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jeudi 27 novembre 2025

Perpignan : la gauche cherche encore son unité face à Louis Aliot


Perpignan : 

la gauche cherche encore 

son unité 

face à Louis Aliot

 



À moins de quatre mois du dépôt officiel des listes, la gauche perpignanaise n’a toujours pas trouvé la formule gagnante pour affronter le maire sortant, Louis Aliot (RN). Trois candidats se sont déjà déclarés, chacun affirmant vouloir rassembler, mais sur des bases différentes. Tous partagent l’objectif de mettre fin à la présence de l'extrême droite à la mairie de Perpignan.

Depuis près de vingt ans, la gauche perpignanaise avance en ordre dispersé. 

En 2008, trois listes (celles de Michaël Cufi, Jacqueline Amiel-Donat et Jean Codognès) se partageaient les voix. Seule Jacqueline Amiel-Donat avait alors accédé au second tour, lors d’une triangulaire. C’est la dernière fois qu’un candidat de gauche a participé au second tour. 

En 2014, la division s’est accentuée avec cinq listes (Philippe Simon, Stéphanie Font, Liberto Plana, Axel Belliard et Jacques Cresta). Ce dernier s’était finalement retiré au second tour au profit de Jean-Paul Alduy pour faire barrage à l’extrême droite. 

Depuis, la gauche n’est plus représentée au conseil municipal. 

En 2020, trois listes à gauche (Pascal Advenars, Caroline Forgues et Agnès Langevine) n’avaient pas réussi à créer la dynamique nécessaire. 

Faute d’alliance durable, Perpignan est devenue la seule grande ville française dirigée par l’extrême droite. Encore aujourd’hui, la gauche peine à s’unir et à convaincre dans la capitale catalane. 

Si les discussions se poursuivent, rien n’est encore acté entre les différentes sensibilités. 

Mathias Blanc, à la tête du mouvement « Perpignan Autrement », se veut le porte-voix d’une dynamique citoyenne. Né du constat qu’aucun parti ne pouvait rassembler à lui seul, son collectif regroupe plusieurs formations, PS, PC, PRG, Génération Écologie ou encore L’Après, ainsi que les militants de Place Publique et revendique une démarche participative. « Nous avons dépassé les clivages habituels, explique-t-il. Nous restons ouverts au dialogue, notamment avec Agnès Langevine. Il ne faut pas qu’il y ait trois listes à gauche. » Pour lui, la proximité, l’efficacité et l’intégrité doivent guider la future action municipale. 
Parmi ses premières mesures annoncées : une baisse de la rémunération du maire, une réorientation des missions de la police municipale vers plus de présence de terrain et une expérimentation de la gratuité des transports publics.

De trois à deux listes ?

Troisième au premier tour des élections de 2020, Agnès Langevine, investie par le bureau national de Place Publique, persiste et signe. Elle entend « mettre fin au mandat de Louis Aliot », dont elle juge le bilan « égal à zéro ». Pour elle, la victoire passe par « une union la plus large possible, du PS jusqu’au centre ». Elle se dit toutefois opposée à une alliance avec LFI, qu’elle accuse de privilégier une stratégie nationale. « Je suis pour qu’il n’y ait qu’une seule liste, affirme-t-elle, mais enfiler les logos ne suffit pas. Il faut une équipe qui incarne Perpignan et qui parle aux abstentionnistes. » 

De son côté, Mickaël Idrac conduit la liste « Perpignan, Changez d’air ! », issue du mouvement LFI et alliée à Génération·s et aux écologistes. Il se positionne comme « l’antithèse de Louis Aliot » et revendique un programme de rupture : « Cette ville est en train de sombrer, il faut tourner la page. » S’il reproche aux socialistes et aux communistes de « rejouer le Perpignan d’avant », il explique tout de même les avoir sollicités sans retour de leur part. Il mise sur le renouvellement et la participation citoyenne : « Tous les habitants qui veulent porter une politique de rupture peuvent rejoindre notre liste. » Son programme s’articule autour de quatre axes: pouvoir d’achat, transition écologique, apaisement de la ville et démocratie participative.

Tous ont jusqu’au 26 février pour déposer leur liste. Si les discussions entre Agnès Langevine et Mathias Blanc semblent encore possibles, un rapprochement avec Mickaël Idrac semble d’ores et déjà exclu. Une situation qui pourrait profiter à Louis Aliot. Reste à savoir si les appels à l’union se traduiront en actes avant l’échéance. À Perpignan, la gauche n’a pas dit son dernier mot, mais le temps presse.

Agnès Langevine « Place publique »
Mathias Blanc « Perpignan Autrement »

Mickaël Idrac « Perpignan, Changez d’air ! »  



Source :
  https://www.lasemaineduroussillon.com/societe/perpignan-la-gauche-cherche-encore-son-unite-face-a-louis-aliot-42791/?fbclid=IwY2xjawOPENhleHRuA2FlbQIxMQBzcnRjBmFwcF9pZBAyMjIwMzkxNzg4MjAwODkyAAEebE5mNVK6AKC4iHNXq_Ovy9iYmZ-PSi9Rrn4mLsm1Y8MOUkzvIJHhWOgzxkI_aem_6xi6nM-t3UL2qNp5MFCT6A 

Soudan - Revendiquer la liberté dans la révolution comme dans la guerre

Revendiquer la liberté 

dans la révolution 

comme dans la guerre

 


Une introduction à la lutte du Groupe Anarchiste du Soudan

 9 novembre 2025 

Depuis plusieurs années, nous coopérons avec Sudfa Media pour partager des informations sur la révolution et la contre-révolution au Soudan. Alors que les Forces de Soutien Rapide multiplient les massacres, les camarades de la Black Rose/Rosa Negra Anarchist Federation aux Etats-Unis, qui s’organisent depuis longtemps en solidarité avec le mouvements anarchiste soudanais, proposent de revenir sur l’histoire et le rôle de ce mouvement au coeur du processus révolutionnaire.

Sur le site de Sudfa Media et sur leurs réseaux sociaux, vous pourrez trouver de nombreuses informations et analyses critiques sur les récents massacres opérés par les FSR, sur les puissances étrangères qui les arment, les financent et les soutiennent. Vous trouverez aussi de nombreuses informations sur les mulitples formes d’auto-organisation dans la résistance populaire soudanaise.


En 2024, le Comité des relations internationales de Black Rose/Rosa Negra a commencé à travailler en étroite collaboration avec des révolutionnaires anarchistes au Soudan. Cette relation a donné lieu à des échanges d’idées, de conseils pratiques et de soutien.

Au début de l’année 2025, Black Rose/Rosa Negra a organisé une campagne visant à collecter 20 000 dollars américains pour nos camarades soudanais, qui ont depuis utilisé cette somme pour acheter une presse à imprimer.

Dans cet article, rédigé avec l’aide de nos camarades soudanais, nous retraçons l’histoire de la création de l’organisation désormais connue sous le nom de Groupe Anarchiste du Soudan - GAS (Anarchist Group in Sudan - AGS)

By Morgan P.

La révolution soudanaise a été l’un des grands soulèvements révolutionnaires du XXIe siècle. Comme trop souvent, elle a été étouffée dans le sang et la dictature, du moins pour l’instant. Mais comme toutes les grandes révolutions, en son cœur s’est forgé de nouvelles idéologies et de nouvelles tendances politiques importantes.

Si l’anarchisme n’est pas nouveau en Afrique, comme dans beaucoup d’autres régions du monde, il a récemment eu du mal à dépasser le stade de tradition intellectuelle ou de mode de vie pour devenir un mouvement vivant avec des recommandations stratégiques substantielles. En s’investissant pleinement dans les mouvements sociaux qui ont conduit à la révolution soudanaise tout en développant leur propre organisation politique formelle, les anarchistes au Soudan ont pu mettre en place une pratique révolutionnaire qui a une réelle signification pour la lutte des classes dans leur pays. Bien que leurs conditions soient très différentes des nôtres ici aux États-Unis, nous pouvons néanmoins tirer de précieuses leçons de leurs expériences, tant dans le processus révolutionnaire que dans la situation actuelle de survie sous la guerre civile et la répression intense.

Avant le déclenchement des manifestations de masse dans les rues en décembre 2018, le Soudan connaissait déjà une opposition latente à la dictature d’Omar el-Béchir et aux conditions économiques écrasantes auxquelles le peuple était confronté sous son règne. Et cette atmosphère de révoltes successives des étudiant·es et des travailleur·euses a encouragé la jeunesse, les militant·es et étudiant·es à explorer et approfondir des idéologies qui les aideraient à surmonter les nombreux obstacles auxquels ils étaient confrontés. C’est à cette période que certains des membres fondateurs du Groupe Anarchiste du Soudan (AGS) ont découvert l’anarchisme et ont fondé une organisation en avril 2017, sous la forme d’un petit groupe de cinq camarades.

Le GAS était au départ une petite organisation étudiante qui a commencé par axer ses efforts sur la création d’une base dans les universités soudanaises. Ils s’organisaient clandestinement et se concentraient sur les campus plus petits et plus périphériques, où le regard de l’État n’était pas aussi intense. Dans le contexte de l’opposition soudanaise, la clandestinité était une pratique courante. Le GAS elle-même évitait stratégiquement toute confrontation directe avec le pouvoir, ses membres préférant s’immerger dans les espaces de lutte populaire, en particulier les syndicats étudiants. La portée du groupe s’est élargie à mesure qu’il entrait en contact avec de plus en plus de jeunes militant·es à la recherche d’alternatives aux idéologies politiques dépassées et obsolètes d’hier.

Au fur et à mesure de sa croissance, l’organisation a attiré des professionnels tels que des avocat·es et des ingénieur·es, qui, par l’intermédiaire de l’Association des Professionnels Soudanais, constituaient une organisation de premier plan représentant une classe sociale spécifique à l’origine de la révolution. Le GAS a commencé à mettre davantage l’accent sur le recrutement, s’est étendu à de nombreuses universités et a acquis une certaine influence au sein de la coalition des syndicats étudiants. Au fur et à mesure de sa croissance, elle a utilisé le nom « Fédération Anarchiste du Soudan », sous lequel plusieurs de ses déclarations apparaissent en ligne, mais a fini par utiliser le terme « groupe » plutôt que « fédération », car elle fonctionnait comme une organisation unitaire unique.

La création et la croissance initiale du GAS ont coïncidé avec l’explosion de la révolution soudanaise en décembre 2018. La révolution était menée par des mouvements sociaux populaires tels que les syndicats de travailleurs, les syndicats étudiants, les organisations de femmes et les comités de résistance de quartier. 

Des manifestant·es célèbrent la chute du gouvernement du président Omar el-Béchir en 2019.

Les comités de résistance méritent une attention particulière. À l’instar des comités de coordination locaux de la révolution syrienne de 2011, les comités de résistance soudanais sont essentiellement de petits groupes de voisins qui s’organisent de manière autonome pour participer aux manifestations et au processus révolutionnaire. En se mettant en réseau avec des centaines d’autres comités locaux, ils ont formé le tissu du mouvement visant à renverser al-Bashir. Nous les considérons comme un exemple classique du pouvoir populaire en action, où des voisins affrontent le pouvoir étatique tout en commençant à prendre le contrôle de leur propre quartier et à créer les structures organisationnelles d’autogestion qui pourraient remplacer l’État.

Le GAS a activement travaillé au sein des comités de résistance et des organisations étudiantes pendant les premiers mois de la révolution, tout en restant dans la clandestinité. Les militants ont pu défendre des positions anarchistes et influencer l’orientation des groupes sans s’afficher publiquement comme anarchistes. En participant à cette vague massive d’auto-organisation associée à des affrontements de rue de grande ampleur, l’anarchisme est passé d’une idée à une pratique stratégique vécue. Ils considéraient l’anarchisme comme un moyen pragmatique de s’impliquer dans la lutte sociale tout en combattant toutes les forces autoritaires qui oppriment le peuple soudanais, qu’elles soient tribales, culturelles, militaires ou religieuses — une lutte globale contre tout cela et pour la liberté et les droits individuels.

« Les stratégies proposées par les anarchistes au Soudan sont sans précédent dans la manière d’aborder cette crise sociale complexe. Le principe consistant à rejeter même les petites autorités locales, telles que la domination tribale et le racisme fondé sur l’ethnicité, est au cœur du démantèlement des structures de pouvoir dans la société soudanaise. Cela a des effets psychologiques sur les individus et des conséquences sociales qui peuvent les amener à entrer en confrontation directe avec les autorités établies. Cependant, nous croyons que la liberté est indivisible et que chaque individu mérite d’être libre, même en dehors du pouvoir institutionnel, y compris le pouvoir sur son propre comportement. L’autorité est un comportement social enraciné dans le désir de l’individu de monopoliser la violence et de priver les autres de leur liberté. »

— Membre de le GAS lors d’un dialogue avec des membres du Black Rose/Rosa Negra, septembre 2025

Au sein des comités de résistance, le GAS coordonnait les activités anarchistes afin d’orienter les comités vers une direction plus anti-autoritaire. Les comités de résistance étaient à bien des égards une expression organique de la société soudanaise existante — les éléments fondamentaux de solidarité et d’entraide qui ont été nécessaires pour survivre dans un pays où le gouvernement ne fournit rien pour la survie de la population. Même si cette situation a permis au Groupe Anarchiste du Soudan de gagner de la force, cela signifiait également qu’il y avait beaucoup de travail à faire pour construire un pouvoir populaire organisé avec la vision nécessaire pour défier l’État. Le GAS s’est efforcé, par exemple, d’élargir la nature de nombreux comités, - qui étaient des groupes plus limités avec des membres sélectionnés et un président, un vice-président, etc. -, pour les ouvrir à tou·tes les habitant·es du quartier afin qu’iels puissent s’y joindre et y participer.

Des manifestants affrontent les forces de sécurité après le coup d’État militaire initié par le général Abdel Fattah al-Burhan en 2021.
 

Parallèlement au travail d’organisation pratique, le GAS a lancé la mise en place de « cercles de réflexion » pour discuter des idées anarchistes et s’est efforcée de rendre les textes anarchistes disponibles en arabe. Elle a utilisé les modestes cotisations de ses membres pour imprimer des brochures anarchistes et organiser des événements universitaires.

Alors que les mouvements sociaux soudanais ont réussi à renverser al-Bashir en avril, l’armée a pris le contrôle du gouvernement et la lutte s’est intensifiée. Le 3 juin 2019, les forces gouvernementales ont massacré un sit-in à Khartoum, faisant plus de 100 morts et violant plus de 70 personnes. Ce n’était que le plus grand des nombreux massacres commis pendant cette période, au cours de laquelle de nombreux manifestants et camarades ont été assassinés par les forces de l’État. Les travailleur·euses ont réagi au massacre du 3 juin à Khartoum par une grève générale qui a paralysé le pays et amené les dirigeants militaires à la table des négociations. C’est dans ce contexte, alors que le pays était au bord du gouffre et que les comités de résistance prenaient le contrôle du territoire, que le GAS s’est présentée pour la première fois au public lors d’une grande marche à Khartoum le 30 juin.

Comme on pouvait s’y attendre, ils ont dû faire face à une vive réaction après s’être déclarés publiquement comme une organisation anarchiste. Mais comme ils s’étaient intégrés dans les syndicats étudiants et les comités de résistance, et s’étaient fait connaître auprès de leurs camarades étudiants et voisins comme des compagnons engagés aux idées sensées, ils ont pu recruter de nombreux nouveaux membres. De nombreux jeunes, déçus par les faux choix proposés par les soi-disant dirigeants – y compris les communistes étatiques de la « libération nationale » qui avaient soutenu la dictature – ont été attirés par la position de principe des anarchistes en faveur de la liberté.

Cependant, l’anarchisme au Soudan n’a pas pu se développer librement pendant longtemps. Le soulèvement populaire a remporté une victoire historique en renversant la dictature militaire en juillet 2019, avec la mise en place d’un gouvernement civilo-militaire de transition issu d’un compromis. Mais il s’agissait d’une solution intrinsèquement instable, et l’armée et les « Forces de Soutien Rapide » (FSR) ont mené ensemble une contre-révolution en octobre 2021 qui a entraîné le retour d’une dictature sévère. [1] Cette solution était elle aussi instable, et les FSR et les Forces armées soudanaises (SAF) se sont affrontées dans une lutte pour le pouvoir et ont déclenché une guerre civile en avril 2023. Les tragédies qui se sont abattues sur le pays depuis lors sont trop profondes et trop nombreuses pour être détaillées dans le présent compte rendu.

Membres lourdement armés des Forces de Soutien Rapide (FSR)

La guerre civile, qui trouve ses racines profondes à la fois dans l’héritage du colonialisme britannique et dans l’histoire locale de domination, est également une guerre pour la survie des populations noires contre une tentative de génocide. Les pouvoirs en place au Soudan, en particulier la FSR, sont des suprémacistes arabes qui cherchent à dominer et à purifier ethniquement les groupes ethniques soudanais à la peau plus foncée de leurs terres. Nos camarades rapportent que l’esclavage est pratiqué à l’encontre des personnes noires au Soudan, et ils considèrent donc la lutte actuelle comme un combat pour la libération de l’autoritarisme racial.

Alors que le mouvement révolutionnaire poursuivait sa lutte acharnée contre le retour du pouvoir militaire, cette période a vu de nombreux martyrs tomber, notamment des camarades anarchistes tels qu’Omar Habbash, médecin à Al Fashir, Sara, militante de premier plan à Khartoum, et d’autres encore. Où qu’ils se trouvent, les camarades sont constamment menacés d’emprisonnement, et généralement, celui-ci mène assez vite à la mort dans le courant du mois qui suit l’arrestation. Face à ces pertes, le GAS s’engage à poursuivre sa lutte avec abnégation et détermination. Face à l’élargissement du conflit armé, les camarades anarchistes ont adopté deux approches générales : se battre aux côtés des milices de résistance indépendantes qui tentent de défendre la population contre les ravages des FSR et des forces armées soudanaises, ou s’efforcer d’éviter les affrontements armés en diffusant des idées et en s’organisant à la base pour développer le mouvement. Le GAS soutient actuellement ces deux approches stratégiques.

Alors que le pays est déchiré par une guerre de proxy menée par des puissances étrangères telles que les Émirats arabes unis et l’Égypte, déterminées à exploiter ses ressources naturelles, et que sept factions militaires différentes sèment la terreur parmi la population soudanaise, le GAS a néanmoins survécu. Ses membres ont été dispersés, devenant des réfugiés internes et parfois externes, mais ils ont réussi à rester en contact et à se coordonner. Dans la mesure du possible, ils aident à gérer des cuisines communautaires, ils aident les réfugié·es à se mettre en sécurité, ils fournissent des soins médicaux, ils soutiennent les milices de résistance et ils continuent à faire de la propagande anarchiste chaque fois que cela est possible.

Black Rose / Rosa Negra coordonne la solidarité avec le GAS en collaboration avec nos organisations camarades de la Coordination internationale pour l’anarchisme organisé (ICOA), en particulier Die Plattform en Allemagne et l’Union communiste libertaire en France. Parallèlement à des initiatives de moindre envergure, une campagne publique de collecte de fonds a permis de récolter plus de 20 000 dollars américains afin d’aider le GAS à acheter une presse industrielle qui servira à la fois à diffuser la propagande anarchiste et à assurer son autonomie financière. Bien que la presse n’ait pas encore été mise en service à plein régime en raison des lignes de front en constante évolution et des vagues de répression, elle symbolise la détermination du GAS à poursuivre la lutte anarchiste révolutionnaire, une nécessité pratique même au milieu de l’une des pires catastrophes humanitaires de la planète.

Image de la presse à imprimer achetée par le GAS grâce aux fonds récoltés par la campagne de solidarité Black Rose/Rosa Negra.

Les anarchistes soudanais·es estiment que la solidarité internationale sera essentielle pour mettre fin au conflit, en particulier en ciblant les puissances qui alimentent la guerre civile :

Pour lutter contre l’intervention étrangère dans la guerre au Soudan, il faut un soulèvement mondial des réseaux de lutte afin de dénoncer les entités qui profitent du sang des peuples, non seulement au Soudan, mais dans toute la région. Idéalement, les populations des pays de la région devraient s’opposer à leurs gouvernements pour mettre fin au bain de sang qui se fait en échange de l’accumulation de richesses. Chacun peut contribuer à dénoncer ces crimes de guerre dans son propre pays et sensibiliser la population sur le fait que la guerre au Soudan peut cesser si le soutien extérieur qui la rend possible prend fin, et que la paix s’ensuivra.

— Membre de le GAS lors d’un dialogue avec des membres du Black Rose/Rosa Negra, septembre 2025

L’objectif politique immédiat du GAS est désormais de mettre fin à la guerre et aux massacres commis par les FSR et l’armée. À plus long terme, elle continue de lutter pour surmonter les divisions tribales et ethniques exacerbées par le colonialisme raciste afin de mener à bien la révolution sociale et de créer une société socialiste et féministe autogérée au Soudan et dans toute l’Afrique.

En tant que révolutionnaires au cœur de l’impérialisme, nos vies sont très éloignées de celles de nos camarades au Soudan. Néanmoins, nous avons beaucoup à apprendre de leur expérience : s’insérer dans un mouvement de masse, transformer l’anarchisme en une pratique vivante qui a du sens pour la vie des travailleurs, agir collectivement en tant que force politique pour influencer l’orientation de la lutte du mouvement, et leur détermination à poursuivre la lutte anarchiste même dans les conditions les plus difficiles. Le soutien à nos camarades au Soudan est important pour tous ceux d’entre nous qui souhaitent voir l’anarchisme renaître en tant que véritable force de libération mondiale.

 

[1Les Forces de Soutien Rapide (FSR) ont été créées en tant que groupe paramilitaire composé principalement de membres de la tribu des Janjawids. Auparavant, elles agissaient comme une force auxiliaire de l’État soudanais et étaient utilisées par la junte militaire qui a pris le pouvoir en 2019 pour réprimer violemment les manifestations populaires. Depuis 2023, elles sont en conflit armé avec les Forces armées soudanaises (SAF).

Source : https://enquetecritique.org/projets/auto-defense-auto-education-auto-organisation/processus-revolutionnaire-au-soudan/article/revendiquer-la-liberte-dans-la-revolution-comme-dans-la-guerre

mercredi 26 novembre 2025

Ces Israéliens refusent de combattre pour leur armée et parcourent la France pour expliquer leur choix, "c'est un acte de résistance"

 

Ces Israéliens refusent de combattre 

pour leur armée 

et parcourent la France 

pour expliquer leur choix, 

"c'est un acte de résistance"

 

Itamar Greenberg et Soul Behar Tsalik, 19 ans, ont passé plusieurs mois en prison pour avoir refusé d'intégrer l'armée israélienne © Guillaume Poisson / France Télévisions

Publié le


 Deux "objecteurs de conscience", ou "refuzniks", sont présents en Alsace du 17 au 20 novembre. À l'âge de 19 ans, ils parcourent la France pour expliquer les raisons de leur refus de servir dans l'armée d'Israël, quitte à passer des mois en prison et à subir diverses pressions.

À chaque question, ce moment de silence où l'on imagine la réflexion qui s'engage et qui chemine jusqu'à la réponse enfin formulée. Et ce qui frappe, c'est que Soul Behar Tsalik et Itamar Greenberg n'ont pas 40 ou 50 ans mais 19. Tous les deux sont des refuzniks : des Israéliens qui ont refusé de combattre pour l'armée alors qu'il s'agit d'une étape obligatoire. Tous les deux ont fait de la prison pour cela : six mois pour Itamar, deux pour Soul Behar. "C'était dur, car les autres prisonniers nous considéraient comme des traîtres, mais nous n'allons pas nous plaindre : les Palestiniens vivent bien pire tous les jours."

Nous rencontrons Soul Behar Tsalilk et Itamar Greenberg à leur arrivée à Strasbourg ce mercredi 19 novembre, nouvelle étape dans leur périple de plusieurs semaines à travers la France, sur l'invitation du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) et de Raja Tikva, association "d'amitié arabo-juive" en Rhône-Alpes. Après des étapes à Mulhouse et Sélestat, ils participent ce mercredi à une conférence organisée au Foyer de l'étudiant catholique (FEC), place Saint-Etienne à Strasbourg, à 20 heures.

"Nous faisons ça pour soutenir les petites cellules qui, partout en France et dans le monde, se battent pour les droits humains et pour qu'on arrête la confusion entre antisémitisme et antisionisme", assène Soul Behar Tsalik. Face à lui, leur hôte, le psychiatre Georges Yoram Federmann, opine du chef. Juif arabe, il dénonce ouvertement "l'apartheid en Israël et le génocide en cours en Gaza", et, pour ses positions, subit régulièrement, en ligne, les foudres de la communauté juive de Strasbourg. Autour, sont aussi présents des membres de l'association MAN, ainsi que Florian Kobryn, candidat La France Insoumise aux élections municipales.

Un "acte de résistance" plutôt qu'une "désertion"

En Israël, le service militaire est obligatoire. Trois ans pour les hommes, deux pour les femmes. Tous deviennent ensuite réservistes. Seule une extrême minorité refuse de servir, soit en ignorant la convocation, soit en démissionnant en cours de service. Pour Soul comme pour Itamar, cet acte fut symbolique et mûrement réfléchi. Le second vient d'une famille d'ultra-orthodoxes, où même l'accès à Internet lui était restreint. "J'ai grandi dans un monde où la réalité des choses n'était pas la même que celle que je découvre aujourd'hui, confie-t-il. Bien sûr, maintenant, ça me semble évident de penser et de défendre les idées que je défends. Mais ce n'était pas simple au début."

Tout a commencé par une intuition, puis un refus, le premier d'une longue liste. "Nous avions l'habitude, toutes les semaines, de remercier Dieu pour ne pas nous avoir faits femmes. Un jour, j'ai dit non." Ses parents ont d'abord choisi d'ignorer ces petites rébellions. Mais celles-ci se sont vite transformées en révolution, à son échelle. "On devait aussi remercier Dieu de ne pas nous avoir faits non-juifs, puis de ne pas nous avoir faits esclaves. Voilà, ça résume tout, les femmes, les non-juifs, les esclaves..." C'est donc d'abord un milieu, une culture contre laquelle Itamar s'est érigé, avant de se tourner, "plus naturellement", vers les idées politiques liées à l'actualité.

197 jours de prison

"Avant le refus effectif d'intégrer l'armée, nous avons fait le choix de le rendre public, de médiatiser notre acte, raconte Soul Behar Tsalik, originaire d'un milieu "plus libéral" mais tout de même confronté à "la peur" de ses proches devant les conséquences potentielles de ses choix. D'en faire quelque chose de politique." Cette exposition médiatique choisie n'a pas fait baisser la pression autour d'eux.

Il y a bien sûr eu les séjours en prison - cinq pour Itamar, soit 197 jours de détention au total. Mais aussi les conséquences dans leur vie quotidienne. "Il y a eu des affiches sur Itamar dans les rues où il est décrit comme traître, on nous bouscule, on nous crache dessus..." Mais tout cela, insistent-ils une nouvelle fois, n'est "rien" comparé "aux souffrances des Palestiniens".

Les deux refuzniks revendiquent ce choix en réaction à la politique "d'extrême-droite" du gouvernement de Benjamin Netanyahou. Les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre ont fait 1219 victimes. La réponse d'Israël dans la bande de Gaza a fait 63 746 morts selon l'ONU, qui se base sur les chiffres fournis par le ministre de la Santé de Gaza. Un cessez-le-feu fragile a été obtenu début octobre.

 

Source : https://tinyurl.com/3x7ky4ed

mardi 25 novembre 2025

« Faut leur tirer dans la gueule ! » : la manifestation de Sainte-Soline vue par les gendarmes (vidéo complète)



Lien vers la vidéo : 
https://www.youtube.com/watch?v=TT8j4a10aKE

Mediapart révèle des images inédites du 25 mars 2023, filmées par les caméras-piétons des gendarmes. 

Elles montrent des consignes prohibées et dangereuses données par la hiérarchie, un vocabulaire guerrier et une troublante satisfaction de blesser « l’adversaire ». 
🗞 Pour lire notre article « Gérald Darmanin mis face à son irresponsabilité » :
https://www.mediapart.fr/journal/fran... 
🗂 Pour parcourir notre dossier « Mégabassines, la guerre de l’eau » :
https://www.mediapart.fr/journal/ecol... 
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« Faut leur tirer 

dans la gueule ! » : 

la manifestation de Sainte-Soline 

vue par les gendarmes

Mediapart et « Libération » révèlent des images inédites du 25 mars 2023, filmées par les caméras-piétons des gendarmes. Elles montrent des consignes prohibées et dangereuses données par la hiérarchie, un vocabulaire guerrier et une troublante satisfaction de blesser « l’adversaire ».

Camille Polloni et Laura Wojcik

Deux ans et demi après la manifestation contre les mégabassines qui avait fait des dizaines de blessé·es à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars 2023, Mediapart et Libération ont eu accès à plus de quatre-vingt-quatre heures d’images tournées par les gendarmes ce jour-là, principalement via les caméras-piétons qu’ils portaient sur la poitrine.

Ces images ont été saisies par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) dans le cadre d’une enquête préliminaire pour violence par personne dépositaire de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger ouverte par le parquet de Rennes, compétent en matière militaire, et désormais en voie d’achèvement. 

Le but de la procédure était de retrouver les tireurs qui ont fait quatre blessés graves parmi les manifestant·es. En définitive, aucun n’a été identifié. Mais Mediapart et Libération ont récupéré un matériel exceptionnel pour comprendre, de l’intérieur, l’état d’esprit des gendarmes, leurs actes et les propos échangés dans leurs rangs. 

Multiples tirs tendus

Ces images révèlent des consignes de la hiérarchie normalement interdites, car dangereuses. Et une apparente cruauté de certains gendarmes, qui semblent tirer sans discernement : ils se réjouissent à de nombreuses reprises de blesser lourdement des manifestant·es. À la vue de ces images, l’IGGN aurait pu signaler au parquet ces potentielles infractions : elle n’en a rien fait. 

Les fonctionnaires sont conscients d’être filmés, puisqu’ils mettent eux-mêmes en route leur caméra quand ils le jugent utile. Il leur arrive toutefois d’oublier que la caméra tourne ou de déclencher involontairement l’enregistrement. 

Sur ces images, on voit de nombreux tirs tendus de grenades lacrymogènes et explosives, ce qui est formellement interdit. Compte tenu de la dangerosité de ces munitions si elles touchent quelqu’un à pleine vitesse, les règles d’utilisation du lance-grenades prévoient exclusivement des tirs en cloche, le canon devant être positionné à 45 degrés et surtout pas à l’horizontale. 

Ces tirs tendus ne relèvent pas d’initiatives isolées : dans plus de la moitié des escadrons étudiés, des gradés ordonnent à leurs subordonnés de procéder ainsi. 

Ces vidéos montrent aussi des dizaines de commentaires particulièrement déplacés et d’insultes visant les manifestants, traités de « fils de pute », d’« enculés », de « pue-la-pisse ». Des gendarmes se vantent d’avoir touché des manifestants « en pleine tête » ou « dans les couilles », se réjouissent de « leur faire mal » et vont jusqu’à dire qu’il faudrait « les tuer ».

Des gendarmes jamais confrontés à leurs propos 

L’avocate Chloé Chalot, qui défend les intérêts des quatre blessé·es graves ayant déposé plainte, regrette que tout n’ait pas été consigné sur procès-verbal par l’IGGN. Elle réclame « un nouveau travail de retranscription, beaucoup plus exhaustif », et note que « les enquêteurs n’ont pas confronté les gendarmes en cause aux comportements constatés et propos tenus, malgré la gravité et les conséquences de ceux-ci »

En effet, les caméras-piétons des gendarmes n’ont été exploitées qu’après les auditions de leurs chefs d’escadron. Aucun gendarme n’a été interrogé sur le contenu des images. 

De son côté, le procureur de Rennes, Frédéric Teillet, indique que « si ces images révélaient d’autres infractions pénales que celles dont il était saisi, la procédure prévoit que le service d’enquête en informe le parquet. Ce qui n’a pas été le cas ». Il ajoute que « si ces images révélaient des comportements qui, sans constituer d’infraction pénale, relèvent de manquements aux obligations des militaires de la gendarmerie, cela relèverait de la procédure administrative, pour laquelle le parquet n’est pas compétent »

La Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) affirme quant à elle que « les enregistrements disponibles, extraits des caméras-piétons des unités déployées lors des troubles à l’ordre public de Sainte-Soline en mars 2023, ont été mis à la disposition exclusive de la justice, dans le cadre d’enquêtes judiciaires toujours en cours, dont il ne revient pas à la gendarmerie de les commenter ».

Un dispositif de maintien de l’ordre exceptionnel 

Mediapart n’a pas recensé les injures proférées au pic des affrontements, qui peuvent échapper à tout un chacun, mais seulement celles prononcées « à froid ». Car, tout au long de l’après-midi, selon l’heure et selon les endroits où sont positionnés les gendarmes, l’intensité des violences varie fortement. 

La manifestation du 25 mars 2023, organisée par Les Soulèvements de la Terre, le collectif Bassines non merci et la Confédération paysanne, avait été interdite par la préfecture des Deux-Sèvres, qui craignait notamment « une intrusion et l’implantation d’une ZAD [zone à défendre – ndlr] » sur le site de la bassine (déclarée illégale depuis). 

« Nous ne connaissions pas le lieu et nous ne l’avons connu précisément que le 24 mars au matin », a indiqué la préfète Emmanuelle Dubée au cours de l’enquête pénale, regrettant « l’incertitude délibérée devant laquelle les organisateurs ont souhaité placer les services de l’État » malgré ses tentatives de contact. Selon la préfète, qui garde en mémoire une manifestation survenue en octobre 2022, « nul ne pouvait ignorer la nature violente du rassemblement qui se préparait ».

Le jour dit, un dispositif exceptionnel de maintien de l’ordre, comptant près de 3 000 agents, est mis en place. Une quinzaine d’escadrons de gendarmes mobiles sont répartis tout autour de la réserve SEV 15 pour empêcher son invasion par trois cortèges convergents : le bleu, le jaune et le rose. Sont aussi déployés deux canons à eau, deux véhicules blindés et vingt quads du peloton motorisé d’intervention et d’interpellation (PM2I) de la Garde républicaine, ultérieurement blanchis par une enquête administrative malgré leurs tirs de LBD en mouvement.

« Pourquoi ne pas avoir laissé les manifestants accéder symboliquement à la bassine comme ils l’ont demandé ? », ont demandé les enquêteurs de l’IGGN à la préfète, pour qui une telle option était exclue : « Ils ont reconnu que ce ne serait pas que symbolique. […] Il m’appartenait d’assurer la sécurité des biens. […] Leur volonté était aussi de s’en prendre aux forces de l’ordre. »

« À l’arrivée vers la réserve de Sainte-Soline, […] les trois cortèges se situaient dans le périmètre interdit à la manifestation », ajoute la préfète. Du point de vue légal, cet « attroupement » peut être dispersé par la force après sommations. Des sommations ont bien été effectuées, mais l’IGGN estime qu’elles sont restées « inaudibles » pour les manifestant·es.

Avec l’autorisation de la préfète, le PM2I tire ses premières grenades lacrymogènes vers 12 h 35 pour disperser le cortège bleu, qui s’approche de la bassine. Puis il vise, « vraisemblablement par erreur », le cortège rose, comme l’a déjà montré le magazine « Complément d’enquête ».

Alors que les cortèges commencent à se mêler, les manifestant·es semblent vouloir « encercler » la bassine (et donc les gendarmes positionnés devant). La préfète autorise alors l’emploi de la force sur l’ensemble des cortèges. « Les tirs de grenades lacrymogènes s’intensifient, à un rythme très soutenu, et ne cesseront quasiment plus », note l’IGGN, qui observe que « la zone est noyée de fumées lacrymogènes » dès 13 heures.

Aux alentours de 13 h 15, « les affrontements les plus violents de la journée » commencent et durent presque trois quarts d’heure. Les gendarmes reçoivent des pierres, des cocktails Molotov et des feux d’artifice, tandis que quatre véhicules de gendarmerie sont incendiés. Des manifestant·es essaient de pénétrer dans la SEV 15 en faisant tomber les grillages qui entourent le site.

« Acculés », les gendarmes tirent sans arrêt. « La plupart des grenades CM6, MP7 ou GM2L atterrissent dans les premiers rangs des black blocs, et parfois au-delà, parmi les manifestants restés en retrait en spectateurs », constate l’IGGN. Les gaz lacrymogènes finissent par « noyer » la « zone des blessés », qui s’est créée spontanément sur un chemin légèrement en retrait.  

Les affrontements se calment vers 14 heures et reprennent brièvement une heure plus tard, quand un médecin de la gendarmerie s’approche de Serge D., très grièvement blessé, pour le secourir. De 15 h 30 à 16 h 30, les manifestant·es quittent le site.

« Un putain de trou qui appartient même pas à l’État » 

Sur la journée, notent les enquêteurs, la gendarmerie « fait état de la consommation de 5 015 grenades lacrymogènes (2 783 CM6, 857 MP7, 1 375 GM2L), de 89 grenades de désencerclement GENL, de 40 grenades assourdissantes ASSR et 81 munitions de LBD 40 ». Quarante-cinq gendarmes sont déclarés blessés, tandis que les manifestant·es dénombrent environ deux cents blessé·es dans leurs rangs.

Les images issues des caméras-piétons témoignent de ces affrontements. Mais elles montrent aussi des gendarmes prenant leur pause dans les camions, en chantant sur du Michel Fugain ou du Dalida, mangeant leur sandwich ou se plaignant de devoir après cirer leurs chaussures pleines de boue. 

Ces dizaines d’heures d’enregistrements ouvrent une fenêtre inédite sur leur quotidien, leurs doutes sur l’utilité de protéger « un putain de trou qui appartient même pas à l’État », leurs plaisanteries souvent de mauvais goût (« Tu veux une pipe et un Mars ? — Le Mars non, mais la pipe je suis pas contre »), leurs projets d’apéro. 

Trois escadrons de gendarmerie mobile (EGM) n’ont transmis aux enquêteurs aucune image de leurs caméras-piétons. L’EGM de Saint-Étienne-lès-Remiremont a expliqué que ses caméras étaient en maintenance. Celui de Chambéry s’est excusé : malgré la réquisition adressée par l’IGGN, il a essayé d’extraire les images trop tard, au-delà du délai de trente jours où elles sont effacées automatiquement. L’EGM de Cherbourg n’a fourni ni images ni explications. 

Certaines caméras-piétons ont bien été saisies par l’IGGN mais n’ont jamais été exploitées par ses soins (EGM de Clermont-Ferrand). La plupart des images ont bien été visionnées et en partie retranscrites. Mais une grande partie des tirs tendus, insultes et autres propos problématiques qui y figurent ne sont même pas mentionnés.  

Source : https://tinyurl.com/3nyu9evf

lundi 24 novembre 2025

Mise à l'arrêt du site de production de pesticides BASF par plus de 500 paysannes et paysans, malades et soutiens

Mise à l'arrêt du site 

de production de pesticides BASF 

par plus de 500 paysannes 

et paysans, 

malades et soutiens


Saint Aubin lès Elbeuf, le 17 novembre 2025 
Communiqué de la Confédération Paysanne, 
du Collectif de Soutien 
aux Victimes des Pesticides de l’Ouest (CSVPO), 
de Cancer Colère, 
des Faucheurs Volontaires et des Soulèvements de la Terre.

 


Nous sommes paysannes et paysans, victimes des pesticides, parents de victimes, riverains d’épandages de pesticides et de captages d’eau intoxiqués, scientifiques et soutiens. Nous sommes plus de 500 à nous rassembler pour mettre à l'arrêt le site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Ce lieu incarne les dérives et l'impunité persistantes de l'industrie criminelle des pesticides : fabrication de substances hautement toxiques interdites en Europe, rejets massifs de polluants éternels dans la Seine, augmentation des cas de cancers chez les riverain·es, et lobbying brutal pour imposer un modèle agricole qui empoisonne les sols et les travailleurs et travailleuses de la terre.

Pour faire cesser cette situation ici et ailleurs, nous avons bloqué avec nos tracteurs l'entrée du site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et interrompu la production du site. Nous avons fait une inspection des stocks afin de récupérer des preuves supplémentaires de la fabrication et du stockage de pesticides interdits, notamment à base de Fipronil, exportés ensuite au Brésil. L’entrée du site est bloquée par des tracteurs.


Des victimes nombreuses et ignorées

Nous qui sommes réuni·es sur le site de BASF cumulons tout au long de l’année les dossiers de reconnaissance de maladies professionnelles, les recours juridiques, les marches blanches sur nos territoires, les enquêtes de terrain et les soins au chevet de celles et ceux dont le corps a été contaminé. Mais nous ne sommes pas entendu·es ! Paysans et paysannes, nous voulons simplement vivre dignement de notre travail et nourrir la population sans être exposé·es à ces poisons !

Après cet été, malgré une mobilisation massive de plus de deux millions de personnes contre la loi Duplomb, le pouvoir politique continue de nous mépriser et de soutenir coûte que coûte un modèle dépendant des géants de l'agrochimie : BASF, Syngenta, Bayer et consorts. Nos dirigeants soumettent les aides publiques et les législations à leur lobbying. En France comme ailleurs, la pression économique, les politiques libérales imposées par les gouvernements successifs et la concurrence mondiale tirent les prix vers le bas, mettent les agriculteurs et agricultrices du monde entier en compétition et les enferment dans un système où l'usage des pesticides est présenté comme inévitable.

Les agriculteurs et agricultrices en sont pourtant les premières victimes et nous savons toutes et tous que ce modèle fait disparaître depuis des décennies les paysan·es et leurs fermes. Nous ne les laisserons plus faire !

Nous l’affirmons en acte, les entreprises productrices de cancer, comme BASF, Syngenta, Corteva, Bayer doivent changer fondamentalement leurs productions ou doivent être mises à l’arrêt ! 


BASF, un acteur majeur de l’empoisonnement et de la pollution

Sur le site de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, BASF produit plus de 1 500 tonnes de pesticides par an et rejette régulièrement dans la Seine des substances classées parmi les « polluants éternels » (263 kilos en 3 jours en mai 2024 !). Aujourd’hui, BASF doit faire face à 4500 plaintes dans le monde, contre des contaminations liées aux PFAS qu’il produit massivement. Sept associations proches du site accusent le groupe de rejets massifs et répétés de PFAS depuis 25 ans. Ces polluants s'accumulent dans les eaux et sont quasiment impossibles à éliminer.

Les PFAS et les pesticides posent un problème majeur de santé publique : explosion du nombre de cancers pédiatriques, maladies neurodégénératives et troubles hormonaux chez les travailleurs et travailleuses agricoles et les populations riveraines. Comble du cynisme, BASF produit des agrotoxiques ET des traitements contre le cancer qui lui offrent plus de 65 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an. L’intensification de l’utilisation des pesticides constitue également la première cause du déclin massif des oiseaux et des pollinisateurs, compromettant la fertilité des sols et la régulation naturelle des écosystèmes. L’effondrement terrifiant de la biodiversité menace nos possibilités de survie dans un futur proche (voir encadré 1).


L'exportation de pesticides interdits : un scandale planétaire

Depuis le territoire français, BASF continue impunément de produire des substances interdites en Europe et de les exporter, notamment vers le Brésil où elles provoquent des dégâts humains et écologiques massifs. Cette situation contraste avec les discours tenus lors de la COP 30, où les États prétendent lutter contre le changement climatique tout en favorisant les accords commerciaux comme le Mercosur, qui aggraverait encore la diffusion mondiale des pesticides et dont les agriculteurs et agricultrices sont la variable jetable. Les effets de ce « colonialisme chimique » s'observent également dans les territoires ultramarins. Des années après les combats pour leur interdiction, le chlordécone dans les Antilles, le paraquat en Guyane, ou le malathion en Te Ao Maohi - Polynésie française continuent à empoisonner les corps et les sols, sans réparation des torts. (voir encadré 2) 

Nous pouvons cultiver et nourrir autrement ! L’agriculture industrielle ne nourrit pas la population mondiale, mais elle accapare 3/4 des terres agricoles, elle épuise les sols et compromet leur fertilité à long terme. Selon le dernier bilan de l’ONU, une personne sur dix souffre de la faim, alors qu’un tiers de la production alimentaire industrielle est gaspillée le long de ses chaînes logistiques. Chaque année, les ventes de pesticides augmentent et les grandes firmes comme BASF, Bayer-Monsanto, Syngenta et Corteva contrôlent aujourd'hui plus de 70% du marché mondial. Pendant que leurs profits explosent, les paysannes et paysans disparaissent à un rythme alarmant faute de pouvoir se défaire de la dépendance à ces industries et aux banques. Si l’on estime l’ensemble des coûts cachés des pesticides en France (soutien financier public, coûts environnementaux, coûts sanitaires), ce sont 18 milliards d’euros par an qui pourraient être utilisés pour financer la transformation du modèle agricole - et des alternatives existent ! L'agriculture biologique et les pratiques agroécologiques ont démontré leur viabilité. Ce ne sont pas les solutions techniques et les savoir faire qui manquent, mais des choix économiques et politiques favorables.


Nos exigences pour sortir de cet engrenage suicidaire

Nous demandons :

• une réorientation immédiate des politiques publiques agricoles et un accompagnement conséquent pour aller vers un changement durable des pratiques ;

• un revenu digne et des prix minimums garantis pour les productions respectueuses de la santé et des sols ;

• l'application de la décision rendue le 3 septembre 2025 par la cour administrative d'appel de Paris imposant la réévaluation des procédures d'homologation des pesticides ;

• l'interdiction effective des substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et des perturbateurs endocriniens ;

• la reconnaissance élargie des maladies professionnelles et des réparations pour les victimes.

Un appel à la mobilisation collective

Notre colère ne s'éteindra pas sans changement profond. Nous invitons paysan·nes et habitant·es à poursuivre cette mobilisation, à converger sur les autres sites de production de pesticides et à interpeller les institutions complices de ce modèle destructeur et meurtrier. C'est ensemble que nous pourrons construire une agriculture vivante et débarrassée des poisons chimiques. 


1) Données sanitaires et environnementales

Impact des rejets de polluants

• En mai 2024, selon les données transmises aux autorités, le site BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeufs a rejeté jusqu'à 87 kg d'acide trifluoroacétique (TFA) dans la Seine en une seule journée, soit un record de pollution sur le territoire français, confirmé par des analyses sur 2 500 sites industriels testés.

• La concentration en TFA relevée à l'entrée de la station d'épuration était de 420 000 µg/l (microgrammes par litre), et après traitement la station rejetait encore 28 000 µg/l dans la Seine, signalant l'extrême difficulté à éliminer ce composé par les procédés classiques.

• Le TFA est un produit de dégradation des PFAS (« polluants éternels »), substances chimiques ultrapersistantes qui se retrouvent jusque dans les captages d'eau potable voisins qui ont dû être fermés ou interconnectés du fait de la contamination relevée à plusieurs reprises dans la région de Rouen en 2024.

• Malgré l'ampleur des rejets, il n'existe aujourd'hui en France aucune norme spécifique pour le TFA, alors que d'autres PFAS sont limités à 0,1 microgramme par litre dans l'eau potable.

Conséquences sanitaires avérées

• Les PFAS sont associés à une augmentation du risque de plusieurs pathologies : cancers (y compris du rein, des testicules et de la prostate), maladies thyroïdiennes, troubles hormonaux, dysfonctionnements immunitaires, augmentation du cholestérol, baisse de la fertilité, et troubles du développement chez l'enfant.

• Les populations exposées, notamment les riverain·es et salarié·es d'industrie manipulant ces substances, présentent des taux sanguins élevés de PFAS, corrélés à une augmentation des maladies chroniques.

• Nombre de captages d'eau potable en France sont régulièrement mis hors service en raison de la présence de PFAS ou de résidus de pesticides ; les mesures récentes à Saint-Aubin-lès-Elbeuf ont ainsi conduit à des projets de substitution des ressources en eau potable.

• Selon les études françaises et internationales, les maladies associées aux pesticides (maladies neurodégénératives, lymphomes, myélomes, leucémies, cancer de la prostate, cancers pédiatriques, malformations congénitales…) s'accentuent, en particulier autour de zones agricoles à forte exposition ; plusieurs clusters de cancers chez l'enfant ont été identifiés dans ces territoires.

• L'exposition prénatale aux PFAS a été associée à une augmentation des complications pendant la grossesse et des troubles du système immunitaire chez les enfants, notamment une susceptibilité accrue aux infections.

Effondrement de la biodiversité

• L'intensification de l'utilisation des pesticides constitue la première cause du déclin massif des oiseaux en Europe (+ 40 % d'espèces d'invertébrés aquatiques disparues dans les cours d'eau européens depuis 30 ans).

• En France, près de la moitié (44 %) des oiseaux des milieux agricoles ont disparu depuis 1989, tout comme 66 % des espèces de papillons de jour dans certains départements.

• Les pesticides provoquant l'effondrement des populations de pollinisateurs ; vers de terre, bourdons, collemboles, micro-organismes du sol… sont affectés dans 70 % des cas, compromettant la fertilité des sols et la régulation naturelle des écosystèmes.

• L'appauvrissement global de la biodiversité fragilise le système agricole, menace durablement la sécurité et la qualité alimentaire et accentue la dépendance des agriculteurs aux intrants chimiques. 


2) Historique du colonialisme chimique français

Les pesticides interdits et leur exportation

• Bien que plusieurs substances actives telles que le Fipronil soient interdites en France et dans l'Union européenne en raison de leur toxicité avérée, leur production continue à des fins d'exportation vers des pays tiers, principalement en Amérique latine, comme le Brésil, où elles génèrent de graves impacts sociaux et environnementaux.

• La France est le septième exportateur mondial de pesticides interdits, exportant des milliers de tonnes chaque année sous forme de substances pures ou de formulations, bénéficiant de failles réglementaires, notamment dans la loi Egalim qui interdit l'exportation mais dont le décret d'application ne couvre pas toutes les substances actives. • Ce modèle d'exportation s'inscrit dans un système qualifié de « colonialisme chimique » ou de « racisme environnemental » par des représentants et représentantes internationales des droits humains, où les pesticides interdits en Europe continuent d'être principalement exportés vers les pays du Sud, exacerbant les inégalités sanitaires majeures. • Avec les accords de libre-échange, comme celui en cours avec le Mercosur, le commerce toxique est même renforcé, facilitant l'importation de produits agricoles contenant des résidus de ces substances dans l'UE, créant un cercle vicieux de contamination globale.

Les cas ultra-marins : chlordécone, paraquat, malathion

• Le chlordécone, un insecticide organochloré utilisé massivement dans les bananeraies antillaises de 1972 à 1993, a laissé une pollution persistante des sols, des cours d'eau et des aliments locaux, avec des effets sanitaires graves dont la forte augmentation des cancers de la prostate, des troubles neurologiques et des pathologies diverses liées à l'exposition chronique à long terme.

• Malgré son interdiction il y a plusieurs décennies, le chlordécone est encore détecté dans les denrées alimentaires et les milieux naturels, exposant les populations antillaises à un risque sanitaire élevé via la chaîne alimentaire.

• Le paraquat, interdit en métropole depuis 2007, a continué d'être utilisé en Guyane jusqu'à son interdiction plus tardive en outre-mer. Ce puissant herbicide a contribué à la contamination des sols et des eaux, ainsi qu'à l'apparition de maladies chroniques chez les populations locales, avec des risques encourus de décès et de troubles neurologiques.

En Te Ao Maohi - Polynésie française, le malathion, insecticide neurotoxique organophosphoré interdit en métropole, reste autorisé, étant utilisé contre les vecteurs des maladies tropicales telles que la dengue et le chikungunya. Son utilisation prolongée a entraîné des contaminations environnementales importantes et des effets sanitaires connus, notamment par des perturbations neurologiques et hormonales.

  

Source : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/mise-a-larret-basf-par-plus-de-500-paysannes-malades-et-soutiens