Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan. Mais pas que. Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...
BLOG EN COURS D'ACTUALISATION... ...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...
La Commission européenne vient d’officialiser la création d’un groupe d’experts chargés de collecter des informations sur l’exploitation des gaz de schiste et sur d’éventuelles méthodes d’extraction moins polluantes. Le tout dans un esprit d’« échange d’idées équitable et équilibré », assure Bruxelles. Problème : la grande majorité de ces « experts » sont liés à l’industrie pétrolière et gazière, favorable aux gaz de schiste. Et de l’aveu même d’un de ses membres, ce groupe d’experts financé sur fonds publics aura pour but de rendre l’attitude des citoyens européens plus « pragmatique »et « favorable » aux gaz de schiste.
Malgré l’opposition massive des citoyens européens au gaz de schiste, la Commission européenne persiste dans la direction opposée. Après avoir exempté ces activités d’études d’impact environnemental spécifiques, elle met en place aujourd’hui un « réseau » d’experts largement dominé par les industriels et les gouvernements favorables au gaz de schiste. Les Amis de la terre Europe et le Corporate Europe Observatory, basé à Bruxelles, publient aujourd’hui une étude sur la composition de ce réseau, dont l’intitulé « Carte blanche for fracking » laisse présager le faible niveau d’indépendance de ces « experts ».
Sur 60 « experts » déjà nommés, 40% travaillent pour des entreprises comme Total, GDF Suez ou Shell, directement impliquées dans le gaz de schiste, ou pour des lobbies du secteur pétrolier et gazier, comme l’Union française des industries pétrolières (UFIP). Jean-Louis Schilansky, par ailleurs président du « Centre de documentation sur les hydrocarbures non conventionnels », le lobby récemment créé par les entreprises françaises intéressées au développement du gaz de schiste, en fait par exemple partie [1]. Les représentants de la société civile, en revanche, se comptent sur les doigts d’une main : ils ne sont que cinq ! Le reste est constitué soit de scientifiques dont la majorité est liée financièrement à l’industrie, soit de représentants de bureaux publics de recherche géologique, dont les intérêts sont souvent étroitement liés à ceux des promoteurs du gaz de schiste. Au total, 70% des membres de ce réseau ont des liens financiers avec l’industrie pétrolière et gazière...
« Renverser l’attitude défavorable envers le gaz de schiste »
Quel rôle joueront-ils ? Le « réseau européen scientifique et technologique européen sur l’extraction des hydrocarbures non conventionnels » [2] a pour mission officielle de collecter des informations sur les développements du gaz de schiste en Europe et d’évaluer les technologies utilisées pour les extraire. Ces experts seront ainsi chargés d’étudier les méthodes de fracturation hydraulique et ses alternatives éventuelles – pour l’instant totalement chimériques.
Ce réseau devra travaillé, selon la Commission, dans un esprit d’« échange d’idées équitable et équilibré ». L’une des cinq personnes désignées par la Commission pour présider les groupes de travail du « réseau », le Polonais Grzegorz Pieńkowski, se montre plus franc : « La mise en place [de ce réseau] est un pas en vue de renverser l’attitude défavorable ou soupçonneuse envers le gaz de schiste qui prévaut en Europe en une attitude plus pragmatique et, en dernière instance, favorable », explique-t-il dans un entretien avec un magazine professionnel
La Commission européenne s’est déjà retrouvée sous le feu des critiques pour avoir mis en place des groupes d’experts dominés par les intérêts industriels, que ce soit dans le domaine des OGM, des perturbateurs endocriniens, de la régulation de la finance, ou de la pollution de l’air. Ce qui ne l’empêche pas de récidiver aujourd’hui avec les gaz de schiste et la fracturation des sols. Elle a directement sélectionné les cinq présidents des groupes de travail : on y retrouve deux représentants d’entreprises pétrolières et gazières (CoconoPhillips et Cuadrilla), deux représentants de gouvernements pro-gaz de schiste (Royaume-Uni et Pologne) et le Français François Kalaydjian, employé de l’Institut français du pétrole [3], une organisation de recherche française liée à l’industrie et connue pour ses prises de positions favorables aux énergies fossiles.
Passage en force
Au final, une large majorité des membres du réseau, soit en personne soit à travers les entreprises, gouvernements et organisations qu’ils représentent, se sont déjà fait remarquer par leurs prises de position favorables au gaz de schiste ou par leur opposition à des régulations trop strictes de ces activités. Interpellé par les associations, le Joint Research Center (JRC), dont la mission est de coordonner les groupes d’experts de la Commission européenne, se contente de jouer avec les mots : comme il ne s’agit pas d’un groupe officiellement chargé de « conseiller » la Commission, mais seulement de rassembler des informations, il ne serait pas sujet aux normes d’équilibre et d’indépendance requises pour les autres groupes d’experts. De sorte que le JRC ne voit « aucune raison de modifier les règles ou la structure des groupes de travail ou leurs présidents ».
« Sous couvert de mettre en place un ‘réseau scientifique et technologique’, la Commission utilise des fonds publics pour créer un lobby favorable à l’industrie pétrolière et gazière, dénoncent les Amis de la terre Europe et le Corporate Europe Observatory. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que malgré l’opposition massive du public, la Commission cherche une nouvelle fois à faire entrer discrètement le gaz de schiste par la porte de derrière, en essayant de faire en sorte que la question ne soit pas ‘si’ l’Europe veut la fracturation hydraulique, mais ‘comment’. »
Olivier Petitjean
Photo : Forages d’exploitation de gaz de schiste aux États-Unis / CC Simon Fraser University
Sur les compteurs d'électricité "intelligents" Linky, l'Assemblée a rejeté un amendement écologiste qui aurait permis à un consommateur de "s'opposer à la mise en place d'un dispositif de comptage émettant des ondes électro-magnétiques".
Elle a en revanche adopté un autre amendement, également présenté par les écologistes, stipulant que les gestionnaires de réseaux d'électricité ne pourront avoir accès en temps réel, grâce aux compteurs Linky, aux données de consommation qu'avec l'accord du consommateur.
De : Jean BOUCHER
Date : 29 mai 2015 13:06
Objet : Réunion sur la goudronnerie de Vinça-Conflent lundi 1er juin
Bonjour,
Je transfère l'info que je viens de recevoir :
Réunion de l'association anti-goudronnerie de Vinça (qui vient de se créer et dont je ne connais pas le vrai nom...) Salle des fêtes de Rigarda lundi prochain à 18h
En pièces jointes quelques documents utiles pour se faire une opinion
Merci faire circuler
Jean Dernière précision : le nom de l'association est : "Conflent Environnement"
Actuellement en
salles, le film « Opération Correa » de Pierre Carles se propose de
dévoiler la logique marchande des grands médias qui pousse les journalistes à
ignorer le « miracle équatorien » et son principal protagoniste,
Rafael Correa, président de l’Équateur depuis presque neuf ans. De Podemos
(Espagne) à Syriza (Grèce), en passant par Jean-Luc Mélenchon en France, le
rêve équatorien séduit pourtant la gauche radicale européenne, et
l’« opération » de Pierre Carles entend donner à cet enthousiasme un
nouvel élan. Mais après ces neuf années, que peut-on dire du projet politique
de Rafael Correa ? Entre le silence des grands médias et la propagande des
hérauts de la « révolution citoyenne », difficile d’y voir clair.
Bien
qu’il soit impossible de dresser un bilan complet, certaines caractéristiques
de la gestion de Correa nous interpellent. En tant que militants, français,
latino-américains et notamment équatoriens, engagés dans des luttes concrètes
contre l’extractivisme, l’autoritarisme et le capitalisme (non,
nous ne sommes pas des agents de la CIA), nous sommes inquiets de constater que
la « révolution citoyenne » de Correa sert de source d’inspiration
aux dirigeants et militants en quête « d’alternatives » qui ne
semblent pas être au fait des réalités locales, ou qui décident de les ignorer
au risque de cautionner des politiques, discours et attitudes contre lesquels
ils se battent ici-même en Europe. Une mise au point s’impose.
(1) Rafael
Correa est-il anticapitaliste ?
Il nous répond
lui-même : « Nous faisons mieux avec le même modèle d’accumulation,
plutôt que de le changer, parce que notre intention n’est pas de porter
préjudice aux riches, mais de parvenir à une société plus juste et
équitable » |1|.
(2) Quel
genre de démocratie est l’Equateur de Rafael Correa ?
Rafael Correa
et son mouvement politique, Alianza País, ont enclenché un processus de
modification de la Constitution (promulguée lors de son premier mandat), qui
lui permettrait de briguer plus de deux mandats successifs |2|, contredisant ce qu’il
affirmait il y a peu : « ce serait très malheureux qu’une personne soit
si indispensable qu’il faille changer la Constitution pour modifier les règles
du jeu » |3|. La même réforme
constitutionnelle donnerait à l’armée le droit de participer à des opérations
de sécurité publique (article 158), limiterait la possibilité de citoyens de se
défendre contre les actes abusifs de l’État (article 88) et ferait de la
« communication gouvernementale » un service public impliquant un
droit de diffusion (au nom de ce service) et un contrôle accru sur les médias
publics et privés (article 384) |4|.
De même,
le décret présidentiel n°16 |5|
« encadre » si bien l’activité des associations que, quelques mois
après son entrée en vigueur, il a déjà permis la fermeture de la Fundación
Pachamama pour le motif qu’elle aurait exercé une activité politique menaçant
la sécurité de l’État |6|. Pour rappel, en
vertu de ce décret, l’activité politique n’est autorisée qu’aux partis
politiques, officiellement inscrits comme tels, sous peine de dissolution ou de
poursuites pénales ! Quelle liberté pour les contre-pouvoirs existe-t-il
aujourd’hui en Équateur si critiquer l’action du gouvernement peut mener les
représentants d’une association en prison ? Qu’est-ce qu’une
« activité politique » ? Il s’agit bel et bien d’un ensemble de
réformes anti-démocratiques et elles ne sont pas le fruit du hasard.
Sous les
mandats de Rafael Correa, les projets d’exploitation de ressources naturelles
sont lancés sans consultation des communautés indigènes |7|, en
violation de la convention 169 de l’OIT (ratifiée par l’Équateur) et de la
Constitution, instaurant un climat de peur et de répression des
opposants : emprisonnement sans preuve, assassinats inexpliqués,
répressions violentes, vexations quotidiennes. Dans la Cordillère du Condor (en
Amazonie), trois de nos camarades ont ainsi récemment disparu : en 2009,
Bosco Wisum est tué par la police lors d’une manifestation en opposition à la
nouvelle loi sur l’eau (favorisant sa privatisation) ; en 2013, Freddy
Taish est abattu lors d’une opération de l’armée ; enfin, en 2014, le
corps sans vie de José Tendetza, opposant notoire au mégaprojet minier chinois
Mirador, est retrouvé dans un affluent du Rio Zamora. Javier Ramirez, un des
leaders de l’opposition à l’exploitation du cuivre en Intag, a été emprisonné
durant 11 mois sans que les faits qui lui sont reprochés ne soient établis,
tandis qu’un autre opposant, Carlos Zorilla, d’origine cubaine mais qui réside
en Équateur depuis 1978, a été accusé publiquement par le président Rafael
Correa en personne, lors de son émission télévisée hebdomadaire, d’être « un
étranger qui empêche le développement [du] pays » ! |8|
Enfin, à propos
de l’avortement, nous vous laissons juger : en 2013, lorsqu’un petit
groupe de députées appartenant à Alianza País (parti de Rafael Correa)
proposent de le dépénaliser en cas de viol, Rafael Correa, fervent catholique,
menace de démissionner et dénonce la « trahison » des députées, tout
en jurant qu’il refuserait d’accepter cette décision du parlement si elle était
votée |9|. Son secrétaire
juridique, Alexis Mera, un homme politique qu’on situerait volontiers à
l’extrême droite en France, qualifiera de « mal baisées (mal
culiadas) » les féministes pro-avortement |10| !
Ambiance.
(3) La
« révolution citoyenne » de Rafael Correa est-elle portée par les
mouvements populaires, indigènes et paysans ?
Elle l’était à
ses débuts, elle ne l’est plus. Comme le démontre la récente tentative
d’expulsion de la CONAIE (Confédération des Nations Indigènes de l’Equateur) de
ses locaux à Quito et la fermeture de la Fondation Pachamama qui défendait les
droits des indigènes, la rupture du gouvernement équatorien avec les mouvements
sociaux est aujourd’hui entérinée. D’Intag (opposition de longue date à un
projet de mine de cuivre à ciel ouvert) |11| et Quimsacocha (lutte
contre un autre grand projet minier visant l’or, le cuivre et l’argent dans la
province d’Azuay) à la Cordillère du Condor, où les Shuars se mobilisent aussi
contre l’exploitation de cuivre ; du centre de l’Amazonie (résistance des
Kichwas de Sarayaku) |12| au nord, où les
populations subissent les pollutions dues à l’exploitation pétrolière |13|, en passant par la
défense du parc national Yasuni, les conflits socio-environnementaux, qui
impliquent de nombreuses communautés indigènes et paysannes, sont de plus en
plus importants |14|.
Au cours des dernières années, certaines manifestations massives mettant en
cause la politique du gouvernement ont réuni de nombreux secteurs de la gauche
équatorienne (partis politiques comme le MPD, syndicats, enseignants,
étudiants, mouvements autochtones, féministes et écologistes) |15|.
(4)
Rafael Correa a-t-il libéré le pays de la dette
Dette publique extérieure de l’Equateur
Pendant les
deux premières années du premier mandat de Rafael Correa (président depuis le
17 janvier 2007), la dette publique extérieure du pays a poursuivi la baisse
qu’elle avait entamée dès 1999 |16|,
notamment sous l’effet du prix élevé du pétrole mais aussi du refus de Correa
de payer la partie illégitime de la dette contractée auprès du FMI. Mais depuis 2009, elle est repartie à la
hausse et frôle les 16 milliards de $ en 2014, représentant 16% du PIB |17|. L’Équateur a, de
nouveau, fortement creusé sa dette en empruntant, notamment auprès de banques
publiques chinoises, pour un total qui avoisine les 8 milliards de dollars (6,3
milliards en février 2014) à des taux d’intérêt très élevés (entre 6 et 8%). La
dette publique extérieure de l’Équateur envers la Chine, qui représente déjà
plus de 36% de son endettement total (sans compter les crédits garantis par la
fourniture de pétrole) devrait augmenter de près de 50% avec les 7 milliards de
dollars pressentis pour le financement de la Raffinerie du Pacifique |18|.
(5) Rafael
Correa a-t-il réduit la pauvreté et les inégalités ?
Oui, mais par
quel biais ? Au cours de la décennie 2002-2012, les prix des matières
premières ont été au zénith. Les dépenses sociales des Etats se sont accrues
partout en Amérique latine : en 2010-2011, rapportées au PIB de chaque
pays, elles ont été plus importantes en Colombie, fidèle alliée des Etats-Unis,
et au Chili - élève-modèle des institutions financières internationales - qu’en
Equateur ! Après avoir augmenté dans les années 1980, la pauvreté
(monétaire) a elle aussi reculé dans l’ensemble de la région, et, là encore, le
libéral Pérou affiche une baisse plus importante (28,9 points sur dix ans) que
l’Equateur (16,8 points, ex aequo avec la Colombie) |19|.
C’est ce qu’on appelle la décennie « euphorique » |20| :
l’Amérique latine a enregistré un taux de croissance moyen de 4%, notamment
grâce à la hausse soutenue des prix des matières premières. Mais qu’en est-il
aujourd’hui, alors que les prix des métaux baissent depuis 2012 et celui de
pétrole chute depuis l’été 2014 ? L’Equateur peut-il vraiment suivre
l’exemple de l’Arabie Saoudite qui, elle aussi, tire ses revenus du pétrole ?
Et, avant tout, quels sont les coûts sociaux et environnementaux de cette
« euphorie » ?
(6) Rafael
Correa a-t-il changé le modèle économique du pays ?
Les
colonisations espagnole et portugaise ont légué aux pays latino-américains un
modèle économique basé sur l’exportation de leurs richesses naturelles. Ni les
indépendances, ni les tentatives d’industrialisation par substitution aux
importations ne sont parvenues à inverser ce « destin » transformé en
un « modèle de développement ». Dans les années 1990-2000, la
« primarisation » des économies nationales est renforcée par la
gestion de la crise de la dette par les institutions financières
internationales et leurs politiques d’ajustement
structurel, qui ont forcé l’ouverture des secteurs
extractifs aux capitaux privés. Malgré les effets d’annonce en début de son
premier mandat, d’aucune façon, Rafael Correa et ses gouvernements successifs
n’ont revu l’essence de ce modèle, toujours basé sur l’exploitation massive et
destructrice des ressources naturelles - extractivisme - quand bien même l’État
se donne plus de moyens de contrôle des projets et qu’il récupère une plus
importante partie de la rente. Comme depuis 500 ans, l’Équateur de Rafael Correa
reste « exportateur de la nature ». Les produits primaires (en
majeure partie pétrole, bananes et produits de la pêche) représentent 91,2% de
la valeur totale de ses exportations |21|.
La rente extractive est vitale pour l’Etat, plus d’un tiers de ses revenus
proviennent du pétrole |22|
. Sa dépendance vis-à-vis de ses clients - les pays riches ou émergents –
demeure, et la chute du prix du baril depuis l’été 2014 rend plus prégnante la
nécessité de chercher d’autres sources de revenus… en développant, par exemple,
l’activité minière !
(7) Rafael
Correa est-il anticolonialiste ?
Carte de l’Amazonie pétrolière en Equateur
Les visages et
les pays d’origine des colons ont changé, mais les fronts pionniers continuent
à avancer sur les derniers espaces intouchés. Sous couleur de l’émancipation
promise par le « socialisme du XXIe siècle », une nouvelle
conquête de terrae nulliae est en œuvre. La logique extractiviste, y compris
dans des territoires à la biodiversité exceptionnelle, se poursuit avec le même
cynisme qu’auparavant |23|. Alors que l’Équateur de
Correa avait promis d’œuvrer pour la préservation du parc Yasuni de
l’exploitation pétrolière, il a récemment fait volte-face et de nouvelles
concessions ont finalement été accordées dans le parc (bloc 31). Pour mieux
comprendre la situation, et mesurer la trahison que représente cette décision
vis-à-vis des mouvements sociaux, extraire du pétrole dans cette zone revient à
ce que Jean-Luc Mélenchon, une fois au pouvoir, accorde le droit d’exploiter le
gaz et le pétrole de schiste dans les Cévennes ou en Seine-et-Marne à Chevron
ou à BP. C’est pourtant ce que fait Rafael Correa avec le pétrole du Yasuni,
réduisant à néant le fameux projet Yasuni-ITT, qui visait à ne pas exploiter le
pétrole en échange de dons internationaux |24|.
Avant son arrivée au pouvoir, 30% de l’Amazonie équatorienne était
concessionnée aux entreprises pétrolières, aujourd’hui, c’est presque 80%
(carte disponible sur www.aldeah.org/files/images/...) |25|.
De même,
l’arrivée de Rafael Correa au pouvoir a signifié la reprise des projets miniers
à grande échelle initiés durant la période néolibérale qui a précédé ses
mandats. L’espoir a pourtant été grand au début de sa présidence, quand
l’Assemblée Constituante avait émis un moratoire de 6 mois sur cette industrie et
facilité l’annulation de centaines de permis d’exploration. Aujourd’hui, ces
permis concernent près de 5% du territoire national et remplissent les
« vides » laissés par les « blocs » pétroliers (et parfois
s’y superposent) sur la carte de l’Amazonie comme ailleurs dans le pays. Sous
couvert d’un contrôle accru de l’Etat (via notamment la coquille vide qu’est
l’entreprise publique Enami), le gouvernement soutient politiquement,
moralement et financièrement de nombreux projets miniers à grande échelle,
lesquels sont, pour leur grande majorité, menés par des multinationales
étrangères (chinoises, chiliennes et canadiennes). L’industrie minière, qui
symbolise toute l’horreur de l’impérialisme et de la prédation, est extrêmement
dévastatrice pour l’environnement, l’agriculture, la souveraineté alimentaire
et les communautés paysannes et indigènes.
La
détermination du Président à faire de l’Equateur un pays à la pointe de
l’extractivisme |26| a de quoi faire pâlir de
jalousie l’écolo-productiviste tartuffe Arnaud Montebourg. Rafael Correa a même
déclaré, sans sourciller, que l’interdiction des OGM, inscrite dans la Constitution de 2008,
était « une erreur » |27|. Pensant probablement à
Monsanto, soucieuse de pouvoir vendre ses semences et son Roundup.
(8)
Progressisme (occidental) ou décolonisation ?
La Constitution
de 2008 n’était pas l’œuvre de Correa, mais de l’Assemblée Constituante
impliquant de nombreuses forces sociales. Elle a fait du pays, du moins sur le
papier, un État plurinational, reconnaissant l’égalité entre
« nations » et cultures, métisse et indigènes. Symbole de cette
transformation, le « Sumak Kawsay » - un ensemble de principes
d’organisation politique, économique et sociale inspiré des pratiques
autochtones, traduit en espagnol par « buen vivir » - devait guider
la politique du pays, lui offrant « une vision utopique du futur |28| ».
Dans le même mouvement, la « nature » se voyait reconnaître des
droits et l’Équateur se disait prêt à garder sous terre les 900 millions de
barils de pétrole dans le parc Yasuni |29|.
Sept ans plus
tard, le projet ITT-Yasuni a été abandonné |30|.
Dans le discours du pouvoir, le « buen vivir » n’est plus qu’un
slogan utilisé à des fins de marketing politique, un
« terme-produit » fourre-tout qui se confond, selon les besoins de
ceux qui l’utilisent, avec le « socialisme », le « développement »,
« les services de base », voire « l’accroissement du pouvoir
d’achat ». Vidé de sa substance, de sa charge potentiellement subversive,
la notion de buen vivir, tout comme d’autres « concepts »
« indigènes », sont devenus des folklorismes utilisés non seulement
hors propos, mais aussi, voire surtout, détournés pour justifier des projets
diamétralement opposés à ce qu’ils sont censés signifier.
Ainsi, le
projet-phare (après l’abandon de ITT-Yasuni) de la « révolution
citoyenne », la méga cité de la connaissance - conçue dans la plus pure
tradition disciplinaire, technocrate et méritocratique occidentale, s’inspirant
du modèle sud-coréen et devant devenir un pôle d’excellence dans les nouvelles
sciences et technologies (celles-là mêmes dont le courant transhumaniste
appelle de ses vœux la convergence) - a été baptisée Yachay,
« sagesse » ou « savoir » chamanique en langue quichua, se
référant à une tradition ancestrale et toujours bien vivante. Autant dire que
les Yachak (chamans) indigènes le prennent comme une insulte.
Rafael Correa
et sa « révolution citoyenne » œuvrent bel et bien à la modernisation
capitaliste du pays. Selon le schéma classique - celui de la colonisation, du
FMI, de la Banque Mondiale, de Washington
ou de Pékin - la modernisation passe par l’industrialisation et l’extractivisme
est un préalable à cette dernière. Rien ne garantit que l’Équateur passe de
cette première « étape » à la seconde. Quoi qu’il arrive, les
sociétés indigènes et paysannes, considérées dans ce modèle comme arriérées,
doivent non seulement s’ouvrir au « progrès » et à ses lumières, mais
aussi en payer les frais.
Plutôt
que de chercher des idoles exotiques légitimant ce modèle prédateur, les
militants anticapitalistes de France et d’ailleurs devraient plutôt tisser des
liens solidaires avec les luttes sociales qui lui résistent. Tout comme,
pendant la guerre froide, certains ont su refuser de choisir entre le
« capitalisme de marché » des pays occidentaux et le
« capitalisme d’État » du bloc de l’Est, ayons le courage de refuser
et les politiques d’austérité imposées par la Troika, et la voie tracée par de
nouveaux messies venus d’ailleurs qui ne servent, au final, que la reproduction
du capital en sacrifiant les territoires et leurs habitants sur l’autel du
progrès. Il existe d’autres voies, en dehors du capitalisme, qu’il soit andin,
amazonien, chinois, français, états-unien, ou même grec.
|15|
Voir par exemple les mobilisations du 22 mars 2012 (la marche pour l’eau), du
17 septembre 2014, du 19 mars 2015.
|16|
La dette publique extérieure de l’Equateur était de 14 milliards de $ en 1999,
de 8 milliards en 2009. Elle est de nouveau de 16 milliards aujourd’hui.
Source : http://data.iadb.org/ViewIndicator/...
Lire également http://www.forumdesalternatives.org...].
De plus, si Correa surfe encore sur le fait qu’il a expulsé du pays les
institutions financières internationales, la Banque mondiale et le FMI - ce qui
l’a transformé en « star » aux yeux des partis de gauche
européens -, l’Etat équatorien émet de nouveau des titres sur les marchés
financiers (sous la conduite de Citibank et du Crédit suisse…) et a récemment
fait appel à la Banque mondiale ... et même à Goldman Sachs[[http://www.cetri.be/spip.php?article3627
et note (4) http://cadtm.org/Situation-internat...
- nh2-4
|19|
Panorama social de América Latina 2012, CEPAL, Santiago de Chile, 2012 ;
Panorama social de América Latina 2013, CEPAL, Santiago de Chile, 2013.
|20|
Panorama social de América Latina 2012, CEPAL, Santiago de Chile, 2012 ;
Panorama social de América Latina 2013, CEPAL, Santiago de Chile, 2013.
|21|
Anuario estadístico de América Latina y el Caribe, CEPAL, 2013, p. 112.
|25|
11e appel d’offres. Certaines concessions, déjà attribuées avant le
lancement de l’initiative Yasuní-ITT (2007) se trouvent à l’intérieur du parc
Yasuní et le pétrole y est déjà exploité. Carte sur www.aldeah.org/files/images/....
|28|
Alberto Flores Galindo, auteur péruvien cité par Acosta dans “El buen vivir en
Ecuador : ¿marketing político o proyecto en disputa ?” Un diálogo con
Alberto Acosta, ÍCONOS 48, 2014, pp. 101-117
Pourquoi la politique du président équatorien Rafael Correa, qui va à l’encontre des plans d’austérité et enregistre depuis huit ans des succès économiques, a-t-elle aussi peu d’écho en France ? Bien connu pour son travail de critique des médias, le documentariste Pierre Carles s’est penché sur la question dans son dernier film « Opération Correa Épisode 1 : Les ânes ont soif ». Entretien.
Qu’est-ce qui vous a poussé à parler de Rafael Correa ?
À l’origine, Le Monde Diplomatique m’a demandé d’enquêter
sur le fait que le journal n’est jamais cité dans les revues de presse radiophoniques, alors qu’il a pourtant le plus grand rayonnement
à l’étranger [35 éditions internationales, 19 langues, ndlr].
des ravages commis : part illégale, part illégitime, part odieuse
et part insoutenable. En Grèce, on n’est pas loin de la dette odieuse,
qui porte atteinte aux droits fondamentaux des citoyens : se loger, se nourrir…
Il faut établir un rapport de force avec les créanciers
qui continuent à ponctionner, pomper, exploiter.
Avant, on faisait la guerre pour piller des ressources.
Maintenant le pillage se fait de manière plus maline et plus « light ».
Est-ce que les mouvements de gauche radicale, comme
le gouvernement de Syriza en Grèce, ou Podemos en Espagne,
sont réceptifs à l’expérience équatorienne?
En 2008, l’Équateur a effectué un défaut de paiement sur
la dette publique en la considérant comme illégitime.
Il n’y a pas de raison pour qu’on ne puisse pas le reproduire ailleurs.
Ce n’est pas un hasard si Eric Toussaint, l’un des fondateurs
du CADTM, a participé à l’audit de la dette équatorienne
et à la commission qui chiffre la part illégitime
de la dette publique grecque.
Les dirigeants grecs et Podemos regardent de très près comment fait l’Équateur pour rendre sa dette soutenable.
Retrouver des marges de manœuvre financière.
Injecter une partie de l’argent économisé dans des programmes d’investissement public, dans l’éducation, la santé.
Ce que la Grèce ne peut pas faire aujourd’hui,
tant qu’elle est confrontée à cette dette insoutenable.
La pression de la dette grecque est exercée par l’Allemagne.
Comment l’Équateur s’est-il affranchi des États-Unis ?
Il a bénéficié de l’élection d’Hugo Chavez en 1998, qui a marqué un changement des relations entre une partie de l’Amérique latine
et les États-Unis. À son arrivée au pouvoir, Correa a fermé
la base étasunienne de Manta, sur la côte pacifique.
Officiellement dédiée à la lutte contre le narcotrafic,
elle constituait en réalité une ingérence très claire
dans la souveraineté du pays. Leurs premières mesures
ont donc été de retrouver leur souveraineté en fermant
ces bases ou en récupérant les ressources minières
pillées par les compagnies pétrolières,
dont les profits partaient à l’étranger.
L’Équateur a contracté un important emprunt avec la Chine,
qui est devenu son premier investisseur.
N’est-ce pas juste une façon de déplacer le problème ?
La différence avec les dettes antérieures, c’est que la Chine
n’interfère pas dans la politique du pays.
Quand le FMI prête de l’argent, il demande des ajustements structurels.
La Troïka et les organismes prêteurs ordonnent à la Grèce des mesures.
Le rapport de force n’est pas le même.
L’Équateur a besoin d’argent pour ces projets dans l’éducation,
la santé, la sécurité sociale, l’augmentation des salaires.
Avec des prêts de la Chine et du Vénézuela, dix milliards de dollars ont également été investis dans une raffinerie géante, la Raffinerie
du Pacifique, afin de pouvoir exporter un pétrole raffiné.
À terme, il y a une volonté de souveraineté économique et
de production locale. Aujourd’hui, l’Équateur, qui exporte
son pétrole brut à un prix relativement faible, se retrouve obligé
d’en importer pour sa consommation locale, raffiné ailleurs,
à un prix plus élevé. La différence va dans des poches étrangères.
Pour autant, peut-on parler de miracle équatorien ?
La Colombie, en guerre civile depuis des dizaine d’années,
voit avec envie ce qui se passe chez son voisin.
Depuis l’arrivée de Correa, les inégalités entre les 10% les plus riches
et les 10% les plus pauvres ont baissé.
Des routes ont été construites et réparées.
L’État est relativement présent sur l’ensemble du territoire.
Il y a des hôpitaux, des dispensaires, des écoles gratuites.
C’est le résultat de luttes. Ces avancées impressionnent les pays voisins. Néanmoins, c’est un modèle productiviste et centralisé,
ce qui est critiquable.
Qu’est-ce qui lie ces nouveaux états sud-américains, souvent d’inspiration bolivarienne?
Chavez, Correa, Morales ou Kirchner en Argentine sont arrivés
au pouvoir de manière différente. Ils se sont entraidés
en créant des organismes de coopération importants,
se passant des États-Unis.
Quand il y a eu des tentatives de coup d’état –
au Vénézuela en avril 2002, en Équateur en septembre 2010 –
les autres pays se sont montrés solidaires.
Pour eux, ce n’est plus possible qu’on remette en place
des dictatures de droite appuyées par les États-Unis.
On reproche à ces gouvernements de faire preuve d’autoritarisme,
voire d’être des dictatures…
Dans un reportage, Arte avait qualifié Chavez de dictateur quand
il a été victime du coup d’état d’avril 2002.
C’est un retournement incroyable.
Le sujet racontait qu’il avait démissionné.
Ce qui était complètement faux. Il y a de la désinformation
dans des journaux comme Libération. Paulo Paranagua,
responsable du service Amérique latine du Monde est
un anti-castriste et anti-chaviste primaire.
Si on veut s’informer sur ce qui se passe dans ces pays,
il vaut mieux lire Le Monde Diplomatique, l’Humanité
ou les articles de Patrick Bèle dans Le Figaro.
On voit dans votre film que Correa a fermé trois chaînes de télévision et une radio en 2008. Son rapport aux médias est controversé…
Je ne suis pas sûr que le premier reproche qu’on puisse lui faire soit d’avoir régulé l’audiovisuel en 2013, en inscrivant dans la Constitution une part de 33% de médias publics, 33% de médias privés et 33% de médias communautaires et associatifs. On ferait mieux de s’en inspirer. Une journaliste espagnole a reproché à Correa d’avoir fermé des médias2 appartenant aux banquiers de la Filanbanco, les frères William et Roberto Isaias, en exil à Miami et accusés de détournement de fonds. Elle trouve inconvenant qu’une partie du capital ait été redistribuée aux salariés. Or c’est plutôt une bonne chose que les salariés soient propriétaires de leur outil de travail. Car ces médias ne sont pas neutres : ils appartiennent à des gens qui sont dérangés dans leur business, à des banquiers qui ont pillé le peuple équatorien au moment de la fermeture des banques en 1999. Les intérêts de ces médias détenus par des groupes industriels ne vont pas forcément dans le sens de l’État équatorien.
On ne peut pas dire que tout est rose en Équateur…
Non. Par exemple, les mouvements sociaux qui contestent des aspects de la politique de Correa ne sont pas pris en compte. En avril dernier, à Quito, des manifestations ont dénoncé la politique extractiviste qui consiste à puiser dans les ressources minières et pétrolières pour développer le pays… en occasionnant des ravages environnementaux – et sans qu’il y ait forcément de concertation. On attendrait aussi d’un régime progressiste des mesures envers les femmes, comme la légalisation de l’avortement. Au bout de huit ans, des penchants autoritaires se révèlent et dérangent à la gauche de Correa. Quand on enquêtera sur place, on parlera des avancées mais aussi de ces aspects problématiques.
Il y a également une volonté d’adopter le tout électrique qui n’est pas sans poser problème…
Aujourd’hui, les habitants cuisinent au gaz, ce qui coûte très cher à l’État, qui subventionne les bouteilles de gaz importé. Celui-ci veut généraliser le passage aux plaques à induction, et un programme d’équipement et de subvention est à l’oeuvre. Correa a également lancé la construction de huit barrages hydro-électriques très importants qui devraient, à court terme, permettre au pays d’être autonome en énergie renouvelable. Sur le papier, ça tient la route. Mais ce programme ne tient pas compte des habitudes culturelles des habitants. D’où des résistances et des contestations de pans entiers de la population qui ne se sentent pas associés à cette politique.
Comment avez-vous préparé l’enquête qui doit faire l’objet de cette deuxième partie?
En mars, avec Nina Faure, on a fait un repérage de trois semaines sur le terrain. Voir comment ça se passe. Sentir le pays. Rencontrer des pro-Correa et des opposants de gauche, des déçus. On n’est pas allés voir l’opposition de droite issue de l’oligarchie. On est allés dans la campagne voir d’autres réalités que celles des trois grandes villes de Quito, Cuenca et Guayaquil.
On a une idée, forcément imparfaite, de ce qui fonctionne et de ce qui pose problème. On va essayer de la sortir en début d’année prochaine. Peut-être qu’on l’appellera « Révolution et induction », en référence à ces plaques à induction qui cristallisent à la fois des aspects intéressants et problématiques.
Selon vous, Correa est soutenu par les classes populaires…
En 2013, il a été réélu [pour la troisième fois] au premier tour avec 57% des voix, dans un pays où il n’y a pas d’abstention car le vote est obligatoire. C’est une assise très large. Comme en Bolivie, où Morales a été élu avec 61% des voix au premier tour. Ces gouvernements ont une légitimité populaire énorme. Les gens ont vu les améliorations de leur niveau de vie, avec une retraite supérieure à ce qu’ils avaient avant – quand ils en avaient une. Avant, vous pouviez crever dans un hôpital parce que vous n’aviez pas d’argent! Maintenant les hôpitaux privés ont l’obligation, en cas d’urgence, de vous recevoir, et on peut désormais s’y faire soigner avec la sécurité sociale. Faire des études gratuites. Ces mesures ont amélioré le sort des plus pauvres et énervé les plus riches.
N’y a t-il pas un risque de vous laisser fasciner par le personnage?
Chaque fois qu’on fait des films, on peut se laisser fasciner. Mais on ne travaille pas seul. Le travail collectif permet de limiter ce risque. On présente des versions de travail à un public restreint pour recevoir des critiques, s’améliorer. Les retours critiques ne nous font pas peur. C’est comme ça qu’on fait des films qui tiennent la route.
Pierre Carles – D.R.
En 2012, Correa a donné asile à Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, dans son ambassade de Londres. Pourquoi, selon vous?
Peut-être pour un enjeu de politique intérieure. C’était une façon pour Correa, très contesté par l’opposition sur son rapport aux médias, de leur faire un pied de nez en disant : « Je suis un grand défenseur de la liberté d’expression. Je donne l’asile à Julian Assange. » Toujours est-il qu’il fallait avoir le courage de le faire et de se mettre à dos les États-Unis, très fâchés de ne pas pouvoir l’extrader.
En 2013, l’avion d’Evo Morales a été stoppé à Vienne par la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, car les États-Unis le soupçonnaient de transporter Edward Snowden. Ça a fait un scandale en Amérique latine. Il y a eu des manifestations devant l’ambassade de France à la Paz. Des drapeaux français ont été incendiés. Evo Morales a expliqué qu’il a été séquestré. On a même tenté de fouiller son avion présidentiel, qui bénéficie pourtant d’un statut d’extraterritorialité. C’est une ingérence des États-Unis dans les affaires de ces quatre pays européens, qui se sont comportés comme des vassaux. Tout ça aurait dû faire l’objet d’enquêtes et la Une des journaux. Mais il y a un tel parti-pris pro-américain que c’est passé, en France, comme une lettre à la poste.
Le but est d’étaler ces films jusqu’aux présidentielles 2017, avec un financement participatif…
Le premier épisode a été financé avec très peu. On l’a sorti au cinéma pour le faire circuler et rapporter un peu d’argent. Le deuxième est en train d’être financé par les internautes. Toutes les ressources sont les bienvenues, à condition qu’elles ne nous lient pas. Pas question de recevoir d’argent du gouvernement équatorien. Quant aux chaînes de télévision françaises, l’Équateur n’a pas l’air d’être leur priorité. Et mes films en sont bannis. En dix-sept ans, aucun de mes huit long-métrages n’a été diffusé sur une chaîne de télévision. On n’a pas d’autre choix que d’aller chercher un financement auprès des spectateurs, des internautes.
Est-ce une façon de s’adresser aux futurs candidats de 2017, tout comme le précédent film « DSK, Hollande, etc. » se référait aux élections de 2012 ?
En 2012, on a voulu montrer à quel point le jeu est faussé. Les grands médias orientent le vote des électeurs, construisent des catégories de gros et de petits candidats, et fabriquent un duo jugé « sérieux ». Ils arrivent à mettre dans la tête des gens qu’il n’y pas d’autres choix possibles que ces deux là, dont les programmes sont en réalité très proches. C’est pour cela que les médias ont promu les candidatures de DSK et François Hollande, tous les deux issus de l’aile droite du Parti Socialiste. Tout en prenant au sérieux la candidature de Nicolas Sarkozy. Le choix proposé, c’était droite-droite et non droite-gauche, comme on l’a fait croire au deuxième tour.
Avant l’élection de mai 2017, on va essayer avec ces films de contribuer à l’enrichissement du débat politique. Faire connaître aux citoyens l’existence d’autres modèles de société. Il ne faut pas compter sur ces grands médias pour nous en informer.
Vous avez participé à l’expérience de Pour lire pas lu / Plan B, « le journal qui mort et fuit » dont le nom est inspiré de votre film « Pas vu pas pris ». Où en est la presse alternative ?
Il y a pas mal de journaux indépendants comme Fakir, CQFD la Décroissance, la Brique, Silence, l’Envolée… Mais pas de radio ou de télé alternative. Pour l’instant, les médias indépendants ne constituent pas une alternative aux médias dominants pour le grand public.
Si on veut qu’il y ait un jour des médias alternatifs, il faudrait déjà que les médias traditionnels aient moins d’espace. Je milite pour une réduction de leur l’espace. Pour la suppression de certaines chaînes et radios hégémoniques. Si on veut voir émerger de véritables radios ou télévisions de gauche, communiste, il faudrait que les médias de droite privés et publics cèdent un peu leur place. Qu’ils cessent de nous asphyxier avec leur pensée néo-libérale. Ce qui passe par des mesures coercitives, parce que si on leur demande ils ne le feront jamais. On en est encore loin. Mais on a vu en Équateur qu’il est possible de réguler le spectre audiovisuel. J’espère que ça sera fait ici un jour.
Notes
1 En 2008 les chaînes de télévision Gamavision, TC Television et Cablevision appartenant aux frères Isaias ont été saisies. La radio Sucre a également été fermée
2En 2011, après une plainte de Rafael Correa, quatre dirigeants du journal de droite conservateur El Universo ont été condamnés pour diffamation à trois ans de prison, dont l’éditorialiste Emilio Palacio, frère de l’ancien président Alfredo Palacio, depuis parti aux États-Unis
Julien Le Gros est un journaliste indépendant, spécialisé sur les cultures d'Afrique. Il a notamment écrit dans pour Jazzman - Jazz magazine, Afriscope, Mondomix.. mais aussi sur Internet avec Africultures, Mondafrique, Tribune 2 l'artiste, International Hip Hop. Il a fait des reportages au Kenya, Cameroun, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Sénégal et récemment en Guinée Conakry sur le virus Ebola.