Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan. Mais pas que. Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...
BLOG EN COURS D'ACTUALISATION... ...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...
Texte : Laurie Debove Photographie : ARTO GoRRIA 11 décembre 2025
« Ces maïs paysans explorent beaucoup mieux le sol que des maïs
industriels qui auront été conduits en système un peu hors-sol où on
leur apporte de l'engrais en surface, des produits chimiques, et ils
perdent cette capacité des racines à explorer le sol pour se nourrir. A
l’inverse, notre maïs a gardé une rusticité et une force racinaire très
importante »
Un réseau de paysans basques a sauvé un maïs datant du XVIème
siècle. Dans leurs fermes, le maïs est produit sans irrigation, en
agriculture biologique. Exit les engrais chimiques, les désherbants, les
insecticides et la dépendance aux multinationales de l’agroindustrie.
Une histoire d’autonomie
A mon arrivée à la ferme de Jon Harlouchet, les paysans se creusent
la tête sur la façon de réparer l’effeuilleuse mécanique : problème de
tenseur ou de courroie ? Cette machine mécanique provient d’une vente de
seconde main, elle est parfaitement adaptée à leurs cultures, mais attention aux doigts.
Lorsqu’il a repris la ferme familiale en 1998, Jon a tout de suite fait le choix de l’agriculture biologique. « Mon parti pris, c’est que je suis paysan pour nourrir sainement les gens »,
explique-t-il pour La Relève et La Peste. Ses parents étant déjà
ouverts à la démarche, il n’y eu aucun conflit de génération sur la
conversion des terres en bio.
Sur sa ferme en polyculture-élevage de 35 ha, 3ha sont cultivés en maïs
tandis que le reste sert de prairies pour le troupeau d’une vingtaine de
vaches laitières. La ferme vit de la vente du maïs, du lait et de ses
produits comme le yaourt.
Jon et Phil réparent l’effeuilleuse – Crédit : Laurie Debove
Jon était dépendant des semenciers industriels. C'est la menace de
l’arrivée des OGMs en 2007, avec les coups d’éclat des Faucheurs
Volontaires, qui l’ont poussé à se renseigner sur la qualité de ses
semences.
« J’étais très engagé contre cette technologie OGM que
je considère vraiment totalitaire parce qu’en plein air, il n’y a pas de
frontières pour le pollen et elle s’impose aux autres. Elle empêche les
autres paysans de faire leur propre choix de culture », explique-t-il pour La Relève et La Peste
Un de ses collègues espagnols a ainsi perdu sa labellisation bio,
ainsi que les aides à l’agriculture biologique, suite à l’hybridation de
son maïs avec une population OGM. Il a dû arrêter complètement le maïs.
Suite à ces épisodes, plus question pour Jon d’acheter ses semences
auprès d’entreprises développant des OGMs, malgré leur gamme « bio ».
« Il y avait quelque chose d’incohérent. J’étais complètement dépendant d’eux », raconte Jon.
Les vaches de Jon Harlouchet – Crédit : Laurie Debove
C’est un formidable hasard qui lui apporte la solution. Un de ses
collègues a retrouvé, caché au fond d’un tiroir d’un monastère, une
variété de maïs paysan endémique : le Grand Roux Basque. Sa grande
diversité génétique se reflète dans l’éventail de couleurs de ses épis,
allant du jaune or au rouge bordeaux.
Cette variété de maïs paysan, diffusé à partir du 16ème siècle dans le nord de la région basque, avait presque disparu à la fin du 20ème
à cause de l’introduction de variétés hybrides plus productives.
Miraculeusement retrouvé en 2010, les paysans basques ont alors décidé
de multiplié et reproduire le Grand Roux basque. Le collectif « Arto Gorria » est né.
Des paysans basques du collectif Arto Gorria
La sélection paysanne au fil des siècles
Au début, les basques pensaient utiliser ce maïs rustique pour
l’alimentation de leurs animaux en hiver. La première année, les
rendements de Jon étaient moyens. Puis, le bouche-à-oreille a fait
connaître la démarche auprès des voisins basques, ce qui lui a permis de
retrouver 14 autres origines différentes du maïs.
« Le problème des petites quantités, c’est qu’on rentre
vite dans des phénomènes de consanguinité et de dégénérescence (comme
les animaux quand il n’y a pas assez de d’individus pour renouveler
l’espèce, ndlr). Le fait d’avoir trouvé d’autres origines a permis de
ramener un spectre génétique beaucoup plus large. Et les progrès ont été
vraiment spectaculaires en termes de rendement », raconte Jon alors que nous nous baladons dans les épis.
Au bout de 3 ans de culture, Jon a arrêté d’acheter de la semence :
il était devenu autonome. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que la
farine du maïs déclencherait des passions culinaires grâce à
l’élaboration de taloak, la galette de maïs traditionnelle du Pays
basque.
« Aujourd’hui, on l’utilise surtout pour se nourrir nous et moins
pour les vaches. Finalement, le maïs est passé de la consommation
animale à l’alimentation humaine. Au début, c’est un coup de pot, mais
nos aïeux ont toujours utilisé le maïs pour se nourrir. Ils ont
donc gardé des maïs goûteux, agréables à manger. Chose que les
semenciers industriels n’ont pas du tout pris en compte dans leur
sélection », décrypte Jon pour La Relève et La Peste.
Si certains anciens étaient sceptiques à l’idée de manger du « maïs
pour les poules », le goût du maïs Grand Roux a vite remporté
l’unanimité. Face à ces qualités organoleptiques, les paysans ont acheté
un moulin en commun pour faire de la farine. Le maïs apporte un revenu
supplémentaire aux fermiers.
Jon et ses deux salariés lancent d’ailleurs un atelier de taloak sur
la ferme. Ben, un ancien restaurateur, faisait partie des cuisiniers qui
achetaient sa farine. Il a complètement arrêté la restauration pour
être à 100% sur la ferme et travailler avec Jon.
« Au niveau du goût, ce maïs est assez complet. C’est un produit
qui se conserve bien, idéal quand on veut s’approvisionner en local,
même l’hiver, et qui permet d’expérimenter de nombreuses recettes :
taloak, polenta, semoule, etc. Un restaurateur peut faire de supers
bénéfices avec le maïs, et c’est sans gluten ! », sourit Ben pour La Relève et La Peste.
Ben a choisi de travailler le maïs à la façon des Mexicains, avec la nixtamalisation.
Cette technique culinaire d’Amérique centrale ancestrale consiste à
tremper les grains de maïs puis les cuire dans une solution alcaline,
habituellement de l’eau de chaux, ou un mélange de centres de bois et
d’eau. En fragilisant le péricarpe – la coque externe translucide du
grain d’amidon, cette méthode permet de bien digérer et profiter de tout
le contenu nutritionnel du maïs. Elle évitait ainsi aux sud américains
de contracter la pellagre.
Justement, à peine arrivés au champ, Jon reçoit l’appel d’une
restauratrice qui veut savoir quand sera prête la prochaine polenta. La
restauratrice voulait s’assurer d’avoir des stocks, la récolte ayant été
très mauvaise l’année d’avant à cause du vent.
Cette année, le challenge est donc de sélectionner des maïs
résistants à la verse, un accident de végétation touchant certaines
cultures qui se trouvent couchées au sol. En effet, les plants peuvent
rapidement atteindre 3,5m de hauteur et sont alors trop exposés au vent :
ils peuvent être pliés en deux.
« Vu qu’on a retrouvé les grains très tard, nous avions quand
même accusé un peu de retard en termes de sélection des semences,
notamment pour s’adapter au vent. Alors que les gros semenciers, eux, avaient déjà fait ce travail de sélection depuis 60 ans », précise Jon en montrant les différents épis.
La verse est devenue l’une de leurs difficultés principales. Les
paysans sont en première ligne de l’augmentation en intensité des
accidents climatiques, comme le coup de vent.
« Tout l’été, on croise les doigts. On voit la chaleur,
on voit les nuages qui arrivent, on se dit, est-ce qu’on va le prendre
là ? Et puis, ça tourne vite aussi. Des fois c’est menaçant, des fois
tout allait bien, mais ça pète d’un coup. »
Le cahier des charges du jour : que les épis de maïs aient poussé à
la moitié inférieure de la tige, pour que le centre de gravité soit le
plus bas possible, environ avant 1m50. Entre de beaux épis rouges et la
hauteur appropriée, le cœur de Jon balance parfois.
« Si j’ai vraiment une belle couleur, je risque de craquer. Je sens que c’est déchirant cette sélection aujourd’hui », raconte-t-il en souriant.
Jon sélectionne des maïs résistants à la verse – Crédit : Laurie Debove
Irrigation et spécificités du pays basque
L’autre particularité de ce maïs, c’est qu’il n’a pas besoin
d’irrigation, particulièrement au Pays basque où il pleut souvent : « très compliqué pour les céréales mais parfait pour le maïs », sourit Jon.
« Quand le maïs est arrivé, il s’est parfaitement adapté à nos
conditions pédoclimatiques basques. Grâce à lui, les populations se sont
beaucoup mieux nourries. Les historiens expliquent qu’il y a eu une
grosse évolution démographique à partir de l’arrivée du maïs », raconte Jon pour La Relève et La Peste.
Dans les Andes, c’est par le sol que le maïs prenait toute l’eau, vu
qu’ils étaient principalement cultivés sur des zones humides. Le maïs
était d’ailleurs cultivé en milpa, aussi connue sous le nom de
technique des trois sœurs : planté en poquet avec des intercultures de
courges, et des haricots qui grimpaient sur les tiges comme tuteurs.
« Surtout, l’avantage principal de ce maïs, par rapport à un maïs
industriel, c’est qu’il est sélectionné ici, avec mes conditions de
culture. Je ne travaille qu’en fertilisation organique donc ce qui est
important, c’est le précédent. Les nodosités qui seront restées de la
prairie précédente, dans les légumineuses, qui apportent de l’azote. Et
ensuite, l’apport de fumier que je vais composter. On est sur un sol qui
fonctionne par l’activité biologique, principalement », détaille-t-il.
Au pays basque, les entrées maritimes et les montagnes qui bloquent les
nuages créent un micro-climat pluvieux – Crédit : Laurie Debove
Jon travaille en rotations : 4 ans de prairie et 2 ans de maïs, pour
laisser le temps au sol de se reposer. Il pratique le labour seulement
deux années sur six, avant de planter le maïs.
« Ces maïs paysans explorent beaucoup mieux le sol que des maïs
industriels qui auront été conduits en système un peu hors-sol où on
leur apporte de l’engrais en surface, des produits chimiques, et ils
perdent cette capacité des racines à explorer le sol pour se nourrir. A
l’inverse, notre maïs a gardé une rusticité et une force racinaire très
importante », précise Jon.
Encore
mieux : le maïs réagit bien durant les années de sécheresse. En 2025,
la pluie arrivée au moment de la fructification a sauvé la mise. Une
fois la récolte effectuée, les cannes de maïs servent de litière aux
vaches. Et ce mélange va être composté en fermentation aérobie pendant
15 à 20 jours maximum. Cela permet d’avoir un engrais organique très
minéralisant.
« Évidemment, l’élevage est une contrainte. Il faut être là tous les jours. C’est
une production qui n’est pas rémunérée à sa juste valeur compte. Les
gens ne s’en rendent pas compte. C’est très injuste », déplore Jon.
A ses yeux, si on avait des systèmes de polyculture-élevage, cela
permettrait de grosses économies à la collectivité, ainsi que des
retombées environnementales positives. Du bon sens paysan qui n’est « pas du tout encouragé par la collectivité, ni la PAC ».
Jon et les paysans d’Arto Gorria, eux, préfèrent valoriser
leur savoir-faire et leurs choix de culture. Les bonnes années, leurs
rendements sont équivalents à l’agroindustrie et même supérieurs, car
ils n’achètent ni engrais chimiques, ni pesticides. Un bel exemple de
résilience territoriale.
____________________________
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le
reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France
et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur
utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car
nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous
souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
L’humoriste Guillaume Meurice, auteur de BD
sur la cause animale, nous raconte ses observations de chevreuils en
Bourgogne, sa volonté d’abolir tout rapport de domination sur Terre et
comment il «traduit sa colère par des vannes».
Rennes (Ille-et-Vilaine), reportage
La rencontre a lieu dans un café rennais qui ne paye, a priori,
pas de mine. En poussant la porte, on découvre un cadre chaleureux et
cosy, avec beaucoup de plantes vertes. La terrasse, dissimulée par la
verdure, offre une ravissante vue sur la Vilaine. «Monsieur est un habitué, il vient souvent ici», glisse la tenancière, complice.
Guillaume Meurice, arrivé légèrement en avance, est exactement tel
qu’on se l’imagine : grand, le visage long et sympathique surmonté d’une
touffe de cheveux poivre et sel, qui tranche étrangement avec des
traits juvéniles, presque adolescents… Sans doute le rire conserve-t-il.
Ce jour-là, c’est sous sa casquette de scénariste de BD que nous le rencontrons. L’humoriste, ex-chroniqueur de France Inter, vient de sortir deux albums : La Contre-révolte sans précédent (éd. Dargaud) en septembre, deuxième tome d’une série de BD humoristiques sur la cause animale, et Loumi, l’odyssée du poisson pané
en octobre (éd. Delcourt), sur les ravages de la surpêche. Deux
ouvrages tout public qui reflètent son engagement écologiste, et plus
particulièrement, son profond attachement à la condition animale. Choix
délibéré ou simple coïncidence? Le lieu qu’il a choisi pour cette rencontre s’appelle «Les chouettes».
« Tous les êtres vivants de cette planète sont mes colocataires »
Installé dans un petit fauteuil en velours, Guillaume Meurice est
détendu et d’humeur taquine : c’est le seul jour de la semaine où il ne
court pas après le temps, ballotté dans le TGV
entre Rennes et Paris. Voilà deux ans et demi qu’il réside dans la
capitale bretonne, où il a rejoint sa conjointe, rennaise depuis
toujours. Est-il devenu un «bobo rennais»? «Bien sûr! Je l’étais déjà avant de toute façon»,
rétorque le Breton d’adoption, désormais investi dans de nombreux
projets et collectifs locaux. S’il apprécie la bonne bière et les
guinguettes au bord de l’eau, il n’a cependant pas succombé à la galette
saucisse, emblème culinaire du chef-lieu d’Ille-et-Vilaine, et pour
cause : il est végétarien.
Pour Meurice, l’écologie consiste à abolir tout rapport de domination, y compris avec les animaux : «Je
considère que tous les êtres vivants de cette planète sont mes
colocataires, donc je ne vois pas pourquoi j’irais les défoncer pour les
manger. Je ne mange pas mes coloc’, moi», lance-t-il, en se marrant.
Élevé par des parents soixante-huitards — «les deux seuls qui votaient écolo du village» — cet enfant du pays bourguignon a toujours ressenti une dissonance entre cette éducation «de gauche» et le fait de continuer à consommer de la viande ou du poisson. «Mon
père pêchait à la mouche, il était très proche de la nature. Il adorait
marcher le long des rivières, et connaissait un tas de choses sur les
poissons… Tout ça pour accrocher un animal au bout d’un hameçon. Je le
charriais beaucoup là-dessus, en lui disant “si les poissons avaient des
cordes vocales, tu ne pêcherais pas!”» raconte l’humoriste, sans résister au plaisir d’imiter un poisson qui parle.
Un antispéciste revendiqué
Ce n’est que plus tard, au tournant de la trentaine, qu’il est devenu
vraiment végétarien. Le déclic s’est produit lors d’une discussion avec
un ami qui le place face à ses contradictions. «C’était un problème facile à résoudre pour moi, car je n’ai jamais été un gros viandard», ajoute-t-il. Depuis lors, il refuse de considérer les animaux comme des «proies» mais recherche au contraire un rapport d’égalité avec eux : «Ce qui m’intéresse, c’est la rencontre».
Il tente donc de provoquer cette rencontre avec le monde animal, en suivant des photographes animaliers et en faisant lui-même de l’affût chez ses parents, en Bourgogne. Il a récemment réussi à observer deux chevreuils : «C’était
une maman et son petit qui m’ont observé autant que je les observais,
pendant dix minutes. Et là dedans, il y avait un truc d’égal à égal.
C’était un des plus beaux moments de ma vie», raconte ce naturaliste amateur.
Se revendique-t-il antispéciste? «Oui, avant tout pour populariser le mot!» répond le célèbre humoriste, conscient des controverses que suscite le terme.«Dès que tu dis ça, on te répond toujours “et les moustiques alors?”
mais antispéciste, ça ne veut pas forcément dire mettre toutes les
espèces sur le même plan. Ça veut dire refuser le postulat du rapport de
domination. Refuser de penser qu’on a le droit de vie ou de mort sur
l’intégralité des autres êtres vivants de la planète. C’est juste ça.
Donc oui, je me considère antispéciste.»
Il pousse même la réflexion encore plus loin : «Je pense que tout le monde est un peu antispéciste, affirme-t-il, pas peu fier de sa sortie. Dans
la mesure où les gens ne mangent pas leurs chats, et où ils pleurent
quand leurs chiens meurent, ça veut bien dire qu’il y a un échange, une
complicité entre les humains et ces animaux.»
Humoriste, oui, mais pas militant
Meurice aime la polémique et n’a pas peur de la provoquer. Deux jours
avant cette rencontre, son collègue Pierre-Emmanuel Barré a créé le
scandale dans l’émission «La Dernière», animée par Meurice sur Radio Nova, après avoir dit que «la police, c’est comme Daesh avec la sécurité de l’emploi».
Il faisait référence aux violences policières à Sainte-Soline et aux
plaintes pour viol récemment déposées à l’encontre de deux policiers.
Résultat : le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez a porté plainte
contre l’humoriste.
Du pain béni pour Meurice qui «aime quand ça gratte, parce que ça oblige tout le monde à se positionner, et les masques tombent».
Lui-même a été d’ailleurs licencié de France Inter après une sortie sur
le chef d’État israélien, Benyamin Netanyahou. Cela ne semble pas
l’avoir vacciné, au contraire, «je ne cherche pas les polémiques à tout prix, mais c’est vrai que ça occupe!», se marre-t-il.
«Je ne cherche pas la polémique, mais c’est vrai que ça occupe!»
L’humoriste ne se considère toutefois pas comme un militant : «Je ne cherche pas à convaincre, je fais juste des blagues en donnant mon avis. Je traduis ma colère par des vannes.» Comment faire de l’humour sur des sujets comme l’exploitation animale, les abattoirs, l’abandon des animaux? «C’est
plus facile de traiter ça par l’humour parce qu’il y a des associations
qui font le taf et qui montrent la réalité. Pour faire de l’humour, il
faut un référentiel. Si tu fais de l’humour sur les abattoirs et que les
gens ne savent pas ce qui s’y passe, ça tombe à plat», explique celui qui soutient des associations comme L214 ou Sea Shepherd.
La bande dessinée pour parler de la cause animale
Avec la bande dessinée, Guillaume Meurice a trouvé un format qui lui
permet justement d’aborder ces sujets à sa façon. Dans sa série BDLa Révolte sans précédent,
réalisée avec la dessinatrice Sandrine Deloffre, il s’autorise un ton
loufoque, avec des animaux qui parlent sous un trait de dessin rond, un
poil naïf, qui permet de contourner l’écueil du gore. Le scénario en
lui-même est très «second degré», puisqu’il s’agit d’une bande d’animaux baptisée «la Meute», qui cherche la meilleure stratégie révolutionnaire pour mettre fin à l’exploitation animale par les humains. «C’est toujours drôle de faire parler des animaux, c’est un processus humoristique qui existe depuis Jean de La Fontaine», pointe Meurice. En plus, la BD joue sur les clichés.
«La BD est aussi beaucoup plus efficace pour expliquer quelque chose de complexe», observe-t-il. Dans sa deuxième BD, Loumi, L’Odyssée du poisson pané, le dessin permet d’illustrer en quelques cases les différentes techniques de pêche industrielles, «alors que ça aurait été beaucoup plus long et fastidieux par écrit», constate l’humoriste qui s’est énormément documenté pour scénariser cette BD. Il a puisé ses sources chez l’ONG Bloom, et a rencontré le scientifique Sébastien Moro, qui travaille sur la cognition des poissons.
Guillaume Meurice a un côté très perfectionniste : «J’aime bien que ce soit précis et rigoureux. Qu’il n’y ait pas d’erreur de chiffre ou de date», admet celui qui a fait changer un dessin d’espadon pour un requin-marteau à la dernière minute, avant que la BD
ne parte pour l’impression… À cause de ça, les dessinateurs avec qui il
collabore sont parfois un peu déstabilisés, mais Guillaume l’assure :
il travaille sur lui. Peu à peu, il a pris goût à la scénarisation de BD et annonce la sortie d’un troisième tome de La Révolte sans précédent, et d’un second tome des aventures de Loumi.
« Je ne fais pas ce métier pour être aimé »
Alors qu’il raconte sa nouvelle passion pour la BD, un trio de petites mamies vient s’asseoir sur la table juste à côté. «Oh mais c’est Guillaume Meurice! Est-ce qu’on peut vous prendre en photo?». Il accepte, et prend la pose, bonne pâte. Malgré sa célébrité, Meurice reste simple et sans chichi. «Et qu’est-ce qu’il fait à Rennes, Guillaume Meurice?»
demande l’une d’elles. Il répond, et les taquine un peu au passage. La
blague ne prend pas trop, les mamies n’ont pas tout compris. «C’est comme ça, relativise l’humoriste, tout le monde ne rit pas forcément à mes blagues.»
Certains sont même franchement énervés par son humour : il lui arrive
parfois de recevoir de longs mails d’insultes ou de haine, ce qui ne le
déstabilise pas plus que ça. «Je
ne fais pas ce métier pour être aimé, donc je n’ai pas de problème à ce
que les gens me détestent, ou ne soient pas d’accord avec moi.»
Outre sa force mentale, c’est surtout que Guillaume Meurice est un
homme, blanc, cisgenre, hétérosexuel, avec une certaine notoriété. Un
statut privilégié dont il a parfaitement conscience, et qui lui permet «de continuer à discuter avec tout le monde».
Sa botte secrète pour répondre aux climatosceptiques et aux antivégétariens? «Je
conseille toujours de questionner ces personnes plutôt que de leur
asséner des chiffres et des informations de façon descendante ou
méprisante, explique-t-il, en s’inspirant de ses cours de théâtre d’improvisation. Les
gens ne détestent rien tant qu’être pris en flagrant délit
d’incohérence. En leur posant des questions comme : “Mais au fait d’où
tu sors cette information sur les végétariens? Comment tu sais ça?”, on les pousse dans leurs retranchements. S’ils s’énervent, vous avez gagné.» Un conseil plus que bon à prendre à l’approche des fêtes de fin d’année.