aurait pu le faire sous le choc, j’ai fait ce doigt
d’honneur.
J’étais
légitime pour m'adresser à ce commissaire qui, d’ailleurs,
m'avait parlé juste avant et m’appelait par mon prénom. Quand je
suis au sol, le commissaire vient me parler et je lui dis :
« Vous êtes fou, relâchez-moi, c’est un doigt d’honneur,
tout le monde filme. » Je le préviens qu’il est en train
de faire une grave erreur.
Par
la suite, j’ai fait 48 heures de garde à vue avec deux autres
personnes, des gilets jaunes. L’une des équipes de policiers
détestait les gilets jaunes. Je n’ai quasiment pas pu boire d’eau.
C'est inacceptable.
On
m’a privé de prendre des médicaments contre la douleur que je
dois prendre parce que j’ai un problème au dos. Le dimanche, mon
état était si mauvais qu’ils ont dû appeler les pompiers. À
leur arrivée, ils ont voulu me conduire à l’hôpital, l’officier
de police judiciaire a refusé. Il a fallu que l’un des pompiers
s’énerve, alors que j’avais 7 de tension et 0,5 de glycémie.
Les
suites judiciaires sont tout aussi disproportionnées. Je dois être
jugé en octobre pour un délit passible d’un an d’emprisonnement
et de 15 000 euros d’amende. C’est du délire pour un doigt
d’honneur. On a franchi une nouvelle étape dans les violences
policières, comme on l’a observé
pendant les manifestations des gilets jaunes. Mais on a aussi franchi
un nouveau palier dans la répression contre la presse, et évidemment
à l’égard des journalistes qui dérangent, ceux qui montrent les
dérives de ce gouvernement.
Serait-il
possible d’avoir un ministre de l’intérieur qui connaisse la
loi ? Pourrait-il s’informer avant de parler ? C’est le
minimum qu’on lui demande. Mais il ne le fait pas. Dire que je ne
suis pas journaliste parce que je n’ai pas de carte de journaliste
est faux. Ce n’est pas la carte de presse qui fait de nous un
journaliste. On peut l’être sans. Il faut bien qu’il l’apprenne.
Les
images que Christophe Castaner regarde à longueur de temps sur LCI,
TF1, Canal plus ou d’autres chaînes, peuvent être les miennes,
celles de mes confrères qui, comme moi, n’ont pas de carte de
presse. Et il ne les remet pas en cause pour autant. Qu’il se
renseigne avant de parler.
Je devrais presque le remercier. Je dis ça comme une plaisanterie. Mais ma vie a changé parce que cette garde à vue a provoqué une vague de soutien et de solidarité des journalistes. Ce soutien m’a fait verser une larme, je me suis dit qu’enfin les médias légitiment le travail de journalistes comme moi, indépendants et précaires auxquels ils achètent les images. Il y a aussi les dons qui ont été faits sur la cagnotte lancée depuis pour soutenir Taranis News. C’est pour moi incroyable d’avoir autant de soutien. Ça me touche beaucoup.
Et
à partir de ce moment-là, j’ai compris que c’était une
« opportunité » pour tous les autres photographes et
journalistes qui, comme moi, galèrent depuis des années. Le seul
moyen de les soutenir, c’est d’utiliser la notoriété que j’ai
en ce moment pour pouvoir mettre le doigt sur l’abcès de cette
carte de presse pour les journalistes indépendants, encore plus dans
ce contexte de durcissement des violences policières et d’entraves
à la liberté de la presse.
« Les journalistes sont devenus des cibles »
Pour
1 000 euros par mois, on s’en prend plein la gueule. Et il
faut nous protéger, nous, les petits, qui faisons le travail dans
les lacrymos et au milieu des tirs de LBD et de grenades.
Nous
sommes entre 50 et 100, photographes, majoritairement, et JRI
[journalistes reporters d’images], à préparer en ce moment
des dossiers de demande de carte de presse, que nous déposerons en
même temps.
Et
concernant le tweet où vous insultez Christophe Castaner, après ses
propos sur les ONG qu’il accuse de faire le jeu des passeurs sur
les migrants ?
C’est
affligeant. Il y a plus de trois mois, lorsque j’ai dit que c’était
une « merde » de dire cela, il n’en a pas pris
ombrage. Et aujourd’hui, il ressort ce commentaire. Je suis
journaliste mais aussi citoyen.
Ce
commentaire, je l’ai fait sur mon compte personnel et pas au nom de
Taranis News, ma boîte de production. Je trouve inadmissible
d’entendre ces propos alors que des migrants se noient, leurs
nourrissons dans les bras, sous nos yeux et que les ONG leur viennent
en aide. Avec un dixième de ce qu’a coûté le « grand
débat », on pourrait les aider.
Gaspard Glanz. © Nicolas Mercier
Lundi
29 avril, le Tribunal de grande instance de Paris va décider de la
levée ou pas de votre contrôle judiciaire. Si, à l’issue de
l’audience, vous restez interdit de manifestations, comment
envisagez-vous le 1er Mai ?
Je
tiens d’abord à préciser que l’appel national pour la
manifestation des gilets jaunes, ce samedi 27 avril, a lieu à
Strasbourg. Je suis interdit de me rendre à Paris, mais résidant à
Strasbourg, je vais donc pouvoir couvrir la manifestation. Quelle
ironie !
Ensuite,
cela fait plus d’un mois que je prépare la manifestation du
1er Mai à Paris. Et ce que j’ai observé lors des
dernières manifestations, en particulier celle du samedi 20 avril,
c’est que la préfecture de police de Paris se prépare au 1er
Mai en mettant en place des méthodes bien plus violentes
qu’auparavant.
Lors
de la manifestation du 20 avril, les forces de l’ordre se sont
exercées en prévision du 1er Mai : les charges
ont été plus fortes, par exemple. Ils ont déployé de façon plus
significative les DAR [détachements d’action rapide] et les
voltigeurs qui vont davantage au contact des manifestants et des
journalistes, tandis que les CRS et les gendarmes sont restés, en
arrière, en sécurisation des lieux.
Un
policier des DAR a même balancé un caillou vers les manifestants,
samedi 20 avril. Qui commet les infractions ? La question se
pose. Et cela reste impuni. Ce que l’on vit aujourd’hui, c'est du
délire.
Ce
qui est sûr, c’est que je travaillerai le 1er Mai. Ils
n’auront pas ma mort professionnelle.
Je
suis prêt à passer six mois en prison pour montrer que l’on n’est
plus dans un État de droit. Puisque c’est ce que je risque si je
ne respecte pas ce contrôle judiciaire. Mais je veux encore croire
qu’il y a une justice. Tout ce que je souhaite, c’est faire
mon travail de journaliste indépendant. Ce gouvernement ne peut pas
faire preuve d’autoritarisme au point de museler la presse. Il faut
que ça cesse.
Ce
1er Mai est aussi le signal de rassemblement d’une
certaine jeunesse, qui vient de toute l’Europe, et les services de
renseignement le savent. Cette jeunesse européenne et en particulier
allemande, black bloc ou pas d’ailleurs, va venir faire
entendre son impossibilité de vivre aujourd’hui dignement en
travaillant. Une nouvelle étape de violence des deux côtés risque
d’être franchie : de nouvelles méthodes d’actions du côté
policier et du côté des manifestants. Le gouvernement semble
terrifié par le 1er Mai et l’attitude qu’il
adopte à l’égard des journalistes en est la preuve. L’État
semble aux abois.
L’interdiction
qui m’a été faite par l’Élysée d’assister à la conférence
de presse est complètement injustifiée puisque d’autres
journalistes ont vu leur demande acceptée alors qu’ils l’avaient
soumise au même moment que moi. Mais ce n’est qu’une preuve de
plus du déni de démocratie de ce gouvernement.
Cette
conférence de presse était une mascarade. Il n’y a quasiment pas
eu de question pertinente posée par les journalistes. Soit ils se
sont autocensurés, soit ils ont été sélectionnés pour avoir le
micro, soit les deux à la fois. Il y a eu deux, trois exceptions. Je
retiendrai celle de Paul Larrouturou, de l'émission « Quotidien »
(TMC) qui a posé une question sur Alexandre Benalla mais à laquelle
Macron, gêné, n’a pas vraiment répondu.
Alexandre
Benalla, alors même qu’il a commis des violences sur des
manifestants, fait l'objet d'un contrôle judiciaire bien plus léger
que le mien ou que celui de gilets jaunes. Il voyage quand et où il
veut. Il échappe à l’institution judiciaire. Comment
l’expliquez-vous ?
Pour
ma part, si j’avais pu assister à cette conférence de presse,
j’aurais bien eu envie tout d’abord de laisser un long silence
avant de poser ma question au président. Dix secondes de silence
afin de créer un malaise, un malaise à l’image de cette
présidence. Ensuite, je lui aurais certainement demandé comment il
peut justifier une telle entrave au droit de la presse, à la liberté
d’informer ? Est-ce cela une démocratie ?
Un
média indépendant gêne. À Mediapart, vous le savez. Je suis
un journaliste, d’une autre génération certes, peut-être avec
d’autres méthodes, mais je respecte les règles. On m’a qualifié
de militant pour me discréditer. Je suis certainement engagé. Quel
journaliste ne l’est pas ? D’ailleurs, ce qui m’a fait
rire, c’est qu'à la suite de mon interpellation, j’ai aussi reçu
le soutien de Jean-Michel Aphatie : un journaliste engagé d’un
autre bord, en somme.
Après,
oui, j’ai depuis plusieurs années dû faire face à des gardes à
vue. Je suis fiché S sans vraiment savoir quand cela a été décidé.
Est-ce qu’une carte de presse m’aurait mieux protégé ?
C’est probable. Mais filmer au plus près les violences policières
a toujours été gênant. Et aujourd’hui, ça l’est encore plus.
Pascale
Pascariello - Médiapart
Sur fond d’impunité,
les unités «anticasseurs» de Castaner
font de nombreux blessés à Paris
Dans un bilan rendu public vendredi, la coordination des « Street medics » présents à Paris le 20 avril indique avoir pris en charge 152 blessés. Plusieurs blessés graves ont chargé des avocats de déposer plainte.
« Quand
je dis on ira au contact, c’est aller physiquement à la
dispersion »,
avait explicité le secrétaire d’État Laurent Nuñez, le 20 mars,
en détaillant la feuille de route du nouveau préfet de police de
Paris Didier Lallement et celle des unités « anticasseurs »
créées par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner.
Samedi 20 avril, les « gilets jaunes » ont été
confrontés à Paris aux nouvelles méthodes du duo ministériel :
les forces de l’ordre ont à plusieurs reprises chargé sur les
cortèges ou les attroupements.
Dans
un bilan rendu public vendredi, la coordination des « Street
medics », regroupant 12 collectifs présents à Paris le 20
avril, indique avoir pris en charge 152 blessés dans la capitale,
dont 9 journalistes et 10 secouristes. Parmi ces blessés – et la
coordination a prévenu qu’il s’agissait encore d’un bilan
provisoire –, on dénombre 30 personnes touchées par des coups de
matraques télescopiques ou de tonfa, la matraque à poignée en
cours chez les CRS.
« Les
techniques répressives » ont été « plus
offensives que d’ordinaire », relève un collectif de
« medics » de Touraine qui souligne le « retour
des voltigeurs », l’unité de policiers en moto dissoute
dans les années 1980, reconstituée en Brigade de répression de
l'action violente motorisée (BRAV-M). Parmi les blessés du 20 avril
à Paris, les secouristes ont aussi dénombré 33 personnes touchées
par des tirs de LBD, et 23 atteintes par des grenades explosives –
de désencerclement ou des GLI F4.
« Le scandale que l’on commence à appréhender, c’est que l’institution judiciaire bloque les plaintes contre les forces de l’ordre et l’ouverture d’information judiciaire », explique à Mediapart Me Arié Alimi, avocat de deux personnes blessées samedi à Paris. Le ministre de l’intérieur a indiqué, vendredi, que 220 enquêtes avaient été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
« Une source judiciaire vient d’annoncer – dans Le Figaro vendredi – que 25 procédures avaient été clôturées par l’IGPN et retournées au parquet, qui n’a pas pris d’orientation, poursuit Me Alimi. La seule information judiciaire ouverte à Paris concerne l’affaire du tir dont a été victime Jérôme Rodrigues le 26 janvier. »
Selon
l’avocat, le blocage des procédures est délibéré, et offre
ainsi une garantie d’impunité aux forces de l’ordre. « La
difficulté, c’est le timing, admet dans Le Figaro
l’un des avocats spécialisés dans la défense des policiers, Me
Laurent-Franck Lienard. Si vous renvoyez un policier devant un
tribunal, vous n’aurez plus personne les samedis pour encadrer les
manifestations. »
Le
20 avril, une manifestante de 39 ans, Mélanie, a ainsi été frappée
à la tête par un CRS arrivé en courant derrière elle, à l’angle
du quai de Jemmapes et de la rue du Faubourg-du-Temple. Des images de
cette charge et du coup porté ont été diffusées dès dimanche par
le compte Twitter d’Allô place Beauvau, du journaliste David
Dufresne. La jeune femme s’évanouit sous le choc. L’unité de
CRS poursuit sa charge, en évitant plus ou moins son corps.
À
la suite du coup porté, cette manifestante souffre d'une entorse au
niveau des cervicales, mais des examens approfondis sont programmés.
Travailleuse sociale, membre d’un collectif de gilets jaunes
d’Amiens, elle a déposé une plainte contre X pour violences
commises par un dépositaire de l’autorité publique. Le procureur
d’Amiens a transmis le dossier au parquet de Paris.
« J’espère
que la réponse pénale sera rapide concernant ce fonctionnaire,
commente Me Zineb Abdellatif, l’avocate de
Mélanie. On le voit charger et porter ce coup, gratuit, qui
aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques. Dans ce
cas précis, je ne vois pas comment on pourrait nier la violence
policière qui s’est exercée, sans raison, alors qu’elle
marchait d’un pas tranquille. Par ailleurs, personne ne s’est
retourné ou arrêté pour s’occuper d’elle. »
Mélanie
a été conduite à l’hôpital Lariboisière, mais elle est rentrée
à Amiens le soir même. « Il y avait beaucoup de blessés à
l’hôpital et elle a laissé sa place, croyant qu’elle allait
mieux, poursuit son avocate. C’est en rentrant chez elle
qu’elle a pris connaissance des images, et qu’elle a compris
qu’elle avait été frappée délibérément par ce policier. Et ça
a été un choc psychologique pour elle, parce qu’elle n’avait
pas compris ce qui s’était passé. » Elle croyait avoir
reçu un projectile.
Parmi
les victimes des tirs de LBD, Xavier, 25 ans, a été touché à
l’œil alors qu’il filmait la manifestation place de la
République, juché sur une Gyroroue. « J’ai
fait le tour de la statue et je me suis arrêté à l’endroit où
se trouvaient des journalistes et des Streets medics, raconte-t-il
à Mediapart. J’étais
en train de filmer quand je me suis pris un LBD en pleine tête.
L’espace d’un dixième de seconde, j’ai vu la balle arriver en
tournant, et je l’ai prise en pleine face. J’ai encore des
flashs, comme si le truc m’arrivait encore en pleine tête. J’ai
perdu ma caméra, et une grenade a explosé à mes pieds alors que je
venais de tomber. J’ai été touché à la jambe
par
un éclat de cette grenade. »
« Ma
vie a basculé en une journée », juge Xavier. « A
priori, l’œil est mort, poursuit-il. Mais on doit m’opérer.
J’ai toute la partie gauche du visage touchée, une double fracture
de la pommette… Je suis franchement traumatisé. Hier, je
m’effondrais encore en larmes quand j’en parlais. »
Employé
dans un hôpital de la région parisienne, Xavier a filmé de
nombreux actes, et posté ses vidéos sur YouTube. On lui a rendu sa
caméra, mais il a perdu ses images du 20 avril. « Les
policiers, ils tiraient, ils tiraient, ils tiraient, poursuit-il.
Je ne sais pas ce qui leur arrivait. Moi, je restais toujours en
retrait. Mais sur mon Gyroroue, je fais plus de deux mètres. Je suis
sûr que le policier a visé la tête et a tiré sur moi. Ce n’est
pas une erreur. »
Sophie,
une secouriste membre d’un groupe de « Street medics »
de Touraine, était à proximité de Xavier lorsqu’il a été
blessé. « Il s’est pris un LBD dans la figure,
raconte-t-elle, et peu après, une grenade GLI F4 a explosé près
de lui. Un autre secouriste a été blessé par un éclat au niveau
du pied et à l’entrejambe. » Un groupe de « Street
medics » prend en charge Xavier, tandis qu’un autre exfiltre
le secouriste blessé. « Xavier saignait beaucoup,
poursuit Sophie. On lui a fait les premiers soins, et on lui a
bandé les deux yeux, puis les pompiers sont arrivés dix minutes
plus tard. »
Selon
Xavier, le service des urgences de Lariboisière est alors débordé.
« C’était Bagdad, là-bas. Il y avait énormément de
blessés, des mains cassées, des jambes touchées par les flashball.
L’équipe des urgences m’a demandé si quelqu’un pouvait
veiller sur moi cette nuit, et je suis rentré chez moi. Le
lendemain, c’est l’hôpital Cochin qui m’a pris en charge, mais
je n’ai pas été hospitalisé. »
Place
de la République, un secouriste a également été touché au niveau
de la mâchoire par une balle de LBD. Plusieurs collectifs de
« medics » se sont plaints de la saisie de leur matériel
par la police, en amont du rassemblement. Ceux venus de Touraine se
sont fait saisir leurs « masques, casques, lunettes, mais
aussi leur stock de sérum physiologique et de Maloox, sous prétexte
de l’arrêté préfectoral en vigueur ». Ils ont
reconstitué leur stock avant de rejoindre le cortège, en évitant
de nouveaux contrôles.
Selon
le récit des secouristes, la prise en charge des blessés est plus
que délicate « à cause des jets dirigés de grenades
lacrymogènes et des tirs de LBD ». Et ils ont plusieurs
fois été touchés lors des interventions. « Deux membres
de notre équipe sont touchés également : un à la main droite
par un tir de LBD, un deuxième a reçu un palet de lacrymogène qui
est entré en combustion sur ses mains, rapporte le compte rendu
de l’un des collectifs de Touraine. Malgré le cordon de
sécurité, nous subissons deux charges, avec matraquages et coups de
boucliers qui nous amèneront quelques victimes supplémentaires. »
Karl
Laske - Médiapart
Les annonces de Macron
n’apaisent pas les « gilets jaunes »
Après
les annonces de Macron, les gilets jaunes se sont mobilisés samedi
27 avril pour un 24e acte, en léger repli par rapport à
la semaine dernière. À Paris, la CGT et La France insoumise
ont défilé à leur côté dans une ambiance bon enfant. Tous ont en
tête la mobilisation très attendue du 1er Mai.
La
perspective d’un 1er Mai
très politique, mercredi prochain, en a, semble-t-il, dissuadé
certains. Mais les « gilets jaunes » sont restés
mobilisés samedi dans plusieurs villes de France, dont Paris et
Strasbourg, pour leur 24e
acte, toujours aussi remontés par la politique du gouvernement.
À Strasbourg, point névralgique de la mobilisation (après Toulouse choisi pour l’acte XXIII, la semaine dernière), ils étaient ainsi 2 000 (selon la préfecture) à défiler vers le parlement européen, tandis que 2 600 autres (selon le ministère de l’intérieur) battaient le pavé dans la capitale où la manifestation avait été interdite sur les Champs-Élysées. Des cortèges étaient aussi présents à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier… En Saône-et-Loire, des gilets jaunes ont déployé un gilet jaune géant ainsi qu’un drapeau tricolore en haut de la Roche de Solutré.
Un
manifestant samedi 27 avril 2019 à Paris © Reuters / Vincent
Kessler.
Si
l’on s’en tient aux chiffres officiels, ils étaient 23 600
à défiler dans toute la France ce samedi, contre 27 900 la
semaine dernière. L’intervention présidentielle de jeudi n’a
pas seulement énervé, davantage qu’apaisé, certains des gilets
jaunes mobilisés (lire par exemple ces
témoignages
dans La
Voix du Nord).
Elle a aussi, sans doute, contribué à resserrer quelque peu les
liens entre les gilets jaunes et une partie de la gauche et des
syndicats.
Philippe
Martinez, le leader de la CGT, n’avait certes pas appelé à la
manifestation. Mais plusieurs grosses fédérations et unions locales
de la CGT ont lancé, main dans la main avec le NPA, le PCF et
La France insoumise, un
appel à la « Riposte générale ».
Priscillia Ludosky, figure bien connue des gilets jaunes, était
aussi signataire du texte.
Tous
s’étaient donné rendez-vous, à 13 heures, à Montparnasse,
direction place d’Italie. « C’est
la première fois qu’a lieu un appel de cette nature à l’intérieur
de la mobilisation des gilets jaunes,
s’est réjoui le leader des insoumis, je
tenais à tout prix à être là, au moment où ça commence. »
Des tentatives de convergence des luttes avaient déjà eu lieu.
Comme le 8 décembre, avec les différentes marches pour le climat
(notre
reportage).
Entre
les drapeaux rouges de la CGT et des militants d’Attac, Jean-Luc
Mélenchon a défilé sous le soleil du boulevard Raspail, en
chantonnant « Même
si Macron ne l’veut pas, nous on est là ! ».
L’ancien candidat à la présidentielle était visiblement aux
anges devant ce qu’il considère comme un rassemblement d’un
nouveau genre sur le bitume. Il y a vu les prémices de ce qu’il
appelait de ses vœux, cette semaine, dans Libération :
une « fédération
du peuple »
avec des partis politiques, des collectifs citoyens et des syndicats
dans l’optique des « élections
suivantes ».
À côté
de lui, le député insoumis du Nord, Adrien Quatennens, qui se dit
inquiet de la manière dont le gouvernement gère la situation, a
témoigné de son « soutien affectif » aux
manifestants. Autre responsable politique présent à Paris, Olivier
Besancenot, a lui aussi parlé d’une « convergence en vue
d’un projet commun ». Quant à Philippe Poutou, ancien
candidat à la présidentielle du NPA, il a estimé qu’« il
faut absolument que le mouvement syndical, les politiques de gauche
et le monde associatif soutiennent clairement ce mouvement qui a
besoin de se construire, de s’élargir et de se renforcer ».
L’acte
XXIV de la mobilisation pourrait-il ouvrir une nouvelle ère pour les
gilets jaunes ? À un mois des élections européennes, une
bonne partie de l’opposition politique entend en tout cas
convaincre les mécontents de se servir des urnes pour « mettre
un carton rouge » à Macron.
Autre
signe que le mouvement pourrait amorcer une métamorphose :
cette semaine, l’une des figures emblématiques, Éric Drouet, a
annoncé sur les réseaux sociaux qu’il se mettait en « pause »
à
la suite de tensions dans le mouvement : « J’irai
aux manifestations, mais en mode incognito, j’espère qu’on ne me
reconnaîtra pas »,
a-t-il indiqué dans une vidéo. « Trop
de menaces sur ma famille, trop de haineux, trop de foulards rouges,
trop de mépris, trop d’insultes, je suis fatigué, désolé »,
a aussi développé, dans un texte sur Facebook, le chauffeur routier
de Seine-et-Marne, qui fut
encensé,
fin décembre, par Jean-Luc Mélenchon.
Il n’en demeure pas moins que les relations entre les gilets jaunes et les corps intermédiaires sont loin d’être apaisées. Comme le prouvait, samedi, cette « Marche sur (sic) les médias ». Des gilets jaunes, qui voulaient dénoncer le traitement de certains médias à leur égard, se sont retrouvés, à la mi-journée devant Radio France. Sur une banderole, on pouvait lire : « CNews, BFM, TFI, LCI, France Télé : Big menteur ! ».
Ce
n’est pas la première fois que des gilets jaunes organisent dans
la rue leur contestation des médias. Le 29 décembre 2018, par
exemple, lors de l’acte VII, 400 personnes s’étaient
retrouvées
dans le XVe
arrondissement de Paris, en bas du siège de BFMTV – où l’on
trouve aussi les rédactions de Libération,
de L’Express
et de RMC.
Si
la manifestation « mixte » parisienne s’est déroulée
sans incident majeur (onze interpellations ont toutefois été
réalisées), la manifestation strasbourgeoise, 100 % gilets
jaunes, censée être « l’épicentre »
du mouvement ce samedi, a été émaillée de violences entre
manifestants et forces de l’ordre. Une centaine de gilets jaunes
allemands s’étaient joints au cortège de ce rassemblement
« international ».
On y trouvait aussi le journaliste indépendant Gaspard Glanz,
interdit
de manifester à Paris,
qui avait annoncé sa présence
dans un entretien à Mediapart.
Gaspard Glanz @GaspardGlanz
Allez,
on retourne au travail ! #Strasbourg.
Contrôle
à la frontière (FR seulement, les all s’en foutent) + Secteurs
interdits dans le centre-ville & Secteur Parlement + Départ
officiel 13h place de l’Etoile + Medics Allemands venus de
Francfort + qq magasins barricadés…
►Tribune :
Le municipalisme est l’avenir des Gilets jaunes sur Reporterre
Lundi
29 avril
Le
tribunal correctionnel de Paris a mis fin, lundi 29 avril, au
contrôle judiciaire qui interdisait au reporter indépendant
Gaspard Glanz de se rendre à Paris tous les samedis et le 1erMai.
Interpellé
samedi 20 avril, au cours de la manifestation des « gilets
jaunes », le journaliste indépendant Gaspard Glanz avait été
présenté devant un procureur à l’issue de 48 heures de garde à
vue pour « outrage
à personne dépositaire de l’autorité publique ».
Dans l’attente de son jugement, fixé au 18 octobre, le directeur
de l’agence Taranis News avait
reçu l’interdiction de se rendre à Paris tous les samedis et
le 1er Mai.
Contesté
par ses avocats Raphaël Kempf et Aïnoha Pascual, le contrôle
judiciaire de Gaspard Glanz a été levé par le tribunal
correctionnel de Paris, qui a reconnu l’insuffisance de motivation
et donc l’irrégularité de l’ordonnance du juge des libertés et
de la détention.
Raphaël
Kempf précise à Mediapart que les motifs de ces interdictions
n’étaient pas connus jusqu’à présent. « Tout citoyen
qui a fait l’objet d’une mesure de justice doit pouvoir en
connaître les raisons, c’est un droit fondamental »,
explique-t-il.
« Il
a fallu cette audience pour apprendre que ce contrôle avait été
décidé pour éviter que Gaspard Glanz ne réitère l’outrage,
c’est-à-dire un doigt d’honneur. C’est
absurde, poursuit l’avocat. Et cela a permis au
tribunal, et j’en suis heureux, de rappeler aux juges qu’ils ont
l’obligation de motiver toute mesure prise à l’égard des
citoyens. »
Pascale
Pascariello - Médiapart
Dans le Loir-et-Cher,
les « gilets jaunes » pleurent l’un des leurs,
mort au travail
Figure
locale des « gilets jaunes », le chauffeur de poids
lourds David Beaujouan est décédé tragiquement sur le parking de
la plateforme logistique d’Amazon à Saran, près d’Orléans.
Dimanche, à Mer (Loir-et-Cher), une centaine de ses camarades de
lutte lui ont rendu un vibrant hommage.
Mer
(Loir-et-Cher), envoyé spécial.- C’est avec une rose jaune à la
main, tendue vers un ciel nuageux, que cent vingt « gilets
jaunes » – ouvriers, chômeurs, retraités pour la
plupart – ont marché ensemble dimanche matin, à Mer, du
centre-bourg jusqu’au lotissement où leur ami David Beaujouan, 36
ans, louait un pavillon depuis sept ans. Chauffeur routier de
profession, le jeune homme est mort cinq jours plus tôt sur le
parking de la plateforme logistique d’Amazon à Saran, en banlieue
d’Orléans.
Le
rassemblement en hommage à David Beaujouan à Mer, le 28 avril. ©
JP
« Il
adorait son job mais ça le stressait quand son patron l’envoyait
là-bas. Il disait qu’avec Amazon, on savait quand on arrivait mais
on ne savait jamais quand on repartait », raconte un
proche. David aurait découvert une erreur de palettes en vérifiant
son camion, depuis le quai d’expédition. Quelques instants plus
tard, il a été pris d’un malaise cardiaque et s’est
effondré. Les pompiers, dépêchés rapidement, ont échoué à le
réanimer.
Quelques
manutentionnaires de l’entrepôt ont, depuis, organisé une
cagnotte. Une minute de silence a été observée. La direction
d’Amazon, par le biais d’une agence de relations publiques, a
rappelé lundi « que les chauffeurs disposaient d’un
espace de détente et que tous les protocoles de sécurité avaient
été respectés ». Un communiqué du même acabit,
accompagné de condoléances à l’entourage de la victime, a été
rédigé par la suite.
Même
s’il était très fier de son selfie avec Priscillia
Ludosky, obtenu lors d’un mémorable pique-nique de gilets jaunes
dans les jardins du château de Chambord, David était loin de
chercher le devant de l’affiche. Mais un fidèle des premiers jours
assurément – un « bon gars », entendra-t-on
souvent – toujours de bonne humeur, toujours prêt à covoiturer
les collègues dans son Renault Espace, à dégoter du bois pour le
brasero, voire un chauffage d’appoint.
Comme
beaucoup, David Beaujouan avait dissimulé ses ennuis personnels
derrière l’éclat de sa chasuble fluo. Son père était mort d’une
embolie pulmonaire il y a douze ans, sa mère ne lui parlait plus.
Au
fil des actes des gilets jaunes, David a rencontré Laure, 42 ans,
mère célibataire de deux adolescents. Laure a été agent
d’entretien. Elle travaillait chaque matin de 5 heures à 13
heures, vidait les corbeilles de bureaux à Orléans, jusqu’à ce
que ses épaules et ses genoux ne la tiennent plus. « Je
faisais les mêmes tâches depuis quinze ans. J’ai été déclarée
inapte au travail il y a un an puis reconnue handicapée. Mais je ne
supportais pas l’idée de n’être plus bonne à rien, alors je me
suis jetée dans le mouvement des gilets jaunes. »
Laure
Palisson a passé ses journées entre le péage autoroutier de
Meung-sur-Loire et le giratoire du Super U. Tandis que David se
postait chaque samedi aux abords d’un autre rond-point, entre
Muides et Mer. De grosses actions, comme le blocage du centre de tri
postal de Mer, ont permis de rapprocher ponctuellement les
gilets jaunes des différentes communes. Et de favoriser l’union de
Laure et David.
« Après
bientôt cinq mois de relation, je sortais à peine des
antidépresseurs, lui se remettait au sport et on avait un projet de
bébé, confie-t-elle. Je devais démarrer une formation de
secrétaire-comptable au mois d’août et David me promettait de
chercher un toit pour nous quatre. Il avait une belle autorité avec
mes deux gamins, il savait les écouter et se faire écouter. Et puis
David me poussait toujours en me disant : “Si tu n’as
pas tes bras, prends les miens.” Il était mon pilier. »
C’est
lors d’une marche de gilets jaunes dans le centre-ville de
Romorantin (Loir-et-Cher), durant l’acte XI du 26 janvier,
que l’auteur de ces lignes a rencontré David. Un sifflet
était suspendu à son cou. Une énorme perruque dorée trônait au
sommet de son crâne. Dès qu’il approchait d’un salon de
coiffure, il toquait à la vitrine et demandait en riant qu’on lui
refasse les boucles.
Ce
jour-là, l’une de ses voisines de manif’ était Valérie, 50
ans, ouvrière intérimaire à l’usine de tentes Trigano à Tavers
(Loiret). Elle portait une petite pancarte avec écrit dessus :
« Stop à la dictature. » Dimanche, Valérie et
ses collègues arboraient la même perruque jaune, comme un clin
d’œil. « Les gens n’imaginent pas les liens très forts
qu’on a pu tisser depuis le 17 novembre. Des personnes de tous âges
et de tous horizons qu’on aurait jamais côtoyées en temps
normal. »
Devant le
domicile de David Beaujouan, à Mer, le 28 avril. © JP
Vers midi, la colonne jaune fluo s’est arrêtée, silencieuse, devant la maison de David. Plusieurs gendarmes se tenaient à l’écart, le moteur de leurs véhicules éteints. Une voisine apeurée a appelé son mari en chuchotant. Des gilets jaunes se sont enlacés en sanglots. Les roses se sont accumulées le long de la palissade, des photos aussi. Les flammes des loupiotes se sont aussitôt éteintes. On a entendu aboyer depuis les fenêtres, de plus en plus fort. « Ce sont les trois chiennes de David, il va falloir qu’on s’en occupe, on ne va quand même pas les abandonner à la SPA ! », a lancé une dame.
On
a discuté d’une quête pour les funérailles à venir, d’une
plaque commune gravée au nom des gilets jaunes de Mer, Blois,
Vendôme, Romorantin, Noyers-sur-Cher, Meung-sur-Loire,
La Ferté-Saint-Aubin. L’union rejaillit : « Avec
le temps, le mouvement avait explosé, on ne savait plus comment se
rassembler »,
confia Sabrina, agent d’entretien de 38 ans. « Mais
ce dimanche, David a réussi à nous souder de nouveau. Pour lui,
pour les gilets, on ne lâchera rien. »
Jordan
Pouille - Médiapart
Maintien de l’ordre :
à Bordeaux, la « politique d’intimidation »
du préfet Lallement
Un
rapport de l’Observatoire girondin des libertés
publiques dénonce les opérations de maintien de l’ordre
dirigées par le nouveau préfet de police de Paris Didier
Lallement, lorsqu’il était en poste à Bordeaux. Le
constat de ses auteurs est accablant : la politique
menée a délibérément contribué à l’escalade de la violence.
Depuis
sa nomination le 21 mars à la préfecture de police de Paris, Didier
Lallement a durci le dispositif du maintien de l’ordre. Davantage
brutal et répressif, il affiche un bilan de 152 blessés pour
la seule journée du 20 avril.
Précédemment
en poste à Bordeaux, le préfet avait déjà appliqué cette
stratégie d’affrontement entre policiers et
manifestants, « participant à l’escalade de la
violence », selon l’Observatoire girondin des libertés
publiques (OGLP), auteur d’un rapport que Mediapart a pu
consulter.
Une
politique d’intimidation : tel est le titre de ce document de
60 pages qui décrypte, pour la période du 17 novembre 2018 au 16
février 2019, les pratiques du préfet de Gironde de l’époque,
mises en place durant les manifestations de « gilets jaunes »,
de lycéens, d’écologistes et de chômeurs.
L’OGLP,
collectif qui regroupe notamment la Ligue des droits de
l’homme, le Syndicat des avocats de France et Greenpeace, s’est
appuyé sur le travail de ses observateurs, présents lors de tous
les mouvements, ainsi que sur des témoignages et des vidéos. De
façon minutieuse, il décrypte comment, à Bordeaux, le préfet
a organisé une politique d’escalade de la violence, avec un
usage non maîtrisé et dangereux des armes à l’encontre des
manifestants.
Le
collectif rappelle que le droit de manifester étant
fondamental, « les autorités doivent mettre en œuvre
une politique de désescalade de la violence » afin de
le garantir. Or, le préfet a fait tout le contraire, facilitant
ainsi « de nombreuses violations des droits
fondamentaux. Malgré des manifestations nombreuses et récurrentes
ces dernières années à Bordeaux, aucune n’a fait l’objet d’un
traitement policier à ce degré de gravité ».
Didier
Lallement, nouveau préfet de police de Paris. © Reuters
Les
rapporteurs s’inquiètent enfin que le modus operandi de
Didier Lallement soit devenu un « symbole du
durcissement souhaité » par le gouvernement, ce même
gouvernement qui vient de lui offrir une belle promotion, en le
propulsant à la tête de la préfecture de police de Paris.
Selon
les observateurs, cette stratégie a été mise en place à Bordeaux
à partir des actes III et IV des gilets jaunes, les 1er et
8 décembre. Les manifestants se sont alors retrouvés sur la place
Pey-Berland, près de la mairie. Encerclés par des policiers, ils
ont été asphyxiés par des jets massifs de grenades lacrymogènes,
accompagnés de sommations quasi inaudibles.
Comme
le décrit l’un des témoins, présent le 1er décembre, « sans
sommation, une pluie de grenades lacrymogènes s’est abattue sur
les manifestants, rendant l’air irrespirable. […] Les
sommations, si jamais elles ont eut lieu, n’étaient en réalité
pas audibles par la majorité des personnes présentes. De très
nombreuses grenades de tous types ont alors été projetées. […]
Guy, un homme de 60 ans a été grièvement blessé à la joue par
un projectile alors qu’il se trouvait pacifiquement sur la place ».
Le
8 décembre, un scénario identique se reproduit, avec les mêmes
conséquences dramatiques. D’après les chiffres de la préfecture,
près de 26 manifestants sont blessés, parmi lesquels un homme qui
« ayant ramassé une grenade GLI-F4 confondue avec une
grenade lacrymogène, a eu la main arrachée ».
L’observatoire constate que « le degré de la force
employée, la gravité des blessures et leur nombre, l’arbitraire
des ciblages policiers ont largement compromis la possibilité d’un
apaisement des manifestations des gilets jaunes ».
Il
conclut que « l’immense majorité des sommations
alléguées par les autorités publiques sont artificielles et n’ont
eu pour seul but que de couvrir légalement l’usage de la force.
Purement formelles, ces sommations n’ont répondu ni aux conditions
juridiques, ni aux standards des politiques de désescalades du
maintien de l’ordre ».
Cette
politique a provoqué parmi les manifestants, initialement solidaires
des forces de l’ordre, un sentiment de défiance à leur égard,
voire de colère. Les slogans ont changé, passant de « La
police, avec nous », lors des premiers actes, à « Tout
le monde déteste la police » ou « La police
déteste tout le monde », lors des manifestations des
1er et 8 décembre.
« La
préfecture ne pouvait ignorer que sa réaction déclencherait une
escalade de violence », précise le rapport. Cette
stratégie, volontairement répressive, représente « une
atteinte grave au droit de manifester ». De fait, le 8
décembre, au cours d’une conférence de presse, Didier Lallement
expose le dispositif de maintien de l’ordre et affiche son
intention de produire un « effet dissuasif » en
faisant intervenir des véhicules blindés à roues de la gendarmerie
(VBRG).
Un
mois plus tard, le 11 janvier, à la veille de l’acte IX des gilets
jaunes, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur,
Laurent Nuñez, vient cautionner et encourager cet exercice de
fermeté, en lui apportant publiquement son soutien.
Parmi
les dispositifs mis en place, outre l’usage de la brigade
anti-criminalité, inexpérimentée dans le maintien de l’ordre et
à l’origine de nombreuses blessures par tirs de lanceur de balles
de défense, le rapport souligne la réapparition, dès le 9 février,
des pelotons voltigeurs mobiles (PVM). « La pratique
des voltigeurs avait pris fin avec la mort de Malik Oussekine le 6
décembre 1986 », précise l’Observatoire. Ces unités
pourchassent les manifestants, « ce qui peut les mettre
en danger ». Lors de l’acte XIII, l’une d’elles a
d’ailleurs percuté un gilet jaune, « très
légèrement mais volontairement ». Choqué, celui-ci
a insulté le conducteur de la moto, ce qui lui a valu d’être
arrêté.
Une
manifestation de gilets jaunes à Bordeaux, le 30 mars. © Mediapart
L’Observatoire
girondin épingle également le préfet sur sa conception bien
particulière des « nasses ». Ce système, utilisé par
les forces de l’ordre, consiste à encercler un certain nombre de
personnes et à les confiner. Il doit néanmoins laisser une
échappatoire. Or, le 5 février, de 14 h 30 à 17 heures, les
policiers ont fait un usage massif de gaz lacrymogènes en
parquant des manifestants, parmi lesquels des personnes âgées
et des handicapés, « ce qui a provoqué une situation de
panique » : « Une personne d’une
soixantaine d’années, évacuée par les pompiers, a fait une crise
cardiaque et a dû être conduite au CHU de Bordeaux, dont elle n’a
pu sortir que trois jours plus tard. »
Lorsqu’après
de longues négociations avec les streets medics, les
policiers ont, enfin, décidé de les laisser passer par groupes de 8
à 12, ils ont procédé à des contrôles d’identité
humiliants. « Une jeune femme a vu son pantalon être
baissé […], une autre son t-shirt levé à la vue de tous,
se retrouvant en soutien-gorge sur la voie publique. »
Les
rapporteurs estiment que « la combinaison de la nasse
et des lacrymogènes a constitué un acte de cruauté, en raison
notamment de sa durée, du nombre de grenades lacrymogènes
utilisées, de l’absence d’échappatoire pacifique. Cette
pratique a constitué, au minimum, un traitement inhumain et
dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Enfin,
les observateurs répertorient les blessures et mutilations
causées par l’usage « non maîtrisé et dangereux
des armes », parmi lesquelles matraques, LBD et grenades.
Une liste non exhaustive des personnes blessées fait état notamment
de deux personnes dont la main a été arrachée par une grenade
GLI-F4, de deux autres qui ont perdu un œil à la suite d’un tir
de LBD.
Parmi
les blessés, Olivier, 47 ans, électromécanicien et sapeur-pompier,
manifestait avec sa femme, le 12 janvier. Lorsque les forces de
l’ordre ont lancé des gaz lacrymogènes, il a fait demi-tour
et emprunté une rue perpendiculaire afin de se mettre à
l’abri. « J’ai vu une grenade rouler à mes pieds,
puis je me suis retourné et j’ai vu des policiers derrière moi me
visant. J’ai reçu un violent coup sur la tête qui provenait d’un
tir de LBD. Mon dernier souvenir est mon corps chutant sur le sol
sans pouvoir bouger. » Il a dû être hospitalisé 19
jours pour un traumatisme crânien avec hémorragie cérébrale.
Cet
usage intempestif et disproportionné des armes contre les
manifestations à Bordeaux fait écho aux pratiques en vigueur qui
ont valu à la France d’être interpellée à plusieurs reprises
par des organisations internationales. La dernière date du 6 mars,
lorsque le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU
Michelle Bachelet a réclamé une enquête sur les violences
policières en France. « Nous demandons urgemment une
enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif
de la force », avait-elle déclaré devant le Conseil des
droits de l’homme à Genève.
La réponse du gouvernement
français, remise en avril, pourrait se résumer à ces quelques
phrases concernant l’usage des LBD : « À aucun
moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même
véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences
physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de
graves dégradations. » Face aux nombreux témoignages des
personnes mutilées, les autorités françaises affichent un
déni consternant.
Alerté
à plusieurs reprises sur les violences policières « entraînant
des blessures graves », le préfet Didier Lallement
n’a répondu à aucun des courriers adressés par l’Observatoire.
Dans une lettre ouverte du 21 décembre 2018, le collectif
l’interpelle sur ces opérations de maintien de l’ordre qui
engendrent une « escalade de la violence » et
sur l’usage des armes de façon disproportionnée. « Un
manifestant a perdu une main […] et un journaliste
photographe, porteur d’un brassard presse, a été touché au bras
par un tir de flashball. » Didier Lallement a là encore
gardé le silence.
Pascale
Pascariello - Médiapart
NDA :
Papon aussi a été préfet de la Gironde (spécialisé dans la
déportation des juifs) avant d’être préfet de Paris (pendant la
guerre d’Algérie et responsable du massacre des algériens en
octobre 1961)
En
espérant que ce Lallement nous quittera avant d’en arriver là.
Mardi
30 avril
A Marseille,
des policiers fracassent le crâne
d’une jeune femme à terre
Maria, 19 ans, a déposé plainte mardi auprès du parquet de Marseille pour tentative d’homicide, violences volontaires aggravées et non-assistance à personne en danger. Le 8 décembre dernier, en marge d’une manifestation de « gilets jaunes », elle a été rouée de coups de pied et de matraques par des policiers. Son cerveau, notamment, a été endommagé.
Le 8 décembre 2018, à Marseille, Maria, 19 ans, a été grièvement blessée par les forces de l’ordre. D’abord touchée par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) à la cuisse, la jeune femme, qui s’est écroulée à terre, a été alors violemment matraquée et frappée à coups de pied à la tête.
À l’hôpital, elle a été opérée en urgence pour « un traumatisme cranio-facial droit par coup de matraque et embarrure frontale droite en regard avec contusion cérébrale ». Autrement dit, Maria a le crâne fracturé et son cerveau a été touché. C’est seulement en avril, cinq mois plus tard, qu’elle a été en capacité de reprendre son poste de vendeuse, qu’elle occupe en alternance avec ses études. Toujours sous contrôle médical, elle est également suivie par un psychiatre, au regard de son « état de stress aigu » associé à des « cauchemars fréquents », selon le constat médical.
Son avocat, Brice Grazzini, a déposé plainte mardi 30 avril auprès du parquet de Marseille contre « personnes non-dénommées, cependant identifiées comme exerçant la fonction de policier » pour « tentative d’homicide », « violences volontaires aggravées », « non-assistance à personne en danger » et « non-obstacle à la commission d’une infraction ».
Maria
après son opération, le 19 décembre 2018. © DR
Que s’est-il passé le samedi 8 décembre 2018 ?
Ce jour-là, aux alentours de 18 heures, Maria quitte plus tôt la boutique du centre-ville où elle travaille pour rejoindre son ami et regagner ensuite son domicile.
Ils empruntent la rue Saint-Ferréol, artère commerçante, qui plus tôt dans la journée a été le théâtre d’affrontements, dans le cadre de l’acte IV des « gilets jaunes » et de la mobilisation contre les logements insalubres à Marseille. Non loin de là, sur la Canebière et le Vieux-Port, des heurts se poursuivent entre manifestants et forces de l’ordre qui quadrillent le pourtour des rues adjacentes.
« J’étais avec mon ami et les policiers nous ont dit qu’ils faisaient un périmètre de sécurité. On a alors pris la direction de chez moi », explique Maria à Mediapart.
Des
policiers le samedi 8 décembre 2018 à Marseille. © DR
Six personnes présentes ont apporté leurs témoignages dans le cadre de la plainte. Parmi elles, Olivia précise que « les manifestations de l’après-midi venaient de se terminer et des groupes de CRS et de policiers continuaient à occuper les rues principales en bloquant l’accès ou le passage. Il y avait quelques personnes, de différents âges, marchant tout au long de la rue Saint-Ferréol. Personne n’avait d’attitudes menaçantes. Tout le monde était dans le calme ».
Sur les images que Mediapart a pu visionner, la rue semble relativement tranquille. Des policiers sont présents, quelques jeunes aussi et des pompiers éteignent des feux de poubelles.
« Quand tout à coup un groupe d’hommes, habillés en noir et armés de matraques, se précipitent en courant et en criant dans ma direction », indique Olivia dans son attestation en précisant : « Je les identifie immédiatement comme des membres des forces de l’ordre. J’ai le réflexe rapide de me dégager en me rabattant contre le mur d’immeuble à côté pour éviter d’être percutée dans la course. »
Faits confirmés par Camille, présente, elle aussi, lors de la charge soudaine et inexpliquée des policiers. Elle témoigne : « Alors que nous étions quelques personnes à marcher calmement dans la rue Saint-Ferréol, sans heurts autour de nous, une ligne de CRS et d’agents de la BAC ont tiré des projectiles (je ne sais pas de quelle nature) et ont commencé à se rapprocher de nous rapidement. Nous sommes plusieurs à avoir couru vers la première rue perpendiculaire (rue de la Glace) pour nous mettre à l’abri. J’ai entendu un cri de douleur et j’ai vu tomber quelqu’un, une jeune fille. »
La « jeune fille », c’est Maria. « Lorsque les policiers ont chargé, je n’ai rien compris à la situation. Je n’ai jamais manifesté et j’ai eu très peur. J’ai couru vers la première rue perpendiculaire, la rue de la Glace, mais j’ai reçu un tir dans la jambe. J’ai crié parce que j’avais très mal à la jambe. Je suis tombée par terre. »
La suite est glaçante. Plusieurs récits relatent une scène « chargée en violence ».
En voyant Maria blessée par le tir de flashball, « des personnes ont commencé à crier “personne à terre !” », rapporte Laurence. « Au même moment, cette personne au sol s’est fait encercler par des policiers et matraquer avec violence alors qu’elle était à terre. […] À ce moment-là, j’étais sous le choc. La scène était chargée en violence. Je m’aperçois que des matraques frappent violemment la personne en continu durant un bon moment. »
Camille voit « plus de dix agents de police en jean, casqués, matraque à la main et brassard à l’épaule arriver en courant et mettre chacun à leur tour des coups de matraques et de pied à la personne clouée au sol ».
Sur les images que Mediapart a pu visionner, la rue semble relativement tranquille. Des policiers sont présents, quelques jeunes aussi et des pompiers éteignent des feux de poubelles.
« Quand tout à coup un groupe d’hommes, habillés en noir et armés de matraques, se précipitent en courant et en criant dans ma direction », indique Olivia dans son attestation en précisant : « Je les identifie immédiatement comme des membres des forces de l’ordre. J’ai le réflexe rapide de me dégager en me rabattant contre le mur d’immeuble à côté pour éviter d’être percutée dans la course. »
Faits confirmés par Camille, présente, elle aussi, lors de la charge soudaine et inexpliquée des policiers. Elle témoigne : « Alors que nous étions quelques personnes à marcher calmement dans la rue Saint-Ferréol, sans heurts autour de nous, une ligne de CRS et d’agents de la BAC ont tiré des projectiles (je ne sais pas de quelle nature) et ont commencé à se rapprocher de nous rapidement. Nous sommes plusieurs à avoir couru vers la première rue perpendiculaire (rue de la Glace) pour nous mettre à l’abri. J’ai entendu un cri de douleur et j’ai vu tomber quelqu’un, une jeune fille. »
La « jeune fille », c’est Maria. « Lorsque les policiers ont chargé, je n’ai rien compris à la situation. Je n’ai jamais manifesté et j’ai eu très peur. J’ai couru vers la première rue perpendiculaire, la rue de la Glace, mais j’ai reçu un tir dans la jambe. J’ai crié parce que j’avais très mal à la jambe. Je suis tombée par terre. »
La suite est glaçante. Plusieurs récits relatent une scène « chargée en violence ».
En voyant Maria blessée par le tir de flashball, « des personnes ont commencé à crier “personne à terre !” », rapporte Laurence. « Au même moment, cette personne au sol s’est fait encercler par des policiers et matraquer avec violence alors qu’elle était à terre. […] À ce moment-là, j’étais sous le choc. La scène était chargée en violence. Je m’aperçois que des matraques frappent violemment la personne en continu durant un bon moment. »
Camille voit « plus de dix agents de police en jean, casqués, matraque à la main et brassard à l’épaule arriver en courant et mettre chacun à leur tour des coups de matraques et de pied à la personne clouée au sol ».
Des
policiers de la BAC autour de Maria à terre le 18 décembre 2018 à
Marseille. © DR
Autre témoin contactée par Mediapart, Denise est encore émue à l’évocation de cette soirée. « Juste devant moi, il y avait cette jeune fille, menue, qui tombe. Et là, une nuée de policiers, pour la plupart en civil, casqués, s’engouffrent dans la petite rue et donnent, en passant, des coups de matraques et des coups de pied à la fille alors qu’elle est à terre. »
Denise est catégorique : « Il y a eu au moins trois coups de matraques, et de trois policiers différents, et un coup de pied au visage. Après, j’ai été éloignée par un policier. »
Elle ne sera pas la seule à être repoussée. « Malgré le fait que les policiers m’interdisaient de la rejoindre, j’ai insisté et réussi à passer, déclare Lucie. Arrivée vers elle, j’ai retrouvé d’autres personnes venues à son secours et j’ai constaté qu’elle avait le crâne enfoncé et ensanglanté. Il y avait des traces de sang au sol, jusque sur les murs. […] La police en civil est partie sans même vérifier son état. »
Un autre témoin fait le même constat : « Au moment où nous nous approchons, tous les policiers autour de la personne au sol se dispersent. Nous constatons son état très inquiétant puisqu’elle a une plaie ouverte à la tête. »
« Je ne sais pas si cette plainte va aboutir »
« L’agression a eu lieu vers 18 h 40. Je parle d’agression parce qu’il n’y a pas d’autre mot », estime Denise qui a appelé les pompiers alors qu’une infirmière prodiguait les premiers soins à Maria. « Nous nous sommes mis autour d’elle à plusieurs parce qu’il y avait encore des policiers plus loin dans la rue et nous avions peur qu’ils refassent la même chose », précise-t-elle.
Maria a encore des difficultés à revenir sur ce moment. « Je me souviens que j’avais très mal à la jambe lorsque je suis tombée par terre. Puis tout est allé très vite. Des policiers ont surgi sur moi et j’ai reçu des coups dans la tête puis j’ai senti de la chaleur. J’étais tellement choquée. Les coups ont continué. Puis je me sentie partir lorsque des gens sont venus m’aider. »
Sidérés, tous les témoins de la scène ne parviennent pas à comprendre les raisons de cet acharnement.
Maria, à terre,
entourée par des policiers de la
BAC, le samedi 8 décembre à Marseille. © DR
Mediapart a pu visionner plusieurs vidéos des faits. Sur l’une d’elles, on perçoit une personne au sol, entourée de policiers, en civil, brassard à l’épaule, et on entend des personnes interpeller ces agents : « Doucement, arrêtez, elle n’a rien fait ! Elle est tombée, vous êtes arrivés et vous l’avez fracassée. »
Dans une autre vidéo, plusieurs policiers de la BAC arpentent la rue, l’un donne un coup de matraque contre le mur et émet un mugissement, tandis qu’un autre dit : « Ce n’est que partie remise », propos relevés par l’auteur des images.
Pour sa part, Maria refait le fil de cette fin de journée et concède « avoir bêtement fait péter des pétards sur le sol. C’est idiot, je sais. On les avait achetés avec mon copain pour les utiliser un soir de match de foot. Mais si c’est ça le problème, je ne comprends pas, parce que sur le moment on ne nous a rien dit. La charge de police a dû arriver au moins 15 minutes après ».
« Taper la tête d’une jeune fille aussi violemment alors qu’elle est à terre, déjà blessée à la jambe par un tir de flashball, est-ce justifiable ? », interroge l’avocat Brice Grazzini. Pour empêcher que ces violences commises par des policiers restent impunies, il a décidé de frapper fort, en déposant plainte pour « tentative d’homicide par personne dépositaire de l’autorité publique ».
« Les policiers se sont rendus coupables également de “non-assistance à personne en danger” et, vu qu’aucun n’est intervenu pour faire cesser ces violences, de “non-obstacle à la commission d’une infraction” », précise-t-il.
Depuis le 19 décembre, « l’IGPN est saisie suite au signalement par ma cliente des violences dont elle a été victime. Nous sommes en avril et elle n’a toujours pas été auditionnée. Il ne faut pas compter sur l’IGPN qui est juge et partie pour poursuivre leurs propres agents », constate Brice Grazzini, qui a par ailleurs alerté le Défenseur des droits.
Contacté par Mediapart, l’IGPN a déclaré ne pas « communiquer sur les signalements et les suites données », nous renvoyant au chiffre officiel donné par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner de 220 enquêtes ouvertes pour violences policières et confiées à l’IGPN depuis l’acte I des gilets jaunes. De source judiciaire, relatée par Le Figaro vendredi 26 avril, vingt-cinq procédures auraient déjà été closes.
Ces enquêtes aboutiront-elles ? Le doute sur leur poursuite est permis.
L’État refuse obstinément de reconnaître les faits. Et cela malgré le nombre de victimes et les preuves apportées. Les procureurs, quant à eux, semblent suivre ce mouvement, au risque d’offrir ainsi une garantie d’impunité aux forces de l’ordre.
L’ONU a récemment dénoncé cette hypocrisie. Michelle Bachelet, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a demandé « urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force », lors d’un discours prononcé le 6 mars devant le Conseil des droits de l’homme à Genève.
Le gouvernement français estime qu’à « aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal ».
Il rajoute que les moyens de force intermédiaire, les matraques, les grenades lacrymogènes notamment, permettent de maintenir une « distance qui est garante d'un maximum de sécurité […] en évitant le contact direct et les blessures subséquentes ».
Le mensonge du gouvernement français est à la hauteur des violences policières qu’il tente de dissimuler. Édifiant.
« Je ne sais pas si cette plainte va aboutir », s’interroge Maria. « Ma mère m’a aidée à faire le dossier et à recueillir les témoignages lorsque j’étais hospitalisée », explique-t-elle en précisant ne pas avoir voulu l’alerter le soir même des faits. « Elle souffre de diabète et j’ai eu peur de sa réaction. Mais, aux urgences, avant mon opération, l’infirmière m’a obligée à l’appeler en me disant : “Si vous décédez au cours de l’intervention, il faut que votre famille soit prévenue.” »
Aujourd’hui, la jeune femme souffre de troubles de la mémoire. « J’ai recouvré la vue de l’œil droit, c’est déjà ça. Il y avait du sang à l’intérieur qui s’est depuis résorbé. J’ai l’impression que mon cerveau prend le temps de se reconstruire mais ça puise toute la force de mon corps. Un coup de matraque peut avoir des effets irréversibles, c’est cela qui me noue d’inquiétude », explique-t-elle.
« Je suis consterné par ce que je constate au fil des procédures que je traite pour des cas de “violences policières”. Les blessures de mes clients sont extrêmement graves et il est évident que cela est l’illustration de la tendance actuelle de gestion des manifestations par le gouvernement. Lorsque je défends des personnes poursuivies pour violences, les procédures sont rapides et les personnes sont condamnées si elles sont coupables », commente l’avocat Brice Grazzini.
« Ici, tout est compliqué, poursuit-il, les plaintes sont difficiles à déposer, les procédures judiciaires sont lentes, voire inexistantes, et le pire est d’entendre les autorités compétentes anticiper les résultats d’une enquête en alléguant qu’aucune violence illégitime n’a été commise par les forces de police. Lorsque je vois ce qui se passe dans l’affaire de Maria ou encore dans celle de Mme Zineb Redouane dont je défends le fils, c’est inacceptable. Même les mineurs sont visés et violentés lourdement… »
Le même soir, à Marseille et dans le même périmètre, alors qu’il ne participait pas aux manifestations, un jeune de 14 ans a été victime d’un tir de lanceur de balles de défense à la tête, lui causant un traumatisme crânien avec perte de connaissance, ainsi qu’une fracture et une plaie occipitales.
« On a l’impression que le quartier a été le terrain de jeu d’une horde de sauvages. Mais ces personnes étaient des policiers », déplore l’avocat Brice Grazzini.
Le 27 avril 2019, un « liveur » (qui fait des Live sur Facebook) se fait arrêter alors qu'il s’apprête à rejoindre la « marche sur les médias » pour l'acte 24. Les raisons de cette arrestation sont floues et montrent une dérive autoritaire du pouvoir.
Une vidéo d'un "liveur"1 arrêté ; au début nous n'y croyons pas. Puis nous commençons à comprendre. Yasin Blotas (de son nom sur Facebook) gère la media Civicio, c'est un "liveur" de 28 ans. Sur sa page facebook on décompte plus de seize mille abonnés et de nombreuses vidéos. La plupart de ses posts sont des lives en rapport avec les gilets jaunes. Nous pouvons aussi voir des interviews sur d'autres thèmes, comme celui de la réforme Blanquer ou de la privatisation d'ADP.
Dans une autre vidéo, plusieurs policiers de la BAC arpentent la rue, l’un donne un coup de matraque contre le mur et émet un mugissement, tandis qu’un autre dit : « Ce n’est que partie remise », propos relevés par l’auteur des images.
Pour sa part, Maria refait le fil de cette fin de journée et concède « avoir bêtement fait péter des pétards sur le sol. C’est idiot, je sais. On les avait achetés avec mon copain pour les utiliser un soir de match de foot. Mais si c’est ça le problème, je ne comprends pas, parce que sur le moment on ne nous a rien dit. La charge de police a dû arriver au moins 15 minutes après ».
« Taper la tête d’une jeune fille aussi violemment alors qu’elle est à terre, déjà blessée à la jambe par un tir de flashball, est-ce justifiable ? », interroge l’avocat Brice Grazzini. Pour empêcher que ces violences commises par des policiers restent impunies, il a décidé de frapper fort, en déposant plainte pour « tentative d’homicide par personne dépositaire de l’autorité publique ».
« Les policiers se sont rendus coupables également de “non-assistance à personne en danger” et, vu qu’aucun n’est intervenu pour faire cesser ces violences, de “non-obstacle à la commission d’une infraction” », précise-t-il.
Depuis le 19 décembre, « l’IGPN est saisie suite au signalement par ma cliente des violences dont elle a été victime. Nous sommes en avril et elle n’a toujours pas été auditionnée. Il ne faut pas compter sur l’IGPN qui est juge et partie pour poursuivre leurs propres agents », constate Brice Grazzini, qui a par ailleurs alerté le Défenseur des droits.
Contacté par Mediapart, l’IGPN a déclaré ne pas « communiquer sur les signalements et les suites données », nous renvoyant au chiffre officiel donné par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner de 220 enquêtes ouvertes pour violences policières et confiées à l’IGPN depuis l’acte I des gilets jaunes. De source judiciaire, relatée par Le Figaro vendredi 26 avril, vingt-cinq procédures auraient déjà été closes.
Ces enquêtes aboutiront-elles ? Le doute sur leur poursuite est permis.
L’État refuse obstinément de reconnaître les faits. Et cela malgré le nombre de victimes et les preuves apportées. Les procureurs, quant à eux, semblent suivre ce mouvement, au risque d’offrir ainsi une garantie d’impunité aux forces de l’ordre.
L’ONU a récemment dénoncé cette hypocrisie. Michelle Bachelet, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a demandé « urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force », lors d’un discours prononcé le 6 mars devant le Conseil des droits de l’homme à Genève.
Le gouvernement français estime qu’à « aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal ».
Il rajoute que les moyens de force intermédiaire, les matraques, les grenades lacrymogènes notamment, permettent de maintenir une « distance qui est garante d'un maximum de sécurité […] en évitant le contact direct et les blessures subséquentes ».
Le mensonge du gouvernement français est à la hauteur des violences policières qu’il tente de dissimuler. Édifiant.
« Je ne sais pas si cette plainte va aboutir », s’interroge Maria. « Ma mère m’a aidée à faire le dossier et à recueillir les témoignages lorsque j’étais hospitalisée », explique-t-elle en précisant ne pas avoir voulu l’alerter le soir même des faits. « Elle souffre de diabète et j’ai eu peur de sa réaction. Mais, aux urgences, avant mon opération, l’infirmière m’a obligée à l’appeler en me disant : “Si vous décédez au cours de l’intervention, il faut que votre famille soit prévenue.” »
Aujourd’hui, la jeune femme souffre de troubles de la mémoire. « J’ai recouvré la vue de l’œil droit, c’est déjà ça. Il y avait du sang à l’intérieur qui s’est depuis résorbé. J’ai l’impression que mon cerveau prend le temps de se reconstruire mais ça puise toute la force de mon corps. Un coup de matraque peut avoir des effets irréversibles, c’est cela qui me noue d’inquiétude », explique-t-elle.
« Je suis consterné par ce que je constate au fil des procédures que je traite pour des cas de “violences policières”. Les blessures de mes clients sont extrêmement graves et il est évident que cela est l’illustration de la tendance actuelle de gestion des manifestations par le gouvernement. Lorsque je défends des personnes poursuivies pour violences, les procédures sont rapides et les personnes sont condamnées si elles sont coupables », commente l’avocat Brice Grazzini.
« Ici, tout est compliqué, poursuit-il, les plaintes sont difficiles à déposer, les procédures judiciaires sont lentes, voire inexistantes, et le pire est d’entendre les autorités compétentes anticiper les résultats d’une enquête en alléguant qu’aucune violence illégitime n’a été commise par les forces de police. Lorsque je vois ce qui se passe dans l’affaire de Maria ou encore dans celle de Mme Zineb Redouane dont je défends le fils, c’est inacceptable. Même les mineurs sont visés et violentés lourdement… »
Le même soir, à Marseille et dans le même périmètre, alors qu’il ne participait pas aux manifestations, un jeune de 14 ans a été victime d’un tir de lanceur de balles de défense à la tête, lui causant un traumatisme crânien avec perte de connaissance, ainsi qu’une fracture et une plaie occipitales.
« On a l’impression que le quartier a été le terrain de jeu d’une horde de sauvages. Mais ces personnes étaient des policiers », déplore l’avocat Brice Grazzini.
Pascale
Pascariello - Médiapart
Civicio,
« Liveur » arrété,
une volonté de tronquer l'information
Le 27 avril 2019, un « liveur » (qui fait des Live sur Facebook) se fait arrêter alors qu'il s’apprête à rejoindre la « marche sur les médias » pour l'acte 24. Les raisons de cette arrestation sont floues et montrent une dérive autoritaire du pouvoir.
Une vidéo d'un "liveur"1 arrêté ; au début nous n'y croyons pas. Puis nous commençons à comprendre. Yasin Blotas (de son nom sur Facebook) gère la media Civicio, c'est un "liveur" de 28 ans. Sur sa page facebook on décompte plus de seize mille abonnés et de nombreuses vidéos. La plupart de ses posts sont des lives en rapport avec les gilets jaunes. Nous pouvons aussi voir des interviews sur d'autres thèmes, comme celui de la réforme Blanquer ou de la privatisation d'ADP.
illustration
d'aprés le live facebook de Civicio © CC Mélio Lannuzel
Ce
samedi, en dessous de son live stoppé par son arrestation, les
commentaires affluent. De nombreuses personnes s’inquiètent et
demandent des nouvelles du jeune homme. La scène que nous venons de
voir nous semble improbable. Alors que Yasin est en train de filmer
son arrivée à "la marche sur les médias", des policiers
l'interpellent. Avec une politesse irréprochable, le "liveur"
répond à leurs questions. Il semble que son interpellation soit
liée au port d'un casque2. Selon le fonctionnaire, ce
motif est d'autant plus valable car il n'a pas de carte de presse et
n'est donc, pour lui, pas journaliste. S'ensuit une inspection de son
matériel qui se termine par son arrestation.
Après
une très longue attente, presque une journée, nous avons enfin des
nouvelles de Yasin. Son avocat, David
Libeskind, qui a par ailleurs défendu Jérôme Rodriguez, poste
un message sur Facebook à 8h29 : « Tout va bien pour
Yassine de Civicio que j'ai pu voir au commissariat . On espère
qu'il sorte en fin de matinée. Continuez tous à faire des lives et à
informer…. ». Rassurés, nous sommes maintenant impatients d'avoir
plus de précisions sur son interpellation. À 16h, nous
apprenons finalement, que Yasin est déféré devant le tribunal de
grand instance du 17ieme arrondissement. Ses avocats se font
questionner par d'autres "liveurs", comme par exemple Gabin
Formont3.
Le droit au secret sur l'enquête a encore lieu, mais David nous
laissent peu de doutes sur le caractère injustifié de cette
arrestation.
Cette
nouvelle mise en garde à vue, survient une semaine après celles de
Gaspard Glanz et d'autres journalistes. Nous pouvons de nouveau voir
les dérives qu'entrainent l'obligation d'avoir une carte de presse.
Ce document qui ne semble donner le pouvoir qu'aux journalistes
rémunérés et par conséquent complexifie la tâche aux
journalistes indépendants. Une des conditions pour son obtention
étant d'être une « personne qui a pour activité principale,
régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou
plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et
périodiques, ou agences de presse et qui en tire le principal de ses
ressources ».
Mais
la question aujourd'hui, n'est pas de savoir si les grands médias
doivent exister ; ils ont leurs droits et une certaine légitimité,
malgré des erreurs journalistiques notables (ex : Les informations
erronées de CNews).
La question est plutôt de donner les possibilités de diffusion de
l'information par des médias alternatifs. C'est impératif pour
pouvoir garantir d'autres cadrages, d'autres visions, pour nous
permettre en tant que lecteur, de faire la part des choses. Les
grands médias, on le sait, font eux aussi des choix. Très peu,
parlent par exemple des blessés chez les gilets jaunes.
L'occultation flagrante d’une nouvelle personne atteinte par un tir
de LBD40, le 20 avril, Place de la République, en est l'exemple
(Signalement 700 de David
Dufresne). Ils permettent sans modération à certains
journalistes de caractériser le mouvement de violent, d'antisémite
et de raciste. Pour finir cette liste non exhaustive, ils acceptent,
lors de l'Acte 23, de focaliser leurs yeux sur le slogan
« suicidez-vous » scandé par certains manifestants. Les
"liveurs" comme Yasin, font pourtant partie de ces
personnes qui permettent aussi d'informer et de préciser le
déroulement d'un événement. Libération,
dans son moteur de recherche Cheks
News
utilise par exemple son travail pour nuancer la polémique
autour du slogan précédemment évoqué.
Aujourd'hui
à l'heure où sort ce billet, Yasin est libre. Il a été
accusé d'avoir participé à "un
attroupement en vue de commettre un délit". Le jeune homme
a évidement été relaxé, mais cette garde à vue lui a valu
un rappel à la loi, la destruction de son matériel de protection et
surtout l'interdiction de filmer une manifestation. Dans un interview
à sa sortie, on comprend aisément que c'est un message
d'intimidation et de peur qui lui a été adressé. Il nous dit sans
hésiter qu'il retournera couvrir l’événement du 1er mai, mais
cette fois, sans protection. Les risques sont pourtant bien réels,
et chaque personne qui veut filmer, car c'est un droit,
peut facilement se retrouver blessé. Si nous n'acceptons pas ces
"liveurs", que nous n'acceptons pas de les protéger, alors
cela veut dire qu'une partie des événements nous sera cachée. Des
informations seront perdues et personne ne pourra voir si les «
médias professionnels » font correctement leur travail
journalistique. Si dans un état il n'existe pas cette tolérance,
alors ces médias "officiels" n'ont plus aucune barrière
et peuvent facilement devenir des outils de propagande.
L'interpellation de Yasin alors qu'il se rendait à la « marche
sur les médias », une manifestation pour dénoncer le
traitement médiatique biaisé du mouvement, n'est pas sans
signification. Il y a dans ce nouvel exemple d'arrestation des
éléments de réponse aux questions que voulait soulever cette
marche. Elle précise aussi certaines intentions du gouvernement à
l’égard des gilets jaunes.4
1
- J'emploie ici le mot "liveur" pour caractériser sa
pratique journalistique. C'est à dire l'utilisation de Facebook live
pour diffuser l'information de façon indépendante.
2
- 5min12 un policier lui dit « vous savez que les casques sont
interdits ».
3
- Gabin Formont est un journaliste du media indépendant, Vécu,
le média du gilet jaune. Il a notamment été interrogé
sur l’émission Arrêt
sur images
où il y explique sa pratique journalistique.
4
- Lundi 29 avril, Yasin publie un live
où il donne plus de précisions sur son arrestation. (
NDA :
intéressant ! sur les pratiques policières )
Melio.lannuzel sur Médiapart
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