Mise à l'arrêt du site
de production de pesticides BASF
par plus de 500 paysannes
et paysans,
malades et soutiens
Saint Aubin lès Elbeuf, le 17 novembre 2025
Communiqué de la
Confédération Paysanne,
du Collectif de Soutien
aux Victimes des
Pesticides de l’Ouest (CSVPO),
de Cancer Colère,
des Faucheurs
Volontaires et des Soulèvements de la Terre.
Nous sommes paysannes et paysans, victimes des pesticides, parents de victimes, riverains d’épandages de pesticides et de captages d’eau intoxiqués, scientifiques et soutiens. Nous sommes plus de 500 à nous rassembler pour mettre à l'arrêt le site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
Ce lieu incarne les dérives et l'impunité persistantes de l'industrie criminelle des pesticides : fabrication de substances hautement toxiques interdites en Europe, rejets massifs de polluants éternels dans la Seine, augmentation des cas de cancers chez les riverain·es, et lobbying brutal pour imposer un modèle agricole qui empoisonne les sols et les travailleurs et travailleuses de la terre.
Pour faire cesser cette situation ici et ailleurs, nous avons bloqué avec nos tracteurs l'entrée du site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et interrompu la production du site. Nous avons fait une inspection des stocks afin de récupérer des preuves supplémentaires de la fabrication et du stockage de pesticides interdits, notamment à base de Fipronil, exportés ensuite au Brésil. L’entrée du site est bloquée par des tracteurs.
Des victimes nombreuses et ignorées
Nous qui sommes réuni·es sur le site de BASF cumulons tout au long de l’année les dossiers de reconnaissance de maladies professionnelles, les recours juridiques, les marches blanches sur nos territoires, les enquêtes de terrain et les soins au chevet de celles et ceux dont le corps a été contaminé. Mais nous ne sommes pas entendu·es ! Paysans et paysannes, nous voulons simplement vivre dignement de notre travail et nourrir la population sans être exposé·es à ces poisons !
Après cet été, malgré une mobilisation massive de plus de deux millions de personnes contre la loi Duplomb, le pouvoir politique continue de nous mépriser et de soutenir coûte que coûte un modèle dépendant des géants de l'agrochimie : BASF, Syngenta, Bayer et consorts. Nos dirigeants soumettent les aides publiques et les législations à leur lobbying. En France comme ailleurs, la pression économique, les politiques libérales imposées par les gouvernements successifs et la concurrence mondiale tirent les prix vers le bas, mettent les agriculteurs et agricultrices du monde entier en compétition et les enferment dans un système où l'usage des pesticides est présenté comme inévitable.
Les agriculteurs et agricultrices en sont pourtant les premières victimes et nous savons toutes et tous que ce modèle fait disparaître depuis des décennies les paysan·es et leurs fermes. Nous ne les laisserons plus faire !
Nous l’affirmons en acte, les entreprises productrices de cancer, comme BASF, Syngenta, Corteva, Bayer doivent changer fondamentalement leurs productions ou doivent être mises à l’arrêt !
BASF, un acteur majeur de l’empoisonnement et de la pollution
Sur le site de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, BASF produit plus de 1 500 tonnes de pesticides par an et rejette régulièrement dans la Seine des substances classées parmi les « polluants éternels » (263 kilos en 3 jours en mai 2024 !). Aujourd’hui, BASF doit faire face à 4500 plaintes dans le monde, contre des contaminations liées aux PFAS qu’il produit massivement. Sept associations proches du site accusent le groupe de rejets massifs et répétés de PFAS depuis 25 ans. Ces polluants s'accumulent dans les eaux et sont quasiment impossibles à éliminer.
Les PFAS et les pesticides posent un problème majeur de santé publique : explosion du nombre de cancers pédiatriques, maladies neurodégénératives et troubles hormonaux chez les travailleurs et travailleuses agricoles et les populations riveraines. Comble du cynisme, BASF produit des agrotoxiques ET des traitements contre le cancer qui lui offrent plus de 65 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an. L’intensification de l’utilisation des pesticides constitue également la première cause du déclin massif des oiseaux et des pollinisateurs, compromettant la fertilité des sols et la régulation naturelle des écosystèmes. L’effondrement terrifiant de la biodiversité menace nos possibilités de survie dans un futur proche (voir encadré 1).
L'exportation de pesticides interdits : un scandale planétaire
Depuis le territoire français, BASF continue impunément de produire des substances interdites en Europe et de les exporter, notamment vers le Brésil où elles provoquent des dégâts humains et écologiques massifs. Cette situation contraste avec les discours tenus lors de la COP 30, où les États prétendent lutter contre le changement climatique tout en favorisant les accords commerciaux comme le Mercosur, qui aggraverait encore la diffusion mondiale des pesticides et dont les agriculteurs et agricultrices sont la variable jetable. Les effets de ce « colonialisme chimique » s'observent également dans les territoires ultramarins. Des années après les combats pour leur interdiction, le chlordécone dans les Antilles, le paraquat en Guyane, ou le malathion en Te Ao Maohi - Polynésie française continuent à empoisonner les corps et les sols, sans réparation des torts. (voir encadré 2)
Nous pouvons cultiver et nourrir autrement ! L’agriculture industrielle ne nourrit pas la population mondiale, mais elle accapare 3/4 des terres agricoles, elle épuise les sols et compromet leur fertilité à long terme. Selon le dernier bilan de l’ONU, une personne sur dix souffre de la faim, alors qu’un tiers de la production alimentaire industrielle est gaspillée le long de ses chaînes logistiques. Chaque année, les ventes de pesticides augmentent et les grandes firmes comme BASF, Bayer-Monsanto, Syngenta et Corteva contrôlent aujourd'hui plus de 70% du marché mondial. Pendant que leurs profits explosent, les paysannes et paysans disparaissent à un rythme alarmant faute de pouvoir se défaire de la dépendance à ces industries et aux banques. Si l’on estime l’ensemble des coûts cachés des pesticides en France (soutien financier public, coûts environnementaux, coûts sanitaires), ce sont 18 milliards d’euros par an qui pourraient être utilisés pour financer la transformation du modèle agricole - et des alternatives existent ! L'agriculture biologique et les pratiques agroécologiques ont démontré leur viabilité. Ce ne sont pas les solutions techniques et les savoir faire qui manquent, mais des choix économiques et politiques favorables.Nos exigences pour sortir de cet engrenage suicidaire
Nous demandons :
• une réorientation immédiate des politiques publiques agricoles et un accompagnement conséquent pour aller vers un changement durable des pratiques ;
• un revenu digne et des prix minimums garantis pour les productions respectueuses de la santé et des sols ;
• l'application de la décision rendue le 3 septembre 2025 par la cour administrative d'appel de Paris imposant la réévaluation des procédures d'homologation des pesticides ;
• l'interdiction effective des substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et des perturbateurs endocriniens ;
• la reconnaissance élargie des maladies professionnelles et des réparations pour les victimes.
Un appel à la mobilisation collective
Notre colère ne s'éteindra pas sans changement profond. Nous invitons paysan·nes et habitant·es à poursuivre cette mobilisation, à converger sur les autres sites de production de pesticides et à interpeller les institutions complices de ce modèle destructeur et meurtrier. C'est ensemble que nous pourrons construire une agriculture vivante et débarrassée des poisons chimiques.
1) Données sanitaires et environnementales
Impact des rejets de polluants
• En mai 2024, selon les données transmises aux autorités, le site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeufs a rejeté jusqu'à 87 kg d'acide trifluoroacétique (TFA) dans la Seine en une seule journée, soit un record de pollution sur le territoire français, confirmé par des analyses sur 2 500 sites industriels testés.
• La concentration en TFA relevée à l'entrée de la station d'épuration était de 420 000 µg/l (microgrammes par litre), et après traitement la station rejetait encore 28 000 µg/l dans la Seine, signalant l'extrême difficulté à éliminer ce composé par les procédés classiques.
• Le TFA est un produit de dégradation des PFAS (« polluants éternels »), substances chimiques ultrapersistantes qui se retrouvent jusque dans les captages d'eau potable voisins qui ont dû être fermés ou interconnectés du fait de la contamination relevée à plusieurs reprises dans la région de Rouen en 2024.
• Malgré l'ampleur des rejets, il n'existe aujourd'hui en France aucune norme spécifique pour le TFA, alors que d'autres PFAS sont limités à 0,1 microgramme par litre dans l'eau potable.
Conséquences sanitaires avérées
• Les PFAS sont associés à une augmentation du risque de plusieurs pathologies : cancers (y compris du rein, des testicules et de la prostate), maladies thyroïdiennes, troubles hormonaux, dysfonctionnements immunitaires, augmentation du cholestérol, baisse de la fertilité, et troubles du développement chez l'enfant.
• Les populations exposées, notamment les riverain·es et salarié·es d'industrie manipulant ces substances, présentent des taux sanguins élevés de PFAS, corrélés à une augmentation des maladies chroniques.
• Nombre de captages d'eau potable en France sont régulièrement mis hors service en raison de la présence de PFAS ou de résidus de pesticides ; les mesures récentes à Saint-Aubin-lès-Elbeuf ont ainsi conduit à des projets de substitution des ressources en eau potable.
• Selon les études françaises et internationales, les maladies associées aux pesticides (maladies neurodégénératives, lymphomes, myélomes, leucémies, cancer de la prostate, cancers pédiatriques, malformations congénitales…) s'accentuent, en particulier autour de zones agricoles à forte exposition ; plusieurs clusters de cancers chez l'enfant ont été identifiés dans ces territoires.
• L'exposition prénatale aux PFAS a été associée à une augmentation des complications pendant la grossesse et des troubles du système immunitaire chez les enfants, notamment une susceptibilité accrue aux infections.
Effondrement de la biodiversité
• L'intensification de l'utilisation des pesticides constitue la première cause du déclin massif des oiseaux en Europe (+ 40 % d'espèces d'invertébrés aquatiques disparues dans les cours d'eau européens depuis 30 ans).
• En France, près de la moitié (44 %) des oiseaux des milieux agricoles ont disparu depuis 1989, tout comme 66 % des espèces de papillons de jour dans certains départements.
• Les pesticides provoquant l'effondrement des populations de pollinisateurs ; vers de terre, bourdons, collemboles, micro-organismes du sol… sont affectés dans 70 % des cas, compromettant la fertilité des sols et la régulation naturelle des écosystèmes.
• L'appauvrissement global de la biodiversité fragilise le système agricole, menace durablement la sécurité et la qualité alimentaire et accentue la dépendance des agriculteurs aux intrants chimiques.
2) Historique du colonialisme chimique français
Les pesticides interdits et leur exportation
• Bien que plusieurs substances actives telles que le Fipronil soient interdites en France et dans l'Union européenne en raison de leur toxicité avérée, leur production continue à des fins d'exportation vers des pays tiers, principalement en Amérique latine, comme le Brésil, où elles génèrent de graves impacts sociaux et environnementaux.
• La France est le septième exportateur mondial de pesticides interdits, exportant des milliers de tonnes chaque année sous forme de substances pures ou de formulations, bénéficiant de failles réglementaires, notamment dans la loi Egalim qui interdit l'exportation mais dont le décret d'application ne couvre pas toutes les substances actives. • Ce modèle d'exportation s'inscrit dans un système qualifié de « colonialisme chimique » ou de « racisme environnemental » par des représentants et représentantes internationales des droits humains, où les pesticides interdits en Europe continuent d'être principalement exportés vers les pays du Sud, exacerbant les inégalités sanitaires majeures. • Avec les accords de libre-échange, comme celui en cours avec le Mercosur, le commerce toxique est même renforcé, facilitant l'importation de produits agricoles contenant des résidus de ces substances dans l'UE, créant un cercle vicieux de contamination globale.
Les cas ultra-marins : chlordécone, paraquat, malathion
• Le chlordécone, un insecticide organochloré utilisé massivement dans les bananeraies antillaises de 1972 à 1993, a laissé une pollution persistante des sols, des cours d'eau et des aliments locaux, avec des effets sanitaires graves dont la forte augmentation des cancers de la prostate, des troubles neurologiques et des pathologies diverses liées à l'exposition chronique à long terme.
• Malgré son interdiction il y a plusieurs décennies, le chlordécone est encore détecté dans les denrées alimentaires et les milieux naturels, exposant les populations antillaises à un risque sanitaire élevé via la chaîne alimentaire.
• Le paraquat, interdit en métropole depuis 2007, a continué d'être utilisé en Guyane jusqu'à son interdiction plus tardive en outre-mer. Ce puissant herbicide a contribué à la contamination des sols et des eaux, ainsi qu'à l'apparition de maladies chroniques chez les populations locales, avec des risques encourus de décès et de troubles neurologiques.
En Te Ao Maohi - Polynésie française, le
malathion, insecticide neurotoxique organophosphoré interdit en
métropole, reste autorisé, étant utilisé contre les vecteurs des
maladies tropicales telles que la dengue et le chikungunya. Son
utilisation prolongée a entraîné des contaminations environnementales
importantes et des effets sanitaires connus, notamment par des
perturbations neurologiques et hormonales.













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