Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

mercredi 8 mai 2019

Chronique des Zones A Défendre (ZAD) - Avril 2019

 Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé dans les Zones A Défendre (ZAD) pendant ce mois d'avril 2019 ; on y parle de Notre Dame Des Landes et de plein d'autres zones à défendre.


Merci à l'auteur pour cette compilation mensuelle précieuse.




NOTRE DAME DES LANDES (44) 

 Enraciner l’avenir


Source : ZAD.nadir.org et médias

Avril 2019



Et ailleurs : Landivisiau (29) – Colombie – CIGEO (67) – Bure (55) – Beynac (24) - Ligne Lyon / Turin (73) – Grèce – Pays basque – Brésil : Mouvement des Sans Terre - Gilets Jaunes




ZAD de NDDL - 44 -

Carte de la zone centrale de la Zad


    La terre en commun

La ZAD est soutenue par le fonds de dotation "La terre en commun"

Racheter les terres pour qu’elles restent liées à une vision collective.

Le gouvernement a annoncé le retour de la propriété au Conseil Départemental d’une partie des terres de la zad, ainsi que son intention de vendre le reste.

« La terre en commun » se doit, grâce à vous, d’être en position d’acquéreur sur les bâtis et les terres qui seront mis en vente rapidement et de se positionner stratégiquement sur ceux qui arriveront à terme sur le marché :

 * pour que ces terres ne retournent pas à l’agriculture intensive

 * pour sauvegarder la biodiversité de ce bocage exceptionnel

 * pour garantir le maintien des activités collectives nées de la lutte contre le projet d’aéroport

 * pour voir fleurir des projets basés sur l’entraide, la mise en commun et le respect de la terre et de la nature.

Le fonds de dotation permet l’acquisition collective de terres, de forêts et de bâtis, sans aucun système de parts ou d’actions. Les biens acquis sont donc placés en dehors de la spéculation et des recherches d’enrichissement personnel.

plus d’infos : https://encommun.eco/




 

Infos du 1er au 7 avril


Mardi 2 avril

Recherche de matériel 

 


Le groupe Huile de tournesol (Sème Ta Zad) est à la recherche de bouteille d’huile vide toute taille (0,5 / 0,75 / 1l) de préférence avec le petit goulet en plastique. Si vous en avez quelques unes, vous pouvez les déposer au liminbout squat (batiment collé derrière l’auberge). Merci !


Dimanche 7 avril

ZAD 

 

Lettre d’info d’Abrakadabois - avril 2019 à lire ICI ou en PDF (avec photos ! )→ https://zad.nadir.org/IMG/pdf/lettre_info_abrak___avril2019.pdf

Infos du 8 au 14 avril


Mardi 9 avril

►Un an après l’expulsion, l’héritage vivace de la Zad de Notre-Dame-des-Landes
par Émilie Massemin sur Reporterre : https://reporterre.net/Un-an-apres-l-expulsion-l-heritage-vivace-de-la-Zad-de-Notre-Dame-des-Landes


Vendredi 12 avril


ZAD

Rappel des différents évenements du week end rallongé… :
Portes Grandes Ouvertes sur la ZAD : le programme vient d’être mis à jour voir ICI
Communiqué pour l’appel à rassemblement du 15 avril : S’abriter par temps de PLUi – Lundi 15 avril 10h



AILLEURS


Infos du 1er au 7 avril


Lundi 1er avril

Landivisiau 

 

Les actions contre la centrale à Gaz de Landivisiau continuent. Pour plus d’infos le site http://www.nonalacentrale-landivisiau.fr/
►Le mouvement de Liberacion de la Madre Tierra en Colombie, lance un appel à soutien à travers l’océan pour les aider à financer La seconde Marche de la Comida.
"Depuis le Processus de « Liberación de la Madre Tierra » (libération de la Mère Terre), nous lançons un appel à dons, une vache comme on l’appelle ici en Colombie, ayant pour objectif la seconde Marcha de la Comida qui se déroulera les 30 et 31 mars 2019 dans cinq villes de Colombie, où nous irons partager les aliments récoltés sur les terres en voie de libération avec des gens de processus populaires urbains qui eux aussi sèment et luttent.

L’argent que nous récolterons par ce biais servira à financer les trajets des cinq bus remplis d’aliments et de gens vers Bogotá, Cali, Medellin et Manizales.

Notre processus est autonome, nous ne recevons aucun soutien d’aucune institution, ce qui nous amène à lancer cet appel aux amis, d’ici et là, de tous les coins du monde où la voix de notre lutte fait écho."

Pour en savoir plus et éventuellement contribuer : 

Dimanche 7 avril 



Zad du Moulin (GCO - 67)

 


Ils n’auront pas notre résignation, appel à rejoindre la ZAD du Moulin

Besoin de renforts à la ZAD du Moulin ! voir l’appel



Infos du 8 au 14 avril


Lundi 8 avril

Bure 

 

Jumelage de Bure et Wittelsheim : Cigeo et Stocamine, mêmes mensonges, mêmes combats !


De Wittelsheim à Bure, il n’y a qu’un... continuum dans le mensonge !


Il n’y a pas qu’un pas puisque plus de 200 klilomètres les séparent mais ils sont bien plus proches qu’à première vue ! Le collectif Destocamine n’était pas venu les mains vides jeudi dernier : nous en avons profité pour jumeler nos deux villages, Bure et Wittelsheim, liés par deux sites, Cigeo en projet pour l’un, Stocamine pour l’autre !


Quel est le point commun entre un projet d’enfouissement des déchets nucléaires et un centre de stockage profond de déchets industriels dangereux ? Dans les deux cas, les autorités séduisent, mentent et méprisent la population locale. Dans les deux cas, elles prennent le grand est pour une poubelle en enfouissant des déchets au nom des générations futures... en condamnant leurs sous sols ! La promesse de la réversibilité de Stocamine a été enfouie avec les déchets chimiques et rompue en 2002 lors d’un accident qui a condamné le site. Depuis presque 20 ans, habitant-es, associations et élu-es bataillent pour extraire ces déchets qui menacent de contaminer définitivement leur territoire.


A Bure nous rappellerons toujours l’exemple de Stocamine comme ce qu’il ne faut plus faire, et à Wittelsheim nos camarades présentent Cigeo à la lumière de ce qu’ils ont vécu : il ne doit pas voir le jour !


Landivisiau 

... Les prochains rendez-vous !

 dimanche 7 avril à 12h : pique-nique résistant Spécial grand jour. RDV au rond-point du Drennec à Landivisiau. Tenue du dimanche conseillée ! ?￰゚ムメ 
 
 lundi 8 avril à 9h15 : rassemblement de soutien aux personnes convoquées devant la gendarmerie de Plourin-les-Morlaix. RDV à l’aire de covoiturage de Landivisiau à 8h45. 

 mardi 9 avril à 14h45 : rassemblement de soutien aux personnes convoquées devant la gendarmerie de Plourin les Morlaix. RDV à l’aire de covoiturage de Landivisiau à 14h15.


 vendredi 19 avril : rassemblons-nous en Ile-de-France pour une grande action de désobéissance civile non-violente. Ensemble, bloquons la République des pollueurs ! À l’initiative de ANV-COP21, Greenpeace France et les Amis de la Terre France. Inscriptions ici.


RAPPEL : 2 formations à l’action non-violente sont prévues en avril : 

 dimanche 14 avril à Plougasnou Horaires : 9h30 - 17h30 / Prévoir un repas / Participation libre / Inscription : xrmorlaix@protonmail.com 

 samedi 20 et dimanche 21 avril à Lampaul Guimillau (25 stagiaires max) L’hébergement est prévu pour le samedi soir. Une participation de 15 € min est demandée pour les frais de nourriture (petit déj, repas, goûter et dîner) pour tout le week-end. Cette participation vous inscrit directement à la formation. Pour payer, c’est ici ? Pot commun ANV. Pour plus d’info ? smackoko@hotmail.com.

A bientôt ! ✊


Landivisiau doit dire non à la centrale Association loi 1901 à direction collégiale


Pour l’abandon du projet de Centrale à gaz en Bretagne signez la pétition sur change.org ! Pour nous soutenir, adhérez à l’association Landivisiau Doit Dire Non à La Centrale. FB @LDDNLC // Twitter @LDDNALC // IG @LDDNLC


Le tribunal suspend les travaux de la déviation de Beynac, 

en Dordogne





On a appris ce mardi 9 avril au matin que le tribunal administratif de Bordeaux suspendait les travaux du contournement de Beynac (Dordogne).

 Ce projet consiste en une route de 3,5 km avec deux ponts qui enjambent la Dordogne, un tunnel sous une voie ferrée, un nouveau rond-point d’un côté et un nouveau carrefour de l’autre. Les opposants estiment que cela détruirait le paysage et l’écosystème d’une vallée magnifique, expliquaient-ils à Reporterre en novembre dernier.

Le tribunal a été saisi par les associations d’opposants Sepanso et Sauvons la vallée Dordogne. En plus de l’arrêt des travaux, le tribunal ordonne également de « procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux ». L’État et le département, porteur du projet, devront aussi payer 1.200 euros solidairement aux associations d’opposants.

Le Conseil départemental de la Dordogne, porteur du projet, devrait très certainement faire appel. C’est en tout cas un nouveau coup dur pour le département, après que le Conseil d’État a demandé la suspension du chantier, en décembre 2018.
    Source : Sud Ouest et Reporterre
    Photo : Le château de Beynac. © François Canar/Reporterre


Infos du 15 au 21 avril


Samedi 20 avril

Des élus de tous les partis demandent au gouvernement de stopper le projet Lyon-Turin sur Reporterre



https://reporterre.net/Des-elus-de-tous-les-partis-demandent-au-gouvernement-de-stopper-le-projet-Lyon


Infos du 22 au 30 avril



Mercredi 24 avril



►L’Atomik Tour lance un débat alternatif sur les déchets radioactifs sur Reporterre

https://reporterre.net/L-Atomik-Tour-lance-un-debat-alternatif-sur-les-dechets-radioactifs



Le collectif mauvaise troupe va sortir le 8 mai prochain un nouveau livre : Borroka ! Abécédaire du Pays basque insoumis.


Cet ouvrage a été rédigé en vue du prochain G7 qui se tiendra fin août à Biarritz. Vous en trouverez une présentation synthétique ci-dessous. Comme à chaque parution, nous organisons une tournée de présentation. Celle-ci se déroulera à partir du 9 mai. Certaines dates la balisent déjà : à Mellionec le 18, à Paris le 21, à Dijon le 22, à Lyon le 25… Si vous avez l’envie d’organiser une présentation du livre et une discussion à propos de cet événement estival, merci de nous contacter par retour de mail.




Grèce : Giorgos Kalaitzidis, un des membres les plus exposés du collectif anarchiste grec Rouvikonas vient d’être condamné à payer 3 000 euros d’amende sous peine de quoi il sera emprisonné pour 1 an et 4 mois. Cette somme qu’il n’est pas en mesure de payer s’ajoute aux 56 mois de prison qu’il cumule. Au total, le groupe est submergé par 200 000 euros d’amende, 25 000 euros de frais de justice, 528 mois de prison (44 ans) et les condamnations continuent de pleuvoir.

Une cagnotte est mise en place afin de venir en aide au collectif anarchiste grec Rouvikonas qui fait face à, entre autres, 200 000 € d’amende et 25 000 € de frais de justice pour ses actions d’envahissement, de sabotage et d’occupation, comme la destruction de fichiers des personnes surendettées ou le blocage des négociations avec la Troïka.





Jeudi 25 avril

►Des membres de la la délégation du Mouvement des Sans Terre brésilien finissent leur tournée en France. Samedi prochain à Paris il y a un concert de soutien , un discussion et une exposition photo....
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GILETS JAUNES

Infos du 1er au 7 avril



Lundi 1er avril

Geneviève Legay a bien été poussée par un policier, 
reconnaît le procureur




 Geneviève Legay, la manifestante blessée samedi 23 mars dans une charge des forces de l’ordre pour disperser des Gilets jaunes à Nice a bien été poussée par un policier, a déclaré vendredi 29 mars le procureur de Nice, qui a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire.

Dans un premier temps, le procureur Jean-Michel Prêtre avait assuré lundi 25 mars qu’il n’y avait eu « aucun contact » entre la manifestante, Geneviève Legay, 73 ans, et un policier. La poursuite des investigations et le témoignage « rectifié » d’un policier, qui a admis avoir repoussé du bras une femme, et non un homme, comme il l’avait dit initialement, ont finalement permis d’établir que la chute de Geneviève Legay avait bien été causée par un membre des forces de l’ordre, a-t-il précisé dans un communiqué.

Les trois filles de Geneviève Legay ont déposé plainte lundi 25 mars contre X pour « violences volontaires commises en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique, avec usage d’une arme, et sur personne vulnérable » et « subornation de témoin ». Attac a déposé une plainte identique. Les trois filles de Geneviève Legay visent aussi le préfet pour « complicité de violences volontaires aggravées ».

La septuagénaire souffre de multiples fractures du crâne et les médecins lui ont découvert mardi cinq côtes fracturées, repoussant l’éventualité d’une sortie de l’hôpital où elle avait été admise avec un pronostic réservé.

Source : L’Obs
  • Photo : Geneviève Legay, militante d’Attac, quelques instants avant la charge des gendarmes qui la jettera au sol, samedi 23 mars, à Nice (Alpes-Maritimes). Capture d’une vidéo de Bagna Presse, sur YouTube
    sur Reporterre


Manif des gilets jaunes du 30 mars à Paris par Le Média – 9 minutes (particulièrement bien)



Mardi 2 avril

A Saint-Nazaire, 

la Maison du peuple pousse les murs pour accueillir


la deuxième assemblée des « gilets jaunes » 




Fin janvier, Commercy accueillait 75 délégations de la France entière pour une « assemblée des assemblées ». Du 5 au 7 avril, elles seront 300 à converger vers Saint-Nazaire. Trois journées placées sous le signe de la « fraternité exemplaire », dont la préparation a donné quelques sueurs froides à leurs organisateurs.


Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), de notre envoyé spécial.- En certaines occasions, lutter, c’est aussi savoir manier raclettes, brosses et balais. En ce jeudi 28 mars ensoleillé, KTY, Angélique, Jo et Stéphanie ne se sont pas fait prier. Après le pain au chocolat-café-clope du matin, ils ont enfilé gants et tabliers pour assainir les sols de la Maison du peuple, recouverts d’une épaisse couche de placo fraîchement brisé. 


« Ça met la pression d’accueillir autant de monde, souffle Angélique. Mais je veux que les personnes qui arriveront ici vendredi soient aussi bien accueillies que je l’ai été lorsque j’ai poussé la porte de cette maison, le 3 décembre dernier. »

Dans le tourbillon de ce grand ménage printanier, KTY le reconnaît, bien volontiers : « Cette deuxième assemblée, c’est l’inconnu. On passe tout de même de 75 à 300 délégations. Mais c’est aussi l’excitation de rencontrer des gens qui ont les mêmes aspirations que nous. Comme à Commercy, j’imagine ce qui va se passer ce week-end comme un moment fantastique de démocratie directe ! » 

Un moment de « fraternité exemplaire » également fait de stress et de pression depuis que les habitants de la Maison du peuple ont accepté d’accueillir la deuxième assemblée des « gilets jaunes », chez eux, à Saint-Nazaire.



  Stéphanie et Jo passant le balai dans la maison du peuple de Saint-Nazaire, jeudi 28 mars 2019. © PYB

Car « recevoir la petite bande », comme le dit KTY, lunettes foncées plantées sur le nez, exige une sacrée gymnastique logistique. « Concrètement, explique Jo, trentenaire parisien venu s’installer en bord de mer, chacune des délégations peut se composer de deux porte-parole et de deux observateurs. Cela, pour des raisons de parité. » Un gros millier de personnes qui devrait davantage tourner autour des 700 à 800 gilets jaunes attendus, dès ce vendredi, aux bords des chantiers navals.

Pour accueillir tout ce petit monde, les habitants de la Maison du peuple sont partis en quête de salles municipales ou de terrains privés, ont imaginé louer des chapiteaux, ont dû créer un réseau d’hébergeurs, ont fait appel à des campings et des cantines militantes de la région… 

« Le budget est vite grimpé autour des 15 000 euros », détaille Ludovic, militant nazairien de la première heure. Une somme que les gilets jaunes n’avaient pas en caisse et n’ont jamais réussi à récolter. Cela, malgré le lancement d’une cagnotte solidaire et la multiplication des démarches effectuées notamment auprès de la municipalité.

« Depuis le début du mouvement, le maire ne cesse de nous dire : “Structurez-vous. Mettez-vous en association” », relate Ludovic. Ce que nous avons fait en lançant la création d’une association de soutien à l’organisation de “l’AG des AG”. Alors que nous étions dans cette démarche officielle de dépôt des statuts en ligne et après avoir fait quatre demandes de rencontre, le cabinet du maire a enfin accepté de nous recevoir pour nous dire qu’indépendamment du fait que nous étions en train de créer une association, la mairie refusait de nous aider. »

Notifiée par écrit, voici la réponse en question : « Cet événement étant susceptible de constituer des troubles à l’ordre public, la mairie ne souhaite pas y être associée. Par conséquent, elle ne peut répondre favorablement à votre demande. » Un refus qui trouverait son origine dans les débordements liés à la manifestation régionale du 5 janvier dernier qui a vu le centre-ville de Saint-Nazaire dégradé suite à de violents affrontements entre gilets jaunes et forces de l’ordre.

« Depuis ce jour, le maire nous en veut, réagit Ludovic. Il nous tient, nous gilets jaunes de Saint-Nazaire, responsables de ces débordements et nous le fait payer. » « Alors même, se défend Jo, qu’au niveau sécurité, nous avons tout prévu : des ganivelles, la présence d’une équipe de la Croix-Rouge sur place, etc. »

« On est tous ressortis de cette séquence avec le même sentiment d’étouffement et d’écrasement contre lequel on se bat depuis maintenant cinq mois, souffle Stéphanie. Avec cette même rage aussi, contre cette volonté républicaine qui veut, coûte que coûte, casser un mouvement pourtant démocratique. »

Pour Ludovic, ce refus a pourtant le mérite de la clarté. « Il nous sort de cette relation d’entre-deux avec la mairie. Ce refus nous conforte dans notre idée première d’autonomie. Les gilets jaunes de Saint-Nazaire se sont structurés à la Maison du peuple. C’est donc bien à la Maison du peuple d’accueillir cette deuxième assemblée. En plus, ça va éviter de nous ruiner. » 

Ainsi, après en avoir longuement discuté lors d’une de ces AG quotidiennes qui rythment la vie des habitants et, en accord avec le promoteur immobilier, nouveau propriétaire des lieux, décision a été prise de faire sauter toutes les cloisons du bâtiment pour recevoir au mieux les débats de ces trois prochaines journées d’assemblée.


 
« C’est à notre initiative que nous avons négocié avec le promoteur, tiennent à préciser les gilets jaunes, dans un communiqué. Nous voulions un délai pour accueillir l’assemblée des assemblées et préparer la création d’une nouvelle Maison du peuple avant de quitter les lieux, calmement et sans ressentiments. Pour cela, un protocole d’accord a été signé et déposé au tribunal. Il nous permet de rester dans les locaux actuels et ce, jusqu'au 22 avril. Nous en profitons pour remercier le chef de projet et le maître d’œuvre d’avoir su négocier intelligemment et répondu à notre proposition, de manière très respectueuse. »

Un double répit pour les gilets jaunes nazairiens qui envisagent donc de créer une nouvelle Maison du peuple, une fois l’assemblée de ce week-end passée. « Tenir au quotidien un tel lieu, construire du collectif, se défendre contre les attaques politiques et médiatiques, cela nous demande beaucoup d’énergie, abonde Jo. Mais nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse. Nous devons tenir ces exigences pour continuer à durer. »

À quelques jours du coup d’envoi de cette deuxième « AG des AG », le sentiment est de nouveau à l’unité, « dans cette volonté unanime de vouloir avancer ensemble »« L’un des objectifs de ce deuxième rendez-vous est que chaque délégation reparte avec une charte précisant la définition et le fonctionnement de l’assemblée des assemblées, détaille encore Jo. Elle nous servira à organiser au mieux les prochaines éditions. Pour être les plus efficaces possible, nous avons décidé d’anticiper ce travail en demandant à chacun de bosser ses revendications, en amont. »

Outre ce travail fondateur, six autres questions seront mises en débat, samedi et dimanche. Comme le bilan des actions avec ce qui a fonctionné ou non et pourquoi ; quelles actions à mener à plus ou moins long terme ; les réponses à opposer aux répressions ; la réflexion autour d’un plan de communication interne aux gilets jaunes et en direction de la population. Sans oublier le bilan de chacun des territoires lors de ces cinq derniers mois de lutte.


« Ce week-end, nous serons à un tournant du mouvement, croit savoir Jo. Tout en renforçant notre réseau national par la structuration, l’entraide et l’échange d’idées, nous ne devrons pas oublier de travailler sur le renforcement de notre ancrage local. Nous sommes partis des territoires, les territoires doivent rester notre force. Il va donc nous falloir trouver le bon équilibre, sans qu’un axe ne prenne le pas sur l’autre. Oui, cela fait beaucoup de choses à penser mais, en réalité, a-t-on vraiment un autre choix ? »

Pierre-Yves Bulteau – Médiapart


J’veux du soleil ! 

 


Courez vite voir ce film et cessez de vous laisser leurrer par une farce gouvernementale indécente et fallacieuse. Vive l'insoumission générale! "J’veux du soleil", sortie le 3 avril, à ne pas manquer.


Le film des gilets jaunes !




À la fin de la projection, toute la salle se lève et durant de longues minutes applaudit ce documentaire nécessaire tout autant que réjouissant, jubilatoire parfois et toujours d’une immense sensibilité. Ainsi donc ceux que les médias et le gouvernement nous ont vendu comme des fachos, des extrémistes, des casseurs, des furieux, des imbéciles sont des femmes et des hommes de cœur et de raison, humiliés par une société qui a décidé de laisser sur le bas-côté les plus modestes pour le seul profit d’une caste de privilégiés.

Nous étions tous bouleversés à la sortie de ce cinéma qui projetait en avant-première « J’veux du soleil » film réalisé par le duo Gilles Perret et François Ruffin. Tout au long de son déroulement les rires fusaient, alternaient parfois avec les cris d'indignation quand le Freluquet qui nous gouverne tenait des propos d’un rare mépris ou lorsque les valets du pouvoir défendaient la thèse de l’effroi insurrectionnel. Nous étions soumis à une alternance de sensations contradictoires, partagés entre amour et haine

Amour pour ces gens simples, désespérés par une existence qui n’avait plus de sens jusqu’à ce qu’ils découvrent la fraternité d’un combat nécessaire, la solidarité dans l’épreuve et ce désir fou de se retrouver en dignité malgré les coups bas, la misère, le chômage, la pauvreté, l'humiliation au quotidien agrafée plus encore par les propos de ce Président, petit banquier arrogant et provocateur. Détestation de celui qui est censé nous représenter et qui n’agit que pour renforcer plus encore les inégalités et les injustices, inféodé qu’il est aux puissances de l’argent, détestation encore pour tous ces journalistes odieux à la solde du pouvoir, martelant à longueur de temps la monstruosité de ce peuple en jaune.

Dans la salle, au balcon, des gilets jaunes étaient présents pour témoigner à leur tour, pour se reconnaître parmi les frères et sœurs de combat qui habitent littéralement l’écran lors de témoignages qui tirent les larmes. Pour certains, c’était la première fois qu’ils venaient dans ce cinéma Art et Essai, estampillé culture bourgeoise. Une nouvelle victoire pour le réalisateur, persuadé que ce n’est que par l’adhésion de la classe moyenne que les vaillants des ronds points vont pouvoir renverser cette République des privilèges !

Comment traduire en mots, sans doute trop soignés, certainement mieux tournés, la force des témoignages, la puissance de leurs regards, la beauté de leur conviction ? Ce sera toujours en dessous de ce qui passe dans ce film, cette vague d’émotion et d’empathie qui vous emporte loin, si loin des reportages convenus. 
 
En peu de temps, nous suivons le député définitivement insoumis à travers un pays qui se dresse, s’oppose, réclame de la considération et une vie simple digne. Partout, la même conviction, le même besoin vital de ne plus accepter l’humiliante réalité, de briser le servage dans lequel la résignation, les charges, les crédits, les menaces en tous genres ont enfermé ces gens. Ce n’est pas une insurrection d’affreux, sales et méchants comme l’affirment les canailles qui gouvernent, c’est un peuple qui redresse la tête.

Nous les écoutons, Marie, Khaled, Natacha et tous les autres tandis que le portrait géant de Marcel nous permet de comprendre que les nouveaux martyres sont là : les laissés pour compte d’un libéralisme qui broie les plus faibles. Tous ceux qui iront voir ce film en sortiront transformés, convaincus désormais que jamais plus rien ne sera comme avant en dépit de l’effroyable conditionnement d’un pouvoir qui ment, trahit, agresse son peuple.

Ce film est un brûlot nécessaire, un chant d’amour aux miséreux, une bouteille à la mer pour un monde plus juste, un pavé dans la mare médiatique, une aventure épique, un soleil dans les ténèbres. Bien sûr, il fera des dégâts collatéraux. Chaque spectateur sortira de la séance avec la conviction intime, profonde et définitive que jamais plus il ne sera représenté par ce triste sire qui usurpe la fonction présidentielle. Ni ses propos trompeurs, ni les manipulations des sondages ne permettront de sauver celui qui à chaque apparition à l’écran est conspué.

Ne pensez pas que c’est un manifeste ou un pensum. Vous sortez de là joyeux et confiant, fort d’une espérance nouvelle cette humanité véritable qui est sur les ronds points. Le bras séculier peut continuer de frapper, de blesser, d’emprisonner les miséreux, jamais plus notre société ne sera dupe d’un pouvoir qui nous méprise et nous spolie.

Courez vite voir ce film et cessez de vous laisser leurrer par une farce gouvernementale indécente et fallacieuse. Vive l'insoumission générale ! 
 
Enthousiastement leur.



J'VEUX DU SOLEIL ! - La bande-annonce officielle © Fakirpresse :






Mercredi 3 avril

Ruffin et Perret filment les Gilets jaunes : « ils ont rouvert un imaginaire politique » 

 sur Reporterre

 



 




Pour quels faits et à quelles peines de prison, 

des centaines de gilets jaunes ont-ils été condamnés ?




Depuis quatre mois, 2000 « gilets jaunes » ont été condamnés par la justice et 1800 sont en attente de leur jugement. Au-delà de ces chiffres qui recouvrent autant d’histoires singulières, nous avons analysé plus de 400 condamnations à des peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis, sur tout le territoire, pour savoir quels étaient les faits reprochés, quelle était la rapidité des procédures – et les questions que cela peut poser en terme de droits de la défense –, et le niveau de dureté des peines prononcées. Nos données révèlent une partie de la face judiciaire, inédite, de la répression de ce mouvement.

En quatre mois de mobilisation et vingt journées nationales de manifestations, 2000 participants au mouvement des gilets jaunes ont été condamnés, selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Les procès, dont nombre se sont tenus dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, sont-ils équitables ? Assiste-t-on à une justice d’urgence, plus sévère, comme le dénoncent certains avocats ? La justice condamne-t-elle des « gilets jaunes » avant même que des actes soient commis ? C’est pour répondre à ces questions que, au-delà des chiffres livrés par la ministre, nous avons épluché les comptes-rendus de procès qui ont été suivis par les journaux locaux et nationaux ainsi que par des collectifs. Nous avons ensuite réalisé une base de données qui comprend 412 condamnations à des peines de prison (ferme, avec sursis ou cumulant les deux).


    Que disent les chiffres officiels ?


Selon la ministre de la Justice, sur les 2000 condamnations annoncées le 24 mars, « 40 % sont des peines d’emprisonnement ferme et 60 % sont d’autres types de sanction, par exemple des travaux d’intérêt général, des sursis, etc. ». 390 mandats de dépôt ont été prononcés : les personnes ont été incarcérées avant ou après leur jugement. 100 prévenus ont été relaxés par les tribunaux et 1700 affaires ont été classées sans suite.

Le nombre de condamnés pourrait rapidement augmenter : 1800 personnes sont en attente d’être jugées, en particulier pour les accusations les plus graves qui nécessitent des enquêtes plus longues, comme « pour les dégradations commises à l’Arc de Triomphe », le 1er décembre, précise le ministère de la Justice. D’autre part, pas moins de 400 requêtes ont été adressées à des juges pour enfants, après l’interpellation de mineurs lors de manifestations ou d’actions.

Voilà pour les chiffres officiels. Mais pour quels faits les gilets jaunes ont-ils été condamnés ? Quels types de peines ont été prononcés ? Dans quelles conditions ces condamnations ont-elles été décidées ? Notre base de données n’est pas exhaustive et ne compile que les cas documentés. Les peines les plus lourdes retiennent davantage l’attention des journalistes. Tout un pan des condamnations – amendes, travaux d’intérêt général – est occulté. Parfois, si la presse fait état d’une peine prononcée, le motif n’a pas forcément été précisé. Nos données sur ces 412 condamnations, sur tout le territoire, révèlent cependant une partie de la face judiciaire, inédite, de la répression de ce mouvement.




    Les violences contre les forces de l’ordre 

    constituent la majorité des faits reprochés


D’après les condamnations que nous avons compilées, les violences contre les forces de l’ordre représentent près de 60 % des faits reprochés [1]. Ces violences figurent aussi parmi les faits les plus lourdement punis : sur 21 condamnations à deux ans ou plus de prison (sursis et ferme confondus), les deux-tiers ont été prononcées contre des personnes jugées coupables de violences contre des policiers ou des gendarmes. Les « jets de projectiles » constituent la première forme de ces violences (60 %), loin devant les violences physiques (20 %). Ces violences physiques sont d’ailleurs plus sévèrement punies : 80 % des peines dépassent les six mois de prison, ferme ou avec sursis. Les peines pour violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique peuvent aller jusqu’à sept ans de d’emprisonnement (art. 222-13 du Code pénal).



    Dégradations : des condamnations un peu moins sévères


Les dégradations de biens – importantes puisqu’elles représentent 20 % des condamnations que nous avons recensées – sont moins sévèrement condamnées que les violences contre les forces de l’ordre. 80 % des peines prononcées sont inférieures à six mois de prison ferme, et la moitié de ces peines ne prévoient pas de prison ferme. Les trois quarts des faits de dégradations ont été jugés plus de 10 jours après les faits. Ces condamnations sont les plus sévères (11 mois en moyenne contre 6 mois pour les condamnations « rapides »). Les dégradations de biens peuvent être punis jusqu’à deux ans d’emprisonnement (art. 322-1 du Code pénal).

Plus globalement, 80% des peines que nous avons recensées sont inférieures à 12 mois de prison ferme ou avec sursis [2].




    Les faits les moins graves jugés très rapidement


La justice a-t-elle été exceptionnellement rapide face aux gilets jaunes ? 70 % des condamnations ont été prononcées dans la semaine qui a suivi les faits, dont l’immense majorité dans les 72 heures. Malgré la rapidité et les risques d’impréparation de la défense, ces peines n’ont, en général, pas été les plus sévères. En moyenne, les peines prononcées dans les 10 jours suivant les faits sont de 6,4 mois d’emprisonnement – ferme et sursis compris. Lorsque les jugements se sont tenus plus de dix jours après les faits, la gravité des peines prononcées a quasiment doublé : 11 mois en moyenne. Ces données seront amenées à évoluer puisque les faits les plus complexes et les plus graves seront présentés devant la justice dans quelques semaines, à la suite de convocations par officier de police judiciaire ou de renvoi par les juges d’instructions. 


    Les journées du 1er et du 8 décembre les plus violentes


Si l’on s’intéresse au nombre de condamnations prononcées par « actes » des gilets jaunes, trois ressortent plus particulièrement : celui du 1er décembre (acte III), avec les violences commises autour de l’Arc de triomphe, celui du 5 janvier (acte VIII), avec les heurts sur le Pont des Arts, celui du 16 mars (acte XVIII) avec les dégradations du Fouquet’s et de plusieurs boutiques de luxe autour des Champs-Élysées, ont été, pour l’instant, les plus « judiciarisés ». Plus de 40 peines de prison ont été prononcées suite à chacune de ces journées d’action, dont près de 80 dans la foulée du 1er décembre.

Nous avons également comparé le nombre de condamnations par actes avec les signalements de violences policières répertoriés par le journaliste David Dufresne pour Mediapart. Cela permet de mesurer le niveau de violence de certaines journées de manifestations, par le nombre de signalements de manifestants blessés et celui des personnes interpellées puis condamnées à des peines de prison. Il ne s’agit bien évidemment pas de justifier a posteriori les violences commises par les forces de l’ordre au regard du nombre de condamnations prononcées ensuite, ni celles commises par les manifestants au regard du nombre des violences policières signalées.


Enfin, les manifestations ne sont pas les seules occasions de condamnations pour les « Gilets jaunes » : 20 % des condamnations sont liées à des faits sans liens avec des manifestations. A l’exemple d’un jeune homme de 28 ans, très présent sur les mobilisations des rond-points, et condamné à Narbonne à six mois de prison ferme pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux un appel à bloquer la raffinerie de Port-la-Nouvelle.

Simon Gouin et Alexandre Léchenet

 A lire : Le traitement des gilets jaunes par la justice renforce « l’idée qu’il y a les puissants d’un côté, et les autres »

Notre dossier sur les condamnations des gilets jaunes

Pendant plusieurs semaines, Basta ! s’est plongé dans les centaines de condamnations de gilets jaunes à de la prison, pour en connaitre les raisons. Retrouvez une première analyse du traitement judiciaire des gilets jaunes ici. Et notre base de données, non exhaustive, est à découvrir en ligne sur cette page.


Si vous souhaitez nous faire remonter des jugements, écrivez-nous à cette adresse : basta[arobase]bastamag.net



Jeudi 6 avril




►Gilets jaunes en procès : « Pour les magistrats, les pressions sont palpables, comme lors des périodes d’attentats » par Nolwenn Weiler – Bastamag

https://www.bastamag.net/Gilets-jaunes-en-proces-Pour-les-magistrats-les-pressions-sont-palpables-comme


►« Les interdictions de manifester sont des peines politiques, qui posent un vrai problème démocratique » par Nolwenn Weiler – Bastamag

https://www.bastamag.net/Les-interdictions-de-manifester-sont-des-peines-politiques-qui-posent-un-vrai



Vendredi 5 avril




Journal, débat public… 
Pour les Gilets jaunes de Dordogne, 
« l’action, ce n’est pas juste gueuler en manif » 






Les Gilets jaunes de Montpon, en Dordogne, sont sur tous les fronts : au marché et en débat public pour sensibiliser la population, à Bergerac pour rencontrer d’autres groupes et coordonner leurs actions. Ils ont même lancé un journal, « L’Éveil citoyen ».


Pour faire le point sur le mouvement des Gilets jaunes, Reporterre a décidé de retourner sur des ronds-points où il s’était rendu au début de la mobilisation. Aujourd’hui, il vous emmène à Ménesplet, en Dordogne, où les Gilets jaunes de Montpon-Ménestérol ont installé leur QG. Dans un premier article, nous vous racontions leur implication dans les manifestations du samedi. Dans celui-ci, il sera question de la manière dont ils agissent au quotidien.




Montpon-Ménestérol (Dordogne), reportage 

« Bien dormi ? Tu prends le café ? » À 7 h 30 du matin, le soleil radieux illumine déjà l’intérieur de la caravane. Cette nuit-là du mercredi 27 mars, ce sont Jean et Thibault qui ont dormi au QG des Gilets jaunes de Montpon-Ménestérol (Dordogne), devant le supermarché discount Netto de Ménesplet (Dordogne) — un roulement, noté dans un cahier d’écolier, a été établi pour que les deux caravanes ne restent jamais vides. La réunion hebdomadaire de la veille s’est prolongée tard dans la nuit, mais Jean, rejoint entre-temps par Gilles, a déjà rallumé le feu et lancé la cafetière. « Avec Thibault, on s’est couché à l’aube. Ça pique un peu », avoue-t-il, en passant la main sur son menton couvert d’une ombre de barbe. La routine, ou presque, depuis qu’ils ont récupéré les caravanes et installé leur campement, le 5 janvier dernier


À 9 h 30, c’est au tour de David, Nirvana et François de débarquer, à la recherche d’une table pour installer leur stand au marché de Montpon. « Les prochaines fois, on se donnera rendez-vous à 9 h ici pour être à 9 h 30 là-bas, indique François, en furetant sous l’auvent et dans la caravane rouge prêtée par Joël, le circassien. J’ai déjà des volontaires pour les prochains mercredis. On va essayer de faire en sorte que chaque personne ne fasse pas plus d’un jour par mois, pour éviter l’épuisement.»



Le campement des Gilets jaunes de Montpon, près du supermarché discount Netto.


Objectif : faire connaître leur mobilisation aux habitants, à rebours des images de casse relayées par certaines télévisions. « On doit convaincre qu’on n’est pas antisémite et homophobe. Les gens sont très influencés par les médias, ils ne vont pas au-delà de BFM et de CNews qui nous décrivent comme un peuple haineux, regrette Sarah. Une personne est déjà venue m’interpeller, elle pensait que nous étions tous au RSA [revenu de solidarité active] ! Il n’y a personne au RSA dans notre groupe, mais des gens qui travaillent, des chômeurs, des retraités et des personnes en invalidité. »

    Débat public des Gilets jaunes de Montpon 

    prévu le 18 avril


Les témoignages de soutien continuent néanmoins d’affluer. En se levant, Jean a découvert un pack de bières déposé devant la caravane. En milieu de matinée, un couple de retraités marseillais s’est aventuré sur le campement pour proposer son aide. « On n’a jamais rien fait, sauf partager des messages des Gilets jaunes sur les réseaux sociaux, a précisé Mireille. On aimerait savoir quoi faire de plus. » « Parce qu’on en a marre de ce gouvernement », a complété son mari, André. Le couple, qui souhaite être informé des prochains événements organisés par les Gilets jaunes, a finalement laissé son numéro de téléphone à David. « On va sans doute organiser un débat le 18 avril prochain », leur dit ce dernier.



Sarah et Gilles.


En effet, la veille, la bonne quinzaine de Gilets jaunes présents à la réunion ont voté pour l’organisation d’une réunion publique avec les habitants de Montpon — « tout se décide au vote à main levée, précise Christophe. À chaque fois que les flics sont venus pour nous expulser, on a voté à main levée devant eux pour savoir si on partait ou pas et où on se réinstallait, et on a appliqué la décision ». Plusieurs Gilets jaunes avaient participé aux trois réunions organisées par Montpon dans le cadre du « grand débat national » et en étaient sortis écœurés. « On nous a posé des questions et nous devions trouver les solutions, autrement dit, faire le travail de l’État, ironise Sarah. Lors de la réunion consacrée à l’écologie, quand nous avons revendiqué le principe du pollueur-payeur, l’animateur nous a répondu que c’était un slogan publicitaire ! À la troisième réunion, sur la citoyenneté, la démocratie, la laïcité et l’immigration, j’ai dû expliquer la différence entre vote blanc et abstention. À une autre réunion, à Port-de-Couze, Christophe a interpellé le député Michel Delpon sur le fait qu’il avait voté pour la loi “anticasseurs”. »




Le groupe souhaite se réapproprier le dispositif pour concocter un débat à son image. « On veut expliquer aux gens pourquoi on est là, pour les éveiller, explique Christophe. Mettre en avant les problèmes de la privatisation des aéroports de Paris, de la réduction du personnel dans les hôpitaux… » « Les maternités qui ferment ! intervient Sarah, très sensibilisée en tant qu’ancienne aide-soignante en salle de naissance. Donc, pour les naissances, ça va être programmation-programmation-programmation. Ou alors, les femmes vont accoucher à la maison, avec tous les risques que ça entraîne. Un jour, j’en ai eu une qui a fait une rupture d’utérus : elle a énormément saigné, elle serait morte direct si l’on n’avait pas pu la transfuser ! »

    L’après-midi, lectures militantes et peinture de banderoles


Après le déjeuner pris au soleil sur la table de jardin, Sarah enfile son gilet jaune customisé pour filer à la librairie chercher le roman 1984, de George Orwell, pour sa fille Louna, qui prépare son bac de français. « Comme il y a plein de trucs que les profs n’ont plus le droit de dire, le sien leur fait lire des livres, apprécie-t-elle. Il leur a fait étudier Discours de la servitude volontaire, d’Étienne de la Boétie, c’était très intéressant. » Son fils Thibault, qui a quitté les bancs de l’école depuis un moment déjà, en profite pour passer commande : « Tu peux me prendre La Stratégie du choc, de Naomi Klein s’il te plaît ? J’ai envie de le lire parce que je pense que c’est exactement ce qui est en train de se passer. »




Pour celles et ceux qui restent au QG, pas question de lambiner au soleil. Nadine arrive avec un grand sac rempli de bouteilles en plastique de récupération remplies d’eau du robinet. Pascale, écouteurs sur les oreilles, s’attaque à la vaisselle dans deux grandes bassines en métal ; Angélique « Angèle » et Julien s’emparent de torchons pour lui prêter main-forte. De retour de la librairie, Sarah poursuit la peinture de la banderole, sur laquelle les lettres forment un immense « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir » ; bientôt, Nadine attrape un pinceau elle aussi. « On entend beaucoup de gens dire que tout ça ne sert à rien, commente-t-elle en remplissant minutieusement une lettre de peinture verte. Mais si on n’essaie pas, si on baisse les bras, on n’aura jamais rien ! » Plus loin, Christophe et Julien entreprennent d’installer leur précédente réalisation — une autre banderole proclamant que « Celui qui ne se rebelle pas n’a pas le droit de se lamenter ». Plus tard, des petites croix viendront orner le rond-point, « pour les onze personnes décédées depuis le début du mouvement », explique Sarah. « Pour Zineb Redouane, la vieille dame décédée après s’être pris une grenade lacrymo en plein visage, j’aimerais une croix noire avec des lettres jaunes, parce que c’est la police qui l’a tuée. Aucun mot de Macron là-dessus, d’ailleurs. Pas même un ‘‘elle aurait dû avoir la sagesse de ne pas fermer ses volets’’ ! » ironise-t-elle.



Sarah et Nadine confectionnent la banderole « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir ».



À 18 h, Thibault, Angèle et Pascale grimpent dans la voiture de Thibault, direction le tiers-lieu CéLA, à Bergerac. La lumière dorée embrase les petites routes, les vignes et les forêts, et le clip du rappeur D1st1 consacré aux Gilets jaunes tourne en boucle dans l’habitacle. La soirée s’annonce chargée, avec le lancement d’un journal inter-groupes de Gilets jaunes, L’Éveil citoyen, et une réunion pour la création d’une organisation départementale.

    « L’Éveil citoyen », 

    pour que les Gilets jaunes partagent leurs informations


François, membre du collectif de six personnes de différents ronds-points de Dordogne à l’origine du projet de journal, est déjà sur place et peaufine la maquette sur son ordinateur. « Cette soirée est importante parce que nous allons régler les derniers détails et envoyer le lien à nos 262 contacts mail et 100 contacts téléphoniques, dit-il. Notre objectif est d’assurer une parution par mois, le 28. » L’idée est d’offrir aux Gilets jaunes de Dordogne et au-delà une plate-forme pour partager leurs actualités, leurs annonces et leurs textes. Pour éviter tout phénomène de mainmise, la mise en ligne sera assurée par un Gilet jaune différent chaque mois. « Mais la personne la plus importante du collectif, c’est Régine, qui ne participe pas vraiment au mouvement des Gilets jaunes et nous apportera un regard extérieur, pour nous obliger à expliciter et éclaircir nos points de vue », précise François.


Nadine, François et Jean, de Bergerac, lors de la réunion de lancement du journal des Gilets jaunes.

À la veille de la première édition, les débats éditoriaux sont vifs. « Je vais vous lire à voix haute du texte sur l’éducation que je vous propose. On n’est pas obligé de le publier dans ce numéro », annonce François, avant de se lancer. « Pfff, c’est longuet », juge Pauline, 81 ans, qui voudrait plutôt parler de ce qui a été réalisé — ou non — dans le programme du Conseil national de la Résistance, dont elle a imprimé la page Wikipédia. « Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit, mais je veux bien que ce soit publié si c’est présenté comme la vision d’un lecteur. Dans ce cas, il faut que ce soit signé, au moins avec une initiale, pour qu’on comprenne que ce n’est pas la position de tous les Gilets jaunes », intervient Thibault. Arnaud, des Gilets jaunes de Bergerac, propose de rédiger « un article sur la permaculture et un autre sur [son] métier d’aide-soignant ». « Je nage un peu, ce n’est pas un média sur les Gilets jaunes ? Quel est le rapport avec la permaculture ? Il faudrait plutôt parler de la hausse des taxes, des galères que les gens vivent tous les jours », le coupe Régine. « C’est un média plus large que ça, qui doit intéresser tous les citoyens. Et on est citoyen avant d’être Gilet jaune », lui répond Pascale. Finalement, un compromis est trouvé par Jean, qui propose de consacrer une rubrique mensuelle à l’analyse d’une revendication des Gilets jaunes.




À peine le temps de trinquer au muscat apporté par François pour arroser le lancement du journal, qu’une nouvelle réunion commence sur la structuration départementale des Gilets jaunes. Paper-board à l’appui, Jean fait le bilan de la situation : « Le groupe de Bergerac a explosé, le groupe départemental n’en est pas loin. Il reste quatre ronds-points, ou groupes locaux : Creysse, Blason-d’Or, Eymet, et Port-de-Couze. Ajoutons celui de Montpon. Au-dessus, on a deux assemblées, trois si l’on ajoute celle de Montpon. Évidemment, les gens peuvent aller où ils veulent. Mais on voudrait s’assurer que l’info descende bien des assemblées vers les ronds-points et créer quelque chose de structuré. » Rapidement, l’idée de renforcer la cohésion entre les groupes en créant des cellules spécialisées émerge. « La cellule juridique, on l’a déjà fait », rappelle Arnaud. « Jusqu’à présent, on n’a pas travaillé sur les mêmes sujets. Par exemple, nous, on n’a jamais travaillé sur le référendum d’initiative populaire », dit Nadine. Se pose ensuite la question de la circulation de l’information entre les cellules : pour cela, la création d’un conseil départemental est envisagée. « Si c’est la même personne qui transmet l’information entre la cellule, les ronds-points, les assemblées et le conseil, elle risque de finir par se prendre pour le chef et ça n’ira pas », intervient Jérôme. « Ce qui a foutu en l’air Bergerac, c’est de faire des départementales tous les quinze jours qui ne marchent pas », rappelle Arnaud.

« Si on fait ça, on entre dans le système »



Depuis des semaines, la question de la structuration du mouvement est dans toutes les bouches. La veille encore, à la réunion hebdomadaire du QG, Christophe a proposé de rendre visite à David Poulain, à Ambarès, en Gironde. « C’est un économiste qui connaît plus de choses que nous et qui aimerait créer une cellule forte pour contrer le gouvernement », a-t-il plaidé. Mais l’idée était loin de faire l’unanimité. « Si on fait ça, on entre dans le système », a prévenu Thibault. « Penser qu’une personne va nous apporter le salut, c’est retomber dans les vieux travers comme le présidentialisme », a jugé Nathalie. Pour Sarah, « pas question de retomber dans le modèle associatif, avec le président et le trésorier ». Finalement, après une recherche internet, les Gilets jaunes ont découvert que M. Poulain avait créé l’union syndicale des Gilets jaunes, appelée « les Constructifs », et qu’il de demandait pas la démission de Macron. « Pour moi, c’est réglé, il ne m’intéresse pas », a jugé François. 




De retour de Bergerac, Thibault, Angèle et Pascale racontent la soirée à Christophe et Sarah, tout en dégustant une assiette fumante de riz aux légumes.« Rencontrer des Gilets jaunes d’ailleurs permet de se sentir moins seul, ça permet d’échanger les idées », apprécie Christophe. « Cela permettrait d’organiser des actions différentes avec plus de monde », poursuit Angèle. Pour qui la diversification des activités pourrait être une autre clé : « La permaculture, c’est intéressant, ça peut motiver des gens qui ne peuvent pas forcément aller en manifestation et ça permettrait de nourrir la lutte. »« Ce qui est bien avec les Gilets jaunes, c’est que tout le monde peut trouver sa place, conclut Sarah. Rien que l’occupation du QG, c’est énorme, parce que ça montre que la personne est entrée en résistance. L’action, ce n’est pas seulement aller gueuler en manif. »


Samedi 6 avril


A l'AG des gilets jaunes :

 « Nous sommes à Saint-Nazaire 

pour construire un monde meilleur »





La grisaille et la pluie du week-end n’ont pas réussi à entamer le moral des 700 « gilets jaunes » venus participer, en « intelligence collective », à la deuxième assemblée des assemblées de Saint-Nazaire. Entre ateliers et plénières, ils ont confié à Mediapart leurs espoirs et leurs interrogations après cinq mois de lutte. Une lutte qui, si elle n’a pas encore abouti, les a profondément et durablement transformés.


Saint-Nazaire, correspondance -.

Pierre Nwack, 45 ans, employé dans le secteur du bricolage au chômage (rond-pont de Villabé – 91)



Pierre Nwack © Pierre-Yves Bulteau

« Je suis arrivé en France comme un jeune homme de 25 ans qui épouse une nouvelle nation. Quitter le Cameroun a été un véritable déchirement. Voir ce qu’est devenu le pays qui m’a accueilli, une vraie douleur. Si, aujourd’hui, j’ai un combat à mener, c’est bien celui d’une France meilleure. D’une France plus égalitaire, plus respectueuse de ses citoyens. Une France pour tous et pas confisquée par quelques-uns.

Je suis venu à Saint-Nazaire pour réfléchir à ça. À comment durer dans le temps. À comment faire plier définitivement ce gouvernement.

Depuis que je suis arrivé en 1998, j’ai l’habitude de me battre. Depuis vingt ans, ma vie, ici, n’est faite que de luttes. Après avoir obtenu mes papiers, j’ai dû chercher du travail, un logement. À 45 ans, je suis au chômage et je vis avec ma famille dans un logement insalubre. Alors même qu’une décision de justice me donne raison contre mon bailleur, il ne veut rien entendre. Exactement comme le gouvernement avec nos revendications.

Quand on commence un combat comme celui-là, un combat qui nous dépasse, on peut tenir encore six mois, un an, deux ans. Mais, je pense que l’important n’est pas tant de se focaliser sur la durée que sur l’issue de notre combat. En décembre, on n’a pas fait plier le gouvernement mais on lui a mis un genou à terre. C’est déjà ça. C’est la réponse d’un peuple qui crie à un gouvernement qui en rit.

De la première heure, jusqu’à la dernière, je ne lâcherai pas. J’ai même averti ma femme et mes trois enfants que s’il le fallait “Papa n’aurait pas peur d’aller en prison”. Il faut que Macron et son gouvernement le comprennent. Nous ne lâcherons rien. Ce week-end, nous sommes tous réunis à Saint-Nazaire pour construire un monde meilleur. Sans eux. »

Adeline, 29 ans, comptable dans le privé (rond-point de l’Aire-Bleue, Saint-Nazaire – 44)

« La lutte m’a apporté des amis, des vrais, pas des gens qui me parlent juste pour se moquer de moi. Je suis handicapée et, avant les ronds-points, c’était soit l’indifférence soit les moqueries. J’avais vraiment l’impression d’être différente, de ne pas avoir le droit à la même vie que les autres. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai quitté mon environnement familial. Un jour, je me suis dit : « Adeline, elle se casse ! » J’ai quitté Rennes pour atterrir à Saint-Nazaire, comme j’aurais pu m’installer n’importe où ailleurs.

Et je peux vous dire que je ne le regrette pas. Surtout depuis le 17 novembre. Croyez-moi ou non mais, depuis l’occupation des ronds-points, je rigole tous les jours. Alors que mon quotidien est fait de séances de kiné, les actions, les discussions, l’accueil humain, tout ça me fait oublier qu’aujourd’hui, dans notre pays, être handicapé, c’est survivre avec une allocation qui frôle les 800 euros par mois, c’est être confronté quotidiennement à la question des soins de santé très mal remboursés. Avec l’AH, je vis sous le seuil de pauvreté mais je suis encore trop riche pour pouvoir bénéficier de remboursements à la hauteur de mes soins.

Résultat, alors que j’aurais besoin de séances hebdomadaires, je me prive. Et c’est la même chose avec mes oreilles. À l’heure actuelle, je devrais être équipée d’un appareil auditif. Un investissement à 1 500 euros. Autant vous dire que… je ne me laisse pas abattre. Parce qu’avec les copains du rond-point de l’Aire-Bleue, on se soutient, on se comprend mais on ne se juge pas.

Grâce aux gilets jaunes, j’ai changé de regard sur moi. Avant, je me sentais constamment freinée. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout la même. J’ai appris à me faire confiance et à avoir confiance dans les autres. Cela m’a donné de la force et, quoi qu’il arrive, moi, j’ai déjà gagné ! »

Angélique, 47 ans, traiteur, accidentée du travail (Toul – 54)



  Angélique © Pierre-Yves Bulteau

« Pourquoi je suis ici ? Pour l’avenir de mes enfants, parce que j’ai promis à mes parents, qui ont trimé toute leur vie, de ne rien lâcher ; pour moi et mes amis. Aussi parce que j’étais déjà présente à Commercy et que ce qu’on y a vécu était tellement enrichissant que je n’ai pas hésité, un seul instant, à descendre jusqu’à Saint-Nazaire.

Il faut bien comprendre que rien n’arrêtera notre envie d’avancer. Surtout pas les mesurettes annoncées par Macron. Mes deux filles sont aides-soignantes, à 1 200 euros par mois. Après le discours du 10 décembre sur la revalorisation de la prime d’activité, l’une d’elles a touché 83 euros mais s’est vu amputer de 102 euros sur ses APL. Au bout du compte, les pseudo avancées de Macron, c’est moins 39 euros net de pouvoir d’achat pour ma fille…

S’il faut voir le bon côté de ces fausses promesses : aujourd’hui, mes deux filles et mes deux garçons ont enfilé le gilet ! On vit la lutte en famille. Avant, on ne se parlait pas plus que ça. Aujourd’hui, nous n’avons jamais été aussi proches. Ce n’est pas juste une image pour la galerie. Moi qui étais réservée, presque “sauvage”, le mouvement m’a ouverte. Je me suis même découvert une âme de combattante. Jusqu’à devenir porte-parole de ma délégation.

De cette structuration personnelle, j’espère que Saint-Nazaire sera aussi l’occasion d’une véritable structuration du mouvement. Entre les hauts et les bas, il va nous falloir trouver d’autres solutions, un équilibre qui évitera au maximum de nous disloquer. Pour cela, il y a les ateliers de réflexion autour des “revendications” et des “actions” qui m’intéressent.

Personnellement, je pense que l’on doit en revenir aux premières revendications sur le pouvoir d’achat, ne pas s’éparpiller sur ces questions de démocratie directe. En s’éparpillant, on s’épuise et on laisse la main au gouvernement. Il nous répond : “Vous ne savez pas ce que vous voulez.” Le pire, c’est qu’il a raison de nous dire ça. Je ne voudrais pas que ce flottement détruise tout ce que nous avons déjà bâti, gagné. »

Pierre, la vingtaine, étudiant en philosophie (Paris et sa banlieue)

Pierre © Pierre-Yves Bulteau


« Venir ici, ce week-end, c’était venir prendre la température d’un mouvement qu’on dit “hors norme”, c’était venir mesurer l’accueil des gilets jaunes, c’était venir vérifier qu’y seront bien débattues les questions de justice sociale et d’égalité des citoyens. Je suis ici depuis hier soir et je coche les trois cases.

Je suis entré dans ce mouvement par la porte du logement. Je suis gilet jaune et militant à Droit au logement (DAL). Une évidence quand, comme moi, on vit en région parisienne et qu’on est confronté à une crise sans précédent. En France et plus encore à Paris et sa banlieue, le loyer est la première dépense des ménages. Et de loin. À l’heure où la trêve hivernale a été levée, ce n’est pas un hasard si l’acte XX portait sur cet enjeu.

Depuis cet après-midi, je participe à l’atelier “actions”, pour apprendre et partager avec les délégations venues de la France entière. Leur apporter ce que j’ai pu expérimenter avec le DAL. C’est clair qu’il y a des choses à inventer lors de cette deuxième “AG des AG”. Mais il ne faudrait pas oublier qu’il existe déjà des possibilités de s’opposer à l’inaction des pouvoirs publics.

En matière de lutte contre le mal-logement, par exemple, il existe trois modes d’action : obliger les communes à prendre des arrêtés municipaux anti-expulsion et anti-coupure d’eau et d’électricité ; le recours aux piquets anti-expulsion, ces rassemblements devant les domiciles concernés qui doivent mettre la pression aux autorités. Sans oublier la réquisition de logements vides pour les convertir en logements sociaux. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, ici, depuis décembre. Quel plus beau symbole que de voir l’ancienne agence Assedic de Saint-Nazaire être transformée en Maison du peuple. Par ou pour le peuple ! »

Guillaume, 35 ans, chef d’entreprise dans le BTP (Langon – 33)

« Je n’aime pas le mot “militant”. Ce qui se passe ce week-end à Saint-Nazaire, et depuis près de cinq mois partout en France, porte un nom : l’insurrection. C’est un devoir du peuple de se lever quand le gouvernement viole ses droits. Ce devoir de résistance face à l’oppression, contre un gouvernement tyrannique, fait partie de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je vous dis ça mais, en fait, comme tout le monde, ça m’a carrément pété à la gueule.

Jamais, je n’aurais imaginé me retrouver là. Je suis marié, père de famille, patron d’une petite boîte de BTP. J’ai cinq employés et je n’ai jamais eu d’engagement avant. C’est quand ma fille de 3 ans a fait sa rentrée dans une classe de 31 élèves que je me suis dit que ça n’allait pas. Cumulé à tous les autres, ce dysfonctionnement des services publics a commencé à m’alerter.

Bien sûr que je suis content de payer des impôts mais, plus ma feuille s’alourdit moins, en retour, les services sont efficaces. Du coup, le 18 novembre, je suis sorti pour voir. Je ne m’attendais pas à vivre ce que j’ai vécu. Pendant la première semaine, près de 5 000 personnes ont bloqué les cinq ronds-points de la ville. Le péage de Langon a été fermé pendant une semaine. Au lieu de râler, je suis sorti, je me suis mis à discuter, à écouter et j’ai fini par comprendre que le système dans lequel nous vivions était à bout.

Sans exagérer, ces quatre derniers mois, j’ai rencontré des centaines de personnes : des apolitiques, des engagés, des gauchos, des fachos. J’ai surtout rencontré l’intelligence collective. Chacun a partagé son vécu, ses revendications. Chacun est arrivé au constat que notre vieille Constitution de 1958 était vraiment périmée. La verticalité, c’est terminé. À Commercy, à Saint-Nazaire, partout, nous sommes en train de créer les conditions d’une nouvelle Constitution. La lutte est une expérience inimaginable. Ces images vont me rester à vie. L’envie que ça bouge aussi. »

Thérèse Bénétreau, 62 ans, retraitée de l’agriculture bio (la montagne limousine – 19, 23, 87)



Thérèse Bénétreau © Pierre-Yves Bulteau



« C’est la question écologique qui m’a fait rejoindre le mouvement. Et ce, dès le 17 novembre. Deux raisons à cela. D’une, je trouvais complètement incongru de justifier la hausse du gazole au prétexte de la lutte contre la pollution alors qu’on sait bien que seuls 17 % de cette augmentation allaient y être dévolus. Deux, je connais beaucoup d’agriculteurs qui ne s’en sortent plus. Notamment en bio.

Jusqu’à l’âge de 53 ans, j’étais comptable. J’en avais marre d’être enfermée dans un bureau et cela faisait longtemps que j’avais envie de devenir paysanne bio. Je me suis donc inscrite en formation BPREA grâce à mon Fongécif. Après neuf mois d’études et un stage de 3 mois, j’ai pu m’installer à mon compte à Eymoutiers, dans un verger de 70 arbres fruitiers. C’est à cette occasion que j’ai rencontré des woofers qui m’ont raconté leur précarité. Certains d’entre eux m’ont dit vouloir s’installer. Mais, pour cela, il faut des aides ou, comme moi, un ancien patron compréhensif et de l’argent de côté…

C’est cette même précarité que j’ai retrouvée sur les ronds-points. Mais aussi, cette même envie de se poser, de réfléchir. Pour être tout à fait honnête, je ne m’attendais pas à assister à de telles profondeurs de pensée. J’y ai aussi appris la radicalité. J’ai compris que s’il y avait un tel degré de répression, l’usage d’un tel arsenal, c’est que nous représentions un réel danger pour le pouvoir. C’est cet espoir de changement que je suis venu travailler, ce week-end, à Saint-Nazaire. La première de nos revendications devrait être le renversement de tous les Macrons ! »

Benoît Le Cam, 47 ans, soudeur (Chartres – 28)

Benoît Le Cam © Pierre-Yves Bulteau

« Je ne travaille plus depuis deux mois. Non pas que j’ai des problèmes pour trouver des postes en soudure. Non. En fait, depuis deux mois, je n’arrivais plus à cumuler mon boulot avec mon investissement auprès des gilets jaunes de la région Centre-Val-de-Loire. Du coup, alors que les copains se battent pour un meilleur pouvoir d’achat, moi, j’ai fait le choix de perdre 1 300 euros ! Aujourd’hui, il me reste 600 euros par mois, pour vivre. Mais, ça vaut vraiment le coup.
Si je n’avais pas fait ce choix, jamais je n’aurais pu assister à l’atelier sur les “doléances citoyennes” animé par les gilets jaunes de Carcassonne. Pendant des semaines, ils ont demandé aux personnes rencontrées quelles étaient leurs revendications. À l’occasion de cette deuxième assemblée, ils nous en ont présenté la synthèse. Il en ressort qu’à près de 90 %, ces revendications citoyennes rejoignent celles portées par les gilets jaunes en matière de justice sociale et fiscale, en matière de démocratie directe aussi.


Notre mouvement a commencé comme une histoire d’amour, par un coup de foudre. Nous sommes des milliers de citoyens à nous être retrouvés sur un même constat de ras-le-bol fiscal et démocratique. On n’y a pas échappé. Les mois passant, les tensions et les désaccords se sont fait jour. Un deuxième temps fort comme celui que nous vivons, ce week-end, à Saint-Nazaire est donc nécessaire. Aujourd’hui, nous devons passer de l’état révolutionnaire à celui d’État évolutionnaire. Pas une mince affaire.

Car notre révolution n’a pas pour objectif le chaos, mais bien la construction d’un nouveau modèle de société. Or pour lutter et, surtout, pour gagner, il faut accepter de quitter un fonctionnement qui nous est familier. Même si celui-ci nous exploite et nous détruit. Les gens ont peur et je les comprends. Mais c’est par l’intelligence collective, tous ensemble, ici et maintenant, que nous pourrons dépasser ces appréhensions pour créer quelque chose de plus grand, de plus juste et de plus égalitaire. »


A Saint-Nazaire, 
les « gilets jaunes » dénoncent « la mascarade » 
des élections européennes 



À moins de deux mois des élections européennes, les « gilets jaunes » réunis pour trois jours à « l’AG des AG » de Saint-Nazaire ont décidé de s’emparer du scrutin pour dénoncer le fonctionnement antidémocratique de l’UE.


Se revendiquant plus que jamais « apartisans », les « gilets jaunes » réunis pour trois jours à Saint-Nazaire pour l’« AG des AG », ont longuement débattu de la stratégie à adopter vis-à-vis des élections européennes. À moins de deux mois d’un scrutin pour lequel une majorité des gilets jaunes présents exprime son plus grand scepticisme, l’idée que ces élections représentent, malgré tout, une opportunité pour le mouvement fait consensus. 


Au cours de plusieurs ateliers consacrés à cette question, la façon de s’en saisir a été longuement débattue. Ce samedi, les axes principaux d’un texte commun – en cours de finalisation – ont été largement approuvés au vote par les quelque 300 délégations venues de toute la France et rassemblés à la « Maison du peuple ».


« Nous, gilets jaunes réunis à Saint-Nazaire, dénonçons le caractère antidémocratique du Parlement européen », affirme ce texte qui fustige un fonctionnement des institutions européennes en contradiction complète avec ce que défend le mouvement depuis le début. À savoir, « la démocratie directe, l’autonomie des groupes et des individus en général », a lu un représentant très applaudi.

« Nous faisons le choix de ne pas donner de consigne de vote », a poursuivi ce représentant qui a affirmé que l’idée même d’une liste se présentant au nom du mouvement des gilets jaunes était à condamner.

Alors que certains gilets jaunes médiatiques, comme Éric Drouet, ont affirmé il y a quelques semaines qu’il fallait ne pas s’éparpiller le 26 mai pour donner « plus de force contre Macron », à Saint-Nazaire, l’idée de boycotter complètement le scrutin était largement partagée.

À la tribune, le principe de « faire de cette période une campagne de sensibilisation » sur le fonctionnement non démocratique de l’Union européenne, mais aussi de mettre en place des actions pour « tourner en dérision cette mascarade » a été chaudement applaudi. Dans les groupes de travail, certains ont évoqué l’idée d’organiser des élections parallèles ou d’aller perturber des bureaux de vote dans les quartiers aisés, « là où ça vote beaucoup aux européennes ».

Soucieux d’élargir le mouvement à l’échelle européenne, les gilets jaunes rassemblés à Saint-Nazaire ont aussi appelé à une mobilisation à Bruxelles. Une commission internationale va travailler à établir « des liens directs » dans les pays européens pour faire connaître le mouvement. Le 17 avril, une manifestation est également prévue devant le Parlement à Strasbourg.

« Il faut faire une contre-campagne pendant tout le temps de leur campagne », a également affirmé une représentante chargée de restituer les réflexions sur la communication à adopter. Un tract « simple, percutant et qui atteigne tout le monde » doit ainsi être élaboré pour dénoncer « l’arnaque » de ces élections. Les élections européennes doivent être l’occasion de faire de la pédagogie sur les dysfonctionnements de l’UE. « Il faut faire attention aux mots qui choquent », a également ajouté cette représentante, en expliquant que beaucoup de gens avaient une vision parfois « idéalisée » de l’Union européenne et pourraient se braquer face à un discours trop brutal. « On a encore beaucoup de travail » sur cette communication, a-t-elle reconnu, jugeant important de préciser : « On est anti-UE mais pas contre les peuples. »

Si la dénonciation des « traités européens libéraux » fait l’unanimité dans cette assemblée, l’idée de quitter l’Union européenne divise en revanche beaucoup plus.

Pas question, surtout, de servir la soupe aux candidats prônant le Frexit. « On a eu des militants d’un certain parti qui ont essayé de mettre le tract à leur sauce », a regretté un délégué. Un petit groupe de militants de l’UPR, le parti de François Asselineau, qui a tenté de noyauter les groupes de travail consacrés aux élections européennes a été sèchement éconduit.

À Saint-Nazaire, dans le hall bondé de la Maison du peuple, on ne plaisante pas avec la démocratie.

Lucie Delaporte – Médiapart



►Les photojournalistes sont victimes, eux aussi, des violences policières par Marie Astier - Reporterre

https://reporterre.net/Les-photojournalistes-sont-victimes-eux-aussi-des-violences-policieres




Dimanche 7 avril



A Saint-Nazaire, 
l’idée d’un « printemps jaune » éclôt


Après trois jours de réflexion, cette AG des AG a voulu inscrire le mouvement des « gilets jaunes » dans la durée. Pour remobiliser des troupes parfois épuisées par près de cinq mois de mobilisation, le principe d’une « semaine jaune » a été adopté.


« Bonjour la France, bonjour les gilets jaunes. » Dans la grande salle de la Maison du peuple de Saint-Nazaire, près de 700 gilets jaunes se pressent pour le début de l’assemblée plénière de la deuxième « AG des AG » du mouvement. Deux mois après le succès de l’AG de Commercy, qui a initié ces rendez-vous nationaux rassemblant les délégations de toute la France, le nombre de délégations présentes a plus que triplé. « On a dû refuser du monde », se félicite Jo, un des organisateurs de Saint-Nazaire.

« La prochaine équipe qui organisera l’AG des AG, vous prenez un lieu pour 5 000 personnes ! », s’enthousiasme-t-il au micro. « L’Élysée ! » crie une participante. « L’Assemblée nationale ! », relance un délégué.

Que le nombre de manifestants sur toute la France soit en net reflux, ce samedi 6 avril, n’entame en rien la motivation des participants. « On est à un moment de structuration, de maturation du mouvement », confie Ludovic Arnaud, un des maîtres d’œuvre de l’AG de Saint-Nazaire. « On croyait qu’on était parti pour un sprint, en fait on est parti pour un marathon et il faut se préparer », reconnaît à la tribune un participant. 


Un marathon réflexif, fait d’ateliers et de plénières, qui a pu se dérouler ces trois jours, sans accroc, notamment grâce à une organisation sans faille. Si, en amont, le choix du lieu d’accueil de cette deuxième assemblée des assemblées a laissé place à quelques tensions (lire ici notre article), une fois la Maison du peuple choisie, tout s’est déroulé au millimètre près.

Chapiteaux, food trucks militants, tente médias… Jamais, les 700 personnes présentes tout au long de ces trois journées ne se sont marchées sur les pieds. Les trois voitures de police, positionnées aux abords du boulevard de Maupertuis, en ont été réduites à observer ce manège bon enfant, frein à main jamais desserré. Un petit air de festival alternatif, sauf qu’à la place de la musique, ce sont des échanges à foison qui sortaient de la sonorisation.

« L’enjeu principal de ce week-end, c’est de rassembler l’extraordinaire diversité dont tous les délégués sont porteurs, affirme Ludovic Arnaud. Il faudra voir ce qui fait l’unanimité entre nous, ce qu’il faudra exprimer de manière forte et aussi tout ce qui fait débat entre nous et qui devra faire l’objet de nouvelles discussions dans les assemblées locales. »


Sur un mur une pancarte proclame : « Personne n’a la solution mais tout le monde en a un morceau. »

Alors que la première AG des AG à Commercy avait beaucoup tourné autour des questions de procédures et de légitimité de la structuration, pour conserver une organisation horizontale et démocratique, les participants de Saint-Nazaire avaient à cœur d’avancer tant sur l’organisation concrète du mouvement et les actions à mettre en place que sur le front des revendications.

Comment inscrire le mouvement dans la durée ? Résister au sentiment d’usure ? La plupart des délégations sont confrontées aux mêmes problèmes : moins de monde présent sur les ronds-points, dans les cabanes. Et, après cinq mois de mobilisation, la fatigue commence à gagner, même chez les plus déterminés. Beaucoup évoquent aussi des tensions internes, des crispations essentiellement dues à l’hétérogénéité des parcours et des cultures politiques.

La violente répression du mouvement a aussi fait fuir des gilets jaunes de la première heure. « Sur mon rond-point, il y en a plein qui ne viennent plus parce qu’ils ont peur », nous confie un participant.

Un symbole de cette volonté d’inscrire le mouvement dans le temps : les délégués ont approuvé l’idée de passer des cabanes éphémères aux Maisons du peuple, en dur, un peu partout sur le territoire. Certains réfléchissent à l’achat de terrain en commun ou aux possibilités de location de locaux.

Autre point crucial pour le mouvement : ne pas se recroqueviller sur lui-même. « Bien sûr on craint un rétrécissement du mouvement sur une base de militants professionnels. On fait donc tout un travail pour se reconnecter avec les “vrais” gilets jaunes. C’est un enjeu très important », précise à Mediapart Ludovic Arnaud qui ne cache pas sa longue expérience militante.

Au cours d’ateliers, généralement fermés à la presse, sont évoquées des pistes pour continuer à communiquer en direction d’un large public. « Le mouvement des gilets jaunes est un mouvement inclusif qui doit s’articuler avec des luttes locales et travailler avec des associations », lance un participant. L’idée d’aller bloquer Carrefour qui mène un vaste plan de licenciements est aussi évoquée tout comme la mise en place d’actions concrètes comme les jardins partagés ou les marchés citoyens pour court-circuiter la grande distribution.

Au moment d’arrêter les revendications, lors de la plénière de dimanche, « l’arrêt de la casse sociale et écologique», la nécessité de « pouvoir vivre dignement avec ou sans travail » ou la justice fiscale avec une TVA à 0 % pour les produits de première nécessité et de 30 % pour les produits de luxe, ne font pas débat. Idem pour par « socialisation des banques » ou la renationalisation des aéroports et des autoroutes. Faut-il appeler à « sortir du capitalisme » ? La question est en revanche âprement débattue.


Un participant relève que, sémantiquement, cela n’a pas grand sens : « On sort du capitalisme ou on n'en sort pas, mais on ne demande pas », explique-t-il, en substance, estimant qu’une telle formulation pourrait décrédibiliser le mouvement. Sur un plan stratégique, un autre délégué assure qu’une telle revendication ne correspond pas à la diversité des gilets jaunes. « Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas arrivés à cette conclusion-là. Il n’y a pas que des anticapitalistes dans les gilets jaunes », insiste-t-il.

À nos côtés, un homme opine du chef. « Moi j’ai acheté ma maison et j’ai travaillé durement pour ça. Je ne suis pas anticapitaliste », s’agace cet ouvrier dans la maintenance.

Une formulation est finalement adoptée au forceps consistant à écrire que pour tous les changements espérés « il sera nécessaire de sortir du capitalisme ». 

« trois semaines pour mobiliser, remobiliser et converger »
« Nous sommes aussi là pour réfléchir à l’après-Commercy et Saint-Nazaire, lance Ludovic Arnaud, cheville ouvrière de ces trois jours. Pour définir le fonctionnement de l’AG des AG. » « Dans ce que nous allons vous proposer, nous avons essayé d’être les plus consensuels possible », rapporte la gilet jaune, porte-parole des 150 délégués qui ont travaillé, tout le samedi, sur cet acte fondateur.

Alors que la discussion démarre à peine, un autre gilet jaune demande le micro. « Je suis mandaté par le 94 pour vous faire la proposition d’inscrire à notre charte constitutive, la création d’un comité de liaison national, constitué d’assemblées régionales, et chargé d’organiser la troisième assemblée. Ce qu’a fait Saint-Nazaire est extraordinaire, mais il nous semble compliqué de confier l’ensemble d’une telle logistique à un seul groupe local. »

Celles et ceux qui n’ont pu trouver place dans la Maison du peuple ont pu suivre les débats sous des chapiteaux. © P-YB



Reste donc aux délégués à valider les six points fondateurs de la fameuse charte. Dont « l’indépendance de l’AG des AG vis-à-vis des partis » qui lance vraiment le débat. « Sur ce point-là, pourquoi ne parle-t-on pas aussi des syndicats ? Est-ce un oubli ? » interroge un délégué. « Ce point n’a pas fait consensus », répond la mandataire. Un « Inscrire à notre charte, l’indépendance vis-à-vis des syndicats pose la question de la convergence », fuse de la salle. Un « Cela n’a aucun rapport avec des rapprochements locaux possibles », rebondit, en écho. « L’essentiel, c’est d’élargir notre lutte sur les lieux de travail, pas forcément avec les syndicats mais avant tout avec les salariés », ricoche un troisième avis. « Et les chômeurs ! Il ne faut pas oublier les chômeurs dans l’instauration du rapport de force », hurle presque un quatrième.

« On vote, on vote ! » s’impatientent certains qui voient le temps filer. Au bout du compte, l’assemblée décide d’inscrire la mention « d’indépendance vis-à-vis des partis politiques et des organisations syndicales » à cette charte de « l’AG des AG », en cours d'élaboration. Les échanges autour de la création « d’une plateforme numérique nationale, sécurisée et destinée à regrouper l’ensemble des réflexions et propositions locales à destination de l’AG des AG » font davantage consensus. Comme celle de « refuser que cette assemblée ne serve de tremplin médiatique et politique à des leaders autoproclamés ».



Sur la stratégie et l’action aussi, les débats ont été passionnés. Après une introduction en forme de mea culpa à propos d’orientations manquantes dans le document de synthèse, la rapportrice de l’atelier « stratégie » se lance. « Pour durer, il nous a semblé intéressant de réfléchir à des actions à court et long terme. » Et la gilet jaune de dérouler le programme : « Dans un premier temps, nous vous proposons trois semaines pour mobiliser, remobiliser et converger. Trois semaines pour faire masse et établir un réel rapport de force. Au choix de chaque assemblée locale qui connaît son territoire mieux que nous, précise la jeune femme. Cela peut aussi bien se faire grâce à des opérations de tractage, de rencontres citoyennes ou à l’occasion de moments festifs. »

Trois semaines de remobilisation dont l’objectif principal est l’organisation d’« une semaine jaune ». « Il y a un an, Emmanuel Macron invitait des start-uppers franciliens à “penser printemps”, lance une déléguée. Eh bien, nous, pour les deux ans de son accession à l’Élysée, du 1er au 4 mai, nous allons lui offrir un “printemps jaune” ! » Le point de départ d’un calendrier d’actions qui s’étendra jusqu’à l’automne. « Même si nous n’allons pas valider, ici, toutes ces dates, sachez que nous envisageons sérieusement une action d’envergure à l’occasion de la tenue du G7 de l'environnement, les 4 et 5 mai, à Metz. »

Parti prendre l’air, sous les éclaircies de ce dimanche après-midi, Ludovic Arnaud a le sourire des bons jours. « Bien sûr que tenir sur la durée, parier sur l’organisation régulière d’“AG des AG”, reste un défi. Mais, franchement, vous en conviendrez : en quatre mois, quelle maturité ! Pendant ces trois jours, les “on lâche rien” que l’on a l’habitude d’entendre une manif ne sont pas restés à l’état de mots. À Saint-Nazaire, comme ailleurs, ils sont devenus des actes au quotidien. »


Pierre-Yves Bulteau et Lucie Delaporte – Médiapart


Infos du 8 au 14 avril


Lundi 8 avril

Gilets jaunes : l’Appel de Saint-Nazaire

 

Article paru sur ce blog ici :

À Saint-Nazaire, l’Assemblée des assemblées veut sortir du capitalisme par Hevé Kempf - Reporterre


avec un port-folio et le lien vers une très bonne émission de radio : Haut parleur en fin d’article

Geneviève Legay :

 « Je veux que les mensonges cessent »



Geneviève Legay, photo prise avant la manifestation du 23 mars. © DR

Article paru sur ce blog ici :


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Affaire Legay : 

la policière chargée de l’enquête 

est la compagne du policier en cause


Le procureur de la République de Nice a confié l’enquête préliminaire sur l’origine des blessures de Geneviève Legay, la militante d’Attac blessée par une charge de policiers à Nice samedi 23 mars, à la compagne du commissaire chargé des opérations policières. Cette aberration est susceptible d’éclairer différentes incohérences de l’enquête.

À la suite des blessures graves dont a été victime la militante d'Attac Geneviève Legay, le samedi 23 mars, à Nice, lors d'une manifestation de gilets jaunes, une enquête préliminaire avait été ouverte par le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre.

Plusieurs sources proches de l’enquête ont, dès son ouverture, soulevé auprès de Mediapart une aberration remettant en cause de facto son impartialité : la personne chargée des investigations sur l’origine des blessures de la manifestante pacifique n’est autre que la commissaire divisionnaire Hélène P., qui se trouve être la compagne du commissaire Rabah Souchi, chargé des opérations le jour des manifestations.
Depuis leur admission au concours de commissaire, en 2003, Hélène P. et Rabah Souchi se suivent dans toutes leurs nominations, d’Arras à Nice en passant par Amiens.

Contacté par Mediapart, le procureur de la République de Nice a expliqué « être tout à fait au courant, au moment de l’ouverture de l’enquête préliminaire, des liens de concubinage qui unissent le commissaire Rabah Souchi et Hélène P. Cette dernière est le commissaire en chef de la sûreté départementale. Je ne vois pas en quoi cela pose problème ? ».

Pourtant, l’enquête vise directement des opérations menées par son propre concubin, le commissaire Rabah Souchi.

Contactée à de nombreuses reprises, Hélène P. n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le commissaire Rabah Souchi a pour sa part répondu : « C’est ma vie privée. Ça ne regarde que moi », qualifiant la chute de Geneviève Legay d’« accident ».

Interrogé sur ce conflit d'intérêts manifeste au cœur des investigations policières, le procureur de Nice tente de minimiser les faits. « Effectivement, les investigations doivent déterminer d’où viennent ces blessures, éventuellement commises par des hommes sous le commandement du commissaire. Mais au moment de son ouverture, il n’y a aucune preuve évidente que ce soit un policier. Il faut réunir les éléments de preuve matériels. »

« Réunir des éléments de preuve matériels »… ou les écarter. Les liens entre l’enquêtrice et le commissaire éclairent en effet d’un jour nouveau les incohérences et les cafouillages qui ont très vite émaillé cette enquête – et auxquels Mediapart a pu avoir accès.

Dès le samedi 23 mars, dans un procès-verbal, un officier de police judiciaire signale que Geneviève Legay aurait été bousculée par « un homme qui portait un bouclier » ; comprendre : un policier. Il s’avère qu’il avait une matraque et non un bouclier. Mais l’auteur des blessures est, dès l’ouverture de l’enquête, identifié comme faisant partie des forces de police.

Le procureur de la République a-t-il été destinataire de ces éléments ? « Lorsque je me suis exprimé, lundi 25 mars, je me suis basé sur les vidéos. Je n’avais pas vérifié l’ensemble des procès-verbaux à ce stade », confie-t-il à Mediapart.

Le lendemain des faits, la septuagénaire a été entendue à plusieurs reprises par des policiers placés sous l'autorité directe de Hélène P. Or, comme l’a expliqué Geneviève Legay à Mediapart : « J’ai reçu la visite de deux policières, ensuite de deux policiers et encore de deux autres policiers. J’étais toute seule, sans que ma famille ne soit prévenue. Ils m’ont interrogée alors que j’avais des examens à passer. Je n’avais même pas mes lunettes de vue […]. Ils ont surtout insisté pour me faire dire que c’était un journaliste qui m’avait poussée. Or c’est faux. Je me rappelle avoir été poussée par un policier et je le leur ai dit. Mais ils insistaient sur le journaliste. » 
 
Dans le procès-verbal d’audition que Mediapart a pu consulter, effectivement, la policière demande à la militante : « Vous rappelez-vous si un journaliste se trouvait à côté de vous et ce qu’il faisait ? » Geneviève Legay explique qu’il filmait et précise : « Je pense que ce sont les policiers qui m'ont poussée, car ils nous avaient déjà poussés avant. » La policière ne cherche pas à en savoir plus et n’insiste pas sur ce point.

Une plainte déposée par l’avocat de Geneviève Legay, Me Arié Alimi, vise les « violences volontaires en réunion avec arme par personnes dépositaires de l’autorité publique et sur personne vulnérable », mais aussi de possibles faits de « subornation de témoins ». En effet, des policiers sont venus à plusieurs reprises dans la chambre d'hôpital de la blessée pour lui faire dire, selon son témoignage, que c’était un caméraman qui l’avait bousculée et non les forces de l’ordre.

Les auditions de policiers ayant participé à la charge ont débuté le 25 mars. Un nom revient alors systématiquement : le commissaire Souchi, responsable des opérations à l’origine des blessures de Geneviève Legay. Comme le signale l’un des policiers auditionnés, « à un moment, je me retourne et j’entends monsieur Souchi dire “Chargez, chargez !”. Suite à ces ordres, nous avons chargé les trois sections en même temps ».

Un autre policier affirme : « Nous avons chargé, donc effectivement nous avons poussé les personnes. » Aucune précision n’est demandée sur les personnes bousculées. Les auditions sont menées favorablement à l’égard du commissaire Souchi. Du moins la curiosité des officiers de police judiciaire pour comprendre l’origine des blessures de Geneviève Legay n’apparaît-elle pas comme débordante.

La charge décidée par le commissaire Souchi pose pourtant problème. Elle n’a d'ailleurs pas été soutenue par l’ensemble des forces de l’ordre présentes. Les deux escadrons de gendarmerie mobile n’ont pas participé à ces opérations. Le commandement de ces escadrons a donné un avis technique divergent sur la manœuvre, estimant qu’une charge était disproportionnée compte tenu de la situation et des manifestants présents.

« Une simple vague de refoulement aurait permis de les disperser sans les brutaliser », a d'ailleurs précisé un militaire auprès de Mediapart, avant d'ajouter : « Le commissaire Souchi était fébrile et d’une extrême nervosité mais dans toute opération, nous devons garder notre sang-froid et ne pas agir sous l’impulsion. Sinon c’est au risque de commettre des violences injustifiées sur des manifestants. » 
 
Ces propos sont corroborés par des sources policières, notamment syndicales, qui font part de multiples dérives du commissaire, mais jusque-là commises à l’encontre des agents qu’il dirige.
Il y a une autre incohérence dans l’enquête. Très tôt, la liste des fractures à la tête de Geneviève Legay révèle deux points d’impact opposés, l’un en haut de la tête, à gauche, et l’autre en bas à droite. Outre la chute, la militante a donc reçu un coup, de pied ou de matraque.

Là encore, aucune audition ne soulève cette question. « Lorsque je suis arrivée à l’hôpital, j’ai vu ma mère avec une marque au front en forme de U, qui n’est partie qu’au bout de deux jours, précise Delphine Legay, l'une des filles de la manifestante blessée. J’ai pris des photos. » Les policiers n'ont pas fait état de ces marques lorsqu'ils ont auditionné Geneviève Legay au lendemain de son hospitalisation.  

Geneviève Legay affirme avoir reçu un coup de matraque, propos corroborés par des témoins dont nous avions publié le récit. Il s’agit notamment de Thibault Huart, street medic (secouriste auprès des personnes blessées lors des manifestations), qui se trouvait « à un ou deux mètres d’elle avant et pendant la charge des policiers. Elle a bien reçu un coup des forces de police au visage, ce qui l’a fait tomber. Ensuite j’ai dû m’occuper d’un journaliste et je ne l’ai retrouvée que lorsqu’elle était à terre. J’ai voulu l’aider mais des policiers m’ont empêché de le faire ».

Un autre témoin explique l’avoir vue recevoir des coups de pied une fois à terre. Mais de qui ? C’est une question aujourd'hui sans réponse.

L’information judiciaire ouverte le 29 mars devra l’éclairer, tandis que l’enquête de police devrait, selon toute vraisemblance, être confiée à un autre service.
Pascale Pascariello - Médiapart

Punchline du jour

 

"Si les personnes qui se livrent, lors d’une manifestation, à des dégradations sur la voie publique et/ou dans des locaux publics ou privés, encourent d’ores et déjà des peines d’amende et/ou d’emprisonnement ainsi que diverses peines complémentaires, il est concevable de compléter cet arsenal répressif par une suspension de leurs droits au RSA.

Il faut priver du revenu de solidarité active (RSA), prévu à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, des « casseurs » qui en sont bénéficiaires, et ce, en raison de leur participation (armée ou non) à un attroupement, de leur participation armée à une manifestation ou réunion publique autorisée ou de la provocation directe à un attroupement armé. Il n’est pas tolérable que des citoyens français, bénéficiant de prestations sociales, puissent dégrader des biens publics ou privés et s’en prendre aux forces de l’ordre dans l’intention de porter atteinte à leur intégrité physique. La suppression du RSA pour les personnes reconnues coupables de tels faits permet de leur infliger une sanction lourde, aussi bien matérielle que morale, pouvant les empêcher de recommencer. Cela pourra avoir un effet dissuasif sur certaines personnes, plus tempérées dans leur attitude, leur évitant ainsi de prendre part aux débordements."

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/suspension_rsa_exactions_manifestations


Mardi 9 avril 


À l’assemblée des gilets jaunes : « Nous inventons une démocratie réelle, mais cela prend du temps et de l’énergie » par Barnabé Binctin - Bastamag

 




Vendredi 12 avril


AntiRep 

 

Loi "anticasseurs" : À l’initiative de la Ligue de Droits de l’Homme (LDH), plus de 50 organisations appellent à descendre massivement dans la rue samedi 13 avril, à Paris et partout en France, pour exiger l’abrogation de la loi scélérate du pouvoir macronien visant à supprimer la liberté de manifester. Texte de l’appel et excellente vidéo de la LDH ((2 minutes) à partager largement.

https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-anselme/blog/120419/dans-la-rue-samedi-pour-la-liberte-de-manifester

[...] L’Assemblée a d’abord voté le droit aux préfets d’interdire à un individu de manifester pendant un mois, s’ils trouvent qu’il existe des « raisons sérieuses de penser (…) que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. » L’interdiction a donc un caractère préventif, car elle intervient avant la commission d’une infraction. Braver l’interdiction de la police serait puni de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.

Les individus interdits de manifestation pourront être obligés de pointer aux commissariats de police et inscrits au Fichier des personnes recherchées (FPR). L’individu visé n’a le droit que de faire appel de la décision du préfet devant la justice administrative. Cette dernière devient une sorte de chambre d’enregistrement des arrêtés de la police, foulant aux pieds la séparation des pouvoirs.

Fouilles systématiques à l’entrée des cortèges de manifestants, généralisation des interdictions à manifester, risque d’un an de prison et de 15 000 euros d’amendes pour dissimulation de visage. Fusées d’artifice et matériel considéré comme un port d’arme passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations…[...]

Samedi 20 avril


« Gilets jaunes » : 
« On n’entend pas le peuple, et tout à coup, 
on sort des millions pour la pierre »


Pour cette nouvelle journée de mobilisation, les « gilets jaunes » sont venus en nombre à Paris. Après un rassemblement pacifique dans le sud-est de la capitale, un face-à-face tendu a eu lieu avec la police place de la République. Rien à voir toutefois avec la violence annoncée par le préfet de police et le ministre de l’intérieur qui n’avaient pas, en amont des manifestations, hésité à dramatiser les enjeux.

Il n’y a pas eu de nouveau « 16 mars » à Paris. Malgré des heurts et des scènes de dégradation dans l’après-midi de ce samedi 20 avril autour de la place de la République, la capitale a surtout vu se rassembler toute la journée des gilets jaunes désireux de faire entendre leur voix, une fois encore, mais sans volonté de destruction. Au plus fort du défilé parisien, la préfecture de police a compté 9 000 manifestants (contre 5 000 la semaine passée), bien que leur mobilité et l'absence de point de ralliement officiel rendent hasardeux tout décompte précis. Les gilets jaunes du « Nombre jaune », qui effectuent leur propre comptage, ont dénombré 101 000 manifestants dans toute la France (quand le ministère de l'intérieur n'en comptait que 28 000). 
Le préfet de police Didier Lallement et le ministre de l’intérieur Christophe Castaner avaient largement dramatisé les enjeux de l’« acte XXIII », présenté depuis plusieurs semaines sur les pages Facebook de référence du mouvement comme un second « ultimatum » dans la capitale, après celui du 16 mars, qui avait donné lieu à des affrontements violents entre manifestants et forces de sécurité. Le préfet avait annoncé « un bloc radical de 1 500 à 2 000 personnes, composé d’ultra-jaunes et de membres de la mouvance contestataire », cherchant « à faire dégénérer les rassemblements ». Le ministre de l’intérieur avait déploré que « pour beaucoup, les casseurs n’[aie]nt pas été touchés par ce qui est arrivé à Notre-Dame, au contraire » et avait déclaré « s’attendre à ce que les ultras cherchent une fois de plus à créer le trouble, à s’organiser en black blocs pour se livrer à la violence ».

Seule une partie de cette journée de manifestation leur a – partiellement – donné raison. En début d’après-midi, des affrontements tendus ont eu lieu dans les rues à l’est de la place de la République, avec quelques incendies de barrières, ainsi que de scooters et de trottinettes en libre service. En tête du cortège, les manifestants ont progressé dans la capitale en allumant quelques feux de poubelle, puis ont affronté les policiers à l'angle du boulevard Jules-Ferry et de la rue du Faubourg-du-Temple, à quelques centaines de mètres de la place de la République.

Une fois levés les cordons policiers empêchant d’y accéder, c’est la place elle-même qui a été le théâtre d’affrontements récurrents, parfois explosifs, mais se déroulant au milieu d’autres manifestants n’y prenant pas part. Alors qu'ils couvraient cette journée dans le cadre de leur travail, les deux journalistes indépendants Gaspard Glanz (fondateur de Taranis News) et Alexis Kraland ont été interpellés, au mépris des règles de protection s'appliquant aux journalistes. 

L’exécutif ne manquera pas de se féliciter de l’efficacité du déploiement policier, extrêmement important, et qui a contribué à concentrer les rassemblements sur une partie de la rive droite, à Bercy puis à République. À 15 heures, la préfecture de police a annoncé avoir effectué 14 044 « contrôles préventifs » et procédé à 137 interpellations, principalement pour « port de matériel offensif ». Cent dix personnes étaient placées en garde à vue à la mi-journée, selon le parquet de Paris.


Les gilets jaunes qui souhaitaient se rassembler à Paris ont en effet découvert dès 8 heures du matin une ville très largement bouclée – des contrôles routiers autour de la capitale étaient même déjà actifs le soir précédent. Dès le début de la matinée, une dizaine de stations de métro étaient fermées, et six lignes de métro étaient coupées en partie. La ligne 1, qui traverse la capitale d’est en ouest, était coupée sur plus de la moitié de sa longueur, entre Châtelet et la Défense, empêchant de fait un accès facile aux Champs-Élysées.

Aux abords de l’avenue qui a été tant de fois le lieu d’affrontements lors des samedis de manifestation, le dispositif était cette fois pensé pour empêcher tout rassemblement d’envergure : contrôles très réguliers des passants et des voitures, blindés, centaines de gendarmes et de policiers…

Le même type de mesures a empêché la plupart des autres rassemblements prévus. Un parcours avait été officiellement déposé par un groupe de gilets jaunes regroupés autour de Sophie Tissier, allant de l’esplanade de la basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) jusqu’aux abords de la cathédrale Notre-Dame. Vendredi soir, un autre mot d’ordre avait circulé de page Facebook en boucle Telegram : trois départs de manifestations « sauvages » étaient prévus peu après 10 heures, notamment devant la gare du Nord et sur la place du Châtelet, pour un rendez-vous commun sur la place de la Madeleine aux environs de midi.

Aucun de ces rendez-vous ne sera finalement honoré. À 10 h 20 gare du Nord, quelques centaines de personnes démarrent bien un petit cortège au son de l’entêtant « Emmanuel Macron, ô tête de con, on vient te chercher chez toi ! », mais elles sont très vite stoppées par les forces de l’ordre. Quelques grenades lacrymogènes sont tirées, les gilets jaunes sont serrés de près, puis bloqués. Ils seront priés fermement de se disperser.

Vers 10 h 30 à Châtelet, des dizaines de fourgons de police encadrent la place, et des contrôles sont systématiquement opérés sur les personnes ne ressemblant pas aux quelques touristes égarés encore présents. Un photographe de presse, casque accroché au sac, conseille deux d’entre elles sur la meilleure façon de traverser Paris, « en taxi, puis en métro, là, ça devrait passer… enfin s’ils ne sont pas trop idiots ».

La convergence prévue à Madeleine vers midi ne sera pas plus couronnée de succès. Sur place, le contrôle policier est peut-être jamais vu. Peu avant midi, des dizaines de policiers en duo sur des motos sont stationnés autour de la place, ainsi que des fourgons. Mais tous finissent par partir, vraisemblablement vers Bercy où se trouve le gros des troupes.

C’est à quelques pas du ministère de l’économie que la plupart des manifestants se rassemblent. L’appel à se retrouver dans ce quartier un peu excentré de l’est parisien avait été lancé depuis plusieurs jours par un petit groupe de gilets jaunes comprenant Priscillia Ludosky, qui conserve une place particulière dans le mouvement pour avoir été la première à lancer une pétition contre la hausse des prix du carburant, en octobre. La préfecture a laissé le rassemblement avoir lieu, et il a fini par attirer plusieurs milliers de personnes avant que le cortège ne s’élance, à 12 h 30, sur le parcours qui avait été annoncé, le long des quais de Seine jusqu’à Bastille puis vers République, en comptant quelques détours.




Cet argument revient fréquemment dans la bouche des gilets jaunes rencontrés. « Nous sommes toutes des cathédrales », clament les pancartes d’une poignée de femmes sexagénaires. « La pierre a plus de valeur que l’homme », enrage une autre. Certains n’hésitent pas à aller plus loin, ne se faisant pas prier pour exposer leurs doutes sur la réalité de l’incendie accidentel. « Ça semble trop beau, ça tombe trop bien pour Macron qui peut utiliser tout ça pour son compte et nous oublier, assure ainsi une femme venue de l’est de la France, approuvée par ses voisins. On n’entend pas les cris du peuple, et tout à coup, on sort des millions pour de la pierre»

Mimi et Mélanie, elles, pensent que « le mouvement ne mourra jamais ». Retraitée de la Sécurité sociale et vendeuse dans une chaîne d’ameublement, elles attendent, au fond, une seule chose pour s’estimer victorieuses : « Que Macron dégage. » Par ailleurs, elles appellent à « augmenter le niveau des retraites, et toute la grille des salaires, pas seulement le Smic ».

Au fond, souligne Isabelle, venue en train de l’Oise avec Brigitte, André et une cinquantaine d’autres personnes, toutes rencontrées sur les ronds-points, « on est toujours là pour la même chose, depuis cinq mois ». À savoir « la fin des privilèges de ceux d’en haut, la justice fiscale et sociale et le pouvoir d’achat ». « Et aussi pour qu’on arrête de nous prendre pour des cons, marquez-le », lance Brigitte, figure locale, en invalidité et pour la première fois à Paris malgré ses soucis physiques : « Je ne pouvais pas être gilet jaune sans être venue manifester ici, au moins une fois. »

Gérard et Chantal sont retraités, lui a travaillé longtemps au ministère de la défense. Ils arrivent de Laon (Aisne), avec Régis, qui vient de partir à la retraite après 43 ans dans la banque et Valentin, son fils qui poursuit des études d’éducateur spécialisé en Belgique. Ils participent aux mobilisations depuis le départ, sur les ronds-points, dans les manifestations locales, et à Paris pour la troisième fois. « Nous sommes dans le mouvement pour le pouvoir d’achat, indique l'étudiant. Quand les gens travaillent, il faut qu’ils touchent un revenu du niveau de leur diplôme et de leurs heures de travail. Même chose pour les retraites. Et on se bat aussi pour ne pas perdre ces droits dans le futur. »

Gérard a calculé : avant même que le gouvernement n’augmente la CSG qu’il doit payer sur sa pension, il avait perdu en vingt ans « 186 euros par mois » sur sa retraite, soit environ 10 %. « Vous n’allez pas me dire que c’est normal alors que tout augmente chaque année !, s’indigne-t-il. La richesse existe en France, c’est sa répartition qui pose problème. » Il rêve que la France « redémarre à zéro, après la démission de Macron et de son gouvernement, et le passage à la VIe République ».

Sur place, Jérôme Rodrigues, célèbre depuis qu’il a été touché à l’œil par un tir de lanceur de balles de défense, fait le show aux côtés de Mike Rambo, qui assure une populaire « quotidienne » vidéo tous les soirs sur Facebook. Sur une petite hauteur surplombant de nombreux admirateurs, les deux hommes filment pour des directs sur Facebook, haranguent la foule et l’invitent à reprendre en chœur les slogans du mouvement.




Cet argument revient fréquemment dans la bouche des gilets jaunes rencontrés. « Nous sommes toutes des cathédrales », clament les pancartes d’une poignée de femmes sexagénaires. « La pierre a plus de valeur que l’homme », enrage une autre. Certains n’hésitent pas à aller plus loin, ne se faisant pas prier pour exposer leurs doutes sur la réalité de l’incendie accidentel. « Ça semble trop beau, ça tombe trop bien pour Macron qui peut utiliser tout ça pour son compte et nous oublier, assure ainsi une femme venue de l’est de la France, approuvée par ses voisins. On n’entend pas les cris du peuple, et tout à coup, on sort des millions pour de la pierre»

Mimi et Mélanie, elles, pensent que « le mouvement ne mourra jamais ». Retraitée de la Sécurité sociale et vendeuse dans une chaîne d’ameublement, elles attendent, au fond, une seule chose pour s’estimer victorieuses : « Que Macron dégage. » Par ailleurs, elles appellent à « augmenter le niveau des retraites, et toute la grille des salaires, pas seulement le Smic ».

Au fond, souligne Isabelle, venue en train de l’Oise avec Brigitte, André et une cinquantaine d’autres personnes, toutes rencontrées sur les ronds-points, « on est toujours là pour la même chose, depuis cinq mois ». À savoir « la fin des privilèges de ceux d’en haut, la justice fiscale et sociale et le pouvoir d’achat ». « Et aussi pour qu’on arrête de nous prendre pour des cons, marquez-le », lance Brigitte, figure locale, en invalidité et pour la première fois à Paris malgré ses soucis physiques : « Je ne pouvais pas être gilet jaune sans être venue manifester ici, au moins une fois. »

Gérard et Chantal sont retraités, lui a travaillé longtemps au ministère de la défense. Ils arrivent de Laon (Aisne), avec Régis, qui vient de partir à la retraite après 43 ans dans la banque et Valentin, son fils qui poursuit des études d’éducateur spécialisé en Belgique. Ils participent aux mobilisations depuis le départ, sur les ronds-points, dans les manifestations locales, et à Paris pour la troisième fois. « Nous sommes dans le mouvement pour le pouvoir d’achat, indique l'étudiant. Quand les gens travaillent, il faut qu’ils touchent un revenu du niveau de leur diplôme et de leurs heures de travail. Même chose pour les retraites. Et on se bat aussi pour ne pas perdre ces droits dans le futur. »

Gérard a calculé : avant même que le gouvernement n’augmente la CSG qu’il doit payer sur sa pension, il avait perdu en vingt ans « 186 euros par mois » sur sa retraite, soit environ 10 %. « Vous n’allez pas me dire que c’est normal alors que tout augmente chaque année !, s’indigne-t-il. La richesse existe en France, c’est sa répartition qui pose problème. » Il rêve que la France « redémarre à zéro, après la démission de Macron et de son gouvernement, et le passage à la VIe République ».

Sur place, Jérôme Rodrigues, célèbre depuis qu’il a été touché à l’œil par un tir de lanceur de balles de défense, fait le show aux côtés de Mike Rambo, qui assure une populaire « quotidienne » vidéo tous les soirs sur Facebook. Sur une petite hauteur surplombant de nombreux admirateurs, les deux hommes filment pour des directs sur Facebook, haranguent la foule et l’invitent à reprendre en chœur les slogans du mouvement.



Victoire, doctorante en socio-anthropologie, distribue de son côté des exemplaires de « Plein le dos », une collection de photos tirées du site internet du même nom, recensant les messages inscrits à l’arrière des gilets jaunes, « issues d’une galerie de plus de 4 000 photos triées par acte et par ville », envoyées par des photographes et des gilets jaunes depuis toute la France.

Rassemblées en une petite revue – imprimée sur papier jaune –, ces images s’arrachent dans les manifestations. « Nous les distribuons contre un don de 20 centimes minimum. Dans les deux précédentes manifestations, nous avons couvert tous les frais de fabrication, et aujourd’hui nous en sommes déjà à 1 000 euros de gains, alors nous distribuons largement nos exemplaires », explique la jeune femme. L'argent récolté sert à alimenter des fonds pour les blessés du mouvement social.

Lorsque la manifestation quitte Bercy, à 12 h 30, l’ambiance est bon enfant, et elle le restera pendant plus d’une heure. Les milliers de personnes longent la Seine sur les quais dans la bonne humeur, s’attirant coups de klaxon bienveillants et pouces levés des automobilistes les croisant. Lorsqu’ils s’engouffrent dans les tunnels de circulation, les images sont étonnantes. Un homme cagoulé s’attaque à quelques panneaux publicitaires à coups de pied, mais quand il s’acharne sur la vitrine d’un Crédit agricole, il est hué par la foule.



Le cortège bifurque et s’engage vers Bastille, toujours aussi tranquille. Quelques barrières, ainsi que des scooters et des trottinettes en libre service sont brûlées, mais les grandes dalles laissées à disposition par le chantier de la place de la Bastille ne sont pas touchées par les manifestants. « Moi je voulais me taper de la manif sauvage, j’avais tout prévu, j’avais le bon matos », regrette à haute voix un jeune homme.

Ses vœux sont finalement entendus après 13 h 30, quand le défilé s’engage sur une partie étroite du boulevard Richard-Lenoir. La tension monte d’un coup, un black bloc se forme en tête et commence à affronter les forces de sécurité qui encadrent la manifestation sur cette partie du trajet. Les jets de bouteille et de lacrymo se succèdent, les incendies de barrière et de scooter s’enchaînent – « On va au Casino acheter de l’alcool à brûler ? », suggère un manifestant tout de noir vêtu, avant d’entrer dans la supérette. Le défilé annoncé doit passer par la rue Oberkampf et les policiers tentent de forcer les manifestants à le suivre. Puis ils semblent changer de stratégie, en les dispersant dans les petites rues et boulevards alentour. De fait, une partie des gilets jaunes n’atteindra jamais la place de la République.





Pendant plus d’une heure, le défilé est bloqué sur le boulevard, empêché d’atteindre la place, et la tension monte encore. À 15 h 15, finalement, le cordon policier cède. Une drôle d’ambiance s’installe sur la place, au rythme des interventions musclées des forces de sécurité et des lancers de projectiles, mais aussi des chants et des déambulations de manifestants qui ne prennent pas part à ces heurts. Des manifestants habillés de noir parviennent à pénétrer dans l'imposant Go Sport qui borde la place. Les vêtements et autres accessoires de sport sont envoyés dans la foule sous les acclamations et les « Révolution ! » qui fusent.

Jusqu'en début de soirée, les charges policières alternent avec les charges de gilets jaunes. De fait, aucun des deux ne semble prendre le dessus. Au fur et à mesure, les tirs de LBD (lanceurs de balle de défense) se font plus présents. Mais les manifestants tiennent bon, scandant des « Tout le monde déteste la police » ou bien « Suicidez-vous » à l'attention des forces de l'ordre.

Vers 18 heures, la place était encore pleine de manifestants fatigués, que la police ne laissait partir qu'au compte-gouttes par deux entrées de métro encore ouvertes. Dans les sous-sols, des contrôles étaient encore en cours. Dehors, un gilet jaune avec un mégaphone donne rendez-vous le 1er mai, une manifestation qui s'annonce tendue dans la capitale.



Infos du 15 au 21 avril

Jeudi 18 avril


Un rapport dénonce un « maintien de l’ordre 

disproportionné et dangereux » à Toulouse

Samedi 13 avril à Toulouse, l’acte XXII des gilets jaunes est encore marqué par un déploiement massif des forces de l’ordre dans le centre-ville : nasses, envoi massif de gaz lacrymogène, interpellations, blessés... Une répression devenue banale ? C’est ce que montre le rapport, publié ce 17 avril, par l’Observatoire des pratiques policières de Toulouse, créé par des membres de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat des avocats de France et de la fondation Copernic. Leur rapport fait le point sur les dispositif de maintien de l’ordre mis en place depuis 2017 dans la ville rose.


Ils ont observé 50 manifestations, qui ont eu lieu d’avril 2017 au 3 avril 2019, dont plus de la moitié depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Les 25 observateurs ont tourné plus de 50 heures de vidéos et pris plus de 400 photos. Ils concluent que le dispositif de maintien de l’ordre mis en place dans la ville est « dangereux et disproportionné ». Les observateurs eux-mêmes ont été treize fois pris pour cibles par les forces de l’ordre. Un des observateurs a été blessé à la tête par un tir de LBD.

    Absence quasi systématique de sommations


Sur les deux années observées, le rapport constate une « montée en puissance impressionnante des dispositifs policiers » pendant les manifestations des gilets jaunes. « Avec l’aide de différents observatoires situés à Nantes, Bordeaux et Montpellier, nous avons comparé les méthodes des policiers pour maintenir l’ordre dans les manifestations des gilets jaunes », écrivent les auteurs. Dans chacune des villes, une heure est fixée par les préfectures pour la dispersion, avec canon à eau, en général entre 16h30 et 17h30. L’absence de sommations est quasi systématique. Le rapport scrute aussi quelles sont les unités de forces de l’ordre déployées, leurs armes et matériels : les grenades de désencerclement, les lacrymos, les blindés, et depuis peu l’hélicoptère, « qui fait aujourd’hui partie intégrante de l’ambiance des manifestations ».

Au sujet des lanceurs de balles de défense (LBD), les observateurs constatent qu’à Toulouse leur utilisation commence en décembre 2018 contre le mouvement des gilets jaunes. « Les LBD, qui sont à l’origine de la majorité des blessés graves enregistrés dans les manifestations, sont principalement utilisés par des unités de maintien de l’ordre non spécialisées », souligne le rapport. 261 personnes ont signalé une blessure provoquées par un LBD à travers la France depuis le début du mouvement, selon le décompte du documentariste David Dufresne.

    « La peur s’est invitée dans la tête et le corps 

    de nombreux sympathisants du mouvement »


Face au dispositif policier, les observateurs ont aussi constaté la peur grandissante des manifestants. « "J’ai peur, je n’ose plus venir aux manifestations", ou bien "Moi je pars vers 16h ou 16h30, j’ai une famille qui m’attend…" La peur s’est invitée dans la tête et le corps de nombreux et nombreuses sympathisant.e.s du mouvement. D’autres, cependant, ne viennent plus ou hésitent à revêtir le gilet jaune pendant les manifestations. » Une peur qui risque encore de s’accentuer avec la nouvelle loi de répression des manifestations, dite « loi anti-casseurs », promulguée le 10 avril.

La manifestation toulousaine de samedi dernier était la première depuis la promulgation de cette loi. Selon Médiapart, plus de 800 gendarmes et policiers y ont été mobilisés, « soit 200 de plus que d’habitude ». Les lacrymogène ont fusé dès le début du rassemblement, les grenades de désencerclement ont vite suivi. Face au dispositif des forces de l’ordre et à leur stratégie de l’éparpillement à tout prix, aucun cortège n’a finalement pu se former.

 Télécharger le rapport ici.

La Rédaction de Bastamag


Infos du 22 au 30 avril


Lundi 22 avril



►Didier Super s'adresse enfin aux gilets jaunes :

https://www.facebook.com/didiersuper/videos/451622572041564/


NDA : plusieurs reportages de Gaspard Glantz ( diffusés sur You tube ) ont des liens qui ne fonctionnent pas sur la chronique
Je vous recommande d'aller sur "Taranis news pour pouvoir les voir" .

- journaliste embarqué gare du nord pour une fiche J
- arrestation de Gaspard Glantz le 20-04-19
- gilets jaunes – acte 23 – Paris le 20-04-19

NDA: "Ami, entends tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ..." a été la réponse de Gaspard Glantz à la Procureure à l'audience suivant sa garde à vue – j'ai pu voir un enregistrement de sa conférence de presse via Taranis news à sa sortie du tribunal lundi 22 mais impossible de retrouver le lien !



Le chant des partisans : https://youtu.be/sUZWlf_vuKg
Un petit air à chanter en coeur dans les manifs aux crs :) mercredi 20 octobre 2010 par anik :

Allez les gars, combien on vous paye, combien on vous paye pour faire ca ? : http://www.radioairlibre.be/Allez_les_gars.mp3


Mardi 23 avril



►Gaspard Glanz : « Je couvrirai les manifestations malgré les interdictions, parce que je suis journaliste » sur Reporterre

https://reporterre.net/Gaspard-Glanz-Je-couvrirai-les-manifestations-malgre-les-interdictions-parce

En soutien à notre confrère Gaspard Glanz


Une vingtaine de rédactions apportent leur soutien à Gaspard Glanz. Le journaliste indépendant, après 48 heures de garde à vue, est interdit de paraître à Paris les samedis et le 1er Mai, donc d'y couvrir les manifestations, jusqu'à sa comparution pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique » le 18 octobre, ce qui revient à lui interdire de faire son travail de journaliste.

Samedi dernier, alors qu’il couvrait la manifestation des « gilets jaunes », notre confrère Gaspard Glanz a été interpellé sans ménagement et placé en garde à vue pendant 48 heures. D’après les témoignages recueillis et publiés depuis, il a eu un mouvement d’humeur à destination de policiers, ces derniers refusant de l'entendre alors qu’il voulait se plaindre d’avoir été visé par un tir de grenade. Il lui est désormais interdit de paraître à Paris les samedis et le 1er Mai, donc d'y couvrir les manifestations, jusqu'à sa comparution pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique » le 18 octobre, ce qui revient à lui interdire de faire son travail de journaliste.


Les sociétés de journalistes et de rédacteurs signataires, qui apportent leur plein soutien à Gaspard Glanz, empêché de couvrir les prochaines manifestations parisiennes, c’est-à-dire de travailler et d’informer, dénoncent une fois encore les conditions de travail extrêmement difficiles qui sont les leurs dans le cadre des manifestations de « gilets jaunes ».


Une situation particulièrement difficile pour les journalistes indépendants et les photographes, souvent en première ligne. Les journalistes, qui ne font que leur métier, ne peuvent pas tolérer de se voir régulièrement pris pour cibles par les forces de l’ordre : depuis le début du mouvement, 79 journalistes ont été victimes de violences policières selon le décompte du journaliste David Dufresne, et la nouvelle loi « anticasseurs » renforce encore l'arbitraire et met un peu plus en danger la liberté de la presse.

Les SDJ et SDR déplorent également le silence assourdissant du ministre de la Culture et de la Communication, pourtant censé soutenir la liberté et l'indépendance de la presse.

Signataires : les sociétés des journalistes, sociétés des rédacteurs et sociétés des personnels de BFMTV, Les EchosL’Express, Le Figaro, France 2, France 24, France 3 National, Franceinfo.fr, France Inter, L'Humanité, Le JDD, Libération, Le Média, Mediapart, Le Monde, L’Obs, Télérama, Paris Match, Le Parisien-Aujourd’hui en France, Sud-Ouest, Premières Lignes, RFI, RMC, TV5 Monde.

 

Mercredi 24 avril 

►Le combat des proches de Zineb Redouane pour que justice soit faite sur Reporterre

https://reporterre.net/Le-combat-des-proches-de-Zineb-Redouane-pour-que-justice-soit-faite


►Une vingtaine de sociétés de rédacteurs et journalistes apportent leur soutien à Gaspard Glanz

https://reporterre.net/Une-vingtaine-de-societes-de-redacteurs-et-journalistes-apportent-leur-soutien


Jeudi 25 avril


►Le tribunal jugera lundi 29 avril la levée du contrôle judiciaire de Gaspard Glanz sur Reporterre

https://reporterre.net/Le-tribunal-jugera-lundi-29-avril-la-levee-du-controle-judiciaire-de-Gaspard
 
avec une interview dans le Média : Gaspard Glantz : la contre attaque

https://www.youtube.com/watch?v=s2cwNnlwPdU
Samedi 27 avril



Gaspard Glanz : 

« Quand le ministre soutient les policiers 

quoi qu’ils fassent, 

ils ne respectent pas la loi »

 

A lire sur ce blog ici :

https://lemurparle.blogspot.com/2019/05/gaspard-glanz-quand-le-ministre.html




Le journaliste Gaspard Glanz : « Quoi qu’il arrive, je travaillerai le 1er Mai »

 

Dans un entretien à Mediapart, le journaliste indépendant Gaspard Glanz revient sur l’interdiction qui lui est faite de manifester les samedis et le 1er Mai à Paris. Ses avocats demandent la levée de ce contrôle judiciaire. 


Samedi 20 avril, alors qu’il couvre l’acte XXIII des « gilets jaunes », le journaliste indépendant Gaspard Glanz, 32 ans, reçoit des éclats d’une grenade sur la jambe. Il demande aux forces de l’ordre à s’entretenir avec le commissaire pour comprendre pourquoi il a été visé par ce tir. Il est alors violemment repoussé par un policier auquel il répond par un doigt d’honneur. S’ensuit une interpellation musclée.

Gaspard Glanz - Vendredi 26 avril - Paris. © DR


Interpellé et placé 48 heures en garde à vue, le fondateur de l’agence Taranis News est présenté, le 22 avril, devant un procureur pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », infraction passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Dans l’attente de son procès, fixé au 18 octobre, il lui est interdit de se rendre à Paris, tous les samedis et le 1er Mai.

Ses avocats ont demandé une mainlevée de ce contrôle judiciaire qui sera examinée lors d'une audience publique lundi 29 avril au Tribunal de grande instance de Paris.

« C’est un compte à rebours, j’ai neuf heures encore devant moi, après je dois quitter Paris, avertit Gaspard Glanz, en préambule de l'entretien qu'il a accordé à Mediapart. Je déteste la médiatisation, mais je me dois de défendre tous les journalistes qui, comme moi, sont précaires sans carte de presse alors que les manifestations deviennent de plus en plus violentes, que nous devenons la cible des policiers et que sans carte de presse nous sommes plus vulnérables alors que nous alimentons tous les médias. »

Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre interpellation et de votre garde à vue ? 


Gaspard Glanz : Quelle est l’origine de ce doigt d’honneur, dont les suites policières et judiciaires ont été disproportionnées ? J’ai reçu des éclats de grenade sur ma jambe alors que j’exerçais mon métier de journaliste. Ce n’est pas anodin. J’ai juste voulu savoir pourquoi j’en étais la cible. Lorsque je me suis présenté auprès du policier pour lui demander où était le commissaire, il m’a brusquement poussé. Cela fait beaucoup. En réaction, comme n’importe qui aurait pu le faire sous le choc, j’ai fait ce doigt d’honneur.

La suite est complètement démentielle, comme vous pouvez le voir sur la vidéo que j’ai publiée sur mon site Taranis. J’ai été plaqué au sol. Et alors que j’explique à ce policier avoir reçu à mes pieds une grenade, je me fais insulter.

J’étais légitime pour m'adresser à ce commissaire qui, d’ailleurs, m'avait parlé juste avant et m’appelait par mon prénom. Quand je suis au sol, le commissaire vient me parler et je lui dis : « Vous êtes fou, relâchez-moi, c’est un doigt d’honneur, tout le monde filme. » Je le préviens qu’il est en train de faire une grave erreur.

Par la suite, j’ai fait 48 heures de garde à vue avec deux autres personnes, des gilets jaunes. L’une des équipes de policiers détestait les gilets jaunes. Je n’ai quasiment pas pu boire d’eau. C'est inacceptable.

On m’a privé de prendre des médicaments contre la douleur que je dois prendre parce que j’ai un problème au dos. Le dimanche, mon état était si mauvais qu’ils ont dû appeler les pompiers. À leur arrivée, ils ont voulu me conduire à l’hôpital, l’officier de police judiciaire a refusé. Il a fallu que l’un des pompiers s’énerve, alors que j’avais 7 de tension et 0,5 de glycémie.

Les suites judiciaires sont tout aussi disproportionnées. Je dois être jugé en octobre pour un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. C’est du délire pour un doigt d’honneur. On a franchi une nouvelle étape dans les violences policières, comme on l’a observé pendant les manifestations des gilets jaunes. Mais on a aussi franchi un nouveau palier dans la répression contre la presse, et évidemment à l’égard des journalistes qui dérangent, ceux qui montrent les dérives de ce gouvernement.

Ce vendredi 26 avril, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner s’est exprimé sur France Info en affirmant qu’être « journaliste, c’est aussi avoir une carte de presse » et en rappelant un tweet dans lequel vous l’insultez, à la suite de ses propos sur les ONG qui viennent en aide aux migrants et qu’il assimile aux passeurs. Que répondez-vous ?

Serait-il possible d’avoir un ministre de l’intérieur qui connaisse la loi ? Pourrait-il s’informer avant de parler ? C’est le minimum qu’on lui demande. Mais il ne le fait pas. Dire que je ne suis pas journaliste parce que je n’ai pas de carte de journaliste est faux. Ce n’est pas la carte de presse qui fait de nous un journaliste. On peut l’être sans. Il faut bien qu’il l’apprenne.

Les images que Christophe Castaner regarde à longueur de temps sur LCI, TF1, Canal plus ou d’autres chaînes, peuvent être les miennes, celles de mes confrères qui, comme moi, n’ont pas de carte de presse. Et il ne les remet pas en cause pour autant. Qu’il se renseigne avant de parler.

D’ailleurs, il faut que Christophe Castaner accepte aussi une réalité qui doit certainement l’agacer : j’ai reçu le soutien de sociétés de journalistes et rédacteurs d’une vingtaine de médias dont celle de France Info, la radio sur laquelle il s’est exprimé, aux côtés de Mediapart, Le Monde, Libération, Le Parisien, BFM, et j’en passe.

Je devrais presque le remercier. Je dis ça comme une plaisanterie. Mais ma vie a changé parce que cette garde à vue a provoqué une vague de soutien et de solidarité des journalistes. Ce soutien m’a fait verser une larme, je me suis dit qu’enfin les médias légitiment le travail de journalistes comme moi, indépendants et précaires auxquels ils achètent les images. Il y a aussi les dons qui ont été faits sur la cagnotte lancée depuis pour soutenir Taranis News. C’est pour moi incroyable d’avoir autant de soutien. Ça me touche beaucoup.

Et à partir de ce moment-là, j’ai compris que c’était une « opportunité » pour tous les autres photographes et journalistes qui, comme moi, galèrent depuis des années. Le seul moyen de les soutenir, c’est d’utiliser la notoriété que j’ai en ce moment pour pouvoir mettre le doigt sur l’abcès de cette carte de presse pour les journalistes indépendants, encore plus dans ce contexte de durcissement des violences policières et d’entraves à la liberté de la presse.

« Les journalistes sont devenus des cibles »

 

Pour 1 000 euros par mois, on s’en prend plein la gueule. Et il faut nous protéger, nous, les petits, qui faisons le travail dans les lacrymos et au milieu des tirs de LBD et de grenades.

Nous sommes entre 50 et 100, photographes, majoritairement, et JRI [journalistes reporters d’images], à préparer en ce moment des dossiers de demande de carte de presse, que nous déposerons en même temps.

Et concernant le tweet où vous insultez Christophe Castaner, après ses propos sur les ONG qu’il accuse de faire le jeu des passeurs sur les migrants ?

C’est affligeant. Il y a plus de trois mois, lorsque j’ai dit que c’était une « merde » de dire cela, il n’en a pas pris ombrage. Et aujourd’hui, il ressort ce commentaire. Je suis journaliste mais aussi citoyen.

Ce commentaire, je l’ai fait sur mon compte personnel et pas au nom de Taranis News, ma boîte de production. Je trouve inadmissible d’entendre ces propos alors que des migrants se noient, leurs nourrissons dans les bras, sous nos yeux et que les ONG leur viennent en aide. Avec un dixième de ce qu’a coûté le « grand débat », on pourrait les aider.


Gaspard Glanz. © Nicolas Mercier



Lundi 29 avril, le Tribunal de grande instance de Paris va décider de la levée ou pas de votre contrôle judiciaire. Si, à l’issue de l’audience, vous restez interdit de manifestations, comment envisagez-vous le 1er Mai ?

Je tiens d’abord à préciser que l’appel national pour la manifestation des gilets jaunes, ce samedi 27 avril, a lieu à Strasbourg. Je suis interdit de me rendre à Paris, mais résidant à Strasbourg, je vais donc pouvoir couvrir la manifestation. Quelle ironie !
 
Ensuite, cela fait plus d’un mois que je prépare la manifestation du 1er Mai à Paris. Et ce que j’ai observé lors des dernières manifestations, en particulier celle du samedi 20 avril, c’est que la préfecture de police de Paris se prépare au 1er Mai en mettant en place des méthodes bien plus violentes qu’auparavant.

Lors de la manifestation du 20 avril, les forces de l’ordre se sont exercées en prévision du 1er Mai : les charges ont été plus fortes, par exemple. Ils ont déployé de façon plus significative les DAR [détachements d’action rapide] et les voltigeurs qui vont davantage au contact des manifestants et des journalistes, tandis que les CRS et les gendarmes sont restés, en arrière, en sécurisation des lieux.

Un policier des DAR a même balancé un caillou vers les manifestants, samedi 20 avril. Qui commet les infractions ? La question se pose. Et cela reste impuni. Ce que l’on vit aujourd’hui, c'est du délire.

Les journalistes sont ouvertement devenus des cibles. Samedi, lors de mon arrestation, je n’étais pas le seul. La même journée, d’autres journalistes ont été visés : Alexis Kraland s’est fait très tôt interpellé et Clément Lanot a été visé par un LBD [lanceur de balles de défense]. Ça fait beaucoup. [Trois autres journalistes ont été touchés le samedi 20 avril, à Toulouse notamment, faits signalés par le documentariste David Dufresne, qui recense et cartographie les violences policières, depuis le début du mouvement des gilets jaunes, travail mis en ligne par Mediapart].

Ce qui est sûr, c’est que je travaillerai le 1er Mai. Ils n’auront pas ma mort professionnelle.

Je suis prêt à passer six mois en prison pour montrer que l’on n’est plus dans un État de droit. Puisque c’est ce que je risque si je ne respecte pas ce contrôle judiciaire. Mais je veux encore croire qu’il y a une justice. Tout ce que je souhaite, c’est faire mon travail de journaliste indépendant. Ce gouvernement ne peut pas faire preuve d’autoritarisme au point de museler la presse. Il faut que ça cesse. 

Ce 1er Mai est aussi le signal de rassemblement d’une certaine jeunesse, qui vient de toute l’Europe, et les services de renseignement le savent. Cette jeunesse européenne et en particulier allemande, black bloc ou pas d’ailleurs, va venir faire entendre son impossibilité de vivre aujourd’hui dignement en travaillant. Une nouvelle étape de violence des deux côtés risque d’être franchie : de nouvelles méthodes d’actions du côté policier et du côté des manifestants. Le gouvernement semble terrifié par le 1er Mai et l’attitude qu’il adopte à l’égard des journalistes en est la preuve. L’État semble aux abois.

Le site Arrêt sur images a essayé de vous accréditer pour la conférence de presse du président Emmanuel Macron, le 25 avril. L’Élysée a justifié son refus en affirmant que la demande était trop tardive. Qu’auriez-vous demandé au président ? 
 
L’interdiction qui m’a été faite par l’Élysée d’assister à la conférence de presse est complètement injustifiée puisque d’autres journalistes ont vu leur demande acceptée alors qu’ils l’avaient soumise au même moment que moi. Mais ce n’est qu’une preuve de plus du déni de démocratie de ce gouvernement.

Cette conférence de presse était une mascarade. Il n’y a quasiment pas eu de question pertinente posée par les journalistes. Soit ils se sont autocensurés, soit ils ont été sélectionnés pour avoir le micro, soit les deux à la fois. Il y a eu deux, trois exceptions. Je retiendrai celle de Paul Larrouturou, de l'émission « Quotidien » (TMC) qui a posé une question sur Alexandre Benalla mais à laquelle Macron, gêné, n’a pas vraiment répondu.


Alexandre Benalla, alors même qu’il a commis des violences sur des manifestants, fait l'objet d'un contrôle judiciaire bien plus léger que le mien ou que celui de gilets jaunes. Il voyage quand et où il veut. Il échappe à l’institution judiciaire. Comment l’expliquez-vous ?

Pour ma part, si j’avais pu assister à cette conférence de presse, j’aurais bien eu envie tout d’abord de laisser un long silence avant de poser ma question au président. Dix secondes de silence afin de créer un malaise, un malaise à l’image de cette présidence. Ensuite, je lui aurais certainement demandé comment il peut justifier une telle entrave au droit de la presse, à la liberté d’informer ? Est-ce cela une démocratie ?

L’un de vos avocats a parlé d'un « harcèlement des autorités policières et judiciaires » à votre encontre. Vous avez été placé plusieurs fois en garde à vue, vous être fiché S [une signalétique du Fichier des personnes recherchées (FPR) désignant les personnes présentant une menace pour la sûreté de l’État, lire ici]. Comment percevez-vous ces mesures ?

Un média indépendant gêne. À Mediapart, vous le savez. Je suis un journaliste, d’une autre génération certes, peut-être avec d’autres méthodes, mais je respecte les règles. On m’a qualifié de militant pour me discréditer. Je suis certainement engagé. Quel journaliste ne l’est pas ? D’ailleurs, ce qui m’a fait rire, c’est qu'à la suite de mon interpellation, j’ai aussi reçu le soutien de Jean-Michel Aphatie : un journaliste engagé d’un autre bord, en somme.

Après, oui, j’ai depuis plusieurs années dû faire face à des gardes à vue. Je suis fiché S sans vraiment savoir quand cela a été décidé. Est-ce qu’une carte de presse m’aurait mieux protégé ? C’est probable. Mais filmer au plus près les violences policières a toujours été gênant. Et aujourd’hui, ça l’est encore plus.

Pascale Pascariello - Médiapart


Sur fond d’impunité, 

les unités «anticasseurs» de Castaner 

font de nombreux blessés à Paris




Dans un bilan rendu public vendredi, la coordination des « Street medics » présents à Paris le 20 avril indique avoir pris en charge 152 blessés. Plusieurs blessés graves ont chargé des avocats de déposer plainte.

« Quand je dis on ira au contact, c’est aller physiquement à la dispersion », avait explicité le secrétaire d’État Laurent Nuñez, le 20 mars, en détaillant la feuille de route du nouveau préfet de police de Paris Didier Lallement et celle des unités « anticasseurs » créées par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner. Samedi 20 avril, les « gilets jaunes » ont été confrontés à Paris aux nouvelles méthodes du duo ministériel : les forces de l’ordre ont à plusieurs reprises chargé sur les cortèges ou les attroupements.

Dans un bilan rendu public vendredi, la coordination des « Street medics », regroupant 12 collectifs présents à Paris le 20 avril, indique avoir pris en charge 152 blessés dans la capitale, dont 9 journalistes et 10 secouristes. Parmi ces blessés – et la coordination a prévenu qu’il s’agissait encore d’un bilan provisoire –, on dénombre 30 personnes touchées par des coups de matraques télescopiques ou de tonfa, la matraque à poignée en cours chez les CRS.

« Les techniques répressives » ont été « plus offensives que d’ordinaire », relève un collectif de « medics » de Touraine qui souligne le « retour des voltigeurs », l’unité de policiers en moto dissoute dans les années 1980, reconstituée en Brigade de répression de l'action violente motorisée (BRAV-M). Parmi les blessés du 20 avril à Paris, les secouristes ont aussi dénombré 33 personnes touchées par des tirs de LBD, et 23 atteintes par des grenades explosives – de désencerclement ou des GLI F4.

Une charge des CRS, à l'angle du quai de Jemmapes et de la rue du Faubourg-du-Temple. Au sol, Mélanie a reçu un coup de matraque sur la tête. © Gonzalo Fuentes Reuters


« Le scandale que l’on commence à appréhender, c’est que l’institution judiciaire bloque les plaintes contre les forces de l’ordre et l’ouverture d’information judiciaire », explique à Mediapart MArié Alimi, avocat de deux personnes blessées samedi à Paris. Le ministre de l’intérieur a indiqué, vendredi, que 220 enquêtes avaient été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

« Une source judiciaire vient d’annoncer – dans Le Figaro vendredi – que 25 procédures avaient été clôturées par l’IGPN et retournées au parquet, qui n’a pas pris d’orientation, poursuit MAlimi. La seule information judiciaire ouverte à Paris concerne l’affaire du tir dont a été victime Jérôme Rodrigues le 26 janvier. »

Selon l’avocat, le blocage des procédures est délibéré, et offre ainsi une garantie d’impunité aux forces de l’ordre. « La difficulté, c’est le timing, admet dans Le Figaro l’un des avocats spécialisés dans la défense des policiers, Me Laurent-Franck Lienard. Si vous renvoyez un policier devant un tribunal, vous n’aurez plus personne les samedis pour encadrer les manifestations. »

Le 20 avril, une manifestante de 39 ans, Mélanie, a ainsi été frappée à la tête par un CRS arrivé en courant derrière elle, à l’angle du quai de Jemmapes et de la rue du Faubourg-du-Temple. Des images de cette charge et du coup porté ont été diffusées dès dimanche par le compte Twitter d’Allô place Beauvau, du journaliste David Dufresne. La jeune femme s’évanouit sous le choc. L’unité de CRS poursuit sa charge, en évitant plus ou moins son corps.

À la suite du coup porté, cette manifestante souffre d'une entorse au niveau des cervicales, mais des examens approfondis sont programmés. Travailleuse sociale, membre d’un collectif de gilets jaunes d’Amiens, elle a déposé une plainte contre X pour violences commises par un dépositaire de l’autorité publique. Le procureur d’Amiens a transmis le dossier au parquet de Paris.

« J’espère que la réponse pénale sera rapide concernant ce fonctionnaire, commente MZineb Abdellatif, l’avocate de Mélanie. On le voit charger et porter ce coup, gratuit, qui aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques. Dans ce cas précis, je ne vois pas comment on pourrait nier la violence policière qui s’est exercée, sans raison, alors qu’elle marchait d’un pas tranquille. Par ailleurs, personne ne s’est retourné ou arrêté pour s’occuper d’elle. » 
 
Mélanie a été conduite à l’hôpital Lariboisière, mais elle est rentrée à Amiens le soir même. « Il y avait beaucoup de blessés à l’hôpital et elle a laissé sa place, croyant qu’elle allait mieux, poursuit son avocate. C’est en rentrant chez elle qu’elle a pris connaissance des images, et qu’elle a compris qu’elle avait été frappée délibérément par ce policier. Et ça a été un choc psychologique pour elle, parce qu’elle n’avait pas compris ce qui s’était passé. » Elle croyait avoir reçu un projectile.

Parmi les victimes des tirs de LBD, Xavier, 25 ans, a été touché à l’œil alors qu’il filmait la manifestation place de la République, juché sur une Gyroroue. « J’ai fait le tour de la statue et je me suis arrêté à l’endroit où se trouvaient des journalistes et des Streets medics, raconte-t-il à Mediapart. J’étais en train de filmer quand je me suis pris un LBD en pleine tête. L’espace d’un dixième de seconde, j’ai vu la balle arriver en tournant, et je l’ai prise en pleine face. J’ai encore des flashs, comme si le truc m’arrivait encore en pleine tête. J’ai perdu ma caméra, et une grenade a explosé à mes pieds alors que je venais de tomber. J’ai été touché à la jambe par un éclat de cette grenade. »


« Ma vie a basculé en une journée », juge Xavier. « A priori, l’œil est mort, poursuit-il. Mais on doit m’opérer. J’ai toute la partie gauche du visage touchée, une double fracture de la pommette… Je suis franchement traumatisé. Hier, je m’effondrais encore en larmes quand j’en parlais. »

Employé dans un hôpital de la région parisienne, Xavier a filmé de nombreux actes, et posté ses vidéos sur YouTube. On lui a rendu sa caméra, mais il a perdu ses images du 20 avril. « Les policiers, ils tiraient, ils tiraient, ils tiraient, poursuit-il. Je ne sais pas ce qui leur arrivait. Moi, je restais toujours en retrait. Mais sur mon Gyroroue, je fais plus de deux mètres. Je suis sûr que le policier a visé la tête et a tiré sur moi. Ce n’est pas une erreur. » 

Le tireur se trouvait parmi un important groupe de policiers, CRS et civils, posté place de la République, non loin de la rue du Faubourg-du-Temple, peu de temps avant une charge massive. Des images de cette charge, où l'on voit le tir, ont été mises en ligne par HZ Press« À l’instar de Xavier, on a eu, le 20 avril, de nombreuses personnes pacifistes qui filmaient, et qui ont été visées délibérément par les forces de l’ordre, explique Me Arié Alimi à Mediapart.

Sophie, une secouriste membre d’un groupe de « Street medics » de Touraine, était à proximité de Xavier lorsqu’il a été blessé. « Il s’est pris un LBD dans la figure, raconte-t-elle, et peu après, une grenade GLI F4 a explosé près de lui. Un autre secouriste a été blessé par un éclat au niveau du pied et à l’entrejambe. » Un groupe de « Street medics » prend en charge Xavier, tandis qu’un autre exfiltre le secouriste blessé. « Xavier saignait beaucoup, poursuit Sophie. On lui a fait les premiers soins, et on lui a bandé les deux yeux, puis les pompiers sont arrivés dix minutes plus tard. »

Selon Xavier, le service des urgences de Lariboisière est alors débordé. « C’était Bagdad, là-bas. Il y avait énormément de blessés, des mains cassées, des jambes touchées par les flashball. L’équipe des urgences m’a demandé si quelqu’un pouvait veiller sur moi cette nuit, et je suis rentré chez moi. Le lendemain, c’est l’hôpital Cochin qui m’a pris en charge, mais je n’ai pas été hospitalisé. »

Place de la République, un secouriste a également été touché au niveau de la mâchoire par une balle de LBD. Plusieurs collectifs de « medics » se sont plaints de la saisie de leur matériel par la police, en amont du rassemblement. Ceux venus de Touraine se sont fait saisir leurs « masques, casques, lunettes, mais aussi leur stock de sérum physiologique et de Maloox, sous prétexte de l’arrêté préfectoral en vigueur ». Ils ont reconstitué leur stock avant de rejoindre le cortège, en évitant de nouveaux contrôles.

Selon le récit des secouristes, la prise en charge des blessés est plus que délicate « à cause des jets dirigés de grenades lacrymogènes et des tirs de LBD ». Et ils ont plusieurs fois été touchés lors des interventions. « Deux membres de notre équipe sont touchés également : un à la main droite par un tir de LBD, un deuxième a reçu un palet de lacrymogène qui est entré en combustion sur ses mains, rapporte le compte rendu de l’un des collectifs de Touraine. Malgré le cordon de sécurité, nous subissons deux charges, avec matraquages et coups de boucliers qui nous amèneront quelques victimes supplémentaires. »


Karl Laske - Médiapart

Les annonces de Macron 

n’apaisent pas les « gilets jaunes » 

 

Après les annonces de Macron, les gilets jaunes se sont mobilisés samedi 27 avril pour un 24e acte, en léger repli par rapport à la semaine dernière. À Paris, la CGT et La France insoumise ont défilé à leur côté dans une ambiance bon enfant. Tous ont en tête la mobilisation très attendue du 1er Mai.

La perspective d’un 1er Mai très politique, mercredi prochain, en a, semble-t-il, dissuadé certains. Mais les « gilets jaunes » sont restés mobilisés samedi dans plusieurs villes de France, dont Paris et Strasbourg, pour leur 24e acte, toujours aussi remontés par la politique du gouvernement.


La conférence de presse du président de la République jeudi n’a pas calmé les ardeurs. Loin d’apporter des réponses au plus long mouvement social de la VRépublique, Emmanuel Macron est apparu hors sol à beaucoup d’entre eux. Au terme de plusieurs mois de « grand débat », il a annoncé qu’il ne changerait pas le cap de sa politique et entonné le vieux refrain du « travailler plus » cher à la droite française.

À Strasbourg, point névralgique de la mobilisation (après Toulouse choisi pour l’acte XXIII, la semaine dernière), ils étaient ainsi 2 000 (selon la préfecture) à défiler vers le parlement européen, tandis que 2 600 autres (selon le ministère de l’intérieur) battaient le pavé dans la capitale où la manifestation avait été interdite sur les Champs-Élysées. Des cortèges étaient aussi présents à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier… En Saône-et-Loire, des gilets jaunes ont déployé un gilet jaune géant ainsi qu’un drapeau tricolore en haut de la Roche de Solutré.

Un manifestant samedi 27 avril 2019 à Paris © Reuters / Vincent Kessler.


Si l’on s’en tient aux chiffres officiels, ils étaient 23 600 à défiler dans toute la France ce samedi, contre 27 900 la semaine dernière. L’intervention présidentielle de jeudi n’a pas seulement énervé, davantage qu’apaisé, certains des gilets jaunes mobilisés (lire par exemple ces témoignages dans La Voix du Nord). Elle a aussi, sans doute, contribué à resserrer quelque peu les liens entre les gilets jaunes et une partie de la gauche et des syndicats.

Philippe Martinez, le leader de la CGT, n’avait certes pas appelé à la manifestation. Mais plusieurs grosses fédérations et unions locales de la CGT ont lancé, main dans la main avec le NPA, le PCF et La France insoumise, un appel à la « Riposte générale ». Priscillia Ludosky, figure bien connue des gilets jaunes, était aussi signataire du texte.

Tous s’étaient donné rendez-vous, à 13 heures, à Montparnasse, direction place d’Italie. « C’est la première fois qu’a lieu un appel de cette nature à l’intérieur de la mobilisation des gilets jaunes, s’est réjoui le leader des insoumis, je tenais à tout prix à être là, au moment où ça commence. » Des tentatives de convergence des luttes avaient déjà eu lieu. Comme le 8 décembre, avec les différentes marches pour le climat (notre reportage).

Entre les drapeaux rouges de la CGT et des militants d’Attac, Jean-Luc Mélenchon a défilé sous le soleil du boulevard Raspail, en chantonnant « Même si Macron ne l’veut pas, nous on est là ! ». L’ancien candidat à la présidentielle était visiblement aux anges devant ce qu’il considère comme un rassemblement d’un nouveau genre sur le bitume. Il y a vu les prémices de ce qu’il appelait de ses vœux, cette semaine, dans Libération : une « fédération du peuple » avec des partis politiques, des collectifs citoyens et des syndicats dans l’optique des « élections suivantes ».

À côté de lui, le député insoumis du Nord, Adrien Quatennens, qui se dit inquiet de la manière dont le gouvernement gère la situation, a témoigné de son « soutien affectif » aux manifestants. Autre responsable politique présent à Paris, Olivier Besancenot, a lui aussi parlé d’une « convergence en vue d’un projet commun ». Quant à Philippe Poutou, ancien candidat à la présidentielle du NPA, il a estimé qu’« il faut absolument que le mouvement syndical, les politiques de gauche et le monde associatif soutiennent clairement ce mouvement qui a besoin de se construire, de s’élargir et de se renforcer ».

L’acte XXIV de la mobilisation pourrait-il ouvrir une nouvelle ère pour les gilets jaunes ? À un mois des élections européennes, une bonne partie de l’opposition politique entend en tout cas convaincre les mécontents de se servir des urnes pour « mettre un carton rouge » à Macron.

Autre signe que le mouvement pourrait amorcer une métamorphose : cette semaine, l’une des figures emblématiques, Éric Drouet, a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il se mettait en « pause » à la suite de tensions dans le mouvement : « J’irai aux manifestations, mais en mode incognito, j’espère qu’on ne me reconnaîtra pas », a-t-il indiqué dans une vidéo. « Trop de menaces sur ma famille, trop de haineux, trop de foulards rouges, trop de mépris, trop d’insultes, je suis fatigué, désolé », a aussi développé, dans un texte sur Facebook, le chauffeur routier de Seine-et-Marne, qui fut encensé, fin décembre, par Jean-Luc Mélenchon.
 

Il n’en demeure pas moins que les relations entre les gilets jaunes et les corps intermédiaires sont loin d’être apaisées. Comme le prouvait, samedi, cette « Marche sur (sic) les médias ». Des gilets jaunes, qui voulaient dénoncer le traitement de certains médias à leur égard, se sont retrouvés, à la mi-journée devant Radio France. Sur une banderole, on pouvait lire : « CNews, BFM, TFI, LCI, France Télé : Big menteur ! ».

Ce n’est pas la première fois que des gilets jaunes organisent dans la rue leur contestation des médias. Le 29 décembre 2018, par exemple, lors de l’acte VII, 400 personnes s’étaient retrouvées dans le XVe arrondissement de Paris, en bas du siège de BFMTV – où l’on trouve aussi les rédactions de Libération, de L’Express et de RMC.

Si la manifestation « mixte » parisienne s’est déroulée sans incident majeur (onze interpellations ont toutefois été réalisées), la manifestation strasbourgeoise, 100 % gilets jaunes, censée être « l’épicentre » du mouvement ce samedi, a été émaillée de violences entre manifestants et forces de l’ordre. Une centaine de gilets jaunes allemands s’étaient joints au cortège de ce rassemblement « international ». On y trouvait aussi le journaliste indépendant Gaspard Glanz, interdit de manifester à Paris, qui avait annoncé sa présence dans un entretien à Mediapart.

Gaspard Glanz @GaspardGlanz
Allez, on retourne au travail ! #Strasbourg. Contrôle à la frontière (FR seulement, les all s’en foutent) + Secteurs interdits dans le centre-ville & Secteur Parlement + Départ officiel 13h place de l’Etoile + Medics Allemands venus de Francfort + qq magasins barricadés…


Tribune :

Le municipalisme est l’avenir des Gilets jaunes sur Reporterre




Lundi 29 avril 
 

Le tribunal correctionnel de Paris a mis fin, lundi 29 avril, au contrôle judiciaire qui interdisait au reporter indépendant Gaspard Glanz de se rendre à Paris tous les samedis et le 1erMai.


Interpellé samedi 20 avril, au cours de la manifestation des « gilets jaunes », le journaliste indépendant Gaspard Glanz avait été présenté devant un procureur à l’issue de 48 heures de garde à vue pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ». Dans l’attente de son jugement, fixé au 18 octobre, le directeur de l’agence Taranis News avait reçu l’interdiction de se rendre à Paris tous les samedis et le 1er Mai.


Contesté par ses avocats Raphaël Kempf et Aïnoha Pascual, le contrôle judiciaire de Gaspard Glanz a été levé par le tribunal correctionnel de Paris, qui a reconnu l’insuffisance de motivation et donc l’irrégularité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Raphaël Kempf précise à Mediapart que les motifs de ces interdictions n’étaient pas connus jusqu’à présent. « Tout citoyen qui a fait l’objet d’une mesure de justice doit pouvoir en connaître les raisons, c’est un droit fondamental », explique-t-il.

« Il a fallu cette audience pour apprendre que ce contrôle avait été décidé pour éviter que Gaspard Glanz ne réitère l’outrage, c’est-à-dire un doigt d’honneurC’est absurde, poursuit l’avocat. Et cela a permis au tribunal, et j’en suis heureux, de rappeler aux juges qu’ils ont l’obligation de motiver toute mesure prise à l’égard des citoyens. »

Pascale Pascariello - Médiapart


Dans le Loir-et-Cher, 

les « gilets jaunes » pleurent l’un des leurs, 

mort au travail

 


Figure locale des « gilets jaunes », le chauffeur de poids lourds David Beaujouan est décédé tragiquement sur le parking de la plateforme logistique d’Amazon à Saran, près d’Orléans. Dimanche, à Mer (Loir-et-Cher), une centaine de ses camarades de lutte lui ont rendu un vibrant hommage.


Mer (Loir-et-Cher), envoyé spécial.- C’est avec une rose jaune à la main, tendue vers un ciel nuageux, que cent vingt « gilets jaunes » – ouvriers, chômeurs, retraités pour la plupart – ont marché ensemble dimanche matin, à Mer, du centre-bourg jusqu’au lotissement où leur ami David Beaujouan, 36 ans, louait un pavillon depuis sept ans. Chauffeur routier de profession, le jeune homme est mort cinq jours plus tôt sur le parking de la plateforme logistique d’Amazon à Saran, en banlieue d’Orléans.


Le rassemblement en hommage à David Beaujouan à Mer, le 28 avril. © JP


« Il adorait son job mais ça le stressait quand son patron l’envoyait là-bas. Il disait qu’avec Amazon, on savait quand on arrivait mais on ne savait jamais quand on repartait », raconte un proche. David aurait découvert une erreur de palettes en vérifiant son camion, depuis le quai d’expédition. Quelques instants plus tard, il a été pris d’un malaise cardiaque et s’est effondré. Les pompiers, dépêchés rapidement, ont échoué à le réanimer.

Quelques manutentionnaires de l’entrepôt ont, depuis, organisé une cagnotte. Une minute de silence a été observée. La direction d’Amazon, par le biais d’une agence de relations publiques, a rappelé lundi « que les chauffeurs disposaient d’un espace de détente et que tous les protocoles de sécurité avaient été respectés ». Un communiqué du même acabit, accompagné de condoléances à l’entourage de la victime, a été rédigé par la suite.

Même s’il était très fier de son selfie avec Priscillia Ludosky, obtenu lors d’un mémorable pique-nique de gilets jaunes dans les jardins du château de Chambord, David était loin de chercher le devant de l’affiche. Mais un fidèle des premiers jours assurément – un « bon gars », entendra-t-on souvent – toujours de bonne humeur, toujours prêt à covoiturer les collègues dans son Renault Espace, à dégoter du bois pour le brasero, voire un chauffage d’appoint.

Comme beaucoup, David Beaujouan avait dissimulé ses ennuis personnels derrière l’éclat de sa chasuble fluo. Son père était mort d’une embolie pulmonaire il y a douze ans, sa mère ne lui parlait plus.

Au fil des actes des gilets jaunes, David a rencontré Laure, 42 ans, mère célibataire de deux adolescents. Laure a été agent d’entretien. Elle travaillait chaque matin de 5 heures à 13 heures, vidait les corbeilles de bureaux à Orléans, jusqu’à ce que ses épaules et ses genoux ne la tiennent plus. « Je faisais les mêmes tâches depuis quinze ans. J’ai été déclarée inapte au travail il y a un an puis reconnue handicapée. Mais je ne supportais pas l’idée de n’être plus bonne à rien, alors je me suis jetée dans le mouvement des gilets jaunes. »

Laure Palisson a passé ses journées entre le péage autoroutier de Meung-sur-Loire et le giratoire du Super U. Tandis que David se postait chaque samedi aux abords d’un autre rond-point, entre Muides et Mer. De grosses actions, comme le blocage du centre de tri postal de Mer, ont permis de rapprocher ponctuellement les gilets jaunes des différentes communes. Et de favoriser l’union de Laure et David.

« Après bientôt cinq mois de relation, je sortais à peine des antidépresseurs, lui se remettait au sport et on avait un projet de bébé, confie-t-elle. Je devais démarrer une formation de secrétaire-comptable au mois d’août et David me promettait de chercher un toit pour nous quatre. Il avait une belle autorité avec mes deux gamins, il savait les écouter et se faire écouter. Et puis David me poussait toujours en me disant : “Si tu n’as pas tes bras, prends les miens.” Il était mon pilier. »

C’est lors d’une marche de gilets jaunes dans le centre-ville de Romorantin (Loir-et-Cher), durant l’acte XI du 26 janvier, que l’auteur de ces lignes a rencontré David. Un sifflet était suspendu à son cou. Une énorme perruque dorée trônait au sommet de son crâne. Dès qu’il approchait d’un salon de coiffure, il toquait à la vitrine et demandait en riant qu’on lui refasse les boucles.

Ce jour-là, l’une de ses voisines de manif’ était Valérie, 50 ans, ouvrière intérimaire à l’usine de tentes Trigano à Tavers (Loiret). Elle portait une petite pancarte avec écrit dessus : « Stop à la dictature. » Dimanche, Valérie et ses collègues arboraient la même perruque jaune, comme un clin d’œil. « Les gens n’imaginent pas les liens très forts qu’on a pu tisser depuis le 17 novembre. Des personnes de tous âges et de tous horizons qu’on aurait jamais côtoyées en temps normal. »


Devant le domicile de David Beaujouan, à Mer, le 28 avril. © JP

Vers midi, la colonne jaune fluo s’est arrêtée, silencieuse, devant la maison de David. Plusieurs gendarmes se tenaient à l’écart, le moteur de leurs véhicules éteints. Une voisine apeurée a appelé son mari en chuchotant. Des gilets jaunes se sont enlacés en sanglots. Les roses se sont accumulées le long de la palissade, des photos aussi. Les flammes des loupiotes se sont aussitôt éteintes. On a entendu aboyer depuis les fenêtres, de plus en plus fort. « Ce sont les trois chiennes de David, il va falloir qu’on s’en occupe, on ne va quand même pas les abandonner à la SPA ! », a lancé une dame.

On a discuté d’une quête pour les funérailles à venir, d’une plaque commune gravée au nom des gilets jaunes de Mer, Blois, Vendôme, Romorantin, Noyers-sur-Cher, Meung-sur-Loire, La Ferté-Saint-Aubin. L’union rejaillit : « Avec le temps, le mouvement avait explosé, on ne savait plus comment se rassembler », confia Sabrina, agent d’entretien de 38 ans. « Mais ce dimanche, David a réussi à nous souder de nouveau. Pour lui, pour les gilets, on ne lâchera rien. »


Jordan Pouille - Médiapart

 

Maintien de l’ordre : 

à Bordeaux, la « politique d’intimidation » 

du préfet Lallement

 


Un rapport de l’Observatoire girondin des libertés publiques dénonce les opérations de maintien de l’ordre dirigées par le nouveau préfet de police de Paris Didier Lallement, lorsqu’il était en poste à Bordeaux. Le constat de ses auteurs est accablant : la politique menée a délibérément contribué à l’escalade de la violence.

 
Depuis sa nomination le 21 mars à la préfecture de police de Paris, Didier Lallement a durci le dispositif du maintien de l’ordre. Davantage brutal et répressif, il affiche un bilan de 152 blessés pour la seule journée du 20 avril


Précédemment en poste à Bordeaux, le préfet avait déjà appliqué cette stratégie d’affrontement entre policiers et manifestants, « participant à l’escalade de la violence », selon l’Observatoire girondin des libertés publiques (OGLP), auteur d’un rapport que Mediapart a pu consulter. 

Une politique d’intimidation : tel est le titre de ce document de 60 pages qui décrypte, pour la période du 17 novembre 2018 au 16 février 2019, les pratiques du préfet de Gironde de l’époque, mises en place durant les manifestations de « gilets jaunes », de lycéens, d’écologistes et de chômeurs.

L’OGLP, collectif qui regroupe notamment la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats de France et Greenpeace, s’est appuyé sur le travail de ses observateurs, présents lors de tous les mouvements, ainsi que sur des témoignages et des vidéos. De façon minutieuse, il décrypte comment, à Bordeaux, le préfet a organisé une politique d’escalade de la violence, avec un usage non maîtrisé et dangereux des armes à l’encontre des manifestants.

Le collectif rappelle que le droit de manifester étant fondamental, « les autorités doivent mettre en œuvre une politique de désescalade de la violence » afin de le garantir. Or, le préfet a fait tout le contraire, facilitant ainsi « de nombreuses violations des droits fondamentaux. Malgré des manifestations nombreuses et récurrentes ces dernières années à Bordeaux, aucune n’a fait l’objet d’un traitement policier à ce degré de gravité ».

Didier Lallement, nouveau préfet de police de Paris. © Reuters


Les rapporteurs s’inquiètent enfin que le modus operandi de Didier Lallement soit devenu un « symbole du durcissement souhaité » par le gouvernement, ce même gouvernement qui vient de lui offrir une belle promotion, en le propulsant à la tête de la préfecture de police de Paris. 

Selon les observateurs, cette stratégie a été mise en place à Bordeaux à partir des actes III et IV des gilets jaunes, les 1er et 8 décembre. Les manifestants se sont alors retrouvés sur la place Pey-Berland, près de la mairie. Encerclés par des policiers, ils ont été asphyxiés par des jets massifs de grenades lacrymogènes, accompagnés de sommations quasi inaudibles. 

Comme le décrit l’un des témoins, présent le 1er décembre, « sans sommation, une pluie de grenades lacrymogènes s’est abattue sur les manifestants, rendant l’air irrespirable. […] Les sommations, si jamais elles ont eut lieu, n’étaient en réalité pas audibles par la majorité des personnes présentes. De très nombreuses grenades de tous types ont alors été projetées. […] Guy, un homme de 60 ans a été grièvement blessé à la joue par un projectile alors qu’il se trouvait pacifiquement sur la place »
 
Le 8 décembre, un scénario identique se reproduit, avec les mêmes conséquences dramatiques. D’après les chiffres de la préfecture, près de 26 manifestants sont blessés, parmi lesquels un homme qui « ayant ramassé une grenade GLI-F4 confondue avec une grenade lacrymogène, a eu la main arrachée ». L’observatoire constate que « le degré de la force employée, la gravité des blessures et leur nombre, l’arbitraire des ciblages policiers ont largement compromis la possibilité d’un apaisement des manifestations des gilets jaunes »

Il conclut que « l’immense majorité des sommations alléguées par les autorités publiques sont artificielles et n’ont eu pour seul but que de couvrir légalement l’usage de la force. Purement formelles, ces sommations n’ont répondu ni aux conditions juridiques, ni aux standards des politiques de désescalades du maintien de l’ordre »
 
Cette politique a provoqué parmi les manifestants, initialement solidaires des forces de l’ordre, un sentiment de défiance à leur égard, voire de colère. Les slogans ont changé, passant de « La police, avec nous », lors des premiers actes, à « Tout le monde déteste la police » ou « La police déteste tout le monde », lors des manifestations des 1er et 8 décembre. 

« La préfecture ne pouvait ignorer que sa réaction déclencherait une escalade de violence », précise le rapport. Cette stratégie, volontairement répressive, représente « une atteinte grave au droit de manifester ». De fait, le 8 décembre, au cours d’une conférence de presse, Didier Lallement expose le dispositif de maintien de l’ordre et affiche son intention de produire un « effet dissuasif » en faisant intervenir des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). 

Un mois plus tard, le 11 janvier, à la veille de l’acte IX des gilets jaunes, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, vient cautionner et encourager cet exercice de fermeté, en lui apportant publiquement son soutien. 

Parmi les dispositifs mis en place, outre l’usage de la brigade anti-criminalité, inexpérimentée dans le maintien de l’ordre et à l’origine de nombreuses blessures par tirs de lanceur de balles de défense, le rapport souligne la réapparition, dès le 9 février, des pelotons voltigeurs mobiles (PVM). « La pratique des voltigeurs avait pris fin avec la mort de Malik Oussekine le 6 décembre 1986 », précise l’Observatoire. Ces unités pourchassent les manifestants, « ce qui peut les mettre en danger ». Lors de l’acte XIII, l’une d’elles a d’ailleurs percuté un gilet jaune, « très légèrement mais volontairement ».  Choqué, celui-ci a insulté le conducteur de la moto, ce qui lui a valu d’être arrêté. 

Une manifestation de gilets jaunes à Bordeaux, le 30 mars. © Mediapart


L’Observatoire girondin épingle également le préfet sur sa conception bien particulière des « nasses ». Ce système, utilisé par les forces de l’ordre, consiste à encercler un certain nombre de personnes et à les confiner. Il doit néanmoins laisser une échappatoire. Or, le 5 février, de 14 h 30 à 17 heures, les policiers ont fait un usage massif de gaz lacrymogènes en parquant des manifestants, parmi lesquels des personnes âgées et des handicapés, « ce qui a provoqué une situation de panique » : « Une personne d’une soixantaine d’années, évacuée par les pompiers, a fait une crise cardiaque et a dû être conduite au CHU de Bordeaux, dont elle n’a pu sortir que trois jours plus tard. » 

Lorsqu’après de longues négociations avec les streets medics, les policiers ont, enfin, décidé de les laisser passer par groupes de 8 à 12, ils ont procédé à des contrôles d’identité humiliants. « Une jeune femme a vu son pantalon être baissé […], une autre son t-shirt levé à la vue de tous, se retrouvant en soutien-gorge sur la voie publique. »

Les rapporteurs estiment que « la combinaison de la nasse et des lacrymogènes a constitué un acte de cruauté, en raison notamment de sa durée, du nombre de grenades lacrymogènes utilisées, de l’absence d’échappatoire pacifique. Cette pratique a constitué, au minimum, un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »
 
Enfin, les observateurs répertorient les blessures et mutilations causées par l’usage « non maîtrisé et dangereux des armes », parmi lesquelles matraques, LBD et grenades. Une liste non exhaustive des personnes blessées fait état notamment de deux personnes dont la main a été arrachée par une grenade GLI-F4, de deux autres qui ont perdu un œil à la suite d’un tir de LBD. 

Parmi les blessés, Olivier, 47 ans, électromécanicien et sapeur-pompier, manifestait avec sa femme, le 12 janvier. Lorsque les forces de l’ordre ont lancé des gaz lacrymogènes, il a fait demi-tour et emprunté une rue perpendiculaire afin de se mettre à l’abri. « J’ai vu une grenade rouler à mes pieds, puis je me suis retourné et j’ai vu des policiers derrière moi me visant. J’ai reçu un violent coup sur la tête qui provenait d’un tir de LBD. Mon dernier souvenir est mon corps chutant sur le sol sans pouvoir bouger. »  Il a dû être hospitalisé 19 jours pour un traumatisme crânien avec hémorragie cérébrale. 

Cet usage intempestif et disproportionné des armes contre les manifestations à Bordeaux fait écho aux pratiques en vigueur qui ont valu à la France d’être interpellée à plusieurs reprises par des organisations internationales. La dernière date du 6 mars, lorsque le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet a réclamé une enquête sur les violences policières en France. « Nous demandons urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force », avait-elle déclaré devant le Conseil des droits de l’homme à Genève.

La réponse du gouvernement français, remise en avril, pourrait se résumer à ces quelques phrases concernant l’usage des LBD : « À aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. » Face aux nombreux témoignages des personnes mutilées, les autorités françaises affichent un déni consternant.  


Alerté à plusieurs reprises sur les violences policières « entraînant des blessures graves », le préfet Didier Lallement n’a répondu à aucun des courriers adressés par l’Observatoire. Dans une lettre ouverte du 21 décembre 2018, le collectif l’interpelle sur ces opérations de maintien de l’ordre qui engendrent une « escalade de la violence » et sur l’usage des armes de façon disproportionnée. « Un manifestant a perdu une main […] et un journaliste photographe, porteur d’un brassard presse, a été touché au bras par un tir de flashball. » Didier Lallement a là encore gardé le silence.

Pascale Pascariello - Médiapart


NDA : Papon aussi a été préfet de la Gironde (spécialisé dans la déportation des juifs) avant d’être préfet de Paris (pendant la guerre d’Algérie et responsable du massacre des algériens en octobre 1961)
En espérant que ce Lallement nous quittera avant d’en arriver là.




Mardi 30 avril

A Marseille, 

des policiers fracassent le crâne 

d’une jeune femme à terre




Maria, 19 ans, a déposé plainte mardi auprès du parquet de Marseille pour tentative d’homicide, violences volontaires aggravées et non-assistance à personne en danger. Le 8 décembre dernier, en marge d’une manifestation de « gilets jaunes », elle a été rouée de coups de pied et de matraques par des policiers. Son cerveau, notamment, a été endommagé.
> Allô place Beauvau ? C'est pour un bilan (provisoire)… Au 30 avril, 732 signalements
 

Le 8 décembre 2018, à Marseille, Maria, 19 ans, a été grièvement blessée par les forces de l’ordre. D’abord touchée par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) à la cuisse, la jeune femme, qui s’est écroulée à terre, a été alors violemment matraquée et frappée à coups de pied à la tête.
 

À l’hôpital, elle a été opérée en urgence pour « un traumatisme cranio-facial droit par coup de matraque et embarrure frontale droite en regard avec contusion cérébrale ». Autrement dit, Maria a le crâne fracturé et son cerveau a été touché. C’est seulement en avril, cinq mois plus tard, qu’elle a été en capacité de reprendre son poste de vendeuse, qu’elle occupe en alternance avec ses études. Toujours sous contrôle médical, elle est également suivie par un psychiatre, au regard de son « état de stress aigu » associé à des « cauchemars fréquents », selon le constat médical.

Son avocat, Brice Grazzini, a déposé plainte mardi 30 avril auprès du parquet de Marseille contre « personnes non-dénommées, cependant identifiées comme exerçant la fonction de policier » pour « tentative d’homicide », « violences volontaires aggravées », « non-assistance à personne en danger » et « non-obstacle à la commission d’une infraction ».


Maria après son opération, le 19 décembre 2018. © DR


Que s’est-il passé le samedi 8 décembre 2018 ?

Ce jour-là, aux alentours de 18 heures, Maria quitte plus tôt la boutique du centre-ville où elle travaille pour rejoindre son ami et regagner ensuite son domicile.

Ils empruntent la rue Saint-Ferréol, artère commerçante, qui plus tôt dans la journée a été le théâtre d’affrontements, dans le cadre de l’acte IV des « gilets jaunes » et de la mobilisation contre les logements insalubres à Marseille. Non loin de là, sur la Canebière et le Vieux-Port, des heurts se poursuivent entre manifestants et forces de l’ordre qui quadrillent le pourtour des rues adjacentes.

« J’étais avec mon ami et les policiers nous ont dit qu’ils faisaient un périmètre de sécurité. On a alors pris la direction de chez moi », explique Maria à Mediapart.

Des policiers le samedi 8 décembre 2018 à Marseille. © DR


Six personnes présentes ont apporté leurs témoignages dans le cadre de la plainte. Parmi elles, Olivia précise que « les manifestations de l’après-midi venaient de se terminer et des groupes de CRS et de policiers continuaient à occuper les rues principales en bloquant l’accès ou le passage. Il y avait quelques personnes, de différents âges, marchant tout au long de la rue Saint-Ferréol. Personne n’avait d’attitudes menaçantes. Tout le monde était dans le calme ».

Sur les images que Mediapart a pu visionner, la rue semble relativement tranquille. Des policiers sont présents, quelques jeunes aussi et des pompiers éteignent des feux de poubelles.

« Quand tout à coup un groupe d’hommes, habillés en noir et armés de matraques, se précipitent en courant et en criant dans ma direction », indique Olivia dans son attestation en précisant : « Je les identifie immédiatement comme des membres des forces de l’ordre. J’ai le réflexe rapide de me dégager en me rabattant contre le mur d’immeuble à côté pour éviter d’être percutée dans la course. »

Faits confirmés par Camille, présente, elle aussi, lors de la charge soudaine et inexpliquée des policiers. Elle témoigne : « Alors que nous étions quelques personnes à marcher calmement dans la rue Saint-Ferréol, sans heurts autour de nous, une ligne de CRS et d’agents de la BAC ont tiré des projectiles (je ne sais pas de quelle nature) et ont commencé à se rapprocher de nous rapidement. Nous sommes plusieurs à avoir couru vers la première rue perpendiculaire (rue de la Glace) pour nous mettre à l’abri. J’ai entendu un cri de douleur et j’ai vu tomber quelqu’un, une jeune fille. »

La « jeune fille », c’est Maria. « Lorsque les policiers ont chargé, je n’ai rien compris à la situation. Je n’ai jamais manifesté et j’ai eu très peur. J’ai couru vers la première rue perpendiculaire, la rue de la Glace, mais j’ai reçu un tir dans la jambe. J’ai crié parce que j’avais très mal à la jambe. Je suis tombée par terre. »

La suite est glaçante. Plusieurs récits relatent une scène « chargée en violence ».

En voyant Maria blessée par le tir de flashball, « des personnes ont commencé à crier “personne à terre !” », rapporte Laurence. « Au même moment, cette personne au sol s’est fait encercler par des policiers et matraquer avec violence alors qu’elle était à terre. […] À ce moment-là, j’étais sous le choc. La scène était chargée en violence. Je m’aperçois que des matraques frappent violemment la personne en continu durant un bon moment. »

Camille voit « plus de dix agents de police en jean, casqués, matraque à la main et brassard à l’épaule arriver en courant et mettre chacun à leur tour des coups de matraques et de pied à la personne clouée au sol ».


Des policiers de la BAC autour de Maria à terre le 18 décembre 2018 à Marseille. © DR


Autre témoin contactée par Mediapart, Denise est encore émue à l’évocation de cette soirée. « Juste devant moi, il y avait cette jeune fille, menue, qui tombe. Et là, une nuée de policiers, pour la plupart en civil, casqués, s’engouffrent dans la petite rue et donnent, en passant, des coups de matraques et des coups de pied à la fille alors qu’elle est à terre. »

Denise est catégorique : « Il y a eu au moins trois coups de matraques, et de trois policiers différents, et un coup de pied au visage. Après, j’ai été éloignée par un policier. »

Elle ne sera pas la seule à être repoussée. « Malgré le fait que les policiers m’interdisaient de la rejoindre, j’ai insisté et réussi à passer, déclare Lucie. Arrivée vers elle, j’ai retrouvé d’autres personnes venues à son secours et j’ai constaté qu’elle avait le crâne enfoncé et ensanglanté. Il y avait des traces de sang au sol, jusque sur les murs. […] La police en civil est partie sans même vérifier son état. »

Un autre témoin fait le même constat : « Au moment où nous nous approchons, tous les policiers autour de la personne au sol se dispersent. Nous constatons son état très inquiétant puisqu’elle a une plaie ouverte à la tête. » 

« Je ne sais pas si cette plainte va aboutir »

« L’agression a eu lieu vers 18 h 40. Je parle d’agression parce qu’il n’y a pas d’autre mot », estime Denise qui a appelé les pompiers alors qu’une infirmière prodiguait les premiers soins à Maria. « Nous nous sommes mis autour d’elle à plusieurs parce qu’il y avait encore des policiers plus loin dans la rue et nous avions peur qu’ils refassent la même chose », précise-t-elle.

Maria a encore des difficultés à revenir sur ce moment. « Je me souviens que j’avais très mal à la jambe lorsque je suis tombée par terre. Puis tout est allé très vite. Des policiers ont surgi sur moi et j’ai reçu des coups dans la tête puis j’ai senti de la chaleur. J’étais tellement choquée. Les coups ont continué. Puis je me sentie partir lorsque des gens sont venus m’aider. »

Sidérés, tous les témoins de la scène ne parviennent pas à comprendre les raisons de cet acharnement.



Maria, à terre,
entourée par des policiers de la BAC, le samedi 8 décembre à Marseille. © DR


Mediapart a pu visionner plusieurs vidéos des faits. Sur l’une d’elles, on perçoit une personne au sol, entourée de policiers, en civil, brassard à l’épaule, et on entend des personnes interpeller ces agents : « Doucement, arrêtez, elle n’a rien fait ! Elle est tombée, vous êtes arrivés et vous l’avez fracassée. »

Dans une autre vidéo, plusieurs policiers de la BAC arpentent la rue, l’un donne un coup de matraque contre le mur et émet un mugissement, tandis qu’un autre dit : « Ce n’est que partie remise », propos relevés par l’auteur des images.

Pour sa part, Maria refait le fil de cette fin de journée et concède « avoir bêtement fait péter des pétards sur le sol. C’est idiot, je sais. On les avait achetés avec mon copain pour les utiliser un soir de match de foot. Mais si c’est ça le problème, je ne comprends pas, parce que sur le moment on ne nous a rien dit. La charge de police a dû arriver au moins 15 minutes après ».

« Taper la tête d’une jeune fille aussi violemment alors qu’elle est à terre, déjà blessée à la jambe par un tir de flashball, est-ce justifiable ? », interroge l’avocat Brice Grazzini. Pour empêcher que ces violences commises par des policiers restent impunies, il a décidé de frapper fort, en déposant plainte pour « tentative d’homicide par personne dépositaire de l’autorité publique ».

« Les policiers se sont rendus coupables également de “non-assistance à personne en danger” et, vu qu’aucun n’est intervenu pour faire cesser ces violences, de “non-obstacle à la commission d’une infraction” », précise-t-il.

Depuis le 19 décembre, « l’IGPN est saisie suite au signalement par ma cliente des violences dont elle a été victime. Nous sommes en avril et elle n’a toujours pas été auditionnée. Il ne faut pas compter sur l’IGPN qui est juge et partie pour poursuivre leurs propres agents », constate Brice Grazzini, qui a par ailleurs alerté le Défenseur des droits.

Contacté par Mediapart, l’IGPN a déclaré ne pas « communiquer sur les signalements et les suites données », nous renvoyant au chiffre officiel donné par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner de 220 enquêtes ouvertes pour violences policières et confiées à l’IGPN depuis l’acte I des gilets jaunes. De source judiciaire, relatée par Le Figaro vendredi 26 avril, vingt-cinq procédures auraient déjà été closes.

Ces enquêtes aboutiront-elles ? Le doute sur leur poursuite est permis.

L’État refuse obstinément de reconnaître les faits. Et cela malgré le nombre de victimes et les preuves apportées. Les procureurs, quant à eux, semblent suivre ce mouvement, au risque d’offrir ainsi une garantie d’impunité aux forces de l’ordre.

L’ONU a récemment dénoncé cette hypocrisie. Michelle Bachelet, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a demandé « urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force », lors d’un discours prononcé le 6 mars devant le Conseil des droits de l’homme à Genève.

Le gouvernement français estime qu’à « aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal ».

Il rajoute que les moyens de force intermédiaire, les matraques, les grenades lacrymogènes notamment, permettent de maintenir une « distance qui est garante d'un maximum de sécurité […] en évitant le contact direct et les blessures subséquentes ».

Le mensonge du gouvernement français est à la hauteur des violences policières qu’il tente de dissimuler. Édifiant.

« Je ne sais pas si cette plainte va aboutir », s’interroge Maria. « Ma mère m’a aidée à faire le dossier et à recueillir les témoignages lorsque j’étais hospitalisée », explique-t-elle en précisant ne pas avoir voulu l’alerter le soir même des faits. « Elle souffre de diabète et j’ai eu peur de sa réaction. Mais, aux urgences, avant mon opération, l’infirmière m’a obligée à l’appeler en me disant : “Si vous décédez au cours de l’intervention, il faut que votre famille soit prévenue.” »

Aujourd’hui, la jeune femme souffre de troubles de la mémoire. « J’ai recouvré la vue de l’œil droit, c’est déjà ça. Il y avait du sang à l’intérieur qui s’est depuis résorbé. J’ai l’impression que mon cerveau prend le temps de se reconstruire mais ça puise toute la force de mon corps. Un coup de matraque peut avoir des effets irréversibles, c’est cela qui me noue d’inquiétude », explique-t-elle.

« Je suis consterné par ce que je constate au fil des procédures que je traite pour des cas de “violences policières”. Les blessures de mes clients sont extrêmement graves et il est évident que cela est l’illustration de la tendance actuelle de gestion des manifestations par le gouvernement. Lorsque je défends des personnes poursuivies pour violences, les procédures sont rapides et les personnes sont condamnées si elles sont coupables », commente l’avocat Brice Grazzini.

« Ici, tout est compliqué, poursuit-il, les plaintes sont difficiles à déposer, les procédures judiciaires sont lentes, voire inexistantes, et le pire est d’entendre les autorités compétentes anticiper les résultats d’une enquête en alléguant qu’aucune violence illégitime n’a été commise par les forces de police. Lorsque je vois ce qui se passe dans l’affaire de Maria ou encore dans celle de Mme Zineb Redouane dont je défends le fils, c’est inacceptable. Même les mineurs sont visés et violentés lourdement… »

Le même soir, à Marseille et dans le même périmètre, alors qu’il ne participait pas aux manifestations, un jeune de 14 ans a été victime d’un tir de lanceur de balles de défense à la tête, lui causant un traumatisme crânien avec perte de connaissance, ainsi qu’une fracture et une plaie occipitales.

« On a l’impression que le quartier a été le terrain de jeu d’une horde de sauvages. Mais ces personnes étaient des policiers », déplore l’avocat Brice Grazzini.

Pascale Pascariello - Médiapart



Civicio, 

« Liveur » arrété, 

une volonté de tronquer l'information




Le 27 avril 2019, un « liveur » (qui fait des Live sur Facebook) se fait arrêter alors qu'il s’apprête à rejoindre la « marche sur les médias » pour l'acte 24. Les raisons de cette arrestation sont floues et montrent une dérive autoritaire du pouvoir.


Une vidéo d'un "liveur"1 arrêté ; au début nous n'y croyons pas. Puis nous commençons à comprendre. Yasin Blotas (de son nom sur Facebook) gère la media Civicio, c'est un "liveur" de 28 ans. Sur sa page facebook on décompte plus de seize mille abonnés et de nombreuses vidéos. La plupart de ses posts sont des lives en rapport avec les gilets jaunes. Nous pouvons aussi voir des interviews sur d'autres thèmes, comme celui de la réforme Blanquer ou de la privatisation d'ADP. 

illustration d'aprés le live facebook de Civicio © CC Mélio Lannuzel

Ce samedi, en dessous de son live stoppé par son arrestation, les commentaires affluent. De nombreuses personnes s’inquiètent et demandent des nouvelles du jeune homme. La scène que nous venons de voir nous semble improbable. Alors que Yasin est en train de filmer son arrivée à "la marche sur les médias", des policiers l'interpellent. Avec une politesse irréprochable, le "liveur" répond à leurs questions. Il semble que son interpellation soit liée au port d'un casque2. Selon le fonctionnaire, ce motif est d'autant plus valable car il n'a pas de carte de presse et n'est donc, pour lui, pas journaliste. S'ensuit une inspection de son matériel qui se termine par son arrestation.

Après une très longue attente, presque une journée, nous avons enfin des nouvelles de Yasin. Son avocat, David Libeskind, qui a par ailleurs défendu Jérôme Rodriguez, poste un message sur Facebook à 8h29 : « Tout va bien pour Yassine de Civicio que j'ai pu voir au commissariat . On espère qu'il sorte en fin de matinée. Continuez tous à faire des lives et à informer…. ». Rassurés, nous sommes maintenant impatients d'avoir plus de précisions sur son interpellation. À 16h, nous apprenons finalement, que Yasin est déféré devant le tribunal de grand instance du 17ieme arrondissement. Ses avocats se font questionner par d'autres "liveurs", comme par exemple Gabin Formont3. Le droit au secret sur l'enquête a encore lieu, mais David nous laissent peu de doutes sur le caractère injustifié de cette arrestation.

Cette nouvelle mise en garde à vue, survient une semaine après celles de Gaspard Glanz et d'autres journalistes. Nous pouvons de nouveau voir les dérives qu'entrainent l'obligation d'avoir une carte de presse. Ce  document qui ne semble donner le pouvoir qu'aux journalistes rémunérés et par conséquent complexifie la tâche aux journalistes indépendants. Une des conditions pour son obtention étant d'être une « personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques, ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». 
 
Mais la question aujourd'hui, n'est pas de savoir si les grands médias doivent exister ; ils ont leurs droits et une certaine légitimité, malgré des erreurs journalistiques notables (ex : Les informations erronées de CNews). La question est plutôt de donner les possibilités de diffusion de l'information par des médias alternatifs. C'est impératif pour pouvoir garantir d'autres cadrages, d'autres visions, pour nous permettre en tant que lecteur, de faire la part des choses. Les grands médias, on le sait, font eux aussi des choix. Très peu, parlent par exemple des blessés chez les gilets jaunes. L'occultation flagrante d’une nouvelle personne atteinte par un tir de LBD40, le 20 avril, Place de la République, en est l'exemple (Signalement 700 de David Dufresne). Ils permettent sans modération à certains journalistes de caractériser le mouvement de violent, d'antisémite et de raciste. Pour finir cette liste non exhaustive, ils acceptent, lors de l'Acte 23, de focaliser leurs yeux sur le slogan « suicidez-vous » scandé par certains manifestants. Les "liveurs" comme Yasin, font pourtant partie de ces personnes qui permettent aussi d'informer et de préciser le déroulement d'un événement. Libération, dans son moteur de recherche Cheks News utilise par exemple son travail pour nuancer la polémique autour du slogan précédemment évoqué.

Aujourd'hui à l'heure où sort ce billet, Yasin est libre. Il  a été accusé d'avoir participé à "un attroupement en vue de commettre un délit". Le jeune homme a évidement été relaxé,  mais cette garde à vue lui a valu un rappel à la loi, la destruction de son matériel de protection et surtout l'interdiction de filmer une manifestation. Dans un interview à sa sortie, on comprend aisément que c'est un message d'intimidation et de peur qui lui a été adressé. Il nous dit sans hésiter qu'il retournera couvrir l’événement du 1er mai, mais cette fois, sans protection. Les risques sont pourtant bien réels, et chaque personne qui veut filmer, car c'est un droit, peut facilement se retrouver blessé. Si nous n'acceptons pas ces "liveurs", que nous n'acceptons pas de les protéger, alors cela veut dire qu'une partie des événements nous sera cachée. Des informations seront perdues et personne ne pourra voir si les « médias professionnels » font correctement leur travail journalistique. Si dans un état il n'existe pas cette tolérance, alors ces médias "officiels" n'ont plus aucune barrière et peuvent facilement devenir des outils de propagande. L'interpellation de Yasin alors qu'il se rendait à la « marche sur les médias », une manifestation pour dénoncer le traitement médiatique biaisé du mouvement, n'est pas sans signification. Il y a dans ce nouvel exemple d'arrestation des éléments de réponse aux questions que voulait soulever cette marche. Elle précise aussi certaines intentions du gouvernement à l’égard des gilets jaunes.4 

1 - J'emploie ici le mot "liveur" pour caractériser sa pratique journalistique. C'est à dire l'utilisation de Facebook live pour diffuser l'information de façon indépendante. 

2 - 5min12 un policier lui dit « vous savez que les casques sont interdits ».

3  - Gabin Formont est un journaliste du media indépendant, Vécu, le média du gilet jaune. Il a notamment été interrogé sur l’émission Arrêt sur images où il y explique sa pratique journalistique.

4 - Lundi 29 avril, Yasin publie un live où il donne plus de précisions sur son arrestation. ( NDA : intéressant ! sur les pratiques policières )


Melio.lannuzel sur Médiapart

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